EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 12 juin 2024, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Alain Cazabone sur le projet de loi n° 544 (2023-2024) autorisant l'approbation de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part et de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'Ukraine, d'autre part.
M. Cédric Perrin, président. - Nous commençons nos travaux avec l'examen du rapport et du texte de la commission sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part, et de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'Ukraine, d'autre part.
M. Alain Cazabonne, rapporteur. - Nous examinons en effet aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de deux accords aériens communs entre l'Union européenne et ses États membres : l'un avec l'Arménie, l'autre avec l'Ukraine.
Ces accords ne sont pas récents, puisqu'ils ont été paraphés en 2017 pour le premier et en 2013 pour le second, soit bien avant les récents conflits subis par ces États. Ils n'ont en revanche été signés qu'en 2021.
En effet, comme nous l'avons vu récemment lors de l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord global dans le domaine du transport aérien entre les États membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean) et l'Union européenne et ses États membres, les signatures ont été suspendues en raison d'un différend entre le Royaume-Uni et l'Espagne au sujet de l'aéroport que le Royaume-Uni a construit sur l'isthme de Gibraltar. Ce n'est qu'après la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne qu'ont pu être signés les accords déjà négociés et paraphés, comme ceux avec l'Ukraine et l'Arménie qui sont l'objet de ce projet de loi.
Ces accords se situent tous deux dans le cadre de la politique européenne d'ouverture des transports aériens qui a débuté dans les années 2000, avec les accords aériens signés avec les États-Unis en 2007, puis avec le Canada en 2009.
Ils procèdent d'une compétence partagée : les dispositions relevant du droit de la concurrence renvoient à une compétence exclusive de l'Union européenne, tandis que d'autres, comme l'octroi des droits de trafic, relèvent encore des États. Le Conseil européen donne mandat à la Commission européenne pour négocier ces accords, qui doivent ensuite être également signés et approuvés par chaque État membre, selon leurs procédures propres, puis par le Parlement européen.
Après les accords avec les États-Unis et le Canada, le Conseil a donné à la Commission mandat pour négocier des accords avec les pays dits du voisinage - Maroc, Géorgie, Jordanie, Moldavie, Israël, Ukraine et Arménie. En outre, un accord spécifique a été conclu avec l'Islande, la Norvège, la Bulgarie, la Roumanie et les États des Balkans occidentaux.
À la fin de 2015, la Commission européenne a publié une communication qui porte sur une nouvelle stratégie de l'aviation pour l'Europe à l'horizon 2020. Ce document insiste sur la nécessité de rétablir des conditions de concurrence loyale entre les compagnies aériennes européennes et celles des pays tiers.
Les deux accords, paraphés à quatre ans d'intervalle, sont conformes à ceux qui ont été conclus par l'Union européenne avec les autres pays du voisinage. Ils sont entrés en application provisoire depuis leur signature, respectivement en novembre 2021 pour l'Arménie et en octobre 2021 pour l'Ukraine.
En théorie, ces accords permettent aux transporteurs européens de desservir sans escale tous les aéroports d'Arménie et d'Ukraine et, réciproquement, aux compagnies de ces deux pays de desservir directement les pays les ayant approuvés. Lorsqu'ils auront suffisamment intégré les normes communautaires, les transporteurs arméniens et ukrainiens pourront effectuer des vols avec escales vers d'autres pays de l'Union européenne, de même que les transporteurs européens vers des pays tiers.
Dans les faits, la situation est bien différente.
Toutes les compagnies aériennes arméniennes sont inscrites sur la liste noire de l'Union européenne en raison de manquements aux règles de sécurité aérienne. Elles ne peuvent donc pas bénéficier de l'accord dans l'immédiat.
Quant à l'Ukraine, la guerre interdit, pour des raisons de sécurité évidente, tout vol régulier au-dessus de son espace aérien depuis l'invasion russe, le 24 février 2022.
La ratification de ces accords revêt donc essentiellement une portée symbolique. Il me faut tout de même vous les exposer plus en détail, malgré leur caractère technique.
Outre les droits commerciaux précédemment abordés, ces accords traitent de manière classique des conditions d'attribution et de retrait des autorisations d'exploitation, des activités commerciales autorisées, des taxes et des droits de douane. Une coopération réglementaire est prévue dans les secteurs de la sécurité et de la sûreté aérienne. À ce titre, l'Arménie et l'Ukraine sont associées en tant qu'observateurs aux travaux de l'Agence de l'Union européenne pour la sécurité aérienne.
Les accords comportent des articles relatifs à la protection de l'environnement et des droits sociaux. Ils instituent un comité mixte, responsable de leur application. Un système classique de règlement des différends est prévu par le recours à l'arbitrage si nécessaire. Enfin, des annexes précisent les dispositions transitoires dans l'attente de la reprise de l'acquis communautaire.
Les différences principales entre ces deux accords reposent, d'une part, sur le fait que la France et l'Ukraine étaient précédemment liées par un accord bilatéral en la matière, d'autre part, sur le fait que, l'Ukraine disposant d'une industrie aéronautique importante, certaines clauses de l'accord la concernant traitent de coopération industrielle et de certification.
L'accord avec l'Arménie a donné lieu à l'ouverture de trois nouvelles routes aériennes, mais celles-ci ne peuvent être desservies que par les transporteurs européens. Un premier comité mixte s'est réuni en juin 2022 à Erevan.
L'accord avec l'Ukraine est suspendu de fait jusqu'à l'arrêt des hostilités. On peut penser qu'à l'issue de la guerre le nombre de passagers augmentera, en raison des réfugiés ukrainiens qui pourraient s'installer durablement dans les pays de l'Union européenne et retourner ponctuellement en Ukraine.
L'approbation de ces accords enverra un signal positif à ces deux pays proches et amis. La coopération bilatérale entre l'Arménie et l'Union européenne n'a cessé de s'étendre et de s'approfondir depuis la signature de l'accord de partenariat global en novembre 2017 et sa pleine entrée en vigueur en mars 2021. L'approbation de cet accord constituera un pas supplémentaire.
L'Ukraine, candidat officiel à l'adhésion à l'Union européenne, attend depuis 2013 la ratification de cet accord. Même si celle-ci a une visée symbolique, il s'agit d'un encouragement à sa volonté d'intégration.
Je terminerai mon propos en citant les considérants du préambule de la convention de Chicago de 1944, texte fondateur de l'Organisation de l'aviation civile internationale, qui affirme que le développement du transport aérien entre les divers pays a toujours été perçu comme un facteur de paix : « Le développement futur de l'aviation civile internationale peut grandement aider à créer et à préserver entre les nations et les peuples du monde l'amitié et la compréhension, alors que tout abus qui en serait fait peut devenir une menace pour la sécurité générale, [...] il est désirable d'éviter toute mésentente entre les nations et les peuples et de promouvoir entre eux la coopération dont dépend la paix du monde. »
À ce jour, l'accord aérien avec l'Arménie a été ratifié par la République tchèque, l'Estonie, l'Espagne, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, les Pays-Bas, l'Autriche, la Roumanie et la Suède. Celui qui concerne l'Ukraine a été ratifié par la République tchèque, l'Estonie, l'Espagne, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, l'Autriche, la Pologne, la Roumanie et la Suède.
Je préconise l'adoption de ce projet de loi dont le Sénat est saisi en premier. La date de son examen en séance publique n'est pas fixée à ce jour, à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale, mais la conférence des présidents et moi-même préconisons qu'il ait lieu selon la procédure simplifiée.
Le projet de loi est adopté sans modification.