N° 115
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 novembre 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de législation,
du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1)
sur la proposition de loi
visant à interdire la
corrida et les combats de
coqs
en présence
de mineurs de moins de
seize ans,
Par M. Louis VOGEL,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, MM. Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, MM. Georges Naturel, Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Sénat : |
475 (2023-2024) et 116 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
La proposition de loi déposée par Samantha Cazebonne et trente-cinq de ses collègues issus de plusieurs groupes politiques du Sénat tend à interdire aux mineurs de seize ans l'accès aux courses de taureau et aux combats de coqs, seuls combats d'animaux non interdits en France. Composé de deux articles, ce texte vise à restreindre les dérogations actuellement prévues aux articles 521-1 et 522-1 du code pénal aux sanctions pénales applicables en cas de sévices ou de mort infligées aux animaux.
L'interdiction proposée repose sur la notion d'intérêt supérieur de l'enfant, consacrée tant par le droit interne qu'international. Les auteurs de la proposition de loi considèrent que le spectacle violent du combat d'animaux nuit au développement de l'enfant au point qu'il appartient aux pouvoirs publics, chargés de la protection de l'enfance, de poser une interdiction générale se substituant à l'autorité parentale.
La commission des lois a considéré que le dispositif proposé était inapplicable en l'état, car destiné à réguler des situations distinctes tant sur le plan matériel que du point de vue de la responsabilité pénale. Les courses de taureaux et combats de coqs s'inscrivent par ailleurs dans des traditions locales, reconnues par la loi et dont l'évolution repose d'abord sur les acteurs de terrain.
Au surplus, à l'initiative de son rapporteur, Louis Vogel, la commission n'a pas adopté le texte, considérant que celui-ci n'apportait pas de solution adaptée à la question du renforcement de la protection des mineurs et était susceptible de poser d'importantes difficultés de droit et de fait.
I. UN REGIME DÉROGATOIRE PERMETTANT AUJOURD'HUI L'ORGANISATION DE COURSES DE TAUREAUX ET COMBATS DE COQS SUR CERTAINES PARTIE DU TERRITOIRE
A. UNE EXCEPTION LOCALE
Du point de vue du droit pénal, l'organisation des courses de taureau et des combats de coq se présente comme une dérogation aux dispositions destinées à sanctionner pénalement les sévices graves et les actes conduisant à la mort des animaux.
Les articles 521-1 (sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux) et 522-11(*) (atteintes volontaires à la vie d'un animal) du code pénal prévoient une exonération de la responsabilité pénale pour « les courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée » et « les combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie ».
Dans sa décision n° 2012-271 QPC du 21 septembre 2012, le Conseil constitutionnel a confirmé que l'exclusion de l'application de la responsabilité pénale prévue par l'article 521-1 dans certaines parties du territoire national est conforme au principe d'égalité devant la loi.
La jurisprudence a précisé tant la notion de « tradition ininterrompue » que l'extension géographique du territoire couvert par les notions de « locale » et de « localité ». La tradition taurine est reconnue dans la zone qui s'étend « entre le pays d'Arles et le pays basque, entre garrigue et Méditerranée, entre Pyrénées et Garonne, en Provence, Languedoc, Catalogne, Gascogne, Landes et Pays Basque »2(*). Les territoires concernés par les combats de coqs sont, pour la France métropolitaine, une cinquantaine de communes des départements du Nord et du Pas-de-Calais, et, pour les départements et collectivités d'outre-mer, La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Polynésie française.
* 1 Issu de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.
* 2 Cour d'appel de Toulouse, 3 avril 2000, 1999/03392 : « Attendu qu'il ne saurait être contesté que dans le midi de la France entre le pays d'Arles et le pays basque, entre garrigue et méditerranée, entre Pyrénées et Garonne, en Provence, Languedoc, Catalogne, Gascogne, Landes et Pays Basque existe une forte tradition taurine qui se manifeste par l'organisation de spectacles complets de corridas de manière régulière dans les grandes places bénéficiant de structures adaptées permanentes et de manière plus épisodique dans les petites places à l'occasion notamment de fêtes locales ou votives ».