III. LE CHAMP TRÈS LIMITÉ DU PROJET DE LOI DE FINANCES SPÉCIALE

A. UN CONTENU NÉCESSAIREMENT RESTRICTIF CAR RESSERRÉ SUR LA PERCEPTION DES RESSOURCES EXISTANTES

Les lois spéciales ont le caractère de loi de finances, en application du 5° de l'article 1er de la loi organique. Cette précision a explicité au niveau organique la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la loi spéciale adoptée en 19798(*). Le Conseil constitutionnel avait alors affirmé que « cette loi doit être considérée comme une loi de finances, au sens de l'article 47 de la Constitution ; qu'en effet, les dispositions qu'elle comporte sont de celles qui figurent normalement dans une loi de finances ; qu'ainsi, elle constitue un élément détaché, préalable et temporaire de la loi de finances pour 1980 ».

Toutefois, la LOLF ne définit pas leur domaine avec la même précision que pour la loi de finances de l'année (article 34), les lois de finances rectificatives ou de fin de gestion (article 35) et la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année (article 37).

La seule indication donnée par le quatrième alinéa de l'article 47 de la Constitution est que cette loi contient l'autorisation de percevoir les impôts, ce que l'article 45 de la LOLF précise en indiquant que le projet de loi spéciale autorise le Gouvernement à continuer à percevoir les impôts « existants », et ce « jusqu'au vote de la loi de finances de l'année ». C'est d'ailleurs le sens de la rédaction choisie en 19799(*), qui reprenait celle figurant traditionnellement à l'article premier des projets de loi de finances.

Par ailleurs, l'article 45 de la LOLF limite le projet de loi spéciale aux dispositions relatives aux recettes, les mesures relevant des dépenses devant être prises par décret par le Gouvernement.

Le domaine de la loi spéciale ne peut en tout état de cause être plus large que celui d'une loi de finances de l'année. Ainsi, ne peuvent être considérés comme recevables en loi spéciale des amendements qui ne relèvent pas du domaine des lois de finances (redevances pour services rendus, sanctions, etc.). Une exception est toutefois envisageable pour les dispositions qui sont indispensables à la continuité de la vie nationale, ainsi notamment celles relevant du domaine des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), en l'absence de mécanisme symétrique à celui de la loi spéciale dans la loi organique relative aux LFSS10(*).

De surcroît, si l'article 45 de la LOLF distingue les procédures du projet de loi partiel (vote d'une première partie de loi de finances avant le 11 décembre) et du projet de loi spéciale (déposé avant le 19 décembre), il en découle en toute logique une distinction entre leur contenu, celui de la seconde étant nécessairement plus restreint que celui d'une première partie d'un projet de loi de finances de l'année.

En tout état de cause, l'esprit de l'article 45 de la LOLF va dans le sens d'un contenu minimal visant exclusivement à prévenir toute rupture de continuité dans le financement des services publics essentiels. Le projet de loi spéciale n'a en aucune façon vocation à se substituer à la première partie d'une loi de finances de l'année. En outre, ce texte a été déposé par un Gouvernement démissionnaire, ce qui rend encore plus nécessaire que son contenu soit le plus restreint possible.


* 8  Décision n° 79-111 DC du 30 décembre 1979, Loi autorisant le Gouvernement à continuer à percevoir en 1980 les impôts et taxes existants.

* 9 La loi spéciale adoptée en 1979 ne contenait qu'un article unique dont le premier alinéa était ainsi rédigé : « Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 1980, la perception des impôts, produits et revenus affectés à l'État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir, continue d'être effectuée pendant l'année 1980, conformément aux lois et règlements ».

* 10  Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

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