EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 mai 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mme Solanges Nadille, rapporteure, sur la proposition de loi n° 522 (2023-2024) ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial.

M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial, déposée par Xavier Iacovelli.

Ce texte sera examiné en séance mercredi 29 mai, au sein de la niche du groupe RDPI.

Mme Solanges Nadille, rapporteure. - Ce texte a pour objet de permettre aux agents publics d'exercer en plus le métier d'assistant familial.

Les assistants familiaux chargés d'accueillir des mineurs et des jeunes de moins de 21 ans à leur domicile sont des acteurs essentiels de la protection de l'enfance. Ils constituent l'un des tout premiers modes d'accueil des enfants de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et permettent de répondre aux besoins de stabilité, d'encadrement et de sécurité de ces enfants. Selon les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), fin 2021, 74 700 jeunes, soit 40 % de l'ensemble des jeunes confiés à l'ASE dans l'Hexagone, étaient hébergés en famille d'accueil. Cette prépondérance du mode d'accueil familial est tout aussi vraie en outre-mer : les assistants familiaux réalisent plus de 60 % des accueils de l'ASE en Guadeloupe.

La profession connaît toutefois une démographie déclinante en raison d'une pyramide vieillissante des âges et d'un défaut d'attractivité à l'embauche. En 2021, on comptait 38 000 assistants familiaux, à 90 % des femmes, avec un âge médian de 55 ans. Dans un rapport paru en novembre 2020, la Cour des comptes alertait déjà sur la forte tension démographique qui pesait sur le métier d'assistant familial. En moyenne, les effectifs d'assistants familiaux diminuent chaque année de 1,4 % depuis 2017. Cette situation varie bien entendu selon les départements. Certains territoires, du fait de leur particularité, sont plus épargnés. Je pense ainsi au département de la Guadeloupe, dont les responsables, lors des auditions, m'ont indiqué n'avoir aucun problème de recrutement et le projet d'accroître de 100 postes le nombre d'assistants familiaux d'ici à 2028. Toutefois, beaucoup d'autres territoires ne sont pas dans cette situation. Certains départements, comme ceux des Hauts-de-France, qui recourent historiquement davantage aux assistants familiaux, sont en première ligne. Ainsi, le Pas-de-Calais a vu ses effectifs d'assistants familiaux décroître de 2 100 professionnels en 2019 à 1 700 en 2024.

La crise d'attractivité que connaît le métier d'assistant familial dans notre pays constitue donc un véritable enjeu de politique publique auquel le Parlement a souhaité apporter des réponses, en adoptant le 7 février 2022 la loi relative à la protection des enfants. Toutefois, comme l'avait noté notre ancien collègue Bernard Bonne dans un rapport adopté par notre commission en juillet 2023, cette tendance n'a, jusqu'à présent, pas été inversée. Les acteurs doivent encore pleinement s'approprier de nombreuses mesures de cette loi.

Parce qu'il est nécessaire d'agir pour créer un choc d'attractivité en faveur du métier d'assistant familial, la proposition de loi déposée par Xavier Iacovelli autorise les agents publics à concilier cette activité avec celle d'assistant familial. Actuellement, le code de l'action sociale et des familles ne permet qu'aux seuls assistants familiaux de droit privé, généralement salariés d'une association, de cumuler, dans le silence de leur contrat de travail, un second métier relevant du secteur privé.

Permettre aux agents publics de devenir famille d'accueil avait déjà été évoqué lors des concertations tenues en amont de la loi précitée, ainsi que lors des débats au Parlement sur cette loi, mais sans aboutir. Il me paraît nécessaire aujourd'hui que le législateur s'engage dans cette évolution.

Si ce texte n'a pas pour ambition d'apporter une solution unique aux problématiques que je viens d'évoquer, il agit toutefois sur un point précis en levant le frein juridique actuel, qui ne permet pas à un agent public, peu importe sa quotité de travail, de cumuler cet emploi public avec un emploi d'assistant familial. En effet, le statut de la fonction publique veut que l'agent public se consacre entièrement à son métier, sauf dérogations spécifiquement prévues ou encadrées par la loi. Cela empêche concrètement des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) exerçant sur un emploi à temps non complet de quelques heures par semaine d'être recrutés par un département pour héberger un enfant confié à l'ASE.

À cette description du droit existant, il faut ajouter que le code général de la fonction publique n'interdit théoriquement pas la conciliation d'un emploi public à temps non complet avec la fonction d'assistant familial dans le cas où cette dernière est exercée en tant que salarié d'une personne morale de droit privé. Enfin, il convient de rappeler que la loi permet déjà à tous, notamment aux agents publics, d'accueillir un enfant confié à l'ASE dans le cadre de l'accueil dit « durable et bénévole ». Ce type d'accueil ne peut toutefois pas concerner des enfants relevant d'une mesure d'assistance éducative, c'est-à-dire d'une mesure prise par le juge en vue d'un placement.

Dans ce cadre complexe qui ne peut être satisfaisant, l'article 1er modifie les règles de cumul d'emplois des agents publics afin d'assouplir le régime leur permettant d'exercer également la profession d'assistant familial. Il modifie pour cela les articles L. 123-5 et L. 123-7 du code général de la fonction publique. Il instaure deux régimes juridiques selon que l'agent public exerce sur un emploi à temps non complet ou à temps complet. Dans le premier cas, le cumul serait ouvert sur simple déclaration auprès de l'autorité hiérarchique. Dans le second, il ne pourrait se faire qu'à « titre accessoire » et après autorisation de l'autorité hiérarchique. La coexistence de ces deux régimes de cumul peut créer une complexité administrative supplémentaire.

C'est pourquoi je présenterai un amendement visant à ne permettre l'exercice de l'activité d'assistant familial que sous un régime d'autorisation préalable de l'autorité hiérarchique. En outre, cet amendement prévoit de renvoyer à un décret l'encadrement de ce cumul d'activité. Toutefois, afin de ne pas créer de rupture d'égalité entre les agents publics et les salariés de droit privé, cet encadrement par décret concernerait toute situation de cumul d'activité, quelle que soit la seconde activité professionnelle exercée.

L'article 2 encadre l'assouplissement de la possibilité de concilier un emploi public et la fonction d'assistant familial en prévoyant que, dans ce cas, l'agrément n'autorise l'accueil que d'un seul mineur âgé d'au moins trois ans et relevant de la protection de l'enfance. Par ailleurs, l'article précise que l'assistant familial bénéficie d'une formation dont la durée ne peut être inférieure à soixante heures, dans une période de six mois après obtention de l'agrément.

Pour rappel, tout exercice du métier d'assistant familial est soumis à l'obtention d'un agrément, attribué par le président du conseil départemental, valable cinq ans et renouvelable sur demande après examen du dossier. Cet agrément précise le nombre d'enfants que l'assistant familial est autorisé à accueillir. Quel que soit son statut, l'assistant familial doit conclure un contrat de travail avec son employeur précisant les conditions d'accueil des enfants et le nombre d'enfants accueillis.

Comme j'ai pu le constater au cours de mes auditions, chaque accueil d'enfant est unique et répond à des spécificités qui, à mon sens, ne peuvent être prévues par la loi. Il faut encadrer, mais également faire confiance aux territoires et aux acteurs pour répondre au mieux aux besoins des enfants. En lieu et place d'une détermination des modalités d'accueil au niveau législatif, il est préférable de renvoyer à un décret le soin de fixer les conditions qui permettront l'exercice satisfaisant de la profession d'assistant familial dans le cas d'un cumul d'activités. Le premier amendement que je vous proposerai prévoit cette détermination par le pouvoir réglementaire au sein de l'article 1er de la proposition de loi.

Enfin, au regard de la réalité et de la complexité de ce métier, il n'apparaît pas pertinent de prévoir une formation plus courte pour les agents publics souhaitant cumuler leur métier avec celui d'assistant familial. Il ressort de mes auditions qu'il est important, pour garantir la même qualité d'accueil chez les assistants familiaux, que tous ces professionnels bénéficient de la même formation de 240 heures et suivent également le stage préparatoire prévu par la loi avant le premier accueil d'enfant.

C'est pourquoi je vous présenterai un amendement de suppression de l'article 2 en coordination avec mon premier amendement.

Je vous invite à adopter cette proposition de loi ainsi modifiée qui permettra d'élargir les possibilités de recrutement des assistants familiaux.

Il me revient, enfin, de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que celui-ci inclut des dispositions relatives aux conditions de cumul d'emploi des assistants familiaux et aux conditions d'exercice de la profession d'assistant familial. En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs au statut général de la fonction publique à l'exception des modalités de cumul d'un emploi public avec la profession d'assistant familial ; aux prestations d'aide sociale à l'enfance ou aux mesures d'assistance éducative ; aux modes de prise en charge des enfants confiés à l'ASE autres que l'accueil par un assistant familial ; à la gouvernance ou au pilotage de la protection de l'enfance.

Il en est ainsi décidé.

M. Xavier Iacovelli, auteur de la proposition de loi. - Merci à Mme la rapporteure pour son travail sur cette proposition de loi, qui, malheureusement, ne révolutionnera pas la protection de l'enfance, mais qui a pour objet de proposer des solutions concrètes. On sait qu'il faut avancer par petits pas pour améliorer les conditions de travail des professionnels de la protection de l'enfance, et surtout l'accueil des enfants confiés à l'ASE. Alors que l'accueil familial doit être promu, en huit ans, sa proportion est passée de 50 % à 40 %, et la pyramide des âges nous laisse à penser que d'ici à cinq ans, on aura de vraies difficultés à accueillir les enfants - même si certains territoires, comme la Guadeloupe, ont plus de facilité à recruter. Ce métier pâtit d'un vrai manque d'attractivité, en raison de son statut et de ses conditions de travail.

Cette proposition de loi n'a pas pour objet d'améliorer le statut d'assistant familial, mais d'en accroître le vivier de recrutement. La loi Taquet de 2022 a créé le droit au répit des assistants familiaux, que nous avons tous soutenu, mais qui ne peut pas être mis en place par manque d'assistants familiaux. Il faut que certains puissent devenir des relais. C'est ce que permettrait l'ouverture du cumul d'emplois à la fonction publique, soit en accroissant l'accueil des enfants les moins en difficulté, chez quelqu'un qui travaille, comme n'importe quel parent, soit en améliorant le relais, et donc le droit au répit des assistants familiaux. Elle permettra aussi de diversifier le cadre d'accueil de ces enfants en l'ouvrant à de nouveaux profils, ce qui à mon sens peut être bénéfique dans leur expérience de vie.

Je suis tout à fait d'accord avec les amendements de la rapporteure, qui simplifient et clarifient cette proposition de loi, en renvoyant les modalités d'application au décret. Dans ma rédaction initiale, j'estimais que la possibilité de cumul devait être réservée aux enfants de plus de 3 ans qui ne soient pas porteurs de handicap, en la limitant à un seul enfant, pour un accueil de qualité. Renvoyer ces modalités au décret, en lien avec l'Assemblée des départements de France (ADF), peut être intéressant. J'avais aussi proposé 60 heures minimum de formation : dans nos départements, l'agrément est accordé après une formation initiale de 60 heures, tandis que le reste des 240 heures de formation se fait tout au long de l'exercice de la profession. Le renvoi à un décret me convient.

J'espère que vous voterez cette proposition de loi.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Merci à la rapporteure et à l'auteur de cette proposition de loi bienvenue. On ne parle jamais assez de la protection de l'enfance. Certes, ce texte ne révolutionnera pas les choses, mais il gomme une injustice et nous permet de parler de ce métier. Je le soutiens totalement.

Les assistantes familiales sont plus ou moins nombreuses, et plus ou moins soutenues, selon les départements. Certains les soutiennent bien en matière de rémunération, ou d'indemnité d'entretien, d'autres un peu moins. Par ailleurs, il n'y a pas que le soutien financier ou matériel qui varie mais également la considération accordée aux personnes qui exercent ce métier.

On évoque le plus souvent le manque de soutien et d'accompagnement tout au long de la prise en charge des enfants. Le secteur de l'aide sociale à l'enfant est en crise, disons-le !

Selon les départements, il existe une mosaïque de soutiens à cette profession, et l'on constate pourtant une réelle baisse des effectifs. Ainsi, l'an dernier, il n'y a eu qu'une quinzaine de recrutements dans mon département et il est très difficile de fidéliser les assistants familiaux. Le répit est un moyen de leur accorder du temps pour souffler et, surtout, de permettre à l'enfant de sortir d'un cadre unique d'accueil. C'est la raison pour laquelle j'avais proposé cet amendement, retenu dans la loi du 7 février 2022, créant un droit au répit. Le rapport au travail a changé dans tous les domaines et cela vaut aussi pour les assistants familiaux. Le manque de soutien et la complexité des situations aggravent leur mal-être.

En matière de formation, il faut qu'elle soit la même pour tous ceux qui exercent le même métier.

Il reviendra aux professionnels de l'ASE de se prononcer sur le profil des enfants qui pourraient être concernés par les nouvelles mesures. En effet, pour l'instant, une évaluation initiale permet de déterminer ce que sera le parcours de l'enfant autour d'un projet construit pour lui. Nous pouvons toutefois regretter que, dans de nombreux départements, ce projet reste inabouti, les professionnels de l'ASE étant souvent surchargés. Nous soutiendrons ce texte.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Nous avançons à petits pas, mais en ajoutant des petits pas les uns aux autres, on ne fait pas forcément un grand pas. Nous aurions besoin d'une loi globale sur la protection de l'enfance, et nous l'appelons de nos voeux. En effet, la situation se dégrade : quelque 74 700 mineurs sont placés, 341 000 jeunes font partie du dispositif de protection de l'enfance et les assistants familiaux sont en nombre insuffisant.

Dans le département du Pas-de-Calais, nous recensons plus de 7 000 enfants placés, dont un nombre important en situation de handicap, ce qui met l'ASE en difficulté.

En 2021, la moitié des assistants familiaux avait 55 ans ou plus et un quart de la profession était âgée de plus de 60 ans. Je tiens à redire la volonté de notre groupe d'examiner une grande loi sur la protection de l'enfance.

Que réglera le texte que nous examinons ? Permettra-t-il de faire face à la pénurie ? Les assistants familiaux, qui nous interpellent régulièrement, déplorent que leur métier ne soit pas assez valorisé et soit très peu reconnu. Dans les départements, ce sont les seuls salariés qui ne peuvent pas prétendre au statut de la fonction publique territoriale, même s'ils ont exercé leur métier pendant vingt, trente ou quarante ans. Ce métier est donc à part.

Vous proposez d'ouvrir la possibilité de cumuler l'exercice d'un temps partiel de la fonction publique avec un emploi d'assistant familial. Ce type de cumul se pratique déjà dans le privé. Est-ce une bonne idée ? Le métier d'assistant familial s'exerce à part entière, de jour comme de nuit. Les assistants familiaux souhaitent que nous rendions leur métier plus attractif par une revalorisation salariale et par une meilleure reconnaissance. Ils souhaitent que leurs revendications aboutissent : un week-end de repos par mois, une prime d'installation pour l'équipement, notamment pour la puériculture, et une majoration pour les jours fériés.

Nous ne voterons pas contre cette proposition de loi, qui constitue un tout petit pas en avant, mais nous considérons qu'elle n'est pas à la hauteur des revendications et des besoins des assistants familiaux. Par conséquent, nous nous abstiendrons.

Mme Marion Canalès. - Les assistantes familiales sont dans une situation douloureuse. Ce texte vise à pallier un manque, mais la protection de l'enfance n'a pas forcément besoin d'une nouvelle réforme. La cathédrale normative des lois de 2007, de 2016 et de 2022, avec ses 131 articles, suffit amplement. Il reste toutefois à exécuter ces mesures, car les décrets d'application ne sont pas toujours publiés.

Mme la rapporteure a mentionné un décret qui viendrait encadrer le cumul d'activités, mais je rappelle qu'il a fallu attendre dix-huit mois pour mettre en oeuvre la mesure de la loi Taquet portant sur le tiers de confiance, alors qu'il s'agissait précisément d'alléger la pression pesant sur les assistantes familiales. Le tiers de confiance ne représente que 7 % des accueils en France, contre 60 % dans d'autres pays. Il y a une certaine habitude à reporter toutes les mesures devant être prises par décret, surtout en matière de protection de l'enfance. De même, il a fallu deux ans d'intervention transpartisane pour interdire les placements à l'hôtel.

La pratique des assistantes familiales est non visible, non audible, et non incluse dans les parcours d'accueil. Le métier manque de reconnaissance et sa pénibilité reste ignorée. À cela s'ajoutent un manque d'attractivité et une absence de recherche, notamment en innovation sociale, pour faire évoluer les pratiques professionnelles en réinventant le rôle des travailleurs sociaux au sein de l'équipe qui se déploie autour de l'enfant.

L'idée de favoriser « la diversité des expériences pour les jeunes protégés », comme il est mentionné dans l'exposé des motifs de ce texte, laisse entendre que les familles d'accueil pourront être un peu différentes, dès lors que des fonctionnaires pourront exercer comme assistants familiaux. Toutefois, une commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance est en cours à l'Assemblée nationale et le Comité de vigilance des enfants placés s'est exprimé à de multiples reprises, notamment lors des auditions qui ont eu lieu hier. Je ne suis pas certaine que ce soit un atout pour l'enfant que de changer six fois de famille d'accueil. Je connais l'attention que l'auteur de cette proposition de loi porte à mettre l'enfant au coeur de la politique de protection de l'enfance mais il faudrait corriger cette maladresse en vue de la séance.

Le sujet des assistants familiaux est verrouillé dans certains de ses aspects. Ainsi, le décret d'encadrement des personnels dans les établissements, prévu dans le cadre de la loi Taquet, n'a toujours pas abouti deux ans après l'adoption du texte. Les verrous sont sans doute au niveau des départements et des associations. Je crains que les dispositions que nous voterons ne soient jamais mises en application. Si l'intention de l'auteur du texte est louable, le levier n'est pas le bon, et il faudrait davantage s'attacher à ce que les lois sur la protection de l'enfance soient appliquées. Nous ne voterons pas contre ce texte, mais nous nous abstiendrons.

Mme Laurence Muller-Bronn. - Certes, nous avançons à petits pas, mais je crois que deux petits pas font toujours un grand pas, et c'est une manière d'avancer.

Les services départementaux que j'ai pu interroger en tant que conseillère départementale perçoivent l'aspect positif de cette proposition de loi. Certes, le texte ne vise qu'une minorité de personnes, mais il offre des possibilités supplémentaires. En Alsace, 30 % des enfants placés ont des notifications de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et leurs relations familiales sont compliquées. Prévoir des possibilités supplémentaires pour les accueillir ne peut être que bienvenu.

La reconnaissance financière ne suffit pas à revaloriser le métier d'assistant familial. En autorisant l'exercice d'un emploi à temps partiel quand on accueille un enfant, on donnera aux assistants familiaux la possibilité d'exercer leur activité de manière durable en se donnant le temps de souffler.

J'ai déposé deux amendements, rédigés en collaboration avec les Départements de France, qui visent à assouplir les critères pour favoriser l'accueil d'enfants de moins de trois ans, si cela est nécessaire, et pour éviter de séparer des fratries.

Le choix de passer par décret est étonnant. Cela voudrait dire que cette proposition de loi n'a pas lieu d'être. Le décret ne garantira rien ; mieux vaut légiférer.

Mme Jocelyne Guidez. - Je voterai cette proposition de loi. Je connais bien le métier d'assistant familial pour l'avoir exercé en accueillant un enfant, lorsque j'étais maire de ma commune. D'ailleurs, il me semble que pour bien s'occuper d'un enfant, mieux vaut n'en accueillir qu'un seul, surtout si l'on travaille. J'ai exercé le métier d'assistant familial pendant trois ans et je peux dire combien il a été difficile de voir partir l'enfant que l'on a accueilli au terme de cette période

La formation est essentielle, tout comme le répit, car les enfants placés ont souvent vécu des situations difficiles qui pèsent sur la famille d'accueil au travers des réactions qu'ils peuvent avoir.

Au Sénat, nous allons souvent par petits sauts, ce qui est toujours mieux que rien.

Cette petite proposition de loi constitue aussi une petite avancée.

Mme Marie-Claude Lermytte. - Nous avons tous parlé du « métier » d'assistant familial, et c'est bien de cela qu'il s'agit. Il requiert une attention de tous les instants d'autant que, au fil des années, les cas complexes se multiplient. J'ai exercé comme assistante sociale pendant trente-cinq ans dans le département du Nord et j'ai pu constater que les placements en urgence étaient fréquents. Il n'y a pas de place idéale pour un enfant. La plupart du temps, des assistants familiaux qui s'occupent de deux ou trois enfants doivent en accueillir un quatrième ou un cinquième. Le nombre de placements croît et les situations sont de plus en plus particulières. Dans ces conditions, exercer une autre activité en plus de ce métier me semble difficile.

Déontologiquement, le texte risque de poser problème quant à l'agrément et aux relations que les assistants familiaux entretiendront avec les travailleurs sociaux référents. Ils risquent d'être mis en difficulté. Le décret pourra y remédier.

Enfin, il n'y a pas d'âge idéal pour les enfants accueillis. Toutefois, si l'enfant a moins de trois ans, il faudra aussi qu'il soit inscrit en crèche dans le cas où l'assistant familial exerce une autre activité. En outre, dans ces conditions, il est plus raisonnable de se limiter à l'accueil d'un seul enfant, car il s'agit d'un métier à part entière.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Il faut revenir à la source. L'objectif avec cette loi est d'accroître quantitativement le vivier de recrutement des assistants familiaux à tout prix et à moindre prix. Je me félicite de la suppression de la disposition visant à imposer une formation antérieure et limitée à 60 heures plutôt qu'une formation de 240 heures. En effet, les départements reportent toujours les heures de formation. Toutefois, à combien estime-t-on les effectifs concernés ? Il me semble, en effet, que cela ne suffira pas à répondre à la crise d'attractivité de la profession.

Les départements ont besoin d'assistants familiaux à temps complet et c'est dans ce champ qu'il faut développer l'attractivité. Qu'entend-on par « temps non complet », sinon des temps partiels subis de la fonction publique qui souffrent d'une certaine précarité ? Il n'est pas bon de faire du métier d'assistant familial un métier d'appoint, alors qu'il s'agit d'un métier à part entière.

Ce texte constitue un petit pas, certes, mais allons-nous dans la bonne direction ? Si nous résolvons le problème de manière quantitative, mais pas qualitative, cela ne servira à rien. Nous ne souhaitons pas bloquer l'avancée de cette proposition de loi, mais, en l'état, nous ne pouvons pas non plus y être favorables. Nous nous abstiendrons donc.

Comment les départements jugent-ils la qualité de l'accueil de ceux qui exercent un métier à temps partiel dans le privé et qui sont aussi assistants familiaux ?

Mme Catherine Conconne. - Je soutiendrai cette proposition de loi, car je crois aux petits pas et je citerai en ce sens Aimé Césaire : « Un pas, un autre pas, encore un autre pas et tenir gagné chaque pas ! »

En Martinique, il y a une pénurie totale d'assistants familiaux. Si cette proposition de loi permet d'ouvrir le champ à la fonction publique, cela permettra de gagner 100, 200, voire 300 assistants familiaux supplémentaires - ce sera forcément un bénéfice.

Ce texte me paraît pragmatique et concret même s'il ne fait pas la révolution dans le monde de l'ASE. Il ouvrira le champ des possibles aux départements.

Mme Solanges Nadille, rapporteure. - Ce ne sera peut-être pas le grand soir, mais nous ferons un pas dans le bon sens.

Madame Doineau, il faut en effet faire confiance aux territoires. Les départements souhaitent renforcer l'attractivité du métier d'assistant familial en ouvrant le champ des possibles et en évitant de trop cadrer le dispositif.

Madame Apourceau-Poly, certes, il faut une loi globale sur la protection de l'enfance, mais en juillet 2023, la commission avait déjà estimé qu'il valait mieux commencer par appliquer les dispositions votées dans le cadre de la loi de 2022. Le présent texte vise à répondre à un blocage législatif précis qui a été identifié.

La profession d'assistant familial demande une grande disponibilité, mais selon la situation concrète de l'enfant accueilli et celle de l'assistant familial, il est possible de la concilier avec une autre activité. L'appréciation des situations reviendra aux employeurs des assistants familiaux et les départements seront chargés de la gestion du dispositif.

Madame Canalès, la loi du 7 février 2022 prévoit l'intégration complète des assistants familiaux dans l'équipe socio-éducative. Les départements doivent encore travailler à rendre effective l'application de cette mesure.

Le Gouvernement s'est engagé à prendre le décret nécessaire pour l'application de la présente loi, si elle est adoptée. Il reviendra à notre commission d'être vigilante sur la réalité de cette application, comme nous l'avons fait pour la loi de 2022.

Madame Muller-Bronn, cette proposition de loi n'est pas inutile, car elle lève le verrou législatif du cumul de l'emploi public. L'encadrement des conditions de ce cumul est le seul point qui est renvoyé à un décret.

Nous n'avons pas d'estimation sur le nombre de candidats susceptibles de se manifester. Toutefois, nous savons que des candidatures restent bloquées à cause de l'interdiction de cumul. Les départements estiment que ce texte facilitera le recrutement de profils intéressants, comme, par exemple, des travailleurs sociaux, des infirmiers ou des AESH.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Solanges Nadille, rapporteure. - L'amendement COM-3 vise à simplifier et à élargir le dispositif initial de la proposition de loi.

Premièrement, il est proposé de prévoir une dérogation au statut de la fonction publique dans le code de l'action sociale et des familles afin de permettre aux agents publics d'exercer, à titre accessoire, l'activité d'assistant familial sur autorisation de leur autorité hiérarchique. Cette dérogation serait plus simple en ne distinguant plus le cas des agents publics à temps incomplet de ceux à temps complet.

Deuxièmement, l'amendement prévoit que les conditions de cumul d'activité d'un assistant familial sont précisées par décret. D'une part, les conditions pourront être fixées après concertation des acteurs, ce qui permettra de prendre en compte les spécificités propres à chaque situation. D'autre part, ce décret fixera les conditions de cumul avec un emploi public comme privé, pour éviter toute rupture d'égalité.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2

Mme Solanges Nadille, rapporteure. - L'amendement COM-4 vise à supprimer l'article 2 en coordination avec le premier amendement présenté.

Il apparaît trop rigide de fixer dans la loi les conditions de cumul d'emplois, à savoir l'accueil d'un seul enfant, âgé d'au moins trois ans. Les situations peuvent être très diverses. Cependant, pour garantir le respect de l'intérêt des enfants, il apparaît préférable d'encadrer par décret les conditions de cumul qui seront applicables sur le terrain. Cette solution plus souple a été présentée dans l'amendement que nous venons d'adopter.

En outre, l'article 2 prévoit que les assistants familiaux occupant par ailleurs un emploi public bénéficient d'une formation ne pouvant être inférieure à soixante heures dans une période de six mois après l'obtention de l'agrément. Cette disposition déroge au droit commun qui prévoit une obligation de 240 heures de formation et un stage préparatoire devant être réalisé avant le premier accueil.

Il ressort des auditions qu'il est préférable que les personnes conciliant leur emploi public avec le métier d'assistant familial bénéficient d'une formation complète afin de garantir les mêmes conditions de sécurité pour l'accueil des enfants.

L'amendement COM-4 est adopté. En conséquence, les amendements COM-1 et COM-2 deviennent sans objet.

L'article 2 est supprimé.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme NADILLE, rapporteure

3

Ouverture de la possibilité de concilier un emploi public avec la profession d'assistant familial et encadrement des conditions de cumul par un décret

Adopté

Article 2

Mme NADILLE, rapporteure

4

Suppression de l'article

Adopté

Mme MULLER-BRONN

1

Suppression de la borne d'âge de trois ans pour les enfants accueillis par les assistants familiaux en cumul d'emploi

Satisfait ou sans objet

Mme MULLER-BRONN

2

Possibilité pour les assistants familiaux en cumul d'emploi d'accueillir un ou deux enfants confiés à l'ASE

Satisfait ou sans objet

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