N° 333

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 février 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l'un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire,

Par M. Stéphane LE RUDULIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

190 rect. (2023-2024) et 334 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Le refus, en 2023, par le maire de Béziers (Hérault), Robert Ménard, et le maire d'Haumont (Nord), Stéphane Wilmotte, de marier dans leur commune respective un ressortissant étranger soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) avec une Française a ouvert un débat nourri sur l'opportunité de modifier la législation civile, dans lequel s'inscrit la présente proposition de loi.

Alors qu'en l'état du droit, la liberté de mariage n'est pas conditionnée à la régularité du séjour, notamment à la suite de plusieurs décisions du Conseil constitutionnel déclarant contraires à la Constitution des dispositions législatives procédant à une telle mesure, la présente proposition de loi, déposée par Stéphane Demilly et inscrite dans l'espace réservé du groupe Union centriste, tend en effet à instaurer une interdiction absolue de contracter un mariage pour toute personne en situation irrégulière sur le territoire national. Elle porte ainsi un double objectif de renforcement de la prévention des mariages simulés ou arrangés et de protection des maires, qui sont souvent en première ligne face à des demandes de mariage dont la légalité peut interroger au regard l'exigence d'une réelle volonté matrimoniale.

Bien qu'elle partage ces objectifs, la commission, sur proposition de son rapporteur, Stéphane Le Rudulier, et sans préjudice d'adaptations éventuelles des dispositifs de lutte contre les mariages arrangés ou simulés au stade de la séance publique, n'a pas adopté ce texte, qui contrevient, en l'état, à la jurisprudence constitutionnelle.

I. LES RESTRICTIONS À LA LIBERTÉ DE MARIAGE SONT PEU NOMBREUSES ET N'INCLUENT PAS L'IRRÉGULARITÉ DU SÉJOUR DU OU DES FUTURS ÉPOUX

A. BIEN QUE CONSACRÉE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET PLUSIEURS TRAITÉS INTERNATIONAUX, LA LIBERTÉ DE MARIAGE N'EST PAS ABSOLUE

La liberté matrimoniale constitue, pour le Conseil constitutionnel qui l'a rappelé à plusieurs reprises au cours des trois dernières décennies1(*), une liberté fondamentale à valeur constitutionnelle, reconnue à tous ceux qui résident sur le territoire national, quelle que soit leur situation. Le Conseil constitutionnel a tout d'abord considéré en 1993 que « la liberté du mariage » était « une des composantes de la liberté individuelle », avant de rattacher cette liberté, en 2003, à « la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 ». Depuis lors, le Conseil constitutionnel a systématiquement fait usage des mêmes termes pour qualifier la liberté matrimoniale.

Cette liberté est également protégée par les engagements internationaux de la France, notamment l'article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH), l'article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 16 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et du citoyen.

Toutefois, malgré la reconnaissance constitutionnelle et conventionnelle de la liberté matrimoniale, celle-ci connaît des limites et n'est donc pas absolue.

Conformément à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens, auquel fait systématiquement référence le Conseil constitutionnel depuis 2003, les « bornes » à la liberté de mariage « ne peuvent être déterminées que par la loi ». Ainsi, le Conseil constitutionnel reconnaît que la liberté du mariage « ne restreint pas la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les conditions du mariage dès lors [qu'il] ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ». Les articles 12 de la CEDH et 9 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne disposent également que l'exercice du droit au mariage est régi par les lois nationales.

Les restrictions à la liberté au mariage prévues par la législation française sont cependant, en conséquence de la haute considération qui est portée à cette liberté, peu nombreuses puisque le code civil n'en énumère que quatre, qui concernent exclusivement :

- les mineurs, bien que des dispenses à cette restriction puissent être exceptionnellement autorisées « pour des motifs graves » par le procureur de la République, sous certaines conditions ;

- la polygamie ;

- la consanguinité, le code civil prohibant les mariages entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne et, en ligne collatérale, entre les frères et soeurs et entre l'oncle ou la tante et la nièce ou le neveu. Seul le Président de la République peut lever certaines de ces prohibitions, « pour des causes graves » ;

- l'absence de consentement, qui peut justifier l'opposition du ministère public au mariage ou, a posteriori, son annulation. Lorsqu'il existe « des indices sérieux laissant présumer » une absence de consentement, que l'officier d'état civil peut notamment apprécier au vu des pièces fournies par les époux et à l'occasion d'une audition commune ou d'entretiens individuels préalables à la publication des bans qu'il peut mener en application de l'article 63 du code civil, il doit, conformément à l'article 175-2 du même code, saisir « sans délai » le procureur de la République. Celui-ci est alors tenu, dans les quinze jours de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de s'y opposer, soit de décider qu'il sera sursis à sa célébration, dans l'attente des résultats d'une enquête. Ce sursis est limité à une durée d'un mois renouvelable une fois, à l'expiration de laquelle il fait connaître par une décision motivée à l'officier d'état civil s'il laisse procéder au mariage ou s'il s'oppose à sa célébration.

C'est sur le fondement de cet article 175-2, relatif au vice de consentement, que repose le dispositif civil de prévention des mariages simulés ou arrangés. Le dispositif pénal de lutte contre ces mariages repose sur l'article L. 823-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui punit la tentative de contractation d'un mariage « aux seules fins d'acquérir la nationalité française », ou le fait d'avoir contracté un tel mariage, d'une peine pouvant atteindre cinq ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.

Bien que ces dispositions constituent une entrave à la liberté du mariage, le Conseil constitutionnel a considéré que le cadre législatif actuel était conforme à la Constitution, d'une part car « la liberté du mariage [...] ne fait pas obstacle à ce que le législateur prenne des mesures de prévention ou de lutte contre les mariages contractés à des fins étrangères à l'union matrimoniale », d'autre part car il a réfuté explicitement l'existence d'un « droit de contracter mariage à des fins étrangères à l'union matrimoniale ».

B. EN L'ÉTAT DU DROIT, UN MAIRE NE PEUT PAS S'OPPOSER AU MARIAGE D'UN RESSORTISSANT ÉTRANGER EN SITUATION IRRÉGULIÈRE AVEC UNE PERSONNE DE NATIONALITÉ FRANÇAISE

Bien que le Conseil constitutionnel, tout comme les traités internationaux précités, autorisent l'établissement, par le législateur, de « bornes » à la liberté du mariage, celle-ci est, en l'état du droit et de la jurisprudence constitutionnelle, dissociée du droit au séjour. Autrement dit, la liberté de mariage n'est pas conditionnée à la régularité du séjour.

En conséquence, le maire, en tant qu'officier d'état civil, ne dispose d'aucun pouvoir pour s'opposer formellement à un mariage, y compris lorsque ce dernier concerne une personne soumise à une OQTF. Conformément aux articles 432-1 et 432-7 du code pénal, un maire qui s'opposerait de façon illégale à la célébration d'un mariage encourrait une peine pouvant atteindre cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende ainsi qu'une peine complémentaire d'inéligibilité.

En l'état du droit, l'officier d'état civil ne peut donc que sursoir à un mariage suspect et saisir le procureur de la République qui peut, lui, s'y opposer, sans que l'irrégularité du séjour de l'un des futurs époux ne soit un critère suffisant.

L'impossibilité pour l'officier d'état civil de s'opposer à un mariage dont l'un des futurs époux est en situation irrégulière résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a déclaré, en 2003, contraires à la Constitution des dispositions qui assimilaient à « un indice sérieux » justifiant que l'officier d'état civil saisisse le procureur de la République « le fait, pour un ressortissant étranger, de ne pas justifier de la régularité de son séjour » au motif que « le respect de la liberté du mariage [...] s'oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé ».

II. LA PROPOSITION DE LA LOI TEND À INSTAURER UNE INTERDICTION ABSOLUE DE CONTRACTER UN MARIAGE SI L'UN DES FUTURS ÉPOUX SÉJOURNE IRRÉGULIÈREMENT SUR LE TERRITOIRE NATIONAL

La proposition de loi contient un article unique insérant un nouvel article 143-1 au sein du chapitre Ier du livre V du livre Ier du code civil, relatif aux « qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage ». Ce nouvel article 143-1 disposerait que « le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national », ce qui n'inclut donc pas les personnes titulaires d'un simple visa de tourisme d'une durée de trois mois. Ainsi, il ajouterait à la liste des restrictions à la liberté de mariage déjà prévues par le code civil un nouveau motif qui reviendrait à conditionner cette liberté à la régularité du séjour sur le territoire national.

La proposition de loi ne prévoit aucune exception à cette interdiction. De même, elle ne prévoit aucun recours spécifique, qu'il soit hiérarchique ou juridictionnel. En l'absence de précision, les règles générales du droit administratif s'appliqueraient donc.

Elle ne détermine pas, non plus, l'autorité qui serait en charge de se prononcer sur le respect de la condition de régularité du séjour. Toutefois, en l'absence de précision, cette tâche relèverait vraisemblablement du procureur de la République, puisque, d'une part, l'article 34-1 du code civil précise que les officiers d'état civil « exercent leurs fonctions sous le contrôle du procureur de la République », et, d'autre part, que celui-ci est la seule autorité publique habilitée à s'opposer à un mariage s'il estime qu'il pourrait être atteint par une cause de nullité. Faute de précision, il reviendrait probablement à l'officier d'état civil de vérifier que les conditions légales pour célébrer le mariage sont réunies, en vertu de l'article 63 du code civil qui lui confie la tâche de contrôler - notamment - l'identité des futurs époux.

III. MALGRÉ DES OBJECTIFS PARTAGÉS PAR LA COMMISSION, L'ADOPTION EN L'ÉTAT DE LA PROPOSITION DE LOI N'EST PAS ENVISAGEABLE EN L'ABSENCE DE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE

La commission s'est montrée sensible aux deux objectifs de la présente proposition de loi, à savoir, d'une part, la protection des officiers d'état civil - principalement les maires - qui ne disposent pas toujours, en l'état du droit, de toutes les informations nécessaires à l'appréciation de la légalité des mariages, et, d'autre part, le renforcement de la lutte contre ces mariages frauduleux, qui dévoient une institution centrale dans la société.

Nonobstant l'éventuelle adoption d'amendements au stade de la séance publique visant à assurer une conciliation de ces deux objectifs avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la commission a pris acte de l'impossibilité juridique d'adopter la présente proposition de loi en l'état, la jurisprudence constitutionnelle, réitérée depuis plus de trente ans, ne permettant pas, sans qu'une marge d'interprétation ne soit permise, de conditionner la célébration d'un mariage à la régularité du séjour des futurs époux.

À moins d'une évolution jurisprudentielle que rien ne permet d'envisager à ce stade, la commission souligne que seule une révision de la Constitution permettrait d'aller dans le sens souhaité par l'auteur de la proposition de loi. À cet égard, la commission rappelle qu'elle a adopté, le 6 décembre 2023, la proposition de loi constitutionnelle n° 175 (2023 - 2024) de Bruno Retailleau, alors sénateur, relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l'immigration et à l'asile, dont l'article 9 permettait le signalement à l'autorité préfectorale des étrangers en situation irrégulière accomplissant les formalités du mariage.

En conséquence, en application du « gentlemen's agreement » soumettant à l'accord de l'auteur d'un texte inscrit à l'ordre du jour d'un espace réservé d'un groupe minoritaire toute adoption d'amendement au stade de la commission, cette dernière a rejeté la présente proposition de loi, réservant la suite des débats à l'examen du texte en séance publique.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique
Interdiction de contracter un mariage pour toute personne
en situation irrégulière sur le territoire national

Alors qu'en l'état du droit, la liberté de mariage n'est pas conditionnée à la régularité du séjour, notamment à la suite de plusieurs décisions du Conseil constitutionnel déclarant contraires à la Constitution des dispositions législatives procédant à une telle mesure, la présente proposition de loi tend à instaurer une interdiction absolue de contracter un mariage pour toute personne en situation irrégulière sur le territoire national.

Sur proposition de son rapporteur, Stéphane Le Rudulier, et sans préjudice d'adaptations éventuelles des dispositifs de lutte contre les mariages arrangés ou simulés au stade de la séance publique, la commission n'a pas adopté cet article, qui contrevient manifestement à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

1. Les restrictions à la liberté de mariage sont peu nombreuses et n'incluent pas l'irrégularité du séjour du ou des futurs époux

a) Bien que consacrée par le Conseil constitutionnel et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la liberté de mariage n'est pas absolue

(1) La liberté matrimoniale est reconnue par la jurisprudence constitutionnelle et administrative et par plusieurs engagements internationaux auxquels la France a souscrit

La liberté matrimoniale, qui comprend notamment la liberté de choisir son conjoint, constitue, pour le Conseil constitutionnel qui l'a rappelé à plusieurs reprises au cours des trois dernières décennies, une liberté fondamentale à valeur constitutionnelle, reconnue à tous ceux qui résident sur le territoire national, quelle que soit leur situation.

Dans sa décision n° 93-325 DC du 13 aout 1993 sur la loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, le Conseil constitutionnel a tout d'abord considéré que « la liberté du mariage » était « une des composantes de la liberté individuelle »2(*) et que le législateur se devait « de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République » parmi lesquels figure, donc, « la liberté de mariage »3(*).

Le Conseil constitutionnel a toutefois très légèrement infléchi sa jurisprudence dans les années 2000, en rattachant la liberté matrimoniale, non plus à « la liberté individuelle », mais désormais à « la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 »4(*).

Depuis lors, le Conseil constitutionnel a systématiquement fait usage des mêmes termes pour qualifier la liberté matrimoniale, notamment en 2006 dans sa décision n° 2006-542 DC du 9 novembre 2006 sur la loi relative au contrôle de la validité des mariages5(*) ou, plus récemment, dans ses décisions n° 2012-261 QPC du 22 juin 20126(*) et n° 2012-260 QPC du 29 juin 20127(*).

Il convient par ailleurs de souligner que le Conseil constitutionnel évoque davantage la « liberté » du mariage plutôt que le « droit » au mariage ; le premier terme sera donc préféré au second dans le présent rapport.

Le Conseil d'État s'est aligné sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel puisqu'il a estimé, à plusieurs reprises, que la liberté matrimoniale constituait une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, c'est-à-dire une liberté dont l'atteinte « grave et manifestement illégale » par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public justifie que le juge des référés soit saisi et se prononce dans un délai de quarante-huit heures8(*). De même, dans une ordonnance prise lors des restrictions de déplacement liées à la pandémie de Covid-19, le Conseil d'État a considéré qu'il appartenait « à l'autorité administrative, dans le cadre fixé par le législateur [...], d'assurer la conciliation entre, d'une part, la préservation de la santé publique et, d'autre part, le respect des droits et libertés reconnus à toutes les personnes qui résident sur le territoire de la République, parmi lesquelles figure la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 »9(*).

Cette liberté, à laquelle il ne peut être porté atteinte en dehors des cas prévus par la loi, est également protégée par les engagements internationaux de la France. L'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH) reconnaît ainsi un « droit au mariage » explicite en disposant « [qu'] à partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit ». L'exercice de ce droit au mariage est en outre associé par les juges de la Cour européenne des droits de l'homme au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de ladite CEDH. De même, l'article 9 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne affirme que « les peuples de l'Europe » disposent du « droit de se marier et [du] droit de fonder une famille », lesquels « sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l'exercice ». Enfin, selon l'article 16 de la déclaration universelle des droits de l'Homme et du citoyen, « à partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille ».

(2) Cette liberté matrimoniale est toutefois « bornée » par quatre restrictions prévues par le code civil

Malgré la reconnaissance constitutionnelle et conventionnelle de la liberté matrimoniale, celle-ci connaît des limites et n'est donc pas absolue.

Conformément à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens, auquel fait systématiquement référence le Conseil constitutionnel depuis 2003, les « bornes » à la liberté de mariage « ne peuvent être déterminées que par la loi ». Ainsi, le Conseil constitutionnel reconnaît que la liberté du mariage « ne restreint pas la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les conditions du mariage dès lors que, dans l'exercice de cette compétence, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel »10(*).

Les articles 12 de la CEDH et 9 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne disposent également que l'exercice du droit au mariage est régi par les lois nationales.

Les restrictions à la liberté au mariage prévue par la législation française sont, en conséquence de la haute considération qui est portée à cette liberté, peu nombreuses et sont aussi anciennes que le code civil, entré en vigueur en 1804. Depuis que le législateur a autorisé, en 201311(*), le mariage entre deux personnes du même sexe12(*), seules quatre restrictions à la liberté du mariage demeurent. Celles-ci concernent exclusivement :

- les mineurs13(*), bien que des dispenses à cette restriction puissent être exceptionnellement autorisées « pour des motifs graves » par le procureur de la République, avec l'accord des parents, des aïeuls ou, le cas échéant, du conseil de famille du ou des mineurs14(*). Si l'âge de la majorité légale a évolué depuis 1804, il convient toutefois de noter que l'article 144 du code civil est demeuré inchangé pour ce qui concerne les hommes, ceux-ci ayant toujours dû avoir dix-huit ans révolus pour contracter mariage - alors que l'âge légal de la majorité n'a été abaissé à dix-huit ans qu'en 197415(*) -, tandis que, jusqu'en 200616(*), il n'était exigé des femmes que d'avoir atteint l'âge de quinze ans révolus pour contracter mariage ;

la polygamie, dans la mesure où l'article 143 du code civil dispose que « le mariage est contracté par deux personnes » et qu'en vertu de l'article 147 du même code - inchangé depuis 1804 - « on ne peut contracter un second mariage avant dissolution du premier » ;

la consanguinité, les articles 160 à 163 dudit code prohibant les mariages, en ligne directe, entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne et, en ligne collatérale, entre les frères et soeurs et entre l'oncle ou la tante et la nièce ou le neveu. Seul le Président de la République peut lever certaines de ces prohibitions, « pour des causes graves »17(*)  ;

l'absence de consentement18(*), qui peut justifier l'opposition du ministère public au mariage19(*) ou, a posteriori, son annulation20(*). L'article 146 du code civil, qui dispose qu'il « n'y a pas de mariage, lorsqu'il n'y a point de consentement » demeure, lui aussi, inchangé depuis 1804. Lorsqu'il existe « des indices sérieux laissant présumer » une absence de consentement, que l'officier d'état civil peut notamment apprécier au vu des pièces fournies par les époux et à l'occasion d'une audition commune ou d'entretiens individuels préalables à la publication des bans qu'il peut mener en application de l'article 63 du code civil, il doit alors, conformément à l'article 175-2 du même code, saisir « sans délai » le procureur de la République. Celui-ci est ensuite tenu, dans les quinze jours de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de s'y opposer, soit de décider qu'il sera sursis à sa célébration, dans l'attente des résultats d'une enquête. Ce sursis est limité à une durée d'un mois renouvelable une fois par une décision spécialement motivée. À l'expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l'officier d'état civil s'il laisse procéder au mariage ou s'il s'oppose à sa célébration. La décision de sursis ou son renouvellement peuvent être contestés par l'un ou l'autre des futurs époux devant le président du tribunal judiciaire, qui statue dans les dix jours.

Article 175-2 du code civil

Lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l'audition ou des entretiens individuels mentionnés à l'article 63, que le mariage envisagé est susceptible d'être annulé au titre de l'article 146 ou de l'article 180, l'officier de l'état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe les intéressés.

Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu'il sera sursis à sa célébration, dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fait procéder. Il fait connaître sa décision motivée à l'officier de l'état civil, aux intéressés.

La durée du sursis décidé par le procureur de la République ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée.

À l'expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l'officier de l'état civil s'il laisse procéder au mariage ou s'il s'oppose à sa célébration.

L'un ou l'autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal judiciaire, qui statue dans les dix jours. La décision du président du tribunal judiciaire peut être déférée à la cour d'appel qui statue dans le même délai.

Il convient de noter que c'est sur le fondement de cet article 175-2, relatif au vice de consentement, que repose le dispositif civil de prévention des mariages simulés ou arrangés, et notamment les « mariages blancs ». Depuis l'arrêt dit « Apietto » du 20 novembre 196321(*), la jurisprudence constante de la Cour de cassation assimile absence de volonté matrimoniale réelle et vice de consentement, en considérant que « le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale »22(*). Ainsi, lorsqu'il est établi que l'un ou les deux époux n'ont contracté mariage qu'en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale, tel que l'obtention d'un titre de séjour ou de la nationalité française, alors l'intention matrimoniale fait défaut.

Le dispositif pénal repose quant à lui principalement sur l'article L. 823-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui punit d'une peine pouvant atteindre cinq ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende « le fait, pour toute personne, de contracter un mariage [...] aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française ». Ces peines sont également encourues lorsque l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint ou « en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage [...] aux mêmes fins ».

Extrait du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Art. L. 823-11. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait, pour toute personne, de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française. Ces peines sont également encourues lorsque l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint.

Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins.

Art. L. 823-12. - Est punie de dix ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende toute personne qui commet le délit défini à l'article L. 823-11 lorsque les faits sont commis en bande organisée.

Bien que ces dispositions, civiles comme pénales, constituent une entrave significative à la liberté du mariage, le Conseil constitutionnel, moyennant quelques adaptations développées ci-après, a considéré que le dispositif législatif actuel était conforme à la Constitution.

En premier lieu, il a constamment rappelé que « le législateur peut prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques », notamment afin de « concilier [le respect des] libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République [...] avec la sauvegarde de l'ordre public qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle »23(*). De même, « la liberté du mariage [...] ne fait pas obstacle à ce que le législateur prenne des mesures de prévention ou de lutte contre les mariages contractés à des fins étrangères à l'union matrimoniale »24(*). Le Conseil constitutionnel a ainsi réfuté explicitement l'existence d'un « droit de contracter mariage à des fins étrangères à l'union matrimoniale », et ce malgré « la protection constitutionnelle de la liberté de mariage »25(*).

En second lieu, le Conseil constitutionnel a, à deux reprises, estimé que « lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage n'est envisagé que dans un but autre que l'union matrimoniale, [...] compte tenu des garanties instituées, la procédure prévue par l'article 175-2 du code civil ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive au principe constitutionnel de la liberté de mariage »26(*). Au contraire, « loin de méconnaître le principe de la liberté du mariage », la faculté donnée au procureur de la République de s'opposer à des mariages qui seraient célébrés en violation des règles d'ordre public, tend « à en assurer la protection »27(*).

b) Plusieurs affaires récentes ont mis en lumière l'impossibilité, pour le maire, de s'opposer au mariage d'un ressortissant étranger en situation irrégulière avec une personne de nationalité française

Le refus, en 2023, par le maire de Béziers (Hérault), Robert Ménard, et le maire d'Haumont (Nord), Stéphane Wilmotte, de marier dans leur commune respective un ressortissant étranger soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) avec une Française a ouvert un débat nourri sur l'opportunité de modifier la législation civile, dans lequel s'inscrit la présente proposition de loi.

Dans les deux cas d'espèce, les couples ont porté plainte contre le maire ayant refusé de les marier malgré une absence d'opposition de la part du procureur de la République. Si le juge des référés a rejeté, en février 2024, le recours pour voie de fait formulé à l'encontre de Stéphane Wilmotte, les deux affaires demeurent en attente de jugement sur le fond.

Les cas de maires assignés en justice pour s'être opposés au mariage d'une personne en situation irrégulière sont, selon les informations transmises au rapporteur, rares. L'association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF) a ainsi indiqué au rapporteur qu'elle avait « peu recensé » de tels faits. Le rapporteur regrette cependant que ni le ministère de l'intérieur, ni le ministère de la justice, n'aient été en mesure de lui communiquer une estimation, même approximative, du nombre de saisines du procureur de la République par les maires sur le fondement de l'article 175-2 du code civil ou du nombre d'oppositions au mariage formulées par le procureur de la République sur le même motif. Ces chiffres n'étant pas disponibles pour la population générale, aucun chiffre spécifique n'est a fortiori disponible pour apprécier la fréquence des cas concernant des étrangers en situation irrégulière. Au regard du nombre de mariages entre une personne de nationalité française et une personne de nationalité étrangère célébrés en France, environ 30 000 chaque année, soit 14 % du total des mariages célébrés sur le territoire national28(*), il semble toutefois vraisemblable que le nombre d'oppositions au mariage formulées par le procureur de la République au motif d'une suspicion de mariage simulé ou arrangé s'élève approximativement à quelques centaines de cas chaque année29(*).

Cet ordre de grandeur peut être apprécié au regard des statistiques recensant le nombre de personnes « mises en cause » au titre de l'article L. 823-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, communiquées au rapporteur par le ministère de l'intérieur. Ainsi, sur le plan pénal, environ 700 personnes ont été mises en cause en 2024 pour contractation, organisation ou tentative d'organisation d'un mariage simulé ou arrangé ou de reconnaissance d'un enfant aux seules fins d'acquérir la nationalité française. Ces chiffres incluent cependant les cas de mariages blancs constatés après la célébration du mariage, notamment lorsque « l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint » ainsi que les organisateurs de tels mariages, qui ne sont pas toujours les conjoints eux-mêmes lorsque des intermédiaires sont intervenus, parfois en échange d'une rétribution financière. Ils sont donc plus larges que les seules oppositions des procureurs de la République à des mariages formulées sur le fondement de l'article 175-2 du code civil.

Nombre de personnes mises en cause sur le fondement de l'article L. 823-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Art. L. 823-11 alinéa 1

488

503

730

700

524

590

488

482

507

Art. L. 823-11 alinéa 2

339

353

449

489

147

350

263

251

191

Source : service statistique ministériel de la sécurité intérieure

(1) Ni le maire, qui ne dispose pas de la compétence de s'opposer à un mariage pour vice de consentement, ni le procureur de la République ne peuvent s'opposer à un mariage au seul motif de l'irrégularité du séjour de l'un des futurs époux

Bien que le Conseil constitutionnel, tout comme les traités internationaux précités, autorisent l'établissement, par le législateur, de « bornes » à la liberté du mariage, celle-ci est, en l'état du droit et de la jurisprudence constitutionnelle, dissociée du droit au séjour. Autrement dit, la liberté de mariage n'est pas conditionnée à la régularité du séjour.

En conséquence, le maire, en tant qu'officier d'état civil, ne dispose d'aucun pouvoir pour s'opposer formellement à un mariage, y compris un mariage impliquant une personne soumise à une OQTF. La circulaire du 22 juin 2010 relative à la lutte contre les mariages simulés du ministre de la justice à destination des présidents de juridictions et des procureurs généraux précise bien que « sauf dans l'hypothèse où le dossier de mariage est incomplet, l'officier de l'état civil ne dispose d'aucun pouvoir propre ni pour refuser de célébrer une union à laquelle le parquet ne s'est pas opposé, ni pour passer outre une décision de sursis ou d'opposition. [...] Le refus opposé par un officier de l'état civil de célébrer le mariage en l'absence de toute saisine ou de restriction émanant du parquet porte atteinte à la liberté fondamentale que constitue le droit au mariage et constitue une voie de fait ».

Conformément aux articles 432-1 et 432-7 du code pénal, un maire qui s'opposerait de façon illégale à la célébration d'un mariage encourrait une peine pouvant atteindre cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende ainsi qu'une peine complémentaire d'inéligibilité.

En l'état du droit, l'officier d'état civil ne peut donc que sursoir à un mariage suspect et saisir le procureur de la République qui peut, lui, s'y opposer, sans que l'irrégularité du séjour de l'un des futurs époux ne soit un critère suffisant.

L'instruction générale relative à l'état civil (IGREC) du 11 mai 1999 rappelle ainsi à tous les officiers d'état civil, en son article 385, « [qu']aucune disposition législative ne subordonne la célébration d'un mariage à la régularité de la situation d'un étranger au regard des conditions d'entrée et de séjour sur le territoire français. En conséquence, l'irrégularité du séjour d'un ressortissant étranger ou le refus de ce dernier de produire son titre de séjour ne sont pas de nature à constituer un empêchement légal à la célébration du mariage ».

Comme l'a confirmé au rapporteur l'AMF, l'officier d'état civil ne dispose de toute façon pas, en l'état du droit, des informations nécessaires pour apprécier la régularité du séjour des futurs mariés, dans la mesure où l'article 63 du code civil, qui liste les pièces justificatives que les futurs époux doivent fournir avant célébration du mariage, n'inclut aucunement un visa ou un titre de séjour. Les pièces exigées par le code civil permettent en effet à l'officier de l'état civil de vérifier la nationalité, l'identité, le domicile, la capacité matrimoniale et le célibat des époux, mais non la situation du futur époux étranger au regard du droit au séjour. L'officier d'état civil ne peut donc actuellement pas, sauf à perpétrer un abus de droit, exiger des futurs époux la preuve de la régularité de leur séjour pour célébrer le mariage.

Article 63 du code civil (extrait)

Avant la célébration du mariage, l'officier de l'état civil fera une publication par voie d'affiche apposée à la porte de la maison commune. Cette publication énoncera les prénoms, noms, professions, domiciles et résidences des futurs époux, ainsi que le lieu où le mariage devra être célébré.

La publication prévue au premier alinéa ou, en cas de dispense de publication accordée conformément aux dispositions de l'article 169, la célébration du mariage est subordonnée :

1° À la remise, pour chacun des futurs époux, des indications ou pièces suivantes :

-les pièces exigées par les articles 70 ou 71 [c'est-à-dire l'extrait d'acte de naissance avec indication de la filiation ou, en cas d'impossibilité de se procurer cet acte, un acte de notoriété réalisé par un notaire ou, à l'étranger, par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises compétentes] ;

-la justification de l'identité au moyen d'une pièce délivrée par une autorité publique ;

-l'indication des prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile des témoins, sauf lorsque le mariage doit être célébré par une autorité étrangère ;

- le cas échéant, la justification de l'information de la personne chargée de la mesure de protection prévue à l'article 460 ;

2° À l'audition commune des futurs époux, sauf en cas d'impossibilité ou s'il apparaît, au vu des pièces fournies, que cette audition n'est pas nécessaire au regard des articles 146 et 180.

L'audition du futur conjoint mineur se fait hors la présence de ses père et mère ou de son représentant légal et de son futur conjoint.

L'officier de l'état civil demande à s'entretenir individuellement avec chacun des futurs époux lorsqu'il a des raisons de craindre, au vu des pièces fournies par ceux-ci, des éléments recueillis au cours de leur audition commune ou des éléments circonstanciés extérieurs reçus, dès lors qu'ils ne sont pas anonymes, que le mariage envisagé soit susceptible d'être annulé au titre des mêmes articles 146 ou 180.

[...] L'officier d'état civil qui ne se conformera pas aux prescriptions des alinéas précédents sera poursuivi devant le tribunal judiciaire et puni d'une amende de 3 à 30 euros.

Outre que l'officier d'état civil ne peut exiger des futurs époux une preuve de la régularité de leur séjour, il ne peut pas, non plus, rechercher par lui-même l'information, en sollicitant par exemple les services de l'État. Ainsi, comme l'écrit le ministre de la justice, alors Henri Nallet, « l'officier de l'état civil ne peut, sans commettre un détournement de procédure, procéder à des recherches en vue d'établir des éléments de délits relatifs au séjour des étrangers »30(*).

(2) La dissociation entre la régularité du séjour et la liberté du mariage, sur laquelle le législateur a tenté à plusieurs reprises de revenir, résulte notamment de la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Le législateur a souhaité, à plusieurs reprises, renforcer la prévention des mariages simulés ou arrangés, notamment en exigeant la démonstration, par les futurs époux, de la régularité de leur séjour ou en accroissant les prérogatives du procureur de la République. C'est à l'occasion de l'examen de ces dispositions législatives que le Conseil constitutionnel a bâti la jurisprudence l'ayant conduit à considérer que la liberté de mariage ne pouvait être conditionnée à la régularité du séjour.

Lors de l'examen de la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, le Parlement a adopté un article 31 qui créait l'article 175-2 du code civil, dans une version proche de celle qui est actuellement en vigueur puisqu'elle prévoyait notamment que, lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage n'est envisagé que dans un but autre que l'union matrimoniale, l'officier de l'état civil saisisse le procureur de la République. Ce dernier aurait alors pu décider qu'il serait sursis à la célébration du mariage pour une durée ne pouvant excéder trois mois.

Dans sa décision n° 93-325 du 13 août 1993 précitée, le Conseil constitutionnel a déclaré cette version initiale de l'article 175-2 du code civil contraire à la Constitution, au motif que cette durée de trois mois, adossée à l'absence de voie de recours, « méconnaissent le principe de la liberté de mariage »31(*).

Le législateur a réintroduit cet article 175-2 dans une version tenant compte des remarques du Conseil constitutionnel, par l'adoption de la loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration et modifiant le code civil.

Cet article 175-2 a ensuite fait l'objet de modifications substantielles par le biais de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. Le législateur a alors souhaité préciser que « le fait, pour un ressortissant étranger, de ne pas justifier de la régularité de son séjour, lorsqu'il y a été invité par l'officier de l'état civil qui doit procéder au mariage » constituait « un indice sérieux » de suspicion d'un mariage simulé ou arrangé justifiant que l'officier d'état civil saisisse le procureur de la République, d'une part, mais aussi qu'il en informe le préfet ou, à Paris, le préfet de police, d'autre part.

Lors du contrôle de constitutionnalité de l'article 175-2 ainsi modifié, le Conseil constitutionnel a, certes, estimé que la procédure prévue par l'article 175-2 du code civil, dans sa philosophie générale, ne pouvait être regardée comme portant une atteinte excessive au principe constitutionnel de la liberté du mariage (voir supra)32(*). Toutefois, il a déclaré contraire à la Constitution, et plus précisément à « la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 », toute disposition législative qui ferait du « caractère irrégulier du séjour d'un étranger [un] obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé »33(*).

Outre cette considération générale, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution d'estimer que « le fait pour un étranger de ne pouvoir justifier de la régularité de son séjour constituerait dans tous les cas un indice sérieux de l'absence de consentement »34(*). De même, le signalement au préfet de la situation irrégulière du ou des futurs époux est considéré par le Conseil constitutionnel comme étant de « nature à dissuader les intéressés de se marier ; qu'ainsi, [ces dispositions] portent également atteinte au principe constitutionnel de la liberté du mariage »35(*). En conséquence, les deux modifications de l'article 175-2 du code civil auxquelles procédait la loi n° 2003-1119 n'ont pu entrer en vigueur, en raison de leur inconstitutionnalité.

Sauf revirement de jurisprudence ou modification de la Constitution, il résulte donc de ces décisions du Conseil constitutionnel l'impossibilité, pour le législateur, de conditionner la liberté de mariage à la régularité du séjour des futurs époux.

Éléments de comparaison européenne

Dans une étude de législation comparée publiée en février 200636(*), l'ancien service des études juridiques du Sénat s'est intéressé aux dispositifs de lutte contre les mariages de complaisance dans sept pays européens : l'Allemagne, l'Angleterre et le pays de Galles, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas.

Il ressort de cette étude, qui est certes désormais un peu ancienne, que, dans l'ensemble, nos principaux voisins européens luttent contre les mariages de complaisance en recourant des mesures similaires à celles qui existent en France, cette dernière n'apparaissant ni particulièrement restrictive au regard des pratiques européennes, ni plus libérale.

Toutefois, à la date de publication de l'étude, deux des sept pays étudiés, le Danemark et l'Angleterre, conditionnaient la célébration du mariage à la production d'un titre de séjour, tandis que les Pays-Bas vérifient que les futurs époux en situation irrégulière n'ont pas l'intention de s'établir sur le territoire national37(*). C'est toujours le cas en 2025.

En Belgique, au contraire, le futur époux en séjour irrégulier qui a déjà reçu un ordre de quitter le territoire bénéficie d'une mesure de protection durant la procédure de mariage : l'ordre de quitter le territoire ne pourra en principe pas être exécuté dès le moment où les futurs époux sont mis en possession de l'accusé de réception suite à la délivrance des documents requis pour la déclaration de mariage jusqu'au lendemain de la célébration du mariage ou jusqu'au jour où une décision définitive a été prise par l'officier de l'état civil quant à la demande de mariage38(*).

Depuis 2006, ni l'Espagne, ni l'Italie, ni l'Allemagne n'ont ajouté le titre de séjour parmi les pièces justificatives nécessaires à la célébration d'un mariage.

Il convient de souligner, notamment au regard de la conventionnalité de la présente proposition de loi, que ces différences de législation trouvent partiellement leur explication par le fait que le Royaume-Uni et le Danemark n'ont pas souscrit aux mêmes engagements internationaux que la France : si le premier ne fait plus partie de l'Union européenne, le second peut, contrairement à la France, déroger au droit européen en matière d'immigration et d'asile en raison des « options de retrait », ou « opt-out », qu'il a négociées lors des accords d'Édimbourg de décembre 1992 avant de ratifier le traité de Maastricht.

(3) Bien qu'il facilite les démarches pour les époux en situation régulière, le mariage ne donne toutefois pas un droit au séjour aux étrangers entrés irrégulièrement sur le territoire national

Si le Conseil constitutionnel protège la liberté matrimoniale, y compris lorsqu'elle concerne des étrangers en situation irrégulière, cette protection n'a cependant pas pour conséquence d'octroyer par défaut un droit au séjour aux nouveaux époux lorsque ceux-ci sont entrés irrégulièrement sur le territoire national. Suivant la même logique, l'article 21-1 du code civil dispose que « le mariage n'exerce de plein droit aucun effet sur la nationalité ».

Ainsi, la jurisprudence constante de la juridiction administrative considère que le bénéfice de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet à un étranger conjoint d'une personne de nationalité français de se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d'une durée d'un an lorsque certaines conditions sont réunies39(*), ne s'applique pas lorsque l'étranger marié avec un ressortissant de nationalité française ne peut justifier de son entrée régulière sur le territoire français40(*). De même, l'article L. 423-1 précité n'est pas applicable au conjoint d'une personne de nationalité française, entré en France sans être titulaire d'un visa de long séjour, qui justifierait de sa demande en excipant de l'ancienneté de son séjour, de sa bonne insertion et de la stabilité de sa relation avec une personne de nationalité française41(*).

Toutefois, une fois la situation régularisée, par exemple après être retourné dans le pays d'origine et avoir sollicité en bonne et due forme un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS), le mariage facilite effectivement les démarches en vue de l'entrée sur le territoire et de l'obtention d'une carte de résident et, in fine, de la nationalité.

Par ailleurs, comme l'a confirmé au rapporteur la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l'intérieur, le bénéfice de l'article L. 423-2 du même code, qui permet quant à lui à tout étranger entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français de recevoir une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d'une durée d'un an dès lors qu'il justifie une vie commune et effective de six mois en France avec son conjoint, s'applique aux étrangers qui ne disposent pas de droit au séjour. Dans ces conditions, le mariage permet donc à une personne qui serait entrée régulièrement sur le territoire national, mais qui s'y serait maintenue irrégulièrement, de voir sa situation régularisée. Il n'a ainsi pas à produire de visa de long séjour pour obtenir la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ». Cette disposition est présentée par la DGEF comme un moyen « de garantir le droit au respect de la vie privée et familiale de membres de famille de ressortissants français »42(*).

Par suite, à l'expiration de la période d'un an de validité du VLS-TS ou de la carte de séjour « vie privée et familiale », le conjoint d'une personne de nationalité française en situation régulière peut demander, sous certaines conditions43(*), l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle « vie privée et familiale », qui est valable deux ans, conformément au 10° de l'article L. 441-4 du même code. Après trois ans de séjour, il peut demander, à nouveau sous certaines conditions44(*), une carte de résident, valable pour une durée de dix ans. Enfin, après quatre ans de mariage45(*), le conjoint d'une personne de nationalité française peut procéder à une « déclaration de nationalité » (i.e. une naturalisation par mariage), à condition que la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité. Il s'agit alors d'une procédure simplifiée par rapport à la nationalisation, laquelle est conditionnée, notamment, à une durée minimale de résidence sur le territoire national de cinq ans.

2.  La proposition de loi tend à instaurer une interdiction absolue de contractation d'un mariage dès lors que l'un des deux futurs époux séjourne irrégulièrement sur le territoire national

La proposition de loi contient un article unique créant un nouvel article 143-1 au sein du chapitre Ier du livre V du livre Ier du code civil, relatif aux « qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage ». Il s'insèrerait à la suite de l'article 143, qui autorise le mariage entre personnes du même sexe, et précèderait l'article 144, qui conditionne le mariage à la majorité des deux futurs époux.

Ce nouvel article 143-1 disposerait que « le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national », ce qui n'inclut donc pas les personnes titulaires d'un simple visa de tourisme d'une durée de trois mois. Ainsi, il ajouterait à la liste des restrictions à la liberté du mariage déjà prévues par le code civil (voir supra) un nouveau motif qui reviendrait à conditionner cette liberté à la régularité du séjour sur le territoire national.

Contrairement à certaines des restrictions actuelles à la liberté de mariage, notamment la condition de majorité ou l'absence de consanguinité, la proposition de loi ne prévoit aucune exception à cette interdiction, qui serait donc absolue. De même, elle ne prévoit aucun recours spécifique, qu'il soit hiérarchique ou juridictionnel. En l'absence de précision, les règles générales du droit administratif s'appliqueraient donc ; quoique la bonne application de celles-ci nécessiterait un travail jurisprudentiel, notamment au regard de l'absence d'indication sur la forme - décision explicite ou implicite de rejet - que prendrait le refus de célébrer le mariage.

En l'état, la proposition de loi ne détermine pas, non plus, l'autorité qui serait en charge de se prononcer sur le respect de la condition de régularité du séjour. Toutefois, en l'absence de précision, cette tâche relèverait vraisemblablement du procureur de la République, puisque, d'une part, l'article 34-1 du code civil précise que les officiers d'état civil « exercent leurs fonctions sous le contrôle du procureur de la République », et, d'autre part, que celui-ci est, en l'état du droit, la seule autorité publique habilitée à s'opposer à un mariage s'il estime que ce mariage pourrait être atteint par une cause de nullité. Toujours en l'absence de précision, il reviendrait probablement à l'officier d'état civil de vérifier que les conditions légales pour célébrer le mariage sont réunies, en vertu de l'article 63 du code civil qui lui confie la tâche de contrôler - notamment - l'identité des futurs époux. Enfin, si la proposition de loi était adoptée en l'état, une mesure règlementaire serait vraisemblablement nécessaire pour préciser les documents que les futurs époux devraient remettre à l'officier d'état civil, à l'instar de l'article 4 du décret n° 2007-773 du 10 mai 2007 pris pour l'application de la loi n° 2006-1376 du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages et modifiant diverses dispositions relatives à l'état civil, lequel impose aux futurs époux d'accompagner leur demande de mariage d'un justificatif de domicile.

Ce partage des rôles entre le procureur de la République et l'officier d'état civil, tel qu'identifié au regard du droit existant, demeure cependant incertain en l'état de la rédaction de la proposition de loi. Signe de cette indétermination, l'auteur de la proposition de loi, Stéphane Demilly, a laissé entendre, lors de son audition par le rapporteur, que l'opposition au mariage reposerait sur le maire, en tant qu'officier d'état civil. C'est d'ailleurs ce qu'il ressort de l'exposé des motifs du texte, puisque son auteur évoque « une problématique lourde pour [les] élus », au premier rang desquels « le maire [qui] ne doit plus être laissé seul ».

Ce souhait ne correspond en revanche pas aux opinions exprimées par les autres personnes auditionnées par le rapporteur : toutes, y compris Guy Geoffroy, maire de Combs-la-ville et représentant de l'AMF, ont indiqué qu'il leur semblait plus pertinent de confier au procureur de la République le pouvoir de s'opposer à un mariage dont au moins l'un des futurs époux est en situation irrégulière. De même, la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice a indiqué au rapporteur que, si la proposition de loi devait être adoptée, l'opposition à la célébration du mariage devrait « nécessairement » être « confiée à l'autorité judiciaire, garante des libertés individuelles en application de l'article 66 de la Constitution »46(*).

Enfin, bien que l'article 171-1 du code civil dispose qu'un « mariage contracté en pays étranger [...] entre un Français et un étranger, est valable [...] pourvu que le ou les Français n'aient point contrevenu aux dispositions contenues au chapitre Ier du présent titre », c'est-à-dire le chapitre dans lequel s'insèrerait le nouvel article 143-1 créé par la présente proposition de loi, l'interdiction énoncée par ledit article 143-1 ne pourrait, par définition, s'appliquer aux mariages contractés à l'étranger, puisque cette interdiction concernerait les personnes séjournant de manière irrégulière sur le territoire national. L'étranger en situation irrégulière qui quitterait, même momentanément, le territoire national pour se marier dans un autre pays ne pourrait plus être considéré comme irrégulier puisque sa situation serait, en toute logique et en l'absence de précision, appréciée au regard du droit au séjour dans lequel le mariage aurait lieu.

3. Malgré un double objectif de renforcement de la prévention des mariages arrangés ou simulés et de protection des maires partagé par la commission, l'adoption en l'état de la proposition de loi n'est juridiquement pas envisageable en l'absence de révision constitutionnelle

La commission s'est montrée sensible aux deux objectifs de la présente proposition de loi, à savoir, d'une part, la protection des officiers d'état civil - principalement les maires - qui ne disposent pas toujours, en l'état du droit, de toutes les informations nécessaires à l'appréciation de la légalité des mariages au regard de l'interdiction des mariages arrangés ou simulés, et, d'autre part, le renforcement de la lutte contre ces mariages frauduleux, qui dévoient une institution centrale dans la société.

Nonobstant l'éventuelle adoption d'amendements au stade de la séance publique visant à assurer une conciliation de ces deux objectifs avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la commission a pris acte de l'impossibilité juridique d'adopter la présente proposition de loi en l'état, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, réitérée depuis plus de trente ans, ne permettant pas, sans qu'une marge d'interprétation ne soit permise, de conditionner la célébration d'un mariage à la régularité du séjour des futurs époux.

À moins d'une évolution jurisprudentielle que rien ne permet d'envisager à ce stade, la commission souligne que seule une révision de la Constitution permettrait d'aller dans le sens souhaité par l'auteur de la proposition de loi. À cet égard, la commission rappelle qu'elle a adopté, le 6 décembre 2023, la proposition de loi constitutionnelle n° 175 (2023 - 2024) de Bruno Retailleau, alors sénateur, relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l'immigration et à l'asile, dont l'article 9, ajouté à l'initiative de son rapporteur, Christophe-André Frassa, permettait le signalement à l'autorité préfectorale des étrangers en situation irrégulière accomplissant les formalités du mariage.

Article 9 de la proposition de loi constitutionnelle n° 175 (2023 - 2024)
relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l'immigration
et à l'asile, tel qu'adopté par la commission des lois le 6 décembre 2023

Après l'article 72-4 de la Constitution, il est inséré un article 72-5 ainsi rédigé :

« Art. 72-5. - Les officiers d'état civil signalent au représentant de l'État, dans les conditions fixées par la loi, la situation de tout étranger qui accomplit les formalités de mariage sans justifier de la régularité de son séjour. »

En conséquence, en application du « gentlemen's agreement » soumettant à l'accord de l'auteur d'une proposition de loi inscrite à l'ordre du jour d'un espace réservé d'un groupe minoritaire toute adoption d'amendement au stade de la commission, cette dernière a rejeté la présente proposition de loi, réservant la suite des débats à l'examen du texte en séance publique.

*

* *

La commission n'a pas adopté la proposition de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 12 FÉVRIER 2025

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport de notre collègue Stéphane Le Rudulier sur la proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l'un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire. Avant que l'auteur de ce texte, Stéphane Demilly, ne nous le présente, peut-être le rapporteur souhaite-t-il dire quelques mots ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - L'intitulé de cette proposition de loi suffit à lui seul à en expliciter l'objet : le texte vise à interdire un mariage en France lorsque l'un des époux réside de façon irrégulière sur le territoire. Cette proposition de loi revêt de fait deux facettes, l'une politique et l'autre juridique.

Stéphane Demilly porte deux objectifs au travers de cette proposition de loi, à commencer par la protection des officiers d'état civil et en particulier des maires, qui ne disposent pas toujours, en l'état du droit, de toutes les informations nécessaires à l'appréciation de la légalité des mariages. Le second objectif a trait au renforcement de la prévention et de la lutte contre les mariages simulés ou arrangés.

Lors de la célébration de mariages, bon nombre d'entre vous, en tant que maire, ont pu s'interroger sur la véracité du consentement de l'un ou des deux époux. À première vue, cette proposition de loi semble frappée au coin du bon sens et s'insère dans un contexte médiatique assez prégnant. En effet, le maire de Béziers, Robert Ménard, et le maire d'Hautmont, Stéphane Wilmotte, ont tous deux refusé en 2023 de marier un étranger soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) avec une Française, ce qui a déclenché un débat nourri et fortement médiatisé dans la mesure où une action en justice a été engagée.

Si Stéphane Willemotte a été relaxé en référé, l'affaire doit encore être jugée au fond ; Robert Ménard, pour sa part, comparaîtra devant le tribunal le 18 février et encourt cinq ans d'emprisonnement, 75 000 euros d'amende et une peine complémentaire d'inéligibilité.

M. Stéphane Demilly, auteur de la proposition de loi. - Je vous présente aujourd'hui une proposition de loi simple, univoque et laconique. Simple, car elle s'appuie sur le bon sens ; univoque, car elle clarifie la loi ; et laconique, car tout cela ne tient qu'en une seule phrase. J'ai néanmoins bien conscience que le chemin parlementaire et juridique qui reste à parcourir ne puisse pas tout à fait bénéficier des mêmes qualificatifs.

Cette proposition vise à encadrer juridiquement le mariage des personnes séjournant irrégulièrement sur notre territoire ou, pour le dire plus simplement, à n'autoriser le mariage que pour les personnes séjournant de manière régulière sur notre territoire.

Cette mesure me paraît aussi logique que légitime. J'évoque régulièrement le sujet avec certains collègues du Sénat, les élus de mon territoire et nos concitoyens, qui s'étonnent, pour la plupart. Pourquoi cette mesure n'est-elle pas déjà en place ? Comment est-il possible de marier quelqu'un qui n'est pas en situation régulière sur le territoire ? Est-il concevable de lire les articles du code civil à quelqu'un qui ne respecte pas nos lois ?

Pourtant, si la mesure semble évidente à beaucoup, notre droit, en l'état actuel, ne permet pas de s'opposer au mariage d'une personne en situation irrégulière ou faisant l'objet d'une OQTF. Je n'ignore pas que notre assemblée compte de nombreux anciens maires et que certains d'entre eux ont déjà été confrontés à cette situation.

Je voudrais d'ailleurs vous rappeler l'expérience douloureuse du maire d'Hautmont, Stéphane Willemotte : après avoir refusé de célébrer le mariage d'un ancien président de mosquée, placé sous le coup d'une OQTF pour avoir tenu des discours haineux et fait l'apologie du djihad armé, notre collègue a reçu des menaces de mort et son domicile a dû être protégé.

Comble du paradoxe, cet individu sous OQTF a porté plainte contre le maire qui encourait de ce fait une peine de prison, une peine d'inéligibilité et le versement de dommages et intérêts. Heureusement, la justice a tranché, au stade du référé, en faveur du maire, mais comment est-il possible de placer un élu de la République dans une telle situation ? Comment peut-on envisager que des maires risquent de longs mois de procès, parfois aggravés d'un sentiment d'angoisse personnelle et familiale - comme ce fut le cas pour Stéphane Willemotte -, alors qu'ils agissent pour le bien de leur territoire ?

La législation actuelle destinée à lutter contre le mariage de complaisance ne suffit pas et place les officiers d'état civil dans des situations ubuesques. S'il est confronté à une demande de mariage émanant d'une personne en situation irrégulière, le maire doit rechercher « une présomption de fraude » ou examiner « la sincérité de l'union » : on lui demande donc de se transformer en inspecteur Columbo ou en « huissier conjugal ».

Ce n'est pas son rôle, d'autant que le temps et les moyens consacrés à ces investigations - et à leurs conclusions - varient d'une mairie à une autre, comme le confirme le Syndicat de la magistrature (SM) lui-même dans l'une de ses notes. Ces disparités peuvent être considérées comme une inégalité devant la loi, en contradiction complète avec l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lequel « [la loi] doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ».

Ma proposition de loi vise à clarifier notre droit et - c'est le point le plus important - à protéger nos élus. Contrairement à ce que j'ai pu lire, elle n'est en rien porteuse d'une remise en cause de nos droits fondamentaux et n'est pas animée par un quelconque ressentiment vis-à-vis des étrangers : je tiens à ce que ce point soit extrêmement clair.

Je souhaite anticiper les préoccupations légitimes que soulèvera cette proposition, notamment au regard de la protection des droits individuels et du respect des libertés individuelles et fondamentales. Aussi, je n'ignore pas la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 20 novembre 2003, qui a estimé qu'une telle mesure constituerait une atteinte disproportionnée au droit fondamental du mariage, mais, plus de vingt ans après cette décision, le contexte a considérablement évolué, avec un nombre d'OQTF prononcées qui est passé de 20 000 par an en 2003 à 130 000 en 2023.

Pour rendre sa décision, le Conseil constitutionnel s'était basé sur les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui consacrent la liberté individuelle et personnelle. Pour rappel, l'article 4 dispose : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. » Cette dernière phrase me semble particulièrement importante et je vous propose donc de déplacer ces bornes.

Certains autres vont peut-être aussi évoquer nos engagements internationaux, dont l'article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) qui dispose que « l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit. » Le texte est clair : il s'agit d'un droit encadré par les lois nationales des États et il nous revient de faire évoluer les lois.

Au travers de sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a d'ailleurs régulièrement clarifié sa position en indiquant, à propos des restrictions que la loi nationale peut appliquer au droit du mariage, que les États jouissent « d'une ample marge d'appréciation, notamment lorsqu'ils sont appelés à protéger les intérêts de la société ». On pourrait d'ailleurs citer l'exemple du Danemark, pays membre de l'Union européenne, qui impose depuis 2002 la détention d'un titre de séjour valide pour les étrangers qui souhaitent se marier dans le pays. Même si certains me rappelleront la particularité danoise liée au mécanisme d'exception, il n'en reste pas moins vrai que je propose la même mesure. D'ailleurs, les recours contre le Danemark auprès de la Cour européenne des droits de l'homme n'ont pas abouti, cette dernière reconnaissant à chaque État une légitime marge d'appréciation.

Le mariage est une institution protégée par la loi, mais rien n'interdit de la préciser et donc de la faire évoluer pour éviter des contournements de son esprit. « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement », disait Nicolas Boileau : en interdisant le mariage aux personnes en situation irrégulière, cette proposition de loi vise à clarifier les choses, à protéger les maires et à prévenir les abus. Puisque j'ai évoqué un homme de lettres du XVIIe siècle, permettez-moi de conclure avec un autre auteur de la première moitié du XVIIIe siècle, Montesquieu, qui, dans L'esprit des lois, affirmait que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».

Il me semble que cette proposition de loi est réellement utile, attendue par les maires, et qu'elle renforce les lois de notre République. Je vous remercie de m'avoir accueilli pour présenter les motivations de ce texte.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Merci de cette présentation. La réunion de commission va désormais se poursuivre en votre absence.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Au-delà de la dimension politique qui vient d'être décrite par l'auteur, la proposition de loi revêt une dimension juridique, principalement d'ordre constitutionnel, bien que le droit au mariage soit avant tout un droit législatif, régi principalement par le code civil. En préambule, la liberté matrimoniale n'est pas absolue puisque ledit code lui fixe quatre restrictions qui concernent les mineurs, la polygamie, la consanguinité et l'absence de consentement, cette dernière étant au coeur de la proposition de loi.

La question de la constitutionnalité de ces dispositions législatives - parfois réactualisées - a été soulevée à de multiples reprises et j'insisterai sur quatre décisions du Conseil constitutionnel intervenues soit à l'occasion de modifications législatives - dans le cadre de son contrôle a priori - soit via des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) - dans le cadre du contrôle a posteriori.

En la matière, la jurisprudence du Conseil constitutionnel s'articule autour de la liberté du mariage, qu'il a d'abord rattachée à la liberté individuelle dans sa décision du 13 août 1993, avant de la rattacher, dans sa décision du 20 novembre 2003, à la liberté personnelle découlant des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Selon moi, la première de ces deux décisions a fondé la matrice de cette jurisprudence, car elle a eu une influence considérable sur le « droit constitutionnel au mariage » et plus largement sur le statut des étrangers, autour des questions de leur entrée et de leur séjour. Dans le cadre de cette matrice, le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur peut adopter des dispositions spécifiques à l'égard des étrangers. Néanmoins, ce dernier ne dispose que d'une liberté limitée dans la mesure où il doit respecter les libertés et les droits fondamentaux à valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. La notion de résidence est ici essentielle.

Ces droits doivent être conciliés, en particulier, avec la sauvegarde de l'ordre public, qui constitue également un objectif à valeur constitutionnelle. Parmi les droits et libertés qu'il convient de garantir figurent la liberté d'aller et venir, la liberté du mariage et le droit de mener une vie familiale normale. Le Conseil constitutionnel ajoute : « Les étrangers jouissent des droits à la protection sociale dès lors qu'ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français. » De plus, « ils doivent bénéficier de l'exercice de recours assurant la garantie de ces droits et libertés », cette notion de recours étant importante dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi. Ajoutons, également, que le droit d'asile est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946.

En tout état de cause, cette matrice de 1993 est essentielle en ce qu'elle rattache la liberté du mariage à la liberté personnelle, tout en affirmant qu'elle doit être conciliée avec d'autres droits, dont celui de mener une vie familiale normale. Cette architecture bâtie par le Conseil constitutionnel rappelle aussi la nécessaire conciliation des libertés avec la sauvegarde de l'ordre public, qui est elle-même un objectif de valeur constitutionnelle : le Conseil essaie, de manière classique, de concilier les différents droits et objectifs.

Le juge constitutionnel tire de ce raisonnement la conclusion qu'il faut procéder à un contrôle de proportionnalité, tantôt en faisant prévaloir la liberté du mariage en tant que liberté constitutionnelle, tantôt en faisant prévaloir des éléments d'ordre public. Ledit raisonnement sera plus ou moins développé par la suite : dans la décision du 20 novembre 2003 relative à l'immigration, au séjour des étrangers et à la nationalité, les requérants faisaient valoir que les dispositions qui modifiaient les éléments du code civil et qui permettaient au procureur de la République de s'opposer à un mariage portaient atteinte à la liberté du mariage, à la liberté individuelle et au droit à la vie privée et familiale.

Le Conseil constitutionnel a alors raisonné de la manière suivante : parce qu'il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage n'est envisagé que dans un but autre que l'union matrimoniale, le maire peut saisir le procureur. Toutefois, il a considéré que le respect de la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « s'oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle par lui-même au mariage de l'intéressé ».

Les termes « par lui-même » sont essentiels, car ils signifient que le constat, pris isolément, que le futur époux est dans une situation d'irrégularité évidente ne permet pas de s'opposer à la liberté constitutionnelle qu'est la liberté du mariage, faute d'autres indices sérieux démontrant l'absence de volonté matrimoniale. Ainsi, toujours dans cette décision de 2003, le Conseil constitutionnel précise, en premier lieu, que « le législateur, en estimant que le fait pour un étranger de ne point justifier de la régularité de son séjour constituerait dans tous les cas un indice sérieux de l'absence de consentement, a porté atteinte au principe constitutionnel de la liberté du mariage ».

Il considère, en second lieu, que « les dispositions [en cause] sont de nature à dissuader les intéressés de se marier ; qu'ainsi, elles portent atteinte également au principe constitutionnel de la liberté du mariage ».

Je citerai deux autres décisions importantes.

La première est la décision du 9 novembre 2006, dans laquelle il est rappelé que la liberté du mariage, composante de la liberté individuelle, est une liberté constitutionnelle, mais qu'elle ne « fait pas obstacle à ce que le législateur prenne les mesures de prévention ou de lutte contre les mariages contractés à des fins étrangères à l'union matrimoniale », ce qui renvoie à un équilibre entre l'ordre public et les libertés fondamentales.

De surcroît, le Conseil constitutionnel y rappelle le dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à son développement ». Selon le juge constitutionnel, « le droit de mener une vie familiale normale trouve donc sa source dans cette disposition ».

Enfin, une inflexion de la jurisprudence du Conseil constitutionnel est intervenue à l'occasion de la décision du 22 juin 2012, à la suite d'une QPC portant sur le consentement et l'opposition au mariage. Si on y retrouve la définition de la liberté du mariage comme composante essentielle de la liberté personnelle, il est précisé que cette liberté « ne restreint pas la compétence du législateur qui tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les conditions du mariage ».

Cet aspect doit être souligné : malgré la protection constitutionnelle de la liberté du mariage, c'est bel et bien le législateur qui est compétent pour modifier les conditions du mariage « dès lors que l'exercice de cette compétence ne prive pas de garanties légales et les exigences à caractère constitutionnel ». De plus, le Conseil constitutionnel a réitéré sa jurisprudence de 2006 selon laquelle la liberté du mariage ne fait pas davantage obstacle à ce que le législateur prenne des mesures de prévention et de lutte contre les mariages contractés à des fins étrangères à l'union matrimoniale. Le législateur est d'ailleurs légitime à rechercher si le mariage a été contracté auxdites fins.

S'agissant du consentement, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à cette cérémonie qu'en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale, par exemple l'acquisition de la nationalité.

J'en viens au procureur de la République, qui est le grand absent de cette proposition de loi. Il est en effet le seul, en l'état du droit, à pouvoir s'opposer au mariage et doit à cet effet se fonder sur l'article 146 du code civil en invoquant la simulation et en apportant la preuve que la célébration n'est envisagée qu'à des fins étrangères à l'union matrimoniale. Autre élément issu de cette QPC de 2012, les règles d'ordre public peuvent être invoquées par le procureur de la République, sans porter atteinte de manière excessive à la liberté du mariage : voilà une inflexion intéressante.

Comme cela a été rappelé par Stéphane Demilly, la jurisprudence du Conseil constitutionnel n'épuise pas le sujet, car il faut tenir compte de l'article 12 de la CEDH relatif au droit au mariage et à une vie familiale. J'y ajouterai la jurisprudence consacrée à l'autonomie personnelle, car le mariage en est par essence l'expression. Cette jurisprudence européenne, assez abondante, pèse sur les décisions de la juridiction française et constitue en quelque sorte la toile de fond des débats constitutionnels.

Plusieurs questions émergent autour de cette proposition de loi. La première d'entre elles pourrait être formulée ainsi : est-ce à l'officier d'état civil de procéder à un certain nombre de vérifications ? L'article 63 du code civil lui impose déjà de contrôler une série de pièces administratives, dont la pièce d'identité, mais au-delà de cette tâche, le même article 63 lui confie, en cas de doute sur le consentement de l'un ou des deux époux, le soin de procéder à des auditions des intéressés. Or, même en l'état actuel, il n'est pas certain que l'officier d'état civil soit suffisamment formé à la détection des mariages frauduleux.

Certes, un questionnaire existe, mais c'est bel et bien le maire qui est en première ligne. Le maire d'Hautmont, qui est venu témoigner hier au Sénat de son expérience, a indiqué que l'élu local peut se retrouver en porte-à-faux s'il a signalé un doute quant au caractère frauduleux du mariage, car il devra peut-être célébrer le mariage ensuite. L'audition des futurs époux est-elle suffisante pour révéler une volonté de fraude ? La question mérite d'être posée. Dans le cadre de nos auditions, nous avons d'ailleurs relevé une absence de statistiques nationales sur des auditions de ce type, sur les saisines du procureur de la République par les maires ainsi que sur les refus de célébrer des mariages.

Pour en revenir à l'absence du procureur dans le texte que nous examinons, je pense que nous pourrions rendre obligatoire, pour tout ressortissant étranger, la preuve du caractère régulier de sa situation. Néanmoins, il est clair que la seule absence de cette preuve ne saurait suffire pour refuser la célébration du mariage, car nous franchirions alors les limites fixées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

En revanche, cette pièce pourrait « compléter » un faisceau d'indices amenant à penser qu'il existe un vice de consentement chez les époux, ou que le mariage sera contracté à des fins autres que l'union matrimoniale. J'ajoute que les cas de figure sont nombreux et que nous ne pourrons pas nous limiter à un titre de séjour ou à un visa, le ministère de la justice nous ayant rappelé qu'un récépissé de la préfecture vaut situation régulière. Or l'officier d'état civil n'est peut-être pas suffisamment formé pour juger de la régularité du séjour, et je pense que le procureur de la République devrait s'en charger.

En conclusion, il est difficile en l'état d'émettre un avis favorable à cette proposition de loi, non pas en raison de sa philosophie, mais bien en raison de son inconstitutionnalité criante. Néanmoins, je crois que nous pourrions trouver une voie de passage en séance, tout en nous interrogeant sur les délais d'enquête et d'investigation laissés au procureur, ainsi que sur le fait que l'absence de réponse du procureur vaut acceptation - contraignant le maire à procéder au mariage -, alors même que nous pourrions inverser la règle en décidant que le silence du procureur vaut refus au bout d'un certain délai.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Le rapporteur a clairement exprimé ses réserves à l'égard d'un texte qui bat en brèche trente ans de jurisprudence du Conseil constitutionnel. En vertu du gentlemen's agreement qui consiste à ne pas modifier les textes des groupes minoritaires inscrits dans leur espace réservé sans l'aval de leur auteur, nous ne pouvons guère aller plus loin, sauf à dire qu'il conviendrait de mieux détecter les mariages frauduleux qui ne seraient justifiés que par le souhait d'obtenir une régularisation, sans intention matrimoniale.

M. Marc-Philippe Daubresse. - Le cas de Stéphane Wilmotte a ému, c'est peu de le dire, l'association des maires du Nord. Il convient de distinguer la notion de consentement de la notion de régularité : l'affaire d'Hautmont ne met pas en jeu la première puisqu'elle implique un imam d'une mosquée fermée par le ministère de l'intérieur en raison de prêches djihadistes tombant sous le coup de la législation antiterroriste. De plus, l'intéressé avait changé de témoins la veille de son mariage et ne disposait que de pièces d'identité douteuses. Il est donc bien ici question de régularité, le ministre de la justice ayant d'ailleurs pris sur ce sujet une position différente de celle qui était la sienne lorsqu'il occupait le poste de ministre de l'intérieur.

Selon moi, la voie de passage réside dans le fait de rendre obligatoire une pièce justifiant de la régularité de la situation régulière et de permettre au maire de signaler la situation au procureur, à qui il reviendra de trancher. En tout état de cause, nous ne pouvons pas rester dans la situation créée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, vieille de vingt ans et totalement inadaptée au nouveau contexte de la société française.

M. Hussein Bourgi. - Je rejoins Marc-Philippe Daubresse sur la distinction entre la notion de consentement et la notion de régularité. Vingt-cinq ans plus tôt, alors que je militais dans une association, j'avais été alerté sur des mariages forcés, ce qui nous avait conduits à organiser une série de modules de formation auprès d'officiers de police judiciaire (OPJ). Les agents de l'état civil sont tout à fait disposés, comme les élus, à recevoir toutes les formations qui leur permettraient de célébrer les mariages dans les conditions les plus régulières qui soient.

Plus récemment, un maire a été confronté à une personne dont le titre de séjour était périmé, mais qui a réussi à prouver, attestation d'huissier à l'appui, que son dossier était bloqué en raison de l'engorgement de la préfecture, qui l'empêchait d'obtenir un rendez-vous. Chacun d'entre nous peut connaître des situations de ce type et être amené à intervenir en faveur d'étudiants ou d'internes en médecine étrangers. La personne que je mentionnais était de bonne foi et son avocat a dû assigner la préfecture en référé afin que son client puisse être reçu, déposer son dossier et obtenir un titre de séjour.

Sans me prononcer sur le fond de la proposition de loi, j'attire donc votre attention sur la nécessité de ne pas multiplier les contentieux administratifs, sous peine de voir les personnes désireuses de se marier et qui n'auraient pas de rendez-vous en préfecture user du même procédé pour voir leur dossier traiter en priorité.

Mme Corinne Narassiguin. - Force est de constater que les contorsions juridiques du rapporteur ne lui ont pas permis de trouver un chemin de constitutionnalité. J'ai relevé votre affirmation selon laquelle « il est difficile d'émettre un avis favorable », soit exactement la formule employée par Muriel Jourda à propos d'un amendement de Valérie Boyer au projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, amendement qui avait un objet identique à celui de cette proposition de loi et qui avait été rejeté, car contraire aux articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'aux articles 12 et 14 de la CEDH.

Je souscris à l'argument visant à distinguer la question du consentement et la question de la régularité de la situation des personnes qui demandent à se marier, la première étant déjà traitée dans le code civil, sans que nous ayons besoin de modifier la loi.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) votera évidemment contre cette proposition de loi, car la liberté du mariage doit, selon nous, ouvrir la possibilité de se marier quel que soit le statut de la personne, y compris si elle est en situation irrégulière en France.

Comme l'a relevé Hussein Bourgi, des personnes se retrouvent temporairement en situation irrégulière du fait de l'engorgement des préfectures, mais, en dehors de ces cas, le mariage ne fait pas systématiquement obstacle à l'exécution d'une OQTF, ce qui fait tomber l'un des arguments sous-tendant cette proposition de loi.

Du reste, son auteur a beaucoup parlé de « bon sens » concernant la protection des maires : au contraire, j'estime que ce texte les exposerait encore plus. Lorsqu'il était ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin lui-même avait indiqué qu'une telle solution reviendrait à placer les maires en première ligne puisqu'ils devraient alors effectuer toutes les investigations, alors qu'un signalement au procureur de la République suffit à confier ce travail à la justice.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi, y compris si elle venait à être amendée en séance par les groupes majoritaires.

M. André Reichardt. - Je rappelle que cette proposition de loi porte sur la régularité du mariage et non pas sur le consentement : ne nous dispersons donc pas.

Compte tenu de la complexité du droit applicable, qui explique la densité de la présentation du rapporteur, peut-on reprocher à un maire d'ignorer l'état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ? Je pense que non. Je rends hommage à la volonté du rapporteur de protéger les maires, car c'est, selon moi, le coeur du sujet, et j'espère que nous parviendrons à trouver un chemin en séance pour venir en aide aux élus locaux.

Mme Mélanie Vogel. - Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST) s'opposera également à cette proposition de loi, quand bien même elle serait amendée en séance dans le sens proposé par le rapporteur.

En réalité, cette proposition de loi ne cherche pas à remédier au problème des mariages blancs et des mariages gris. Un arsenal législatif déjà très développé existe pour lutter contre ces mariages et le véritable objet du texte apparaît dès l'exposé des motifs, qui contient l'affirmation suivante : « Que le mariage soit de complaisance ou teinté de sentiments réels, il est essentiel qu'un aspirant au mariage réside sur le territoire français de façon régulière. »

Bien loin de vouloir régler le problème supposé d'une insuffisance du contrôle des mariages blancs, ce texte ne vise en fait qu'à restreindre la liberté de mariage lorsque des citoyens choisissent un époux ou une épouse qui ne réside pas régulièrement sur le territoire français. Il en résulterait une discrimination, car ils ne pourraient pas exercer leur liberté de la même manière que les autres citoyens.

C'est la raison pour laquelle cette proposition de loi est, bien heureusement, non conforme au droit français et au droit européen. Je n'ai pas compris, d'ailleurs, les propositions du rapporteur en vue de « trouver un chemin » : rendre les contrôles obligatoires me paraît superflu, car ils sont, à ma connaissance, déjà effectués dès lors qu'une personne de nationalité étrangère s'apprête à se marier.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Ce texte vise à s'adapter à une nouvelle réalité à laquelle les maires sont confrontés.

Je rappelle que subir des retards sur le renouvellement de ses titres, si on peut le déplorer, n'est pas comparable au fait d'être sans-papiers. Par ailleurs, au-delà des maires, ce texte a vocation à protéger des femmes en difficulté qui subissent des pressions et peuvent y céder.

Dans certains cas, le lien entre les OQTF et les projets de mariage n'est pas à démontrer : protéger les femmes de certaines emprises, c'est également se poser la question de ces mariages utilisés afin d'obtenir une régularisation, qui sont une réalité dès lors que l'on observe ce qui se passe au-delà du périphérique parisien.

M. Michel Masset. - Faire du séjour irrégulier une justification permettant de refuser le mariage semble porter atteinte aux principes constitutionnels. Dans sa jurisprudence de 2003, le Conseil constitutionnel a indiqué que le législateur pouvait prévoir le renforcement du contrôle de l'intention maritale, mais qu'il ne pouvait pas entraver la liberté de mariage. Voilà pourquoi le groupe Rassemblement Démocratique, Social et Européen (RDSE) votera contre ce texte.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Nous sommes confrontés à un verrou constitutionnel, mais la réalité des difficultés rencontrées par les maires ne peut être occultée : le maire d'Haumont a reçu des menaces de mort et, s'il a gagné en référé pour l'heure, un jugement sur le fond est en cours. L'auteur de la proposition de loi n'a pas souhaité que la commission modifie le texte, mais peut-être y parviendrons-nous en séance.

Sans doute faudra-t-il réinterroger le Conseil constitutionnel, d'autant que le ministre de la justice a récemment déclaré que l'inconstitutionnalité ne pouvait justifier une forme de statu quo. Je pense qu'il existe une voie de passage permettant de concilier les objectifs poursuivis avec cette proposition de loi et la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Selon moi, un doute sur la régularité du séjour ne serait pas le seul indice qui déclencherait automatiquement la saisine du procureur de la République. En revanche, demander une pièce complémentaire pour justifier de la régularité du séjour, dans l'optique d'aider l'officier d'état civil à former son jugement et à décider d'une éventuelle saisine du procureur, me semble frappé au coin du bon sens.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Comme c'est l'usage, il me revient de vous indiquer quel est le périmètre indicatif de la proposition de loi. Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives à la lutte contre les mariages arrangés ou simulés.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Le gentlemen's agreement qui régit l'examen des propositions de loi des groupes minoritaires inscrits dans leur espace réservé interdit, en l'absence d'accord de l'auteur du texte, toute modification au stade de la commission. En conséquence, avis défavorable, à l'amendement de suppression COM-1 même si je concède que la proposition de loi ne peut pas être adoptée en l'état.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Je tiens à rappeler aux auteurs de l'amendement que ce gentlemen's agreement bénéficie aux groupes minoritaires.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi n'est pas adopté.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme Mélanie VOGEL

1

Suppression de l'article.

Rejeté

La réunion est close à 10 h 40.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 47(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie48(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte49(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial50(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 31 janvier 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 190 rect. (2023 - 2024) visant à interdire un mariage en France lorsque l'un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives à la lutte contre les mariages arrangés ou simulés.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

M. Stéphane Demilly, sénateur de la Somme, auteur de la proposition de loi

M. Guillaume Drago, professeur de droit public à l'université Paris Panthéon-Assas

Direction des affaires civiles et du sceau (DACS)

M. Valentin Raguin, adjoint à la sous-directrice du droit civil

Mme Raphaëlle Wach, chef du bureau du droit des personnes et de la famille

Mme Anne-Sophie Verdalle, rédactrice au sein du bureau

Direction générale des étrangers en France (DGEF)

M. Ludovic Guinamant, sous-directeur du séjour et du travail

Association des maires de France (AMF)

M. Guy Geoffroy, maire de Combs-la-ville et Président des maires de Seine-et-Marne

Association de défense des droits des couples franco-étrangers

Mme Martine Camaret, présidente

Mme Christine Berthelot, trésorière

Association « Les amoureux au ban public »

Mme Laura Odasso, présidente

Mme Martine Déotte, vice-présidente, membre du collectif des ABP Paris/IdF

Mme Sylvie Pelletier, membre du bureau, membre du collectif des ABP Strasbourg

M. Jean-Yves Robert, membre du bureau, membre de l'association locale des ABP Lyon

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR)

Association ADATE

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-190.html


* 1 Voir la rubrique « Pour en savoir plus » pour les références des décisions du Conseil constitutionnel.

* 2 Considérant n° 107.

* 3 Considérant n° 3.

* 4 Considérant n° 94 de la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 sur la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

* 5 Considérant n° 4.

* 6 Considérant n° 5.

* 7 Considérant n° 4.

* 8 Voir notamment l'ordonnance n° 382145 du 9 juillet 2014 du juge des référés du Conseil d'État.

* 9 Ordonnance n° 450884 du 9 avril 2021 du juge des référés du Conseil d'État.

* 10 Décision n° 2012-261 QPC du 22 juin 2012.

* 11 Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

* 12 Avant le vote de la loi du 17 mai 2013, le code civil n'interdisait pas explicitement le mariage entre deux personnes de même sexe. Toutefois, comme l'écrit dans son rapport n° 437 (2012 - 2013) Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois sur le texte précité, « le titre V  Du mariage ” du livre premier du code civil s'ouvr[ait] sur l'article 144 qui dispos[ait] que  l'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus . Conformément à l'esprit du code civil de 1804, il ressort[ait] de la rédaction de cet article que le caractère monogame du mariage et la différence de sexe des époux [étaient] considérés comme des conditions allant de soi pour se marier ».

* 13 Article 144 du code civil.

* 14 Article 145 et articles 148 à 160 du code civil.

* 15 Loi n° 74-631 du 5 juillet 1974 fixant à dix-huit ans l'âge de la majorité.

* 16 Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

* 17 Article 164 du code civil.

* 18 Article 146 du code civil.

* 19 Article 175-1 du code civil.

* 20 Article 180 du code civil.

* 21 Cass, Civ.1ère, 20 novembre 1963, Apietto : JurisData n° 1963-000506.

* 22 Cass, Civ.1ère, 12 novembre 1998, n° 96-19701 ; Cass, Civ.1ère, 28 octobre 2003, n° 01-12.574.

* 23 Considérant n° 3 de la décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 précitée.

* 24 Considérant n° 4 de la décision n° 2006-542 DC du 9 novembre 2006 précitée.

* 25 Considérant n° 7 de la décision n° 2012-261 QPC du 22 juin 2012 précitée.

* 26 Considérant n° 4 de la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 précitée. Toutefois, dans cette décision, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution deux modifications que souhaitait apporter le législateur à l'article 175-2 du code civil. Cette non-conformité partielle est analysée dans le b du 1 du présent commentaire d'article.

* 27 Considérant n° 11 de la décision n° 2012-261 QPC du 22 juin 2012 précitée.

* 28 Le dernier chiffre concernant le nombre de mariages entre une personne de nationalité française et une personne de nationalité étrangère publié par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) est celui de l'année 2015. Cette année-là, « 236 300 mariages ont été célébrés en France, dont 33 800 entre une personne de nationalité française et une personne de nationalité étrangère : 14 % des mariages célébrés en France en 2015 sont donc des mariages mixtes ». Voir l'étude de l'INSEE, publiée le 13 mars 2017, intitulée : « 236 300 mariages célébrés en France en 2015, dont 33 800 mariages mixtes », accessible sur le site de l'INSEE.

* 29 Le seul chiffre transmis au rapporteur par la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de l'intérieur concerne les demandes de mainlevées d'oppositions à mariage formées par les procureurs de la République, tout motif et toute population confondus. En 2023, 343 demandes de mainlevée d'opposition ont été formées, 66 demandes ont été rejetées totalement et 112 demandes ont été acceptées totalement.

* 30 Réponse à la question écrite n° 39197 de Jean Rigaud, JOAN 6 mai 1991, p. 1846.

* 31 Considérant n° 107.

* 32 Considérant n° 93 de la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 précitée.

* 33 Considérant n° 94 de la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 précitée.

* 34 Considérant n° 95.

* 35 Considérant n° 97.

* 36 Étude de législation comparée n° 159, publiée en février 2006, sur « la lutte contre les mariages de complaisance ».

* 37 Plus précisément, le futur époux de nationalité étrangère doit fournir une déclaration du chef de la police locale attestant que le futur époux qui n'a pas la nationalité néerlandaise est en possession d'un titre de séjour aux Pays-Bas ou en a fait la demande ou bien n'a pas l'intention de s'établir aux Pays-Bas. La déclaration n'est pas requise lorsque le futur époux est en possession d'un titre de séjour à durée indéterminée, lorsqu'il est ressortissant d'un État membre de l'Union Européenne, ou d'un État partie à la Convention sur l'Espace Économique Européen, ou bien si les futurs époux peuvent démontrer qu'ils auront leur domicile après le mariage hors des Pays-Bas. Source : guide pratique international de l'état civil (Pays-Bas) du site spécialisé en droit international aux affaires familiales http://jafbase.fr/.

* 38 Source : service public fédéral des affaires étrangères, du commerce extérieur et de la coopération au développement du Royaume de Belgique et Association belge pour le droit des étrangers (ADDE).

* 39 L'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixe trois conditions pour qu'un étranger marié avec un ressortissant français puisse se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d'une durée d'un an : la non-interruption de la communauté de vie depuis le mariage, la conservation de la nationalité française par le conjoint et, pour les mariages célébrés à l'étranger, leur transcription préalable sur les registres de l'état civil français.

* 40 CAA Lyon, 1er avr. 2010, M. A., n° 09LY00633.

* 41 CAA Paris, 18 nov. 2010, Gashi, n° 09PA01310.

* 42 Contribution écrite de la DGEF.

* 43 Conformément à l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il s'agit des mêmes conditions que celles mentionnées aux articles L. 423-1 et L. 423-2 précitées.

* 44 L'article L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit dispose ainsi que « l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans à condition qu'il séjourne régulièrement en France depuis trois ans et que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français.

La délivrance de cette carte est subordonnée au respect des conditions d'intégration républicaine prévues à l'article L. 413-7. »

* 45 Conformément au deuxième alinéa de l'article 21-2 du code civil, ce délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n'est pas en mesure d'apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France.

* 46 Contribution écrite de la DACS.

* 47 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 48 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 49 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 50 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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