II. UN DÉFICIT PUBLIC À 6,1 % DU PIB, CONSIDÉRABLEMENT ALOURDI PAR RAPPORT À LA PRÉVISION INITIALE ET PAR RAPPORT À 2023
Le présent projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 prévoit que le déficit public s'établira à 6,1 % du PIB en 2024, soit le même niveau que celui retenu dans le projet de loi de finances pour 2025. En revanche, la prévision de déficit public augmente dans des proportions inédites par rapport aux prévisions comprises dans la loi de finances initiale (4,4 %) ainsi que dans le programme de stabilité présenté en avril 2024 (5,1 %).
Cette dégradation résulte essentiellement d'erreurs importantes sur les prévisions de recettes, puisque les prélèvements obligatoires seraient inférieurs de 41,5 milliards d'euros à la prévision initiale. Deux éléments principaux se conjuguent : une chute des recettes en 2023 par rapport aux prévisions de la fin de l'année dernière, qui a eu un impact du fait d'un effet de base sur l'année 2024, et des prévisions de croissance et d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB trop optimistes, pour ne pas dire imprudentes. En effet, la croissance s'est finalement établie à 1,1 % au lieu de 1,4 %, tandis que l'élasticité des prélèvements obligatoires s'élèverait à 0,7, au lieu de 1,1 initialement prévu3(*).
Les dépenses des administrations publiques locales avaient également été sous-estimées dans les prévisions initiales sous-jacentes au PLF pour 2024, puisque celles-ci sont leurs finalement supérieures de 13,7 milliards d'euros.
Le déficit public en 2024 est ainsi significativement supérieur à celui enregistré en 2022 et 2023, puisqu'il s'établissait alors respectivement à 4,7 % et 5,5 % du PIB.
Dans ce contexte, le déficit structurel - qui est calculé en référence au PIB potentiel prévu par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et selon la méthodologie qu'il prévoit - s'établirait à 5,7 %, soit deux points de plus que celui prévu par la LPFP (3,7 %). Moins d'un an après la promulgation de cette loi, le 18 décembre, il s'agit d'un écart massif qui appellera sans nul doute la mise en oeuvre du mécanisme de correction prévu à l'article 62 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Décomposition de la prévision de solde public en 2024
(en point de PIB)
2023 |
2024 |
2024 |
||
Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 |
PLPFP |
|||
Ensemble des administrations publiques |
|
|||
Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel) |
- 5,1 |
- 5,7 |
- 3,7 |
|
Solde conjoncturel (2) |
- 0,3 |
- 0,4 |
- 0,6 |
|
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel) |
- 0,1 |
- 0,1 |
- 0,1 |
|
Solde effectif (1+ 2+ 3) |
- 5,5 |
- 6,1 |
- 4,4 |
|
Dette au sens de Maastricht |
109,9 |
112,8 |
109,7 |
|
Taux de prélèvements obligatoires (y.c UE, nets des CI) |
43,2 |
42,8 |
44,1 |
|
Dépense publique (hors CI) |
56,4 |
56,8 |
55,3 |
|
Dépense publique (hors CI, en Md€) |
1 591 |
1 657 |
1 622 |
|
Évolution de la dépense publique hors CI en volume (%) 1 |
- 1,0 |
2,1 |
0,5 |
|
Principales dépenses d'investissement (en Md€) 2 |
25 |
30 |
30 |
|
Administrations publiques centrales |
||||
Solde |
- 5,5 |
- 5,4 |
- 4,7 |
|
Dépense publique (hors CI, en Md€) |
646 |
654 |
639 |
|
Évolution de la dépense publique en volume (%) 3 |
- 3,9 |
- 0,7 |
- 1,4 |
|
Administrations publiques locales |
||||
Solde |
- 0,4 |
- 0,7 |
- 0,3 |
|
Dépense publique (hors CI, en Md€) |
316 |
336 |
322 |
|
Évolution de la dépense publique en volume (%) 3 |
2,4 |
4,8 |
0,9 |
|
Administrations de sécurité sociales |
||||
Solde |
0,4 |
0,0 |
0,6 |
|
Dépense publique (hors CI, en Md€) |
738 |
776 |
761 |
|
Évolution de la dépense publique en volume (%) 3 |
- 0,1 |
3,2 |
1,7 |
|
1 À champ constant. |
Source : article liminaire du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024
L'identité entre la prévision de solde effectif pour 2024 présentée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 et celle du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 masque de très légères évolutions de prévision sur les dépenses et les recettes, à savoir :
- en premier lieu, un niveau de recettes légèrement supérieur, avec des prélèvements obligatoires en hausse (+ 0,6 milliard d'euros) par rapport à la prévision d'octobre 2024 ;
- et en second lieu, un niveau de dépenses un peu plus faible que prévu (- 0,3 milliard d'euros).
Cela ne conduit qu'à des variations minimes dans le niveau de dette publique (112,8 % du PIB dans le PLFG 2024 au lieu de 112,9 % dans le PLF 2025), le niveau de dépense publique (1 657 milliards d'euros au lieu de 1 658 milliards d'euros) et l'évolution de la dépense publique des administrations centrales en volume (- 0,7 % au lieu de - 0,6 %).
Concernant les prélèvements obligatoires, leur évolution s'explique principalement par l'intégration des versements de prime de partage de la valeur (PPV) dans l'assiette des allègements généraux de cotisations sociales. La prévision de DMTG a également été revue à la hausse (+ 200 millions d'euros) tandis que la prévision de prélèvements sociaux sur le capital a été revue à la baisse (- 100 millions d'euros) du fait de la hausse des dépenses de recherche et développement en partie exonérées.
C'est toutefois surtout au regard de la prévision retenue dans le PLF pour 2024 que l'écart est le plus massif, puisque les prélèvements obligatoires en 2024 seraient inférieurs de 41,5 milliards d'euros à la prévision initiale. Il s'explique pour moitié par l'effet de l'erreur de prévision de recettes pour 2023, et pour l'autre moitié par une erreur de prévision propre à 2024.
Évolution de la prévision de
prélèvements obligatoires pour 2024
entre le PLF pour 2024 et
le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les calculs présentés dans l'avis n° HCFP- 2024-5 du Haut conseil des finances publiques relatif au projet de loi de finances de fin de gestion pour l'année 2024
S'agissant de l'évolution des dépenses, celles-ci diminueraient de 300 millions d'euros par rapport au niveau prévu par le PLF pour 2025, concernant essentiellement les administrations publiques centrales. En effet, la prévision de dépenses sous Ondam4(*) n'a pas fait l'objet de révision depuis le dépôt du PLFSS pour 2025 tandis que la prévision de dépenses du secteur local n'a pas évolué non plus depuis celui du PLF pour 2025.
En comparaison avec les dépenses prévues dans le projet de loi de finances pour 2024, l'augmentation serait de 15,3 milliards d'euros hors impact du changement de base de l'Insee5(*).
Les dépenses de l'État en comptabilité nationale - seules retenues pour le calcul du solde public - sont quasiment stables, avec des mouvements en gestion de - 6 milliards d'euros et une hausse des charges de service public de l'énergie en raison de prix d'électricité plus faibles que prévus dans le PLF. Les prévisions de dépenses des collectivités territoriales sont, en revanche, significativement supérieures, de 13,4 milliards d'euros - dont 8 milliards d'euros de dépenses de fonctionnement et 5,4 milliards d'euros de dépenses d'investissement6(*).
Au total, la responsabilité du déficit public repose en 2024 sur l'État et ses opérateurs, dont la situation financière, avec un déficit de 5,4 % du PIB, est très dégradée. Les administrations locales, en raison d'un excédent de trésorerie accumulé les années précédentes et du fait du cycle électoral de l'investissement, accusent un déficit de 0,7 % du PIB. L'équilibre des comptes des administrations de sécurité sociale est loin d'être suffisant pour rattraper le déficit extrême de l'État.
Décomposition du solde public en 2024
(en point de PIB)
Source : commission des finances d'après l'article liminaire du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024
* 3 L'analyse des causes de la dégradation a fait l'objet d'une relance, par la commission des finances, de la mission d'information constituée en son sein sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France.
* 4 Objectif national de dépenses d'assurance-maladie.
* 5 Selon le HCFP, la révision de dépenses publiques pour 2024 entre les PLF et PLFSS 2024 et le PLFG 2024 atteint 35,3 milliards d'euros, mais résulte à hauteur d'environ 20 milliards d'euros du changement de base opéré par l'Insee. Il donne lieu à l'intégration dans le périmètre des dépenses publiques des dépenses de SNCF Réseau, opérateur auparavant pris en compte dans les comptes publics à hauteur de son seul déficit.
* 6 La somme des dépenses de chaque catégorie d'administration est différente de la dépense toutes administrations publiques confondues en raison des transferts entre administrations.