EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Consécration d'une
stratégie nationale
de reconquête de la haie à
horizon 2030 et 2050,
d'un observatoire de la haie et d'une
instance de concertation et de suivi chargés d'en assurer le suivi
Cet article vise à consacrer dans la loi une stratégie nationale de reconquête de la haie à horizon 2030 et 2050, fixant des objectifs quantitatifs en termes de gain et de haies certifiées pour leur gestion durable. Traduite par décret, cette stratégie serait d'une durée de cinq ans et ferait l'objet d'un suivi par un observatoire de la haie et une instance de concertation et de suivi. Cet article procède à la mise en cohérence des objectifs du code rural avec les objectifs de cette stratégie.
La commission a adopté neuf amendements, déposés à l'identique par le rapporteur et l'auteur de la proposition de loi, pour mieux articuler l'article 1er, qui date de juillet 2023, avec le « Pacte en faveur de la haie » publié en octobre 2023, afin de capitaliser sur les initiatives existantes : la stratégie, renommée « pour la gestion durable et la reconquête de la haie » afin de mettre l'accent sur le bon état des haies au-delà du simple maintien quantitatif d'un linéaire en kilomètres, ne serait plus opposable en droit mais définirait toujours des objectifs (en termes de haies gérées durablement et de matière sèche mobilisée en bois énergie), à l'ambition toutefois révisée pour plus de crédibilité.
I. La situation actuelle - « Fossile » de l'économie rurale longtemps déconsidéré, la haie connaît un retour en grâce dans les politiques publiques du fait de ses externalités positives
A. Fossile de l'économie rurale un temps déconsidéré...
Le maintien et le développement des haies n'a longtemps pas été un objectif de politiques publiques.
Le géographe Louis Poirier - qui n'est autre que le véritable nom de l'écrivain Julien Gracq - prédisait : « Le bocage nous apparaît comme une forme autrefois rationnelle d'exploitation de la terre [...]. On peut le définir comme une forme de vie économique aujourd'hui fossile. [...] Le bocage est une forme économique qui mourra d'une transformation sociale. »
Dans l'élan modernisateur des lois d'orientation agricoles de 1960 et 1962, la puissance publique a même encouragé, par une politique volontariste, le remembrement des terres agricoles, pour permettre, via une mécanisation accrue, des gains de productivité et, du même coup, une moindre pénibilité des travaux agricoles. Cette politique s'est traduite en pratique par l'arasement de talus, l'arrachage de haies (« obstacle à l'utilisation rationnelle des sols » selon un décret de 1955) et la disparition de chemins creux, en particulier dans les régions bocagères d'élevage, où le parcellaire était particulièrement fragmenté.
Artisan de cette politique, le ministre Edgard Pisani, a regretté ses conséquences sur le paysage, tout en reconnaissant sa légitimité pour la productivité et l'amélioration des conditions de travail agricole.
Pour autant, il faut se garder d'une histoire ternaire trop schématique de la haie (idéalisation nostalgique du bocage qui traduirait l'harmonie de l'homme avec la nature, disparition des haies dans une logique productiviste après-guerre, retour en grâce récent de la haie par le biais de l'écologie), car si « les haies ont été détruites pour des raisons économiques » après-guerre, elles avaient été plantées pour de mêmes raisons économiques selon le sociologue Léo Magnin : il s'agissait d'une véritable « culture », à visée économique, permettant de produire des fagots pour le chauffage, de la litière et de l'aliment pour le bétail. Par ailleurs, les chiffres montrent une accélération récente de la perte de haies, passant de 10 500 km/an entre 2006 et 2014 à 23 600 km/an entre 2017 et 2021 (soit 1,5 % du linéaire par an, sur environ 1,55 million de km), à rebours de l'impression d'une amélioration récente de la situation au prisme de l'écologie.
Cela souligne que le défaut d'entretien est désormais, plus que le remembrement et l'arrachage à proprement parler, la cause d'une érosion à petit feu. Et cela confirme l'intuition de la présente proposition de loi, de la nécessité de redonner des motivations économiques plus concrètes aux agriculteurs pour la gestion durable des haies, au-delà de leur seul intérêt écologique, dont les retombées économiques, bien que réelles, sont plus diffuses.
Il n'existe pas à ce jour de données consolidées sur la ressource en biomasse énergie issue de bois bocager, et encore moins s'agissant plus précisément des haies gérées durablement. L'IGN a estimé que sur les deux tiers du linéaire de haie de la France, dans les régions les plus bocagères, les prélèvements seraient d'environ 2,3 millions de tonnes de matière sèche - en transposant ce résultat à l'ensemble de la France, le prélèvement serait, dans une hypothèse très haute, de 3,5 millions de tonnes de matière sèche (Mtms).
Le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) prévoit un surplus de 1,6 million de tonnes de matière sèche issue de haies à horizon 2030, ce qui reviendrait à un total de plus de 5 millions de tonnes.
B. La haie est désormais encouragée par un grand nombre d'outils, ce qui pose des problèmes de lisibilité voire de cohérence
Quatre-vingts ans plus tard, les pouvoirs publics financent la plantation voire l'entretien des haies, par une multiplicité d'outils ne permettant pas cependant d'atteindre les objectifs de gain net de linéaire (+ 50 000 km en 2030 dans le « Pacte en faveur de la haie »), ni même de préservation du linéaire existant. Les agriculteurs doivent respecter la deuxième bonne condition agricole et environnementale (BCAE) pour toucher les paiements directs de la politique agricole commune, et peuvent prétendre, dans le cadre de l'écorégime, à un « bonus haies », dont le montant devrait passer de 7 à 20 €/ha en 2025 (soit + 20 à 25 M€).
Il existe une forte dynamique territoriale des projets de replantation de haies. Ainsi, plusieurs régions ont lancé des appels à projets visant à la replantation de haies. La région Bretagne subventionne par exemple depuis 2007, à travers son dispositif Breizh bocage, des plantations à hauteur de 50 % des coûts associés.
En complément, le précédent ministre de l'agriculture Marc Fesneau avait impulsé une politique ambitieuse en faveur des haies, traduite par un « Pacte en faveur de la haie » (septembre 2023) de 25 actions regroupées en 6 axes (connaissance et planification, richesse écologique, valorisation économique, gestion des haies, simplification normative et gouvernance), et par une enveloppe de 110 M€/an dans le cadre de la planification écologique.
Ce Pacte, non contraignant, traduit plusieurs actions de la stratégie nationale biodiversité, et s'inscrit en cohérence avec d'autres instruments, comme la stratégie nationale pour la mobilisation de la biomasse.
II. Le dispositif envisagé - Une stratégie ambitieuse et juridiquement contraignante
A. La consécration d'une stratégie de reconquête de la haie
Sur le modèle d'autres stratégies (biomasse, feux de forêt, bas-carbone, biodiversité...), il est proposé de consacrer dans la loi une stratégie « pour la reconquête des haies ». En pratique, elle ne semble pas différer du « Pacte en faveur de la haie » si ce n'est qu'elle serait juridiquement opposable (terme « atteindre »).
Par souci de cohérence, il est prévu de mentionner l'articulation de cette stratégie avec le plan stratégique national relevant de la PAC et ses objectifs sont rappelés dans la partie programmatique du code rural.
La stratégie se traduirait par un décret et par un plan national d'actions, de même que le Pacte en faveur de la haie. Une instance de concertation et de suivi serait, de même mise en place, prévoyant une large association de toutes les parties prenantes.
La stratégie prévue par la présente proposition complète par ailleurs le Pacte sur trois aspects :
1) elle fixe explicitement un objectif chiffré de haies gérées durablement, tandis que le pacte fixait un objectif purement quantitatif de gain de linéaire, sans précision sur la gestion durable ;
2) elle s'inscrit à plus long terme, en fixant des objectifs à horizon 2050 ;
3) elle prévoit une gouvernance renforcée pour le suivi de ce Pacte associant les deux ministères concernés et les diverses parties prenantes.
Elle traduit par ailleurs, de manière incidente de premières actions prévues par ce même Pacte (consécration de l'observatoire de la haie, critères législatifs de gestion durable, logique de labellisation...).
L'observatoire de la haie n'est pas tant un organisme en tant que tel qu'un réseau entre les deux ministères compétents, l'IGN, l'OFB et l'Inrae, chargé d'élaborer un référentiel cartographique pour ensuite caractériser de façon complexe les haies et suivre leur progression. Il a d'ores et déjà été lancé dans le cadre du Pacte en faveur de la haie, une convention ayant été signée entre ces organismes.
B. Des objectifs très ambitieux
L'article 2 fixe dans la loi des objectifs très ambitieux de 100 000 km de gain de linéaire de haies en 2030 (sans préciser qu'il s'agit d'un gain net), de 450 000 km sous certification de gestion durable à cette même échéance et de 1,5 million de kilomètres certifiés pour leur gestion durable en 2050. Il prévoit également le prélèvement de 3 millions de tonnes de matière sèche issue de haies gérées durablement valorisée en énergie d'ici 2030.
III. La position de la commission - Un effort de mise en cohérence du texte avec l'équilibre trouvé dans le « Pacte en faveur de la haie », qu'il s'agit d'appuyer et non de concurrencer
La présente proposition de loi, et notamment son article 1er, datent de juillet 2023, quand le « Pacte en faveur de la haie » du ministère de l'agriculture et du ministère de l'écologie, a été publié en octobre 2023. Il avait au préalable fait l'objet de concertations élargies au printemps de cette même année et fixe des objectifs jusqu'à 2030.
À la demande des administrations concernées, pour capitaliser sur l'existant et ne pas tout reprendre à nouveaux frais, le rapporteur a proposé, en lien avec l'auteur, de faire du Pacte la première déclinaison, sur six ans, de cette stratégie (et non plus cinq ans), par ailleurs renommée « pour la gestion durable et la reconquête de la haie » par cohérence avec sa logique économique et incitative. Il a également précisé son application aux territoires ultramarins, qui sont aujourd'hui, d'après le ministère de l'agriculture, dans le périmètre du Pacte, bien que ce ne soit pas explicitement précisé dans ce document.
Sur le conseil unanime des acteurs entendus, ses objectifs sont révisés pour plus de crédibilité : 50 000 km de gain net, pour 100 000 km de haies gérées durablement en 2030 et 500 000 km en 2050 - en apportant la précision, importante, qu'il s'agit d'un gain net -, 500 000 tonnes de matière sèche issue de haies gérées durablement valorisée en énergie d'ici 2030 (les prévisions étant plutôt de l'ordre de 300 000 tonnes à ce jour, compte tenu des volumes disponibles et du temps nécessaire de pousse de la haie et d'engagement des gestionnaires et distributeurs dans la certification « gestion durable des haies »).
La stratégie est enfin rendue non contraignante car il serait contreproductif d'imposer l'atteinte d'objectifs par les à-coups de décisions de justice condamnant l'État pour inaction, le but étant bien plutôt d'impulser une dynamique qui soit collectivement choisie.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 2
Consécration d'un label public unique
de gestion
durable des haies et de distribution durable
de bois issu de haies
gérées durablement
Cet article vise à consacrer dans la loi une certification publique unique de gestion durable de la haie et de distribution durable de bois issu de haies gérées durablement. En pratique, il consacrerait le label « Haie », et ses référentiels gestion et distribution, porté par l'association Réseau Haies France (ex-Afac-Agroforesteries), réputé pour le sérieux de ses exigences.
La commission a adopté cinq séries d'amendements identiques (à chaque fois déposés à l'identique par le rapporteur et par l'auteur).
Le rapporteur, en lien avec l'auteur, a proposé à la commission de maintenir à l'article 2 des critères exigeants de gestion durable dans la loi, mais de supprimer les mentions explicites du label « Haie ».
Il a préféré prévoir la reconnaissance, par arrêté ministériel, d'une ou plusieurs certifications satisfaisant ces principes. Ce choix a été retenu, plutôt que de créer un label public unique comme initialement envisagé, ou au contraire de ne pas réguler pour laisser faire le seul jeu de la concurrence, afin de concilier ambition et lisibilité de la démarche d'une part, et massification de l'autre.
Un amendement a enfin prévu le principe de leur adaptation au contexte climatique des différents territoires, dans le respect d'un cahier des charges national.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
I. La situation actuelle - Le label « Haie » porté par l'association Afac-Agroforesteries, est à ce jour la seule certification avancée en ce domaine
L'« entretien latéral dégradant » des haies avec des machines lourdes (lamier, épareuse) peut détériorer une haie durablement, l'altérant dans ses fonctions écologiques, ce qui peut conduire à sa disparition à petit feu (cf. image ci-dessous).
Réduisant la haie à son strict minimum afin d'étendre la partie cultivée d'une parcelle à son maximum, cette pratique impose en outre de répéter l'opération chaque année, ce qui coûte du temps, de l'argent, et a pour effet de priver l'agriculture des bénéfices écosystémiques de la haie et de « co-produits » de la haie (bois énergie pour les taillis, voire bois d'oeuvre pour les arbres de haut jet) pouvant être valorisés.
Source : Afac-Agroforesteries
C'est pourquoi le label « Haie » porté par l'association Afac-Agroforesteries a été créé.
Son référentiel Gestion a pour objectifs d'assurer le renouvellement de la haie et de lui donner de la largeur, ce qui se traduit par plusieurs prescriptions et itinéraires techniques particuliers. Construit dans une logique ascendante, à partir des expériences de terrain, il comprend trois niveaux de certification (1/ on sauve la haie, 2/ on gère la haie, 3/ on assure tous les services de la haie), dont même le premier niveau nécessite un contrôle par un organisme certificateur. Le troisième niveau ne peut être atteint qu'en six ans minimum, afin de laisser le temps à la haie de recouvrir ses fonctions écologiques.
Son référentiel Distribution de bois bocager s'articule en quatre exigences : être prélevée sur une haie gérée durablement, consister en un approvisionnement local, garantir une juste rémunération du producteur et permettre une traçabilité complète du bois vendu.
À ce jour, compte tenu des exigences de ce label, environ 2 000 agriculteurs seulement seraient engagés dans cette démarche. Il s'agit de la seule certification ouvrant droit au « bonus haie » de l'écorégime, dans le cadre de la PAC, et à ouvrir droit aux paiements pour services environnementaux (PSE) du ministère de la transition écologique (MTE).
Le Pacte en faveur de la haie mentionne à plusieurs reprises la notion de garanties de gestion durable comme étant un objectif, sans en dessiner cependant les modalités particulières. Cela est présenté comme un moyen de structurer des filières d'approvisionnement en bois bocager sur le temps long - la filière bois énergie ayant confirmé ce besoin, tant pour répondre aux attentes de ses clients qu'au regard des obligations qui pourraient leur échoir (bien que les directives RED II et RED III, faisant du bois de haie un déchet, ne prévoient pas à ce stade une telle obligation).
Source : Pacte en faveur de la haie
L'action 7 du Pacte porte même explicitement sur la labellisation. Il précise que « l'accompagnement du plus grand nombre d'acteurs à la gestion durable des haies est un des leviers clés de ce pacte », ce qui semble renvoyer à des référentiels moins exigeants que le label « Haie ». Cependant, il demande également « un haut niveau d'ambition écologique ». On comprend que l'équilibre entre ambition et massification n'est pas encore clairement défini dans cette stratégie.
Source : Pacte en faveur de la haie
Il est à noter que les objectifs de « territorialisation » et de « régionalisation » figurent en bonne place dans cette stratégie.
II. Le dispositif envisagé - Une certification publique unique de la gestion et de la distribution durables des haies
Le 1° de l'article 2 (alinéas 1 à 9) propose de consacrer dans la loi une certification publique unique de gestion et de distribution durables des haies, le « Label Haie - Référentiel Gestion » et le « Label Haie - Référentiel Distribution ».
Cette certification vise à garantir « des pratiques de gestion des haies permettant leur pérennité, un niveau d'emprise au sol minimal, un maillage de haie fonctionnel, un niveau élevé de services écosystémiques rendus par chaque type de haie, au moyen d'un plan de gestion durable des haies, de pratiques de coupe et de mise en défense garantissant la reprise végétale de la haie, et d'itinéraires techniques assurant sa régénération, l'équilibre du prélèvement de biomasse, la protection de la biodiversité, et excluant les pratiques dégradantes ». Le choix est fait ici de définir ces principes dans la loi et non par voie réglementaire.
Il est également prévu que « le plus haut niveau [de cette certification] permet de certifier le bon état écologique de la haie, défini par des étages de végétation ou un potentiel de végétation continus, une emprise au sol de la haie, des fonctions écosystémiques permettant la régénération de la haie, une biodiversité riche, une protection du ruissellement et de l'érosion des sols, un stockage du carbone, et une production de biomasse renouvelable ».
Le 2° (alinéas 10 à 14) prévoit d'inclure cette certification dans la liste des mentions valorisantes, sur le modèle de l'agriculture biologique ou des signes de la qualité et de l'origine.
L'exposé des motifs de la proposition de loi indique que le label serait placé sous l'autorité du ministère chargé de l'environnement.
III. La position de la commission - Trouver le bon équilibre entre ambition de la certification dans ses exigences environnementales et diffusion de son référentiel
A. Une solution médiane pour la certification de gestion durable des haies : des principes consacrés dans la loi, plusieurs démarches pouvant coexister tant qu'elles respectent ces principes
L'objectif recherché, en établissant dans la loi le principe d'une certification, est de donner un cadre à des mesures incitatives, notamment le crédit d'impôt prévu à l'article 4 ou le « bonus haie » de l'écorégime. Il est également envisagé de fournir un outil pour mieux valoriser le bois issu de haies gérées durablement sur le marché.
Le rapporteur a entendu maintenir le « crantage » des critères de gestion durable dans la loi afin de garantir le maintien, dans la durée, de leur ambition, ce qui serait gage de crédibilité pour le label.
Un deuxième aspect sur lequel les vues de l'auteur et du rapporteur ont rapidement convergé a été de fixer des principes de gestion durable dans la loi, et de reconnaître, par arrêté conjoint des ministres compétents - celui chargé de l'environnement et celui chargé de l'agriculture -, une ou plusieurs certifications satisfaisant ces principes.
Il existe de manière systématique, en matière de labels, une tension entre l'ambition et la lisibilité de la certification d'une part et sa massification de l'autre.
Il aurait également été possible de laisser la concurrence jouer sans régulation publique, ce qui aurait eu pour inconvénient de perdre en lisibilité voire en crédibilité, la multiplication de démarches concurrentes se focalisant sur une dimension spécifique de la haie (le carbone, la biodiversité, l'eau) et non sur ses services écosystémiques pris dans leur ensemble pouvant avoir pour effet de poser un problème d'incommensurabilité. Par ailleurs, les degrés d'exigence pourraient varier, donnant lieu à un risque de contournement.
A contrario, en maintenant l'article 2 dans sa rédaction initiale, il aurait été possible de faire du label « Haie » (dans son référentiel Gestion et dans son référentiel Distribution) porté par l'association Afac-Agroforesteries un label public unique, sur le modèle de l'agriculture biologique ou des différents signes de la qualité et de l'origine des produits. Cette solution aurait plutôt eu la faveur du ministère de la transition écologique et du secrétariat général à la planification écologique (SGPE). Elle suscitait toutefois les doutes de l'Ademe, en ce que le caractère très exigeant de cette certification, et son caractère encore très confidentiel (2 000 adhérents à ce stade), auraient pu freiner la « massification » de la gestion durable qui est un objectif du Pacte en faveur de la haie.
L'association Afac-Agroforesteries a confirmé d'elle-même dans sa contribution écrite que « l'idée n'est pas d'en faire un label public, porté par un ou plusieurs ministères mais de reconnaître le cadre législativement pour le fixer comme une référence à viser, un niveau de garantie minimum à atteindre concernant :
- la description des critères caractérisant la gestion durable des haies permettant d'atteindre le bon état écologique ;
- le dispositif de certification associé permettant de le garantir sur la durée ;
- la description et la certification d'une distribution éthique, durable et locale de la biomasse issue des haies.
Pour l'Afac-Agroforesteries, association reconnue d'utilité publique, et détentrice du Label Haie, notre seule motivation et enjeu en portant ce label est d'assurer la préservation des haies en France. Notre enjeu n'est donc pas d'installer un monopole économique mais bien de faire reconnaître la bonne référence pour la gestion durable des haies. »
Le choix a donc été fait, en l'espèce, de retenir l'option médiane, afin de laisser la possibilité à d'autres démarches d'émerger tout en garantissant un haut niveau d'exigence par une décision du ministre.
Le rapporteur a ainsi entendu remplacer la logique de label public unique envisagée initialement, avec la consécration du « Label Haie - Gestion » et du « Label Haie - Distribution » du Réseau Haies France (Afac-Agroforesteries), par une reconnaissance, par arrêté, conjoint des ministères chargés de l'écologie et de l'agriculture, de labels publics ou privés satisfaisant les critères de gestion durable des haies énumérés dans la loi, afin d'encourager l'émergence de labels concurrents dans une logique mieux-disante.
Pour autant, à ce jour, il n'y a pas de doute : seul le référentiel de l'Afac-Agroforesteries est suffisamment mature et rigoureux pour remplir les critères fixés dans la loi, et il n'est pas envisageable de reconnaître publiquement une démarche qui serait moins-disante, sauf à affaiblir l'ambition de la certification et à fragiliser la justification du crédit d'impôt prévu à l'article 4 au regard du bon usage des derniers publics.
B. Un principe d'adaptation aux conditions pédoclimatiques de chaque territoire
La question de l'adaptation aux réalités de terrain de la certification a constitué l'un des points les plus complexes.
Le rapporteur a souhaité consacrer un principe d'adaptation aux spécificités territoriales du cahier des charges national de la ou des certifications reconnues, les mêmes exigences ne pouvant être attendues dans les plaines céréalières du centre de la France (où l'enjeu est d'abord la plantation) ou dans les anciens territoires de bocage (où l'enjeu est surtout la gestion), ou encore dans les haies basses en milieu méditerranéen (dont la vitesse de pousse est bien plus faible qu'au nord de la Loire). La certification devra inclure des critères adaptés aux différentes caractéristiques du sol et du climat d'une région donnée. Une actualisation en cours du label « Haie » de l'Afac-Agroforesteries, qui était né dans le Grand Ouest, vise d'ailleurs à mieux prendre en compte les spécificités des haies moins bocagères.
Il va de soi cependant que ce principe d'adaptation ne saurait être le prétexte à un assouplissement voire à un contournement des exigences de gestion durable fixées dans la loi. C'est pourquoi le rapporteur et l'auteur ont convergé sur le principe d'un cahier des charges national.
Ils entendent rappeler avec clarté que cela ne devrait pas être le prétexte à un éclatement des référentiels, entamant leur lisibilité, voire à leur assouplissement, entamant leur crédibilité. C'est un aspect auquel ils veilleront avec un soin particulier dans le suivi de l'application de la loi, si la proposition de loi devait être définitivement adoptée par les deux chambres.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 3
Trajectoire d'augmentation des approvisionnements
des
chaufferies collectives en bois issu de haies gérées
et
distribuées durablement au sein de la stratégie nationale
de
mobilisation de la biomasse (SNMB)
Cet article vise à prévoir dans la loi, et au sein de la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse (SNMB), une trajectoire de hausse de l'approvisionnement en bois issu de haies gérées et distribuées durablement pour les chaufferies collectives.
La commission a adopté deux amendements identiques visant à inscrire l'objectif d'approvisionnement en bois issu de haies gérées durablement dans les schémas régionaux biomasse, à l'article L. 222-3-1 du code de l'environnement, en complément de son inscription dans la stratégie nationale biomasse, pour mieux traduire l'intention initiale de l'auteur de la proposition de loi, d'objectifs fixés par région.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
I. La situation actuelle - Le bois issu de haie représente une part aujourd'hui très marginale de la ressource en biomasse utilisée dans les chaufferies collectives
A. Historiquement source de revenus, la ressource en bois issu de haies est désormais faiblement valorisée
Comme le rappelle l'association Afac-Agroforesteries, « en 1929, les fagots représentaient 30 % de la valeur du blé, ce qui amenait les fermiers à implanter plus de haies ». La même association fait état de l'omniprésence du sujet des haies dans les baux ruraux au XIXe siècle, pouvant occuper plus de la moitié de ces derniers. Le sociologue Léo Magnin, dans sa thèse, souligne combien, dans les stratégies matrimoniales dans le monde rural, la présence de haies sur une parcelle était un critère recherché.
Si « les haies ont été détruites pour des raisons économiques », elles avaient été plantées pour de mêmes raisons économiques selon Léo Magnin.
Il s'agissait en effet d'une véritable « culture », à visée économique, permettant de produire des fagots pour le chauffage, de la litière et de l'aliment pour le bétail. La haie était par excellence le produit multi-usages de l'économie rurale.
Pourtant, les prélèvements sur des haies gérées durablement, perçues comme un patrimoine à faire fructifier, ont cédé la place à une logique de rationalisation du parcellaire, à des fins d'adaptation à la mécanisation. Dans ce contexte, les haies sont devenues des « obstacles à l'utilisation rationnelle des sols », sans plus de considération pour le bénéfice économique qui pouvait être tiré de son exploitation.
La haie est désormais devenue marginale dans l'approvisionnement en bois énergie. Lors d'une table ronde réunissant la Fedene et Propellet, ces derniers ont indiqué que 80 % de leur approvisionnement était constitué de bois forestier, tandis que la haie représenterait plutôt 2 ou 3 %. Ces deux organismes ont toutefois précisé ne pas disposer de chiffres agrégés au niveau de la filière. Il convient de préciser que, pour des raisons techniques (taux de cendre, taux d'humidité), les haies ne représentent pas une matière première pour le granulé.
Dans le cadre de la planification écologique et du Pacte en faveur de la haie, a été ouvert un appel à projets « valorisation du bois bocager », piloté par l'Ademe et le ministère de l'agriculture, visant à mettre en place des filières de bois énergie issu de haies. Le Pacte contient par ailleurs deux actions relatives aux usages du bois et à la commande publique, partageant l'objectif de cette proposition de loi de créer un débouché économique à la haie.
Source : Pacte en faveur de la haie
B. La stratégie nationale de mobilisation de la biomasse fixe des objectifs non prescriptifs en termes d'approvisionnement des installations de production d'énergie
La biomasse est définie, à l'article L. 211-2 du code de l'énergie, comme « la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l'agriculture, y compris les substances végétales et animales issues de la terre et de la mer, de la sylviculture et des industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers ».
L'article 175 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit que « l'État définit et met en oeuvre une stratégie nationale de mobilisation de la biomasse qui a notamment pour objectif de permettre l'approvisionnement des installations de production d'énergie, comme les appareils de chauffage domestique au bois, les chaufferies collectives industrielles et tertiaires et les unités de cogénération » (codifié à l'article L. 211-8 du code de l'énergie). Les sources d'énergie ne sont pas précisées à cet article, la définition du contenu de la stratégie étant définie par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de la forêt, de l'environnement, de l'énergie, de la construction et de l'industrie. La stratégie porte sur la Métropole ainsi que sur la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte.
L'article 197 de la même loi prévoit en outre que « le représentant de l'État dans la région et le président du conseil régional élaborent conjointement un schéma régional biomasse qui définit, en cohérence avec le plan régional de la forêt et du bois et les objectifs relatifs à l'énergie et au climat fixés par l'Union européenne, des objectifs de développement de l'énergie biomasse » (codifié à l'article L. 222-3-1 du code de l'environnement).
Il est précisé dans la loi que « ces objectifs tiennent compte de la quantité, de la nature et de l'accessibilité des ressources disponibles ainsi que du tissu économique et industriel », que « les objectifs incluent les sous-produits et déchets dans une logique d'économie circulaire » et que « le schéma veille à atteindre le bon équilibre régional et la bonne articulation des différents usages du bois afin d'optimiser l'utilisation de la ressource dans la lutte contre le changement climatique », en s'appuyant « notamment sur les travaux de l'Observatoire national des ressources en biomasse ». Les schémas régionaux biomasse définissent les objectifs opérationnels et prennent en compte les spécificités du territoire.
Le premier schéma régional biomasse devant être « établi dans les dix-huit mois suivant la promulgation » de ladite loi, la stratégie nationale a été publiée en août 20162(*) (arrêté conjoint et a été accompagnée par un décret n° 2016-1134 du 19 août 2016, qui détermine le contenu de la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse et des schémas régionaux biomasse et leurs modalités d'articulation).
Pour autant, il est précisé en préambule de cette stratégie que celle-ci « n'est pas prescriptive et n'a donc pas de portée juridique particulière du type « compatibilité » ou « conformité » ».
II. Le dispositif envisagé - Un sous-objectif de la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse (SNMB) s'agissant de l'approvisionnement en bois issu de haies gérées durablement
L'article apporte une précision, à l'article L. 211-8 du code de l'énergie, sur la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse (SNMB), en lui prescrivant de fixer, par région, une trajectoire de hausse d'approvisionnement en bois issu de haies gérées durablement pour les chaufferies collectives, publiques ou privées. Les chiffres de cette trajectoire ne sont cependant pas précisés, puisqu'il revient à la puissance publique d'en définir le détail, région par région, en fonction de la biomasse issue de haies existant sur le territoire.
L'article reste muet sur les schémas régionaux biomasse, qui sont pourtant l'outil juridique traduisant la SNMB en région.
De même, il ne mentionne pas d'objectif en termes de matière sèche mobilisée à l'approche de 2050, à la différence d'autres objectifs de la proposition de loi, qui sont fixés pour 2030 et 2048.
III. La position de la commission - Un enjeu crucial pour la diversification des approvisionnements en bois énergie dans un contexte de tension sur la biomasse disponible, et une source de revenus dans la durée pour les agriculteurs
A. Une démarche saluée par tous et particulièrement par la filière bois énergie
Dans un contexte de tensions sur les plaquettes forestières, la filière bois énergie est très demandeuse d'un approvisionnement en bois bocager certifié durable.
Cela ne relève pas tant d'obligations européennes résultant de la directive énergies renouvelables (RED II et RED III) - le bois étant finalement dans ces textes assimilé à un déchet, et non à un produit agricole ou forestier, ce qui l'exonère d'une traçabilité complète -, que de la volonté, pour cette filière, de répondre aux attentes de ses clients, et notamment des détenteurs de chaufferies collectives (collectivités territoriales en particulier).
À ce titre, la filière est prête à rémunérer les gestionnaires dans le cadre de contrats pluriannuels, ce qui serait gage de résilience économique accrue et de lissage des revenus pour les agriculteurs.
B. Un objectif toutefois jugé très ambitieux, que le rapporteur souhaiterait réviser pour le rendre plus crédible
Il n'existe pas à ce jour de données consolidées sur la ressource en biomasse énergie issue de bois bocager, et encore moins s'agissant plus précisément des haies gérées durablement. L'IGN a estimé que sur les deux tiers du linéaire de haie de la France, dans les régions les plus bocagères, les prélèvements seraient d'environ 2,3 millions de tonnes de matière sèche - en transposant ce résultat à l'ensemble de la France, le prélèvement serait, dans une hypothèse très haute, de 3,5 millions de tonnes de matière sèche (Mtms).
Le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) prévoit un surplus de 1,6 million de tonnes de matière sèche issue de haies à horizon 2030, ce qui reviendrait à un total de plus de 5 millions de tonnes.
Dans un document paru en juillet 2024 sur le « bouclage biomasse : enjeux et orientations3(*) », le SGPE identifiait, parmi les nouvelles ressources en biomasse à horizon 2030, celles issues de haies autour de 2,5 millions de tonnes de matière sèche (pour un total de 12 millions de tonnes de matière sèche/an). Ainsi, le Gouvernement mise sur la haie pour environ un cinquième de ces nouvelles ressources.
A fortiori dans un contexte où le rapporteur et l'auteur jugent important de s'assurer de l'exigence des labels reconnus selon les modalités définies à l'article 2, il pourrait être contreproductif de fixer des cibles trop ambitieuses, sauf à prendre le risque d'une atténuation des exigences de ce label et d'un surprélèvement.
La commission a adopté un amendement COM-13 de l'auteur et un amendement COM-30 du rapporteur, identiques, visant à inscrire l'objectif d'approvisionnement en bois issu de haies gérées durablement dans les schémas régionaux biomasse, à l'article L. 222-3-1 du code de l'environnement, en l'état en complément de son inscription dans la stratégie nationale biomasse, pour traduire l'intention initiale de l'auteur de la proposition de loi, d'objectifs fixés par région.
Il prévoit également l'articulation de ces schémas régionaux biomasse avec la nouvelle stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie, prévue à l'article 1er de la proposition de loi.
Le rapporteur pointe toutefois le risque qu'il y aurait à définir dans la loi, ressource par ressource, les objectifs de la SNMB, et se montrera attentif aux préoccupations du gouvernement qui iraient en ce sens d'ici à la séance publique.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 4
Création d'un crédit d'impôt afin d'inciter financièrement les agriculteurs
à une gestion durable des haies
Cet article vise à créer un crédit d'impôt forfaitaire de 3 500 € par an et par entreprise agricole certifiée pour la gestion durable des haies, afin d'inciter financièrement les agriculteurs à implanter des haies, ainsi qu'à les gérer de manière durable.
Dans un souci de coordination avec les travaux de la commission des finances en plein examen du budget, le rapporteur a déposé la mesure par un amendement au projet de loi de finances. Il a été cosigné par 67 sénateurs de l'ensemble des huit groupes du Sénat, et adopté en séance publique le 29 novembre, soit quelques jours avant l'examen de la présente proposition de loi.
Cette mesure est très importante aux yeux du rapporteur Bernard Buis et de l'auteur Daniel Salmon, car c'est elle qui donne tout son sens au reste du texte.
Par deux amendements identiques COM-31 du rapporteur et COM-14 de l'auteur, et par coordination avec le projet de loi de finances, la commission a supprimé cet article.
I. La situation actuelle - Des aides publiques insuffisantes pour permettre une croissance nette de la plantation de haies
A. Des objectifs ambitieux
Si les haies présentent des bénéfices agronomiques (effet brise-vent, ombre et alimentation pour le bétail, lutte contre l'érosion des sols, etc.) et rendent des services écosystémiques importants (stockage de carbone, régulation de l'eau, préservation de la biodiversité...), leur entretien s'avère souvent difficile, coûteux et chronophage pour les exploitants agricoles.
Ainsi, selon un rapport publié par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux en avril 2023, depuis 1950, 70 % des haies ont disparu des bocages français. Sur la seule période 2017-2021, la perte est estimée à 23 600 kilomètres par an entre la période 2017 et 2021.
Ce double constat a conduit Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, et Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la biodiversité, à présenter un « Pacte en faveur de la haie ». Le pacte, décliné en 25 actions, visait tant à maintenir les haies existantes qu'à en créer de nouvelles et fixait un objectif ambitieux : une croissance nette du linéaire de haies de 50 000 kilomètres d'ici 2030. À cette fin, le pacte avait été doté en autorisations d'engagement à hauteur de 110 millions d'euros par an la loi de finances pour 2024, pour trois ans.
B. Un « bonus haie » n'incitant que trop peu à l'entretien de haies
En France, le plan stratégique national relevant de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027 a prévu l'institution d'un « bonus haie » pour inciter les agriculteurs à implanter et entretenir leurs haies. Pour obtenir cette aide, les agriculteurs doivent remplir les conditions prévues par l'article D. 614-111 du code rural et de la pêche maritime.
D'abord, l'agriculteur doit entretenir une proportion minimale de 6 % de haies sur la surface agricole utile de son exploitation, dont 6 % sur les terres arables si son exploitation en comporte.
Ensuite, les haies doivent faire l'objet d'une gestion durable, incluant des techniques de coupe garantissant la reprise végétale de la haie, des itinéraires techniques assurant sa régénération et le maintien des services écosystémiques rendus par chaque type de haie.
Un arrêté du 7 juin 20234(*) précise que la vérification de la satisfaction de ces exigences s'appuiera sur un cahier des charges de certification reconnu par arrêté du ministre en charge de l'agriculture. À ce jour, seul le référentiel « Label Haie - Gestion » proposé par l'Afac-Agroforesteries5(*) a été reconnu par le ministre en charge de l'agriculture comme ouvrant droit au bénéfice du « bonus haie ».
Le montant de ce « bonus haie » est actuellement fixé à 7 euros par hectare6(*). Jugé trop faible, ce montant pourrait atteindre 20 euros par hectare sur l'année 2025, pour un coût supplémentaire estimé à environ 20 millions d'euros, l'arrêté revalorisant ce montant devant être publié au journal officiel en fin de campagne.
Cette revalorisation ne permet cependant pas de remédier à un écueil important qui est la lenteur des versements des aides agroenvironnementales de la PAC, qui subissent souvent des retards importants comme l'explique le sociologue Léo Magnin, chargé de recherche au CNRS7(*).
C. Des appels à projets n'incitant que trop peu à l'entretien des haies
Outre le « bonus haie », un certain nombre de dispositifs nationaux ou locaux viennent inciter à l'implantation et à l'entretien durable de haies par les agriculteurs.
Au niveau national, le ministère de l'agriculture a pu lancer, en juillet 2024, deux appels à projets intitulés « investissements productifs dans la filière graines et plants » et « filières de valorisation bois bocager ». Toutefois, ces dispositifs n'ont pas, par définition, vocation à bénéficier à tous les agriculteurs.
Les agriculteurs peuvent aussi bénéficier de mesures agroenvironnementale et climatiques (MAEC), qui permettent aux agriculteurs de financer certaines pratiques ambitieuses en matière environnementale. Or, selon l'Afac-Agroforesteries, l'attribution de cette aide a été concentrée sur un petit nombre de régions et les fonds alloués à ces mesures ont vite été épuisés.
Des dispositifs régionaux existent, notamment dans l'ouest de la France où se concentre l'essentiel du linéaire français (Breizh Bocage ; Pays de la Loire Bocage...). Toutefois, pour partie financés par des crédits dédiés au « Pacte en faveur de la haie », ces dispositifs prennent souvent la forme d'un appel à projets et sont essentiellement tournés vers la plantation, mais peu voire pas vers l'entretien des haies. Ce fonctionnement par appel à projets génère une certaine charge administrative et, en tout état de cause, ne permet pas d'accompagner un grand nombre d'agriculteurs.
Surtout, alors que le Pacte en faveur de la haie avait été doté à hauteur de 110 millions d'euros en loi de finances pour 2024, le projet de loi de finances pour 2025 réduit sa dotation à seulement 30 millions d'euros. Une telle diminution des moyens, en dépit même de la revalorisation du « bonus haie, ne permettra pas, selon l'ensemble des acteurs auditionnés, d'atteindre l'objectif d'implantation nette de 50 000 kilomètres d'ici 2030.
II. Le dispositif envisagé - La création d'un crédit d'impôt forfaitaire afin d'inciter financièrement tous les agriculteurs à une gestion durable des haies
L'article 4 vise à instituer un crédit d'impôt pour toutes les entreprises agricoles ayant fait l'objet de la certification « Label Haie - Gestion » proposé par l'Afac-Agroforesteries, qui permet déjà d'ouvrir droit au bénéfice du « bonus haie ».
Pour chacune des années où l'entreprise bénéficie de ce label, elle bénéficie d'un crédit d'impôt forfaitaire de 3 500 euros. Dans le cas où le bénéficiaire est un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), par transparence, le montant de 3 500 euros est multiplié par le nombre d'associés que compte le groupement, dans la limite de quatre.
Enfin, le crédit d'impôt est prévu pour une durée de quatre ans, de 2025 à 2028.
À la fin de l'année 2025, environ 2 000 agriculteurs seraient titulaires de la certification « Label Haie - Gestion ». Le coût de cette mesure est ainsi estimé à environ 7 millions d'euros.
III. La position de la commission - Un dispositif utile qui a été réintégré au projet de loi de finances pour 2025
A. Un article supprimé au profit d'un amendement au projet de loi de finances pour 2025
Le rapporteur partage le constat et les vues de l'auteur sur l'insuffisance des dispositifs existants au regard des objectifs fixés par le « Pacte en faveur de la Haie ».
En particulier, il juge nécessaire une « carotte financière » au profit des agriculteurs, dès lors que la haie est souvent perçue comme une charge coûteuse et chronophage, afin de changer de regard sur la haie.
Pour autant, il est essentiel de ne pas se méprendre sur le sens de cette incitation fiscale : la haie n'est pas une charge nécessitant des subventions publiques pour exister et perdurer. L'intention du rapporteur n'est pas de « converti[r] les derniers paysans en gardiens d'une nature transformée en paysage pour citadin » mais de les aider à (re)trouver un intérêt à la gestion durable des haies, ces dernières étant des actifs économiques sources de revenus dans la durée.
Le coût de la mesure paraît en outre raisonnable, compte tenu des co-bénéfices que peuvent en tirer les agriculteurs et à la diminution importante des crédits dédiés au « Pacte pour la haie ».
Toutefois, eu égard à la nature fiscale de la mesure, l'auteur et le rapporteur ont jugé préférable de déposer, avec plusieurs de leurs collègues, un amendement au projet de loi de finances pour 2025 qui reprend, de manière consolidée, le dispositif proposé.
Signe de l'intérêt qu'il présente, cet amendement proposé par l'auteur de la proposition de loi et le rapporteur a été signé par soixante-cinq de leurs collègues issus de l'ensemble des huit groupes du Sénat.
B. Un amendement reprenant sous forme consolidée le projet de crédit d'impôt
L'amendement au projet de loi de finances pour 2025 ( n° I-1764) reprend, sans en changer l'esprit, le dispositif initialement proposé.
Tout d'abord, afin d'éviter une « subvention déguisée », l'amendement ne prévoit plus un crédit d'impôt forfaitaire. L'intention de l'auteur, sur le modèle du crédit d'impôt pour l'agriculture biologique ou du crédit d'impôt « haute valeur environnementale », était de permettre une répartition équitable de la dépense publique.
Il a plutôt été décidé de prévoir que seules 60 % des dépenses effectivement engagées pour la plantation, l'entretien durable de haies et l'obtention d'une certification attestant de cette gestion durable soient prises en charge par le crédit d'impôt. L'agriculteur pourra ainsi recourir à des entrepreneurs de travaux agricoles ou bien effectuer lui-même les travaux. Dans ce dernier cas, seront éligibles au crédit d'impôt les frais d'acquisition de matériel mais aussi un montant visé à indemniser le temps consacré aux travaux d'entretien, via l'application d'un taux horaire uniforme et la déclaration d'un volume horaire calculé à partir du linéaire de haies géré durablement.
Ces modifications ont ainsi permis de proposer le relèvement du plafond du crédit d'impôt à 4 500 euros sans faire évoluer sensiblement le coût de la mesure. Ce plafond garantit que la dépense fiscale ne soit pas trop concentrée dans quelques grandes exploitations.
De plus, la gestion durable suppose d'entretenir chaque année environ un dixième de son linéaire et l'entretien d'une haie coûtant en moyenne 4,5 euros par mètre linéaire (selon Afac-Agroforesteries), cela permettrait de couvrir la gestion durable d'environ 1 km de linéaire par exploitation et par an (pour une exploitation avec environ 10 km de linéaire).
Contrairement à ce que prévoyait la proposition initiale, le bénéfice du crédit d'impôt ne serait plus conditionné à l'obtention de la certification « Label Haie - Gestion » mais à l'obtention de « toute certification agréée par voie législative ou réglementaire ». Cette modification vise à permettre l'émergence de nouveaux référentiels, afin d'inciter un plus grand nombre d'agriculteurs à gérer durablement leurs haies. Toutefois, de nouveaux référentiels ne pourront être agréés que s'ils respectent le cahier des charges prévu par l'arrêté du 7 juin 2023.
Le référentiel de l'Afac-Agroforesteries est le seul à remplir ce cahier des charges aujourd'hui, et probablement encore pour quelques années. Le but demeure en effet d'octroyer le crédit d'impôt aux seuls agriculteurs gérant leurs haies de manière durable, afin de garantir le bon usage des deniers publics.
S'inscrivant en complémentarité avec le « bonus haie », ce crédit d'impôt pourra bénéficier aux entreprises auxquelles est déjà versé le « bonus haies ». Afin, toutefois, de cibler l'aide sur les plus petites exploitations pour lesquelles l'optimisation des coûts d'acquisition du matériel est plus difficile, il est précisé que les entreprises ne peuvent bénéficier du crédit d'impôt que lorsque le montant résultant de la somme du « bonus haie » et du crédit d'impôt n'excède pas 7 000 € par an. Le montant du crédit d'impôt serait alors diminué, le cas échéant, pour que le montant résultant de la somme des aides et du crédit d'impôt ne dépasse pas 7 000 €.
Il est précisé que la dépense fiscale qu'il est proposé de créer pourrait entrer dans la catégorie des aides de minimis agricoles (règlement n° 1408/2013, modifié en 2019, 2022 et 2023), sous un plafond individuel de 20 000 € à respecter sur une période de trois exercices fiscaux. Le montant prévu étant de 4 500 € au maximum, il respecte le plafond individuel que le règlement permet.
Enfin, la durée du crédit d'impôt est limitée à trois ans, sur la période 2025-2027. Cette modification vise à mettre la proposition en conformité avec la règle posée en la matière par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 20278(*), sans préjudice d'une éventuelle reconduction si le dispositif venait à donner satisfaction.
La commission a donc supprimé l'article.
Article 5
Gage financier de la proposition de loi
Cet article vise à gager les conséquences financières de l'adoption de la présente proposition de loi pour l'État par une augmentation de la fiscalité sur les produits du tabac.
La commission a adopté cet article dans sa rédaction initiale.
I. Gager les conséquences financières de la proposition de loi
L'article 5 gage les éventuelles conséquences financières de la présente loi pour l'État par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs, prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. Une obligation imposée par l'article 40 de la Constitution
Cet article permet d'assurer la recevabilité de la présente proposition de loi au regard de l'article 40 de la Constitution. Le rapporteur Bernard Buis propose donc à la commission de l'adopter sans modification.
La commission a adopté l'article 5 sans modification.
* 2 En ligne : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/Strat%C3%A9gie%20Nationale%20de%20Mobilisation%20de%20la%20Biomasse.pdf
* 3 En ligne : https://www.info.gouv.fr/upload/media/content/0001/11/62adc0f13c5a98c5a736dd6a4f078762810ec904.pdf
* 4 Arrêté du 7 juin 2023 fixant les conditions d'accès au programme volontaire pour le climat, l'environnement et le bien-être animal dit « écorégime », publié au Journal officiel du 14 juin 2023.
* 5 L'Afac-Agroforesteries sera renommée « Réseau Haies » à compter de 2025.
* 6 Arrêté du 25 septembre 2024 fixant le montant unitaire du programme volontaire pour le climat et le bien-être animal dit « écorégime » pour la campagne 2024 publié au Journal officiel du 1er octobre 2024.
* 7 Léo Magnin, La vie sociale des haies. Enquête sur l'écologisation des moeurs, p. 80.
* 8 Article 7 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.