EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité

Cet article propose de relancer, pour une durée de quatre ans, l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité initialement portée par l'article 115 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

La commission a adopté cet article sans modification.

I°- Le dispositif proposé

A. Le CDIE : un dispositif de travail à temps partagé à destination des plus éloignés de l'emploi

1. Un dispositif de travail partagé pour les plus précaires

a) Le travail à temps partagé, un contrat spécifique visant à la flexibilité

Les entreprises de travail à temps partagé (ETTP) ont été créées par le législateur dès 20052(*), dans le but de permettre aux « entreprises utilisatrices » de bénéficier avec plus de flexibilité de personnel qualifié pour l'exécution d'une mission lorsqu'elles ne peuvent les embaucher elles-mêmes faute de moyen ou du fait de leur taille3(*). De fait, le travail à temps partagé vise également à répondre à la problématique de la multiplication des contrats courts.

Pour proposer du travail à temps partagé, les ETTP doivent se consacrer exclusivement à cette activités4(*), bien qu'elles puissent également être des entreprises de travail temporaire5(*). Elles sont amenées à conclure deux contrats6(*) en vue d'une mission : l'un avec le salarié et l'autre avec l'entreprise utilisatrice.

Le régime du travail à temps partagé est relativement protecteur pour le salarié, dans la mesure où il dispose par défaut d'un contrat à durée indéterminée (CDI)7(*), et où le principe d'équité leur assure lors de leur mission une rémunération qui ne peut être inférieure à celle d'un salarié de l'entreprise utilisatrice à emploi ou qualification équivalente8(*). De même, ils bénéficient dans les mêmes conditions que les salariés de l'entreprise utilisatrice des moyens de transport collectifs et des installations collectives9(*), notamment en ce qui concerne la restauration. Par ailleurs, l'ETTP est tenue de justifier d'une garantie financière assurant le paiement des salaires et des cotisations obligatoires en cas de défaillance10(*).

Le contrat de mise à disposition du salarié, passé entre l'ETTP et l'entreprise utilisatrice, précise la mission, sa durée ainsi que le besoin de qualification et la rémunération correspondante11(*). En revanche toute clause de non-concurrence visant à limiter le recrutement du salarié par l'entreprise utilisatrice est proscrite12(*).

b) Le CDIE, un dispositif expérimental à destination des personnes rencontrant des difficultés d'employabilité

Introduit par l'Assemblée nationale via l'adoption en séance publique d'un amendement de la députée Fadila Khattabi, l'article 115 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel13(*) a prévu l'expérimentation d'un contrat de travail à temps partagé à fin d'employabilité (CDIE). Afin de prendre en compte l'interruption liée à la crise sanitaire, cette expérimentation a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2023 par la loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique14(*).

· Le CDIE relève du même mécanisme que le travail à temps partagé porté par les ETTP, mais s'adresse à un public spécifique rencontrant « des difficultés particulières d'insertion professionnelle ». Ces difficultés d'insertion sont définies selon des critères alternatifs relativement larges : bénéfice d'un minimum social, inscription à Pôle emploi depuis au moins six mois, situation de handicap, âge de plus de cinquante ans ou niveau de formation inférieur au bac15(*).

Les difficultés particulières d'insertion dans l'emploi
au sens de l'insertion par l'activité économique (IAE)

Dans le champ de l'insertion par l'activité économique (IAE), la prescription d'un parcours suppose le constat par le prescripteur habilité des « difficultés sociales et professionnelles » de la personne. Le décret du 30 août 2021 relatif à l'insertion par l'activité économique16(*) fixe les critères qui conditionnent cette éligibilité17(*) :

- être bénéficiaire de certaines allocations de solidarité ;

- être demandeur d'emploi depuis vingt-quatre mois au moins ;

- répondre à plusieurs critères appréciés par une structure IAE en fonction de sa situation au regarde de l'accès à l'emploi, du niveau de diplôme, de la situation familiale, de son éligibilité à d'autres dispositifs de politique publique, etc.

Dans ce dernier cas, un arrêté du ministre chargé de l'emploi précise le nombre de critères exigé par catégorie de structure d'IAE ainsi que les pièces justificatives de cette situation.

· Compte tenu des difficultés que connaissent, en termes d'employabilité, les publics éligibles au CDIE, l'ETTP est tenue de mettre en place les conditions d'une montée en qualification du salarié, afin de lui assurer une insertion pérenne dans l'emploi. Pour cela l'article 115 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel dispose :

- d'une part que l'ETTP doit effectuer des actions de formation en direction des salariés afin de leur donner une certification professionnelle ou un bloc de compétences au sens du droit du travail18(*) ;

- d'autre part que l'ETTP est tenue d'abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié à hauteur de 500 € supplémentaires par salarié à temps complet et par année de présence.

· Parallèlement à l'objet spécifique du CDIE, les conditions de recours à ce dispositif de temps partagé pour les entreprises utilisatrices sont particulièrement souples. Contrairement au contrat de travail à durée indéterminée (CDI) intérimaire, le CDIE peut être choisi par l'entreprise utilisatrice en dehors de cas limitatifs, et ni la durée de la mission accomplie, ni les renouvellements ne sont limités dans le temps19(*). Ce régime spécifique limite de fait les risques d'une requalification par le juge.

Les cas de recours au travail temporaire dans le cadre du CDI intérimaire

L'article L. 1251-6 du code du travail dispose qu'il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, la « mission », uniquement lorsqu'il s'agit de :

- remplacer un salarié à la condition qu'il soit absent, qu'il ait décidé de passer provisoirement à temps partiel ou de suspendre son contrat de travail, qu'il quitte son poste en prévision d'une suppression notifiée au comité social et économique, ou que l'entreprise soit dans l'attente de l'entrée en service d'un salarié recruté en CDI pour le remplacer ;

- répondre à un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

- pourvoir un emploi à caractère saisonnier20(*) ;

- remplacer un chef d'entreprise ou d'exploitation agricole.

Cependant, l'article 7 de la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relative au fonctionnement du travail en vue du plein emploi est venu supprimer la limitation à 36 mois de la durée des missions pouvant faire l'objet d'un CDI intérimaire. En revanche le risque de requalification demeure si le juge estime qu'un salarié intérimaire occupe de fait un poste permanent dans l'entreprise21(*).

2. Des expérimentations dont l'évaluation laisse à désirer

Dès la mise en place de la première expérimentation du CDIE en 2018, le dispositif prévoyait une obligation pour les ETTP de communiquer à l'autorité administrative les contrats signés, les missions effectuées, les formations suivies ainsi que les taux de sortie dans l'emploi des salariés en CDIE. Ces données ainsi récoltées devaient permettre l'établissement d'un rapport à destination du Parlement afin d'éclairer ce dernier sur l'opportunité de pérenniser le dispositif.

· Concernant l'appréciation quantitative du nombre de CDIE signés, et du profil des salariés concernés, la rapporteure fait le constat d'une défaillance réelle. L'absence de déclaration des CDIE dans la déclaration sociale nominative (DSN) fait obstacle à une analyse indiscutable, et les services du ministère du travail et de l'emploi ont indiqué ne pas avoir pu collecter les informations remontées faute d'une diligence adéquate de la part des ETTP. Cependant, elle a pu constater lors de ses auditions que des ETTP ont fait remonter leurs statistiques relatives au CDIE auprès des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), sans que ces services ne se soient efficacement organisés pour traiter et faire remonter les informations.

La DSN : un outil inadapté à l'évaluation d'expérimentation

La déclaration sociale nominative (DSN) correspond à une déclaration en ligne produite tous les mois par les employeurs via les logiciels de paie, qui contient l'ensemble des informations qui ont une conséquence sur la paie de chacun des salariés. Généralisée à l'ensemble du secteur privé en 2017, la DSN a permis de remplacer 45 formalités déclaratives par une déclaration unique. Cette transformation est gérée par le groupement d'intérêt public (GIP) modernisation des déclarations sociales.

Initialement destinée aux seules informations ayant un impact sur les cotisations sociales, la DSN a pu susciter de nombreux espoirs en matière d'évaluation des politiques publiques du fait de la robustesse des données collectées.

Cependant la DSN n'est pas adaptée à l'évaluation des expérimentations telles que le CDIE. Le temps de développement d'un changement de la norme DSN est en moyenne de deux ans, et est incompressible puisque les évolutions se font sur l'année N-1, et qu'un temps d'échange suffisant avec les éditeurs de logiciel doit permettre d'assurer la mise en oeuvre en amont des évolutions de la norme. Compte tenu de ce temps de développement et du coût afférent, mais également de la complexification administrative pour les employeurs, les expérimentations ne font pas l'objet d'une modification de la DSN.

· Un rapport intermédiaire, rendu au Parlement le 22 avril 2022, notait que « l'estimation du nombre de contrats à temps partagé aux fins d'employabilité conclus s'avèr[ait] à ce jour impossible ». Toutefois, le rapport final d'évaluation n'a jamais fait l'objet d'une transmission au Parlement, ce qui ne permet pas d'évaluer avec précision le risque de concurrence entre le CDIE et le CDI intérimaire. Lors de l'audition des services de l'administration, les chiffres de 80 % des salariés en CDIE éligibles au titre de l'inscription sur les listes de France Travail ou de leur niveau de qualification ont été évoqués, ce qui justifie le renforcement des conditions d'éligibilité proposés par le présent article.

Par ailleurs, l'inspection générale des affaires sociales (Igas) a produit en juillet 2023 un rapport d'évaluation du contrat à durée indéterminée aux fins d'employabilité. Ce rapport n'a été publié que le 25 octobre 2024, soit postérieurement à l'adoption du présent texte par l'Assemblée nationale, et dans des délais ne permettant pas d'informer utilement les travaux de la commission.

B. Une proposition de pérennisation du CDIE

Dans sa rédaction initiale, le présent article visait à pérenniser le dispositif du CDIE en créant une section 4 au sein du chapitre II du titre V du livre II de la première partie du code du travail, composée d'un article unique L. 1252-14, reprenant pour l'essentiel les dispositions de l'article 115 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

A. En commission :

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques de rédaction globale, respectivement proposés par Mme Fanta Berete et M.  Stéphane Viry et par Mme Anne Bergantz, ainsi qu'un sous-amendement du rapporteur, M. Nicolas Turquois.

Le a dudu II de l'article ainsi modifié procède à la prolongation de la durée d'expérimentation permise par l'article 115 de la loi du 5  septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité.

Le b du même soumet le CDIE au cadre juridique du travail à temps partagé, à l'exception du premier alinéa de l'article L. 1252-2 du code du travail qui oblige les entreprises utilisatrices à justifier de leur incapacité de recruter en direct des salariés « en raison de leur taille ou de leurs moyens ».

Le c dudit renforce les critères d'éligibilité des salariés au CDIE, en portant à 12 mois la condition d'inscription sur les listes de Pôle emploi.

Leprévoit que le rapport final d'évaluation du dispositif, lequel devait initialement être rendu au Parlement avant le 31 décembre 2023, devra être communiqué six mois avant la fin de l'expérimentation.

B. En séance :

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques du rapporteur et de Mme Bergantz visant à modifier les conditions d'éligibilité au CDIE. Ces derniers conservent les critères alternatifs liés au bénéfice de minima sociaux, à la situation de handicap et l'inscription sur les listes de France Travail depuis douze mois. En revanche ils adaptent la condition d'inscription sur les listes de France Travail à six mois pour les personnes de plus de cinquante-cinq ans et restreignent l'éligibilité des personnes de diplôme inférieur au bac aux seuls personnes de moins de vingt-six ans.

Un autre amendement du rapporteur adopté par les députés se borne à rappeler le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle sur les CDIE conclus avant le 31 décembre 2023.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

La rapporteure constate que les services de l'État n'ont pas été en mesure d'effectuer une évaluation pertinente des expérimentations passées du CDIE. Elle déplore par ailleurs la publication tardive d'un rapport de l'Igas au sujet du même dispositif, qui n'a pas permis d'en confronter les conclusions aux organismes auditionnés. La rapporteure entend néanmoins les craintes formulées le secteur du travail intérimaire quant au risque de prédation que constituerait le CDIE.

Cependant il lui semble que l'objet initial du CDIE, c'est-à-dire l'inscription durable dans l'emploi de personnes rencontrant des difficultés d'employabilité, est utile, et peut constituer un débouché en second temps pour une personne passée par l'insertion par l'activité économique (IAE). Plus encore, face à une conjoncture incertaine du marché du travail, les créations d'emplois consécutives au relancement du CDIE ne lui semblent pouvoir être négligées.

Cependant, la rapporteure note également que, mis bout à bout, la durée de l'expérimentation du CDIE atteindra les 9 ans au terme de la période prévue par le présent article. Aussi invite-t-elle l'ensemble des parties prenantes à la vigilance afin de ne pas se retrouver une nouvelle fois face à une expérimentation inaboutie dans quatre ans. Pour cela, le problème de la remontée des informations des ETTP via les services de l'État doit faire l'objet d'un travail conjoint, de même que leur rattachement à une convention collective qui permettrait d'assurer des avantages sociaux plus homogènes et comparables avec le secteur de l'intérim. Enfin, l'abondement des ETTP au CPF gagnerait à faire l'objet d'un accord avec un Opco de référence afin de sécuriser ces transferts pour l'employeur.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 1er bis
Correction d'une erreur rédactionnelle

Le présent article, inséré par un amendement du rapporteur en séance publique à l'Assemblée nationale, corrige une faute d'orthographe à l'article L. 1252-7 du code du travail.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 1er ter
Droits des salariés sous contrat de travail à temps partagé en cas d'embauche par une entreprise utilisatrice

Cet article propose de renforcer les droits des salariés mis à disposition dans le cadre d'un contrat de travail à temps partagé et finalement embauché par l'entreprise utilisatrice.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. En l'état du droit, l'embauche par l'entreprise utilisatrice se fait selon le droit commun applicable au CDI ou CDD

1. Le calcul de l'ancienneté et de la période d'essai

Les dispositions régissant les contrats de travail à temps partagé (CTTP) sont silencieuses quant à une dérogation au droit commun applicable au salarié sous CTTP finalement embauché par l'entreprise utilisatrice. Le législateur a toutefois voulu encourager ce débouché puisque l'article L. 1252-11 du code du travail dispose qu'aucune clause du CTTP ne peut interdire le recrutement du salarié mis à disposition par l'entreprise utilisatrice à l'issue de sa mission.

Dès lors, lorsque ce recrutement a lieu, l'entreprise utilisatrice n'est pas tenue par la loi de prendre en compte la mission comme de l'ancienneté. La convention collective de la branche peut toutefois contenir certaines garanties pour le salarié. De même, le nouvel employeur peut fixer une période d'essai dans le respect des dispositions légales ou de la convention collective applicables au CDI ou au CDD.

La période d'essai pour les contrats à durée indéterminée et à durée déterminée

La durée de la période d'essai, laquelle permet à « l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent »22(*), varie en fonction de la qualification du salarié. L'article L. 1221-19 du code du travail fixe ainsi la durée maximale de la période d'essai, pouvant être déterminée pour un CDI, à :

- deux mois pour les ouvriers et les employés ;

- trois mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;

- quatre mois pour les cadres.

La durée maximale peut toutefois être moindre si une convention collective signée après la loi de 2008 portant modernisation du marché du travail23(*) en dispose ainsi. Enfin, l'article L. 1221-21 du code du travail permet à un accord de branche étendu de prévoir si la période d'essai peut être renouvelée, dans la limite d'une seule fois.

S'agissant des contrats à durée déterminée (CDD), l'article L. 1242-10 du code du travail fixe comme plafond légal à la période d'essai - susceptible d'être amoindri par les usages ou des stipulations conventionnelles - une durée calculée à raison d'un jour par semaine prévue pour la durée du contrat, dans la limite de deux semaines lorsque la durée initiale du contrat est au plus égale à six mois et d'un mois dans les autres cas.

À titre de comparaison, certaines catégories de salariés disposent d'une reprise d'ancienneté prévue par la loi et d'un décompte de leur période d'essai. Tel est le cas, en premier lieu, des salariés qui avaient réalisé une mission sous le régime du CDI intérimaire. En vertu de l'article L. 1251-38 du code du travail, ces salariés bénéficient d'une prise en compte de la durée des missions accomplies au sein de l'entreprise utilisatrice au cours des trois mois précédant le recrutement pour le calcul de leur ancienneté.

De même, bénéficient d'une prise en compte de leur temps passé dans l'entreprise pour leur période d'essai ou le calcul de leur ancienneté :

- les salariés ayant signé leurs contrats de travail après un contrat d'apprentissage24(*) ;

- les salariés, préalablement stagiaires ayant réalisé dans l'entreprise un stage d'une durée de plus de deux mois25(*).

2. Le préavis pour rupture du contrat de travail en raison d'une embauche

Aux termes de l'article L. 1252-9 du code du travail, le régime applicable à la rupture du contrat de travail à temps partagé (CTTP) est identique au régime de droit commun des contrats à durée indéterminée (CDI) prévu au titre III du livre II de la première partie du code du travail.

En particulier, l'article L. 1237-1 du code du travail se borne à indiquer qu'en cas de démission du salarié en CDI, l'existence et la durée sont fixées par la loi, ou par une convention ou un accord collectif de travail. En l'absence de telles dispositions, les « usages pratiqués dans la localité et dans la profession » s'appliquent.

Aucune disposition légale ne fixe une durée précise de ce préavis si bien qu'en pratique ce sont souvent les conventions collectives de branche professionnelle qui y pourvoit.

En outre, si, à l'initiative de l'employeur, le salarié est dispensé de préavis, ce dernier a droit au versement d'une indemnité compensatrice.

B. Le dispositif proposé : renforcer les droits des salariés embauchés à l'issue d'une mission de temps partagé

Le présent article, inséré en séance publique par deux amendements identiques des députés Stéphane Viry et Fanta Berete, vise à compléter les droits et garanties du salarié, en travail à temps partagé, et notamment en CDIE, lorsqu'il est embauché par l'entreprise utilisatrice. Il propose ainsi de créer une nouvelle section au sein du chapitre du code du travail consacré au temps partagé.

• Le nouvel article L. 1252-15 du code du travail prévoirait que le salarié mis à disposition dans une entreprise utilisatrice pourrait rompre sans préavis son CTTP en raison de son embauche par cette entreprise et à l'issue d'une mission. Dans ce cas, aucune indemnité compensatrice ne serait versée par l'ETTP.

• En vertu du nouvel article L. 1252-14 du code du travail, dans cette situation, le salarié bénéficierait d'une reprise d'ancienneté au titre des missions effectuées dans l'entreprise utilisatrice au cours des trois mois précédent le recrutement. Cette même période serait prise en compte pour le calcul de la période d'essai prévue par le contrat de travail.

Ces conditions de prise en compte de l'ancienneté seraient dès lors alignées sur le régime légal applicable au CDI intérimaire26(*).

II - La position de la commission : un renforcement des droits bienvenu

La rapporteure note en premier lieu que ces dispositions s'appliquent aussi bien au CDIE qu'aux salariés recrutés par un contrat à temps partagé de droit commun. Cet article contribue donc à compléter et à améliorer le régime juridique du TTP issu tant en 2005 qu'en 2018 d'une initiative parlementaire.

Les garanties et droits apportés par le présent article sont bienvenus et renforcent la volonté du législateur d'encourager les embauches par les entreprises utilisatrices. Pour les salariés en CDIE, ce débouché à l'issue de leur mission est naturel puisque l'expérimentation a précisément vocation à renforcer leur employabilité et à les insérer sur le marché du travail. La rapporteure relève que, selon les informations transmises par le Syndicat des entreprises d'emploi durable (Seed), 46 % des salariés en CDIE sont embauchés par l'entreprise utilisatrice auprès de laquelle ils ont travaillé en mission.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 (suppression maintenue)
Sanctions en cas de manquement aux dispositions relatives au contrat de travail à temps partagé à des fins d'employabilité

Cet article propose de créer un régime de sanctions pénales à l'encontre des entreprises de travail à temps partagé et des clients utilisateurs ne respectant pas les dispositions du code du travail.

La commission a maintenu la suppression de cet article.

I - Le dispositif proposé : sanctionner les violations du code du travail s'agissant du CDIE

L'article 2 du texte initial de la proposition de loi prévoyait de créer deux nouveaux articles au sein du code du travail.

• L'article L. 1255-19 proposait de punir de 3 750 euros d'amendes le fait de conclure un CDIE en méconnaissance des conditions légales d'éligibilité à ce contrat.

• L'article L. 1255-20 prévoyait de sanctionner de la même amende l'entreprise qui emploierait un salarié sous CDIE sans avoir conclu un contrat écrit de mise à disposition dans un délai de deux jours ouvrables27(*). La récidive eût été punie de 7 500 euros d'amende.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Le présent article a été supprimé en commission par trois amendements des députés Stéphane Viry, Fanta Berete et Anne Bergantz au motif que ces sanctions, corollaire de la généralisation du dispositif, étaient devenues sans objet dès lors que le dispositif du CDIE restait expérimental.

II - La position de la commission

La rapporteure partage les motivations ayant conduit la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a supprimé le présent article ; dès lors que la proposition de loi prévoit une reconduction de l'expérimentation, il n'est pas pertinent de prévoir au sein du code du travail un régime de sanctions pénales.

La rapporteure note cependant que le respect des conditions légales du dispositif, tant par les ETTP que par les entreprises utilisatrices, est primordial pour apprécier du bien-fondé de cette expérimentation et de son éventuelle pérennisation à l'issue des quatre années d'application. Par ailleurs, ces entreprises ne sauraient, bien entendu, échapper au contrôle de l'inspection du travail et, plus généralement, des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets).

La commission a maintenu la suppression de cet article.

Article 3 (suppression maintenue)
Gage financier de la proposition de loi

Cet article gage les conséquences financières pour l'Etat de l'adoption de la présente proposition de loi.

La commission a maintenu la suppression de cet article.

I - Le dispositif proposé

L'article 3 gageait la charge pour l'Etat résultant de cette proposition de loi par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Un amendement gouvernemental visant à supprimer le présent article a été adopté en séance publique par l'Assemblée nationale.

III - La position de la commission

La commission a maintenu la suppression de cet article.

*

Enfin, tirant les conséquences de la substitution de la pérennisation du dispositif par une reconduction de l'expérimentation, un amendement du rapporteur Nicolas Turquois, adopté en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, a rédigé l'intitulé du texte ainsi : proposition de loi visant à poursuivre l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité.


* 2 Loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, art. 20.

* 3 Article L. 1252-1 du code du travail.

* 4 Article L. 1252-2 du code du travail.

* 5 Article L. 1252-3 du code du travail.

* 6 Article L. 1252-1 du code du travail.

* 7 Article L. 1252-4 du code du travail.

* 8 Article L. 1252-6 du code du travail.

* 9 Article L. 1252-8 du code du travail.

* 10 Article L. 1252-13 du code du travail.

* 11 Article L. 1252-10 du code du travail.

* 12 Article L. 1252-11 du code du travail.

* 13 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 14 Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée ».

* 15 Niveaux de formation V, V bis et VI.

* 16 Décret n° 2021-1128 du 30 août 2021 relatif à l'insertion par l'activité économique.

* 17 Art. R. 5132-1-7 du code du travail.

* 18 Article L. 6113-1 du code du travail.

* 19 Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, une durée maximale de trente-six mois était applicable aux missions d'intérim.

* 20 Article L.1242-2 du code du travail.

* 21 Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 février 2024, 22-20.258 22-20.321.

* 22 Article L. 1221-20 du code du travail.

* 23 Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008.

* 24 Article L. 6222-16 du code du travail.

* 25 Article L. 1221-24 du code du travail.

* 26 Article L. 1251-38 du code du travail.

* 27 Ce délai eût été identique au délai prévu à l'article L. 1251-42 du code du travail pour la conclusion d'un contrat de mise à dispositions de salarié par une entreprise de travail temporaire.

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