II. LA PROPOSITION DE LA LOI TEND À INSTAURER UNE INTERDICTION ABSOLUE DE CONTRACTER UN MARIAGE SI L'UN DES FUTURS ÉPOUX SÉJOURNE IRRÉGULIÈREMENT SUR LE TERRITOIRE NATIONAL

La proposition de loi contient un article unique insérant un nouvel article 143-1 au sein du chapitre Ier du livre V du livre Ier du code civil, relatif aux « qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage ». Ce nouvel article 143-1 disposerait que « le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national », ce qui n'inclut donc pas les personnes titulaires d'un simple visa de tourisme d'une durée de trois mois. Ainsi, il ajouterait à la liste des restrictions à la liberté de mariage déjà prévues par le code civil un nouveau motif qui reviendrait à conditionner cette liberté à la régularité du séjour sur le territoire national.

La proposition de loi ne prévoit aucune exception à cette interdiction. De même, elle ne prévoit aucun recours spécifique, qu'il soit hiérarchique ou juridictionnel. En l'absence de précision, les règles générales du droit administratif s'appliqueraient donc.

Elle ne détermine pas, non plus, l'autorité qui serait en charge de se prononcer sur le respect de la condition de régularité du séjour. Toutefois, en l'absence de précision, cette tâche relèverait vraisemblablement du procureur de la République, puisque, d'une part, l'article 34-1 du code civil précise que les officiers d'état civil « exercent leurs fonctions sous le contrôle du procureur de la République », et, d'autre part, que celui-ci est la seule autorité publique habilitée à s'opposer à un mariage s'il estime qu'il pourrait être atteint par une cause de nullité. Faute de précision, il reviendrait probablement à l'officier d'état civil de vérifier que les conditions légales pour célébrer le mariage sont réunies, en vertu de l'article 63 du code civil qui lui confie la tâche de contrôler - notamment - l'identité des futurs époux.

III. MALGRÉ DES OBJECTIFS PARTAGÉS PAR LA COMMISSION, L'ADOPTION EN L'ÉTAT DE LA PROPOSITION DE LOI N'EST PAS ENVISAGEABLE EN L'ABSENCE DE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE

La commission s'est montrée sensible aux deux objectifs de la présente proposition de loi, à savoir, d'une part, la protection des officiers d'état civil - principalement les maires - qui ne disposent pas toujours, en l'état du droit, de toutes les informations nécessaires à l'appréciation de la légalité des mariages, et, d'autre part, le renforcement de la lutte contre ces mariages frauduleux, qui dévoient une institution centrale dans la société.

Nonobstant l'éventuelle adoption d'amendements au stade de la séance publique visant à assurer une conciliation de ces deux objectifs avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la commission a pris acte de l'impossibilité juridique d'adopter la présente proposition de loi en l'état, la jurisprudence constitutionnelle, réitérée depuis plus de trente ans, ne permettant pas, sans qu'une marge d'interprétation ne soit permise, de conditionner la célébration d'un mariage à la régularité du séjour des futurs époux.

À moins d'une évolution jurisprudentielle que rien ne permet d'envisager à ce stade, la commission souligne que seule une révision de la Constitution permettrait d'aller dans le sens souhaité par l'auteur de la proposition de loi. À cet égard, la commission rappelle qu'elle a adopté, le 6 décembre 2023, la proposition de loi constitutionnelle n° 175 (2023 - 2024) de Bruno Retailleau, alors sénateur, relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l'immigration et à l'asile, dont l'article 9 permettait le signalement à l'autorité préfectorale des étrangers en situation irrégulière accomplissant les formalités du mariage.

En conséquence, en application du « gentlemen's agreement » soumettant à l'accord de l'auteur d'un texte inscrit à l'ordre du jour d'un espace réservé d'un groupe minoritaire toute adoption d'amendement au stade de la commission, cette dernière a rejeté la présente proposition de loi, réservant la suite des débats à l'examen du texte en séance publique.

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