EXAMEN DES ARTICLES

Articles 1er et 2
Interdiction d'organiser des combats de coqs et des corridas en présence de mineurs de moins de seize ans

Les articles 1er et 2 visent à modifier les articles 521-1 et 522-1 du code pénal qui sanctionnent respectivement les actes de cruauté envers les animaux et l'atteinte volontaire à la vie d'un animal.

Les articles 521-1 et 522-1 prévoient une dérogation pour les courses de taureaux et les combats de coqs lorsqu'une tradition locale ininterrompue existe dans un territoire. Les deux articles de la proposition de loi tendent à restreindre ces dérogations en les appliquant uniquement aux évènements se déroulant en présence de personnes âgées de plus de seize ans.

Considérant que les dispositions proposées sont inapplicables et que les effets juridiques seraient disproportionnés, la commission n'a pas adopté ces articles.

1. Interdire les spectacles de combats de coqs et les corridas aux mineurs de moins de seize ans

En restreignant le champ des dérogations prévues aux articles 521-1 et 522-1 du code pénal, la proposition de loi prévoit l'interdiction des corridas et des combats de coqs aux mineurs de moins de seize ans. Cette interdiction vise à répondre à des impératifs de protection de l'enfance face à des spectacles violents.

a) Restreindre l'exonération de responsabilité pénale prévue pour la corrida et les combats de coqs

1.1. Une exception limitée par la jurisprudence

Les corridas et les combats de coqs se présentent en droit comme une dérogation à l'interdiction des actes de sévices graves ou de cruauté envers les animaux ou d'atteintes volontaires à la vie d'un animal prévue par les articles 521-1 et 522-1 du code pénal. Ces exceptions sont prévues :

- lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée pour les courses de taureaux ;

- dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie pour les combats de coqs.

Cette application territorialisée a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans le cas de l'article 521-1 du code pénal6(*). Elle a été reprise à l'article 522-1 du code pénal introduit par la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.

Les localités concernées par cette exception ont été définies par la jurisprudence : ainsi, la tradition taurine est reconnue dans la zone qui s'étend « entre le pays d'Arles et le pays basque, entre garrigue et Méditerranée, entre Pyrénées et Garonne, en Provence, Languedoc, Catalogne, Gascogne, Landes et Pays Basque »7(*). Les territoires concernés par les combats de coqs sont, pour la France métropolitaine, une cinquantaine de communes des départements du Nord et du Pas-de-Calais, et, pour les départements et collectivités d'outre-mer, La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Polynésie française.

Cette exception est également limitée par la jurisprudence constitutionnelle en ce qui concerne les combats de coqs, le Conseil constitutionnel ayant confirmé la constitutionnalité de l'interdiction de construire de nouveaux gallodromes, prévue à l'article 521-1 du code pénal8(*) et justifiée par la volonté du législateur de 19649(*) d'accompagner l'extinction de cette pratique.

1.2. Restreindre le champ des dérogations en vigueur pour interdire la présence de mineurs de moins de seize ans

Les deux articles de la proposition de lois tendent à restreindre la dérogation prévue pour les combats de coqs et la corrida. Celles-ci seraient autorisées uniquement dans la mesure où « les personnes présentes sont âgées de plus de seize ans ».

L'introduction de cette disposition revient à interdire la présence de mineurs de seize ans aux combats de coqs et aux corridas, en leur rendant applicable la responsabilité pénale prévue par la loi en cas de sévices ou d'atteinte à la vie d'un animal.

b) Répondre à l'impératif de protection des mineurs

L'objectif des auteurs de la proposition de loi est de répondre à un impératif de protection de l'enfance face à des spectacles considérés comme trop violents. Dans les localités où ils sont autorisés, aucune restriction d'âge n'existe pour les spectacles de combats de coqs et de corridas. Cependant, le règlement taurin municipal proposé par l'Union des villes taurines françaises précise que les mineurs de moins de douze ans ne sont pas autorisés à assister à une corrida sans être accompagnés.

Ce dispositif s'inscrirait ainsi dans la continuité de différents dispositifs légaux visant à protéger les mineurs face à la violence, notamment celle exercée sur les animaux :

- l'article 227-24 du code pénal, qui vise à protéger les mineurs de messages à caractère violent ;

- l'article 521-1 du même code, qui prévoit depuis la loi du 30 novembre 2021 comme circonstance aggravante la cruauté envers les animaux en présence de mineurs.

En outre, la diffusion de spectacles tauromachie à la télévision est encadrée par l'Arcom afin de protéger les jeunes spectateurs (signalétique jeunesse recommandant de réserver ce spectacle aux plus de dix ans, interdiction de montrer la mise à mort).

L'interdiction pour les mineurs d'assister aux combats de coqs et aux corridas répond également aux recommandations formulées en 2016 à l'égard de la France par le Comité des droits de l'enfant du l'ONU.

2. La position de la commission : assurer la cohérence du droit et préserver l'autorité parentale

Si les combats de coqs et la corrida sont des spectacles violents qui peuvent heurter la sensibilité de certains, le dispositif juridique retenu n'a pas semblé opérant à la commission. Celle-ci estime par ailleurs que les dispositions sont susceptibles de produire des effets juridiques disproportionnés.

a) Une mesure aux effets juridiques incertains

L'instrument juridique proposé soulève des interrogations quant à la protection effective des mineurs face à la violence que peuvent constituer ces spectacles.

1.1. Une disposition difficilement applicable aux combats de coqs

En premier lieu, ces dispositions semblent difficilement applicables aux combats de coqs. En effet, ces derniers sont dans la plupart des situations décrites au rapporteur comme étant libres d'accès pour le public, sans achat de billets. L'interdiction de la présence de mineurs à ces spectacles est donc conditionnée à la mise en place d'un système de contrôle de l'accès qui semble difficilement opérationnel. Elle serait de surcroît sans doute peu nécessaire, le spectacle du combat de coqs étant, au moins dans les outre-mer, souvent lié à la pratique de paris et donc plutôt fréquentée par les adultes.

En outre, les combats de coqs étant une pratique particulièrement présente dans les collectivités d'outre-mer, dans lesquels la proposition de loi aurait vocation à s'appliquer directement, un renforcement du contrôle des services de l'État sur le territoire pourrait être perçu comme une remise en cause des traditions locales. Il n'est donc pas paru opportun à la commission d'adopter une telle mesure.

1.2. Un instrument qui paraît mal adapté pour les corridas

En ne distinguant pas les différents types de courses de taureaux, la proposition de loi interdirait la présence de mineurs de seize ans tant pour les spectacles impliquant la mise à mort de l'animal que pour les courses dites landaises et camarguaises qui ne l'impliquent pas. Cette absence de distinction est en soi problématique au regard des traditions locales et de l'objectif même de protection des mineurs.

Du fait de la rédaction de la proposition de loi, le régime pénal lié à la présence d'un mineur de seize ans reposerait entièrement sur l'organisateur de l'événement, sanctionnant une infraction, -- la présence interdite à un spectacle -- de cinq ans de prison et 75 000 d'amende pour les personnes physiques ainsi que, pour les personnes morales, à des sanctions telles que l'interdiction d'exercice de l'activité professionnelle. Dans l'échelle des peines la sanction d'un tel comportement relèverait plutôt d'une contravention.

Le texte proposé ne permet pas non plus de distinguer entre la participation à une corrida en tant qu'acteur et en tant que spectateur. Il laisse entière la question des écoles de tauromachie et pourrait aboutir au paradoxe d'interdire d'assister à un spectacle avant seize ans tout en pouvant s'y former à partir de six ou huit ans.

Ces imprécisions rendent les effets juridiques de la proposition de loi disproportionnés par rapport à l'objectif suivi.

1.3. Des interrogations sur la pertinence du seuil d'âge choisi

La commission s'est en outre interrogée sur la pertinence de l'âge limite retenu de seize ans, celui-ci paraissant trop faible pour certaines des personnes auditionnées et trop élevé pour d'autres.

L'âge de seize ans apparaît ainsi incohérent, notamment au sein de l'article 521-1 du code pénal qui établit, comme circonstance aggravante, des sévices sur un animal en présence d'un mineur, sans distinction d'âge.

b) Une remise en question disproportionnée de l'autorité parentale

Le dispositif retenu, en interdisant indistinctement l'accès aux combats de coqs et aux corridas aux mineurs de moins de seize ans, établit une interdiction légale qui se substitue à l'autorité des parents. Or c'est d'abord aux titulaires de l'autorité parentale qu'incombe la prise en compte de la sensibilité de leurs enfants.

Par ailleurs, la tradition locale qui s'apparente à une coutume, reconnue par la loi pour permettre l'organisation de corridas et de combats de coqs, implique une transmission intergénérationnelle. Interdire aux parents d'accompagner leurs enfants à ces spectacles représenterait, selon la commission, une atteinte disproportionnée à l'exercice de l'autorité parentale ainsi qu'à la continuité de la tradition.

La commission n'a pas adopté les articles 1er et 2.


* 6 Décision n°2012-271 QPC du 21 septembre 2012.

* 7 Cour d'appel de Toulouse, 3 avril 2000, 1999/03392.

* 8 Décision n°2015-4777 QPC du 31 juillet 2015.

* 9 Loi n°64-690 du 8 juillet 1964 modifiant la loi n°631143 du 19 novembre 1963.

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