EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 30 OCTOBRE 2024

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Marie Mercier a de nombreux mérites, notamment celui de nous permettre d'exercer une forme de « droit de suite » sur des dispositions qui, adoptées par le Sénat au cours de l'année 2024 pour garantir la surveillance des personnes condamnées pour des infractions graves - sexuelles, violentes ou terroristes -, n'ont pas pu prospérer faute d'avoir été soumises à l'Assemblée nationale.

Mme Marie Mercier, auteur de la proposition de loi. - Chers collègues, vous avez sans doute été surpris par ce texte qui ne compte que trois articles et semble mêler des sujets divers, dont le changement de nom et les chauffeurs de bus. Le point commun est le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv), qui ne peut être consulté que dans des conditions strictes.

L'inscription au Fijais est un sujet extrêmement sérieux, puisque la personne concernée est soumise à des obligations et doit régulièrement aller « pointer » dans sa commune de résidence. Elle peut s'annuler, mais uniquement au bout de trente ans dans les cas les plus graves.

L'article 1er a trait au changement de nom, une demande qui peut se comprendre pour les personnes ayant un patronyme qui prête à la moquerie ou qui ont subi un viol pendant leur enfance. Dans sa sagesse, le Sénat avait rejeté la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation, car la procédure prévue semblait trop rapide et dépourvue de mécanismes de contrôle. Nous avions eu de l'intuition puisque Francis Évrard, pédocriminel récidiviste, a changé de nom en prison, rendant son inscription au Fijaisv obsolète. C'est pour tenir compte de tels cas que Marc-Philippe Daubresse avait introduit, à l'occasion d'un texte récemment examiné par le Sénat, des mesures spécifiques pour le contrôle des changements de nom des inscrits au Fijaisv et au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (Fijait), mais qui n'a pas pu prospérer. Nous demandons donc que le changement de nom d'un condamné en prison déclenche un avertissement : la démarche semble évidente, mais il convient de corriger cet élément.

L'article 2 vise à intégrer deux délits, à savoir le délit d'incitation d'un mineur par un moyen de communication électronique à commettre tout acte de nature sexuelle, soit sur lui-même, soit sur ou avec un tiers, à la liste des infractions qui peuvent aboutir à une inscription au Fijaisv ; il en va de même lorsqu'il s'agit de la diffusion de ces images.

L'article 3, enfin, pourrait être dénommé « amendement Émile Louis », du nom de ce sinistre individu qui a violé et assassiné sept jeunes filles dans les années 1970, ce chauffeur de bus n'ayant été condamné que bien plus tard. Les pédocriminels visent en effet les domaines impliquant des enfants, qu'il s'agisse de l'éducation, du sport ou des transports. Les opérateurs de transports publics m'ont alertée à ce sujet, un cas très récent étant survenu en Saône-et-Loire il y a à peine de mois, un chauffeur intérimaire ayant commis des attouchements sur des enfants.

S'il est normal que l'opérateur n'ait pas accès au Fijaisv - imaginez les dérives que cela entraînerait -, le cadre légal doit néanmoins être adapté. Il vous est donc proposé de donner à un transporteur public la capacité de savoir si un candidat au recrutement est inscrit au Fijaisv, ce qui pourrait être fait via la préfecture ou le ministère, à l'instar de ce qui est mis en oeuvre pour les éducateurs sportifs et les accompagnants.

Voilà en substance le contenu de cette proposition de loi, qui a pour objet d'améliorer et d'encourager la surveillance, afin de renforcer le bouclier déployé pour protéger nos enfants des prédateurs.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avant d'entrer dans le détail, je souhaiterais rappeler quelques éléments sur les fichiers.

Le Fijaisv a été créé en 2004 et le Fijait en 2015, recensant donc les auteurs d'infractions d'une particulière gravité et pour lesquelles le taux de récidive est assez élevé.

Le Fijaisv et le Fijait sont placés sous la responsabilité du ministère de la justice ; ce statut est logique, attendu que ce sont des actions de l'autorité judiciaire, c'est-à-dire des condamnations ou, plus rarement, des mises en examen qui déclenchent l'inscription sur ces fichiers.

Si le périmètre du Fijait se comprend aisément, puisqu'il couvre toutes les infractions terroristes - y compris l'apologie du terrorisme -, celui du Fijais est plus byzantin, car il s'est enrichi avec le temps. Il concerne aujourd'hui un grand nombre d'infractions principalement sexuelles, mais également des infractions violentes commises sur des mineurs : meurtres ou assassinats, traite des êtres humains ou incitation à commettre un crime ou un délit.

Ce périmètre vaste explique que le nombre d'inscrits au Fijaisv soit considérable : au 30 septembre 2024, on dénombrait 111 000 inscrits. À titre de comparaison, à la même date, moins de 1 900 personnes étaient inscrites au Fijait.

Les règles d'inscription varient d'un fichier à l'autre. Pour le Fijait, l'inscription est de plein droit en cas de condamnation, sauf décision contraire de la juridiction de jugement ; pour le Fijaisv, en revanche, cohabitent un régime d'inscription de plein droit pour les crimes et pour les délits punis

d'une peine d'emprisonnement de cinq ans ou plus, ainsi que pour toutes les infractions commises sur des mineurs, et un régime d'inscription sur décision expresse de la juridiction de jugement dans les autres cas.

Qu'il s'agisse du Fijaisv ou du Fijait, les inscrits se voient imposer des obligations qui ont la nature de mesures de sûreté et qui doivent être respectées sous peine de sanctions pénales pendant toute la durée de l'inscription, soit un maximum de trente ans pour le Fijais et de vingt ans pour le Fijait. Ces obligations consistent en un « pointage » régulier au commissariat ou à la brigade de gendarmerie pour confirmer son adresse - au moins une fois par an et au plus une fois par mois pour le Fijaisv, et tous les trois mois pour le Fijait -, ainsi qu'en l'obligation de déclarer d'éventuels changements d'adresse. S'y ajoute, mais seulement pour le Fijait, l'obligation de déclarer ses déplacements à l'étranger avec un délai de prévenance minimal de quinze jours.

Enfin, les règles d'accès aux deux fichiers sont similaires : les informations qui y figurent peuvent être consultées, par le biais d'un système sécurisé, par les autorités judiciaires et, pour certaines investigations, par les officiers de police judiciaire. Les préfets et certaines administrations de l'État peuvent également accéder au Fijaisv et au Fijait, mais de manière limitée - seulement à partir des noms des personnes - et aux seules fins de sécuriser les décisions de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation. Ils peuvent d'ailleurs consulter le Fijaisv ou le Fijait pour le compte des collectivités territoriales.

Cet accès sert de support aux procédures de contrôle de l'honorabilité dans le sport et dans le secteur médico-social, sachant que, dans ces domaines, une incapacité légale d'exercice frappe les condamnés pour certaines infractions et les inscrits au Fijaisv.

Les modalités d'accès et de consultation de ces deux fichiers sont particulièrement importantes pour notre débat, car elles sont une condition sine qua non de leur conformité à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de souligner que de tels fichiers devaient garantir une conciliation entre, d'une part, la sauvegarde de l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le respect de la vie privée et des autres droits et libertés constitutionnellement protégés. Il veille en particulier à ce que les modalités de consultation du Fijaisv et du Fijait ne portent pas atteinte à la confidentialité des informations qui y sont enregistrées, et il se montre scrupuleux quant aux accès « administratifs », dont il exige qu'ils soient assortis de « restrictions et prescriptions » particulières.

Ces rappels étant faits, que prévoit la proposition de loi qui est soumise à notre examen aujourd'hui ?

Son article 1er reprend l'article 15 bis de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste de François-Noël Buffet que le Sénat avait adoptée en janvier 2024, et qui visait à faire face aux « effets de bord » de la nouvelle procédure simplifiée de changement de nom créée par la loi Vignal en 2022. Par la voix du rapporteur d'alors, Marie Mercier, le Sénat avait alerté quant aux risques soulevés par un changement de nom simplifié et sans aucun contrôle, ouvrant la voie à des changements de nom pour des motifs peu honorables, comme, par exemple, changer d'identité après avoir commis des infractions et été inscrit au fichier.

Il faut donc que l'État puisse être alerté d'une façon ou d'une autre lorsque ces personnes veulent changer de nom. C'est ce que prévoit le paragraphe I de l'article 1er en confiant à l'officier de l'état civil le soin de saisir le procureur de la République aux fins d'opposition au changement de nom ou de prénom s'il apparaît que ce changement est de nature à créer un risque pour l'ordre public en raison de la condamnation du demandeur pour une infraction dont la liste est renvoyée à un décret en Conseil d'État. Le paragraphe II de l'article 1er viendrait, quant à lui, ajouter une nouvelle mesure de sûreté pour les inscrits qui les obligerait à déclarer leurs changements de nom ou de prénom.

Je vous propose plusieurs modifications.

Tout d'abord, il convient de faire en sorte que les officiers de l'état civil aient connaissance des éléments qui leur permettront d'apprécier l'existence d'un risque pour l'ordre public, et donc de savoir quand ils doivent saisir le procureur de la République. Or, ces officiers n'ont accès ni au casier judiciaire ni au Fijaisv ou au Fijait. Je vous propose donc que les demandeurs joignent à leur dossier le bulletin n° 2 de leur casier et un document faisant état de leur inscription, ou non, sur l'un de ces fichiers.

Ensuite, le renvoi à un décret en Conseil d'État pour la liste des condamnations qui doivent conduire à une saisine du procureur créerait le risque d'une incompétence négative du législateur. Je vous propose donc de fixer dans la loi les infractions qui doivent donner lieu à une telle saisine, en visant les infractions terroristes et les infractions sexuelles et violentes graves, et de prévoir une saisine du parquet pour tous les demandeurs inscrits au Fijaisv ou au Fijait. Je rappelle à cet égard que la saisine du procureur ne vaudra pas opposition au changement de nom ou de prénom : le parquet étudiera chaque dossier et se décidera au cas par cas, et des recours seront offerts aux demandeurs qui se verraient opposer un refus.

S'agissant de l'obligation de déclarer un changement de nom ou de prénom pour les inscrits au Fijaisv et au Fijait, il convient d'apporter des précisions qui permettront, en cas de manquement, d'appliquer les sanctions pénales encourues : un délai de quinze jours me paraît opportun. Je vous proposerai aussi d'introduire, pour des inscrits au Fijaisv particulièrement dangereux et sur décision expresse de la juridiction de jugement,


une obligation de déclarer d'éventuels déplacements à l'étranger - ce ne sera pas une nouveauté, puisque les inscrits au Fijait sont déjà soumis à une telle obligation.

Je ne solliciterai aucune modification de l'article 2, qui vise à ajouter, dans le périmètre du Fijaisv, de nouveaux délits à la liste des infractions donnant lieu à l'application d'une procédure spécifique aux infractions sexuelles ou commises sur les mineurs. Il s'agit du délit d'incitation d'un mineur par un moyen de communication électronique, à commettre tout acte de nature sexuelle, soit sur lui-même, soit sur ou avec un tiers ; et de la sollicitation d'images pornographiques auprès d'un mineur.

Enfin, l'article 3 prévoit d'ouvrir un accès au Fijaisv aux opérateurs de transports publics, afin d'éviter que des individus dangereux ne soient chargés de conduire les véhicules transportant des enfants ou des adultes vulnérables. C'est une réécriture globale de cet article que je vous propose, tout en conservant son esprit : il s'agit de créer une nouvelle incapacité légale qui interdirait à des personnes condamnées pour ces infractions d'exercer des professions qui les mettent en contact avec des mineurs ou des majeurs vulnérables.

Je vous propose plusieurs amendements portant articles additionnels. Outre un amendement sur l'application du texte outre-mer, il est proposé de reprendre une disposition adoptée dans le cadre de la loi antiterroriste précitée, à savoir une obligation d'information des responsables académiques en cas de condamnation ou de mise en examen pour des infractions terroristes.

Toujours dans le cadre d'un alignement des régimes des deux fichiers, il importe d'appliquer aux infractions sexuelles un dispositif qui existe déjà pour le terrorisme, à savoir la prolongation de la rétention administrative des étrangers condamnés à une peine d'interdiction du territoire. Ce mécanisme, assorti de garanties fortes, permettra à un magistrat du siège de prolonger jusqu'à 180 jours, voire 210 jours, la rétention d'un étranger qui doit être reconduit à la frontière après avoir commis une infraction sexuelle ou violente grave.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Merci au rapporteur et à Marie Mercier pour cette proposition de loi. La démarche est intéressante, mais pose question sur le cas d'une personne ayant purgé sa peine et pour qui le changement de nom pourrait se justifier à des fins de réinsertion. La législation a été modifiée récemment dans le domaine du changement de nom, mais son impact n'a pas été évalué.

Outre les aspects techniques relatifs à l'inscription et à l'accès aux deux fichiers, je souhaite souligner que ces derniers rassemblent des dizaines de milliers de noms et ne s'arrêtent pas aux seules personnes condamnées, puisqu'ils englobent également celles qui sont mises en examen. Or, contrairement à ce qui écrit dans les textes, le parquet ne procède à aucun nettoyage des fichiers en cas de non-lieu, par manque de temps. En cas de mise en cause dans une affaire qui aboutirait à un non-lieu, la personne serait donc inscrite pendant les durées prévues pour le Fijaisv ou le Fijait. Soyons donc très vigilants quand nous manions des idées qui semblent relever du bon sens.

Concernant les acteurs concernés par l'élargissement de l'accès - indirect - aux fichiers, il va falloir fixer une liste précise, car nous pourrions fort bien ajouter aux transporteurs les associations, les baby-sitters, etc. En outre, comment obtient-on une attestation prouvant que l'on n'est inscrit ni au Fijaisv ni au Fijait, par exemple pour postuler à la RATP ?

Il me paraît surprenant, par ailleurs, de confier à l'officier de l'état civil la charge d'évaluer la menace à l'ordre public.

Enfin, j'attire votre attention sur ma demande visant à obtenir le périmètre indicatif de l'article 45 sous format papier avant l'examen des amendements, afin de m'assurer de l'absence de cavaliers législatifs. L'un de ces amendements, en particulier, pourrait introduire ou préfigurer le futur projet de loi portant sur l'immigration, alors qu'il est question du changement de nom.

Notre groupe est donc plutôt favorable à ce texte, mais pourrait y être franchement défavorable en fonction de son évolution.

Mme Olivia Richard. - Je remercie Marie Mercier pour ce texte, qui permet d'ouvrir un débat précieux, ainsi que le rapporteur pour sa bienveillance dans l'examen des amendements que j'ai déposés après des échanges avec l'Office mineurs (Ofmin), qui est chargé de la lutte contre la cyberpédocriminalité.

Cet organisme nous a alertés sur différentes difficultés, notamment au regard du caractère international de la pédocriminalité. Ces criminels peuvent en effet franchir facilement des frontières pour aller dans des pays où la pédocriminalité n'est pas un motif d'incrimination pénale, d'où des difficultés à faire condamner en France des individus déjà condamnés par un juge français, notamment à une peine complémentaire d'interdiction d'approcher des mineurs. Afin de faire respecter cette interdiction, même à l'étranger, un ajustement législatif est nécessaire.

Compte tenu de la facilité des déplacements à l'étranger, il ne serait pas idiot de demander à un individu condamné pour des affaires sérieuses de signaler un départ à l'étranger avant qu'il ne le fasse, car cela permettrait - c'est l'objet du texte - de le suivre.

Enfin, des associations amenées à avoir des contacts réguliers avec les mineurs doivent pouvoir vérifier le statut des personnes qu'elles recrutent. Plus largement, la question de la prévention de la récidive en matière de pédocriminalité est posée.

M. Hussein Bourgi. - Je voudrais insister sur un point qui me paraît gênant, à savoir l'impossibilité qui résulterait de la proposition de loi pour des personnes d'origine étrangère de changer de nom patronymique. Au cours de ma vie associative, j'ai pu accompagner des femmes prostituées et les tirer des griffes de la mafia qui sévissait en Albanie, en Serbie et au Monténégro, ou des filières mafieuses d'Afrique subsaharienne qui faisaient miroiter aux femmes un emploi d'aide à domicile, alors qu'elles se retrouvaient ensuite dans la rue.

Grâce à l'acharnement de nombreuses associations telles que l'Amicale du Nid, nous sommes parvenus à « extraire » ces femmes, à qui on avait parfois confisqué leur passeport, avant de les mettre à l'abri. Pour échapper aux mafias, il fallait impérativement que ces femmes puissent se reconstruire et donc changer de nom patronymique, afin de pouvoir ensuite se réinsérer en dehors des réseaux criminels. Il ne faudrait donc pas que la volonté de protéger les uns - à laquelle je souscris de toutes mes forces - vienne amoindrir la protection des autres.

M. Marc-Philippe Daubresse. - Je rappelle que nous avons examiné en janvier dernier une proposition de loi de notre ancien président François-Noël Buffet instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, texte qui tâchait de combler les points aveugles de la législation s'agissant des condamnés pour terrorisme ou apologie du terrorisme. La procédure simplifiée de changement de nom telle qu'elle résulte d'une circulaire de juin 2022 signée par M. Dupond-Moretti redonnait, comme l'a évoqué Mme de La Gontrie, la charge d'évaluer le risque à l'officier de l'état civil, qui se retrouvait alors assez démuni.

Nous avons essayé de cibler les crimes à caractère sexuel ou terroriste afin de rigidifier la procédure de changement de nom, l'équilibre étant garanti par une saisine systématique de procureur de la République par l'officier de l'état civil, le procureur pouvant donner suite ou non à cette demande. Il n'est donc pas question de pénaliser des personnes pour qui le changement de nom peut effectivement être salutaire, mais de se donner la possibilité d'arrêter des personnes qui pourraient récidiver.

M. Francis Szpiner. - Monsieur Bourgi, nous n'avons pas la maîtrise de l'état civil étranger : si une prostituée originaire du Nigeria veut changer de nom, la procédure n'est envisageable qu'à partir de l'état civil de son pays. Il n'y a donc rien de discriminatoire, et je ne comprends pas votre intervention.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Vouloir changer de nom après avoir purgé sa peine est tout à fait légitime. C'est pourquoi la procédure ne revêt aucun caractère automatique : le fait d'être inscrit au Fijaisv ou au Fijait entraîne la saisine du parquet, qui peut s'opposer ou non au changement de nom ; s'il s'y oppose, il reste encore une voie de recours pour le changement de prénom devant le juge aux affaires familiales (JAF) ou pour le changement de nom devant le tribunal judiciaire. Cette automaticité aurait été préjudiciable, j'en suis d'accord, mais je pense que nous avons trouvé un équilibre satisfaisant.

Concernant la consultation des fichiers sur lesquels peuvent être inscrites des personnes simplement mises en examen, je rappelle que les poursuites peuvent être abandonnées ou déboucher sur une relaxe. Le code de procédure pénale prévoit explicitement que l'inscription aux fichiers disparaît dans ces cas de figure.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce n'est pas le cas !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Peut-être existe-t-il des difficultés de mise en oeuvre. Je précise que, dans le cas d'une mise en examen, lorsqu'une incapacité légale est liée à la commission d'un certain nombre d'infractions et à l'inscription au Fijaisv ou au Fijait, l'employeur de la personne concernée peut seulement la suspendre, mais pas mettre fin à son contrat de travail. Une mise en examen entraîne donc des conséquences qui ne sont que provisoires. Si la présomption d'innocence doit être respectée, il semble également opportun de suspendre quelqu'un qui serait mis en examen pour des faits de pédophilie.

Jusqu'où élargir l'accès au Fijaisv et au Fijait ? Selon moi, il doit rester assez restreint, ce que nous prévoyons bien puisque ce sont toujours les mêmes personnes qui restent compétentes, à savoir les autorités judiciaires et le préfet dans certains cas. Par exemple, aucune entreprise de transport ou autre personne privée ne pourra consulter directement ces fichiers.

Sur un autre point, l'attestation de non-inscription aux fichiers peut être sollicitée par l'intermédiaire du préfet ou d'une administration. Dans le cas du recrutement d'une animatrice d'un accueil de loisirs sans hébergement (ALSH), il reviendrait à la mairie, et non pas à la personne concernée, de se rapprocher de l'autorité préfectorale.

L'officier de l'état civil, pour sa part, n'a pas à évaluer une menace à l'ordre public : lorsqu'il obtient, dans le dossier de changement de nom, un extrait du casier judiciaire faisant mention d'une condamnation pour certaines infractions limitativement définies et une attestation d'inscription au Fijaisv ou au Fijait, il doit saisir le parquet, qui appréciera ladite menace.

Quant au périmètre, le texte porte bien sur le renforcement de la surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes. Le premier article concerne le changement de nom, le deuxième étend la liste des infractions qui déclenchent le recours à une procédure particulière (et qui donne notamment lieu à l'inscription au Fijaisv) et le troisième évoque les transports publics.

Madame Richard, j'ai bien entendu votre demande, qui nécessite encore des discussions d'ici à la séance.

Monsieur Bourgi, j'ai eu la même réaction que M. Szpiner au premier abord, mais il est en fait possible, sous certaines conditions, de faire modifier l'état civil de personnes nées à l'étranger sur le fondement de la loi Vignal.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je ne suis pas d'accord avec l'avis du rapporteur selon lequel nous n'avons pas à débattre des conditions dans lesquelles va s'appliquer que la loi que nous allons voter. Une vérification de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) avait montré que le système de traitement des infractions constatées (Stic), qui recensait 30 millions de personnes, ne comptait pas moins de 40 % de fiches contenant des erreurs préjudiciables aux personnes concernées !

Je vous encourage donc à la prudence dans la mesure où le parquet ne procède pas au nettoyage des fichiers : nous devons être très lucides et responsables lorsque nous validons ce type de dispositif.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Je ne disconviens pas du fait que l'exécution de la loi n'est pas toujours parfaite, mais elle est du ressort du Gouvernement et nous ne pouvons pas seulement voter des lois à l'aune des carences de l'exécutif.

M. Christophe-André Frassa, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.

Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives au fonctionnement du Fijais et du Fijait - contenu, critères d'inscription, modalités de consultation, obligations associées à l'inscription, etc. - ; aux mesures de surveillance de toute nature susceptibles d'être imposées à des personnes condamnées pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes pour prévenir la récidive - mesures de sûreté, obligations d'information, etc. - ; aux peines encourues par les mêmes personnes et à l'exécution de celles-ci.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Vous n'avez pas fait référence aux législations concernées, ni mentionné le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) : tout ce qui concerne le droit des étrangers n'apparaît donc pas dans le périmètre. L'examen du projet de loi Immigration avait donné lieu à un épisode peu glorieux pour le Sénat, puisqu'une série de dispositions ont été censurées - à juste titre - comme des cavaliers par le Conseil constitutionnel.

J'alerte nos collègues quant à la tentation qui pourrait être la leur. Une modification du Ceseda par le biais d'une extension à 210 jours de la durée de rétention des étrangers n'a rien à faire dans ce texte, qui porte sur d'autres sujets.

EXAMEN DES ARTICLES

Avant l'article 1er

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement COM-10 vise à mettre en conformité les régimes du Fijaisv et du Fijait puisqu'il est possible de prévenir l'autorité académique ou le chef d'établissement pour les crimes et délits à caractère sexuel, en cas de mise en examen ou de condamnation. Il est proposé de faire de même pour une infraction terroriste.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je ne saisis pas le sens de la formule « personne scolarisée ou ayant vocation à être scolarisée dans l'établissement ».

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Il s'agit simplement des enfants soumis à l'obligation scolaire.

M. Christophe-André Frassa, président. - Il est question de tous les enfants âgés de moins de 16 ans.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Nous ne faisons que reprendre le texte existant.

L'amendement COM-10 est adopté et devient article additionnel.

Article 1er

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement COM-2 rectifié renvoie à l'intervention de M. Bourgi et au fait que la proposition de loi revenait - par inadvertance, je pense - sur la loi Vignal, en tendant à interdire aux personnes dont l'acte de naissance n'est pas détenu par un officier de l'état civil français de solliciter un changement de nom de famille. Cet amendement rétablit cette possibilité, d'où un avis favorable.

L'amendement COM-2 rectifié est adopté.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement COM-6 apporte des précisions sur les modalités d'exercice par l'officier de l'état civil de sa compétence de saisine du procureur de la République, ainsi qu'une définition par la loi des conditions dans lesquelles devra s'effectuer une telle saisine.

Le sous-amendement COM-14 supprime, quant à lui, la condition de détention de l'acte d'état civil par un officier de l'état civil français. Avis favorable.

Le sous-amendement COM-14 est adopté. L'amendement COM-6, ainsi sous-amendé, est adopté.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Les amendements identiques COM-7 et COM-4 rectifié bis visent à créer une obligation, pour les inscrits au Fijais présentant une particulière dangerosité, de déclarer leurs déplacements à l'étranger.

Les amendements identiques COM-7 et COM-4 rectifié bis sont adoptés.

L'amendement de coordination COM-8 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement COM-11 prévoit de créer une incapacité légale pour certains condamnés et pour les inscrits au Fijaisv, afin de les empêcher d'accéder aux transports de mineurs ou de majeurs vulnérables. La procédure existe déjà en matière médico-sociale.

L'amendement COM-11 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 3

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement COM-13 prévoit une prolongation de la rétention pour les étrangers interdits du territoire à la suite d'une infraction sexuelle ou violente grave jusqu'à 180 jours, voire, à titre exceptionnel, jusqu'à 210 jours.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Voilà la parfaite illustration d'un cheval de Troie dissimulé dans un texte d'apparence technique. Cet amendement sert à intégrer des dispositions annoncées par le ministre de l'intérieur sur le prolongement de la rétention administrative d'un certain nombre de catégories d'étrangers jusqu'à 210 jours.

Voilà une curieuse manière de travailler ! Muriel Jourda avait déployé tout son talent pour faire adopter des cavaliers lors de l'examen du projet de loi Immigration, ensuite censurés par le Conseil constitutionnel. Visiblement, cette tentation perdure alors qu'aucun élément ne vise le Ceseda dans l'exposé des motifs. Par le biais d'une contorsion assez complexe, la question des 210 jours apparaît, mais je pense que ce n'est ni sérieux ni constitutionnel.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Nous venons de voter l'article 2 à une belle unanimité, ce dernier modifiant l'article 706-47 du code de procédure pénale ; or, c'est ce même article qui est visé par l'amendement que nous examinons. Il est toujours possible de discuter du caractère strict de l'appréciation de l'article 45, mais le périmètre est, selon moi, conforme à celui de la proposition de loi.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le lien est tellement évident que vous avez mis au point un article additionnel... M. Bruno Retailleau n'est pas président de la commission des lois !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Il est assez fréquent de proposer plusieurs articles additionnels et je n'innove en rien, me semble-t-il. Je vous laisse libre de votre appréciation et maintiens la mienne.

Mme Dominique Vérien. - La véritable question est plutôt de savoir si cet amendement est utile. Il pourrait être nommé « amendement Philippine », en référence à cette victime dont le meurtrier sortait d'une prison de l'Yonne. Si nous avions pu le maintenir plus longtemps en rétention, nous ne pleurerions pas la mort d'une jeune femme.

L'amendement COM-13 est adopté et devient article additionnel.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement COM-9 rectifié vise à appliquer le texte aux collectivités d'outre-mer.

L'amendement COM-9 rectifié est adopté et devient article additionnel.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement COM-1 rectifié bis a pour objectif de rendre obligatoire et de renforcer le contrôle des utilisateurs d'applications de mise en relation de baby-sitters, en interdisant l'inscription aux personnes condamnées pour certaines infractions ou inscrites au Fijaisv. Le principe est intéressant, mais la mise en oeuvre semble malaisée, car les plateformes ne vérifient pas vraiment l'identité des utilisateurs.

L'amendement COM-1 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement COM-3 tend à créer une interdiction légale d'exercer, y compris à titre bénévole, au contact des mineurs dans le secteur associatif pour toute personne condamnée pour certaines infractions et pour les inscrits au Fijaisv. Je propose le retrait pour retravailler ce sujet d'ici à la séance.

L'amendement COM-3 est retiré.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement COM-5 a pour objet d'étendre à l'étranger le périmètre de l'interdiction d'exercice d'une activité auprès des mineurs. Or nous ne pouvons pas contrôler ce qui se passe à l'étranger, sauf réciprocité entre États. Demande de retrait.

L'amendement COM-5 est retiré.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les sorts des amendements examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article(s) additionnel(s) avant l'article 1er

Mme Muriel JOURDA, rapporteur

10

Information des responsables académiques en cas de mise en examen ou de condamnation pour une infraction terroriste. 

Adopté

Article 1er

M. BENARROCHE

2 rect.

Suppression de la condition de détention de l'acte d'état civil par un officier de l'état civil français.

Adopté

Mme Muriel JOURDA, rapporteur

6

Précision sur les modalités d'exercice par l'officier de l'état civil de sa compétence de saisine du procureur de la République et définition par la loi des conditions dans lesquelles devra s'effectuer une telle saisine.

Adopté

M. BENARROCHE

14

Suppression de la condition de détention de l'acte d'état civil par un officier de l'état civil français.

Adopté

Mme Muriel JOURDA, rapporteur

7

Précision quant au délai de déclaration d'un changement de nom ; création d'une obligation, pour les inscrits au Fijaisv présentant une particulière dangerosité, de déclarer leurs déplacements à l'étranger

Adopté

Mme Olivia RICHARD

4 rect. bis

Obligation de déclarer d'éventuels déplacements à l'étranger pour certains inscrits au Fijaisv.

Adopté

Mme Muriel JOURDA, rapporteur

8

Coordination.

Adopté

Article 3

Mme Muriel JOURDA, rapporteur

11

Incapacité légale pour certains condamnés et pour les inscrits au Fijaisv en matière de transport collectif de mineurs ou de majeurs vulnérables. 

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 3

Mme Muriel JOURDA, rapporteur

13

Prolongation de la rétention pour les étrangers interdits du territoire à la suite d'une infraction sexuelle ou violente grave. 

Adopté

Mme Muriel JOURDA, rapporteur

9 rect.

Application outre-mer. 

Adopté

M. BURGOA

1 rect. bis

Obligation faite aux plateformes de mise en relation pour du baby-sitting d'interdire l'inscription aux personnes condamnées pour certaines infractions et/ou inscrites au Fijaisv

Rejeté

Mme Olivia RICHARD

3

Incapacité légale d'exercer, y compris à titre bénévole, au contact des mineurs dans le secteur associatif pour toute personne condamnée pour certaines infractions et pour les inscrits au Fijaisv. 

Retiré

Mme Olivia RICHARD

5

Extension à l'étranger du périmètre de l'interdiction d'exercice d'une activité auprès des mineurs.

Retiré

La réunion est close à 10 h 40.

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