IV. UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE POUR SOUTENIR LA CONCLUSION D'ACCORDS BILATÉRAUX, AVANT UNE RÉVISION DU RÈGLEMENT (CE) N° 883/2004
A. UNE TENTATIVE DE RÉVISION DU RÈGLEMENT (CE) N° 883/2004 PRÉSENTÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE EN 2016 MAIS INABOUTIE
1. Une proposition visant à limiter la charge financière qui pèse sur l'État de résidence
Les services de la Commission européenne ont publié en 2016 une étude d'impact17(*) visant à évaluer les différentes réformes possibles pour l'indemnisation des travailleurs frontaliers en situation de chômage. L'étude montre que le système actuel est particulièrement désavantageux pour les États de résidence qui comptent un grand nombre de travailleurs frontaliers « sortants » ou qui bénéficient d'un niveau plus élevé de prestations de chômage que les États de dernière activité. L'étude souligne également qu'en période de récession économique, ces États se trouvent confrontés à un nombre beaucoup plus important d'anciens travailleurs frontaliers qui demandent une prestation de chômage pour laquelle ces États n'ont jamais perçu de contributions à la sécurité sociale. L'étude souligne enfin la lourdeur de la procédure administrative de remboursement avec des délais de traitement qui peuvent être particulièrement longs et des différences d'interprétation entre États membres des règles régissant cette procédure. La charge financière de ces procédures reste selon l'étude difficile à évaluer.
À la suite de cette étude, la Commission a présenté le 13 décembre 2016 une proposition de réforme du règlement (CE) n° 883/200418(*). Cette proposition prévoit d'attribuer la responsabilité du versement des prestations de chômage à l'État membre de dernier emploi lorsque le travailleur frontalier y a travaillé pendant au moins 12 mois et à l'État membre de résidence dans tous les autres cas. Dès lors, la procédure de remboursement actuellement en vigueur et pour laquelle de nombreuses difficultés ont été constatées n'aurait plus de raison d'être. Dans sa résolution n° 108 (2017-2018)19(*) adoptée le 26 mai 2018 sur proposition de sa commission des affaires européennes, le Sénat demandait une prise en charge du versement des prestations de chômage par l'État d'emploi dès lors que le travailleur frontalier y aurait travaillé au moins trois mois.
Dans le cadre des négociations au Conseil, la position constante de la France est de soutenir cette bascule.
Le tableau ci-dessous donne une estimation de la dépense nette pour l'Unédic de la prise en charge des frontaliers, selon plusieurs situations.
Estimations des dépenses d'Assurance chômage française et nombre de frontaliers indemnisés, selon l'État en charge de l'indemnisation, et selon différents scénarios, sur l'année 2020
Source : Ministère du travail et de l'emploi
2. Un difficile consensus entre les États mais un sujet qui reste en discussion
La procédure législative n'a pas pu aboutir faute de consensus entre les États membres. Toutefois, la proposition de la Commission reste toujours en discussion.
En octobre 2024, la présidente du Parlement européen a adressé au président du Conseil un courrier lui indiquant que le Parlement souhaiterait la reprise des travaux sur ce texte. En outre, la lettre de mission du nouveau Commissaire européen aux questions sociales, Mme Roxana Minzatu, lui commande d'examiner les moyens de faciliter davantage la mobilité de la main-d'oeuvre, en travaillant notamment à la modernisation, à la simplification et à la numérisation de la coordination des systèmes de sécurité sociale.
Enfin, il faut noter qu'une modification de la législation de l'Union ne sera applicable à la Suisse que si le comité mixte institué par l'accord entre la communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes adopte une décision en conséquence. Au sein de ce comité, les décisions sont prises par consensus.
* 17 SWD(2016) 460 final
* 18 COM(2016) 815 final