EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Ouverture de la possibilité pour un agent public de cumuler son emploi avec un emploi d'assistant familial

Cet article vise à modifier les règles de cumul d'emplois des agents publics afin d'assouplir le régime leur permettant d'exercer également la profession d'assistant familial. Il ouvre cette possibilité pour les agents publics à temps non complet soumis à simple déclaration pour l'exercice d'une autre activité professionnelle en application de l'article L. 121-5 du code général de la fonction publique (CGFP) et pour les agents publics soumis au régime préalable d'autorisation hiérarchique pour l'exercice d'une activité accessoire en application de l'article L. 121-7 du même code.

La commission a adopté cet article avec modifications afin de ne conserver dans le code de l'action sociale et des familles qu'un régime unique de possibilité pour les agents publics de cumuler, après autorisation hiérarchique, leur emploi avec un emploi d'assistant familial.

I - Le dispositif proposé

A. Les enjeux entourant la profession d'assistants familiaux

L'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles définit l'assistant familial comme « la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un an à son domicile ». L'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil et permet de répondre aux besoins de stabilité, d'encadrement et de sécurité de ces enfants.

1. État des lieux de la profession et de la situation des mineurs en famille d'accueil

a ) Une profession au coeur de la protection de l'enfance

En France, les mineurs ou des jeunes majeurs de moins de 21 ans peuvent être confiés à un assistant familial dans trois cadres différents :

- très majoritairement au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE) que ce soit à la suite d'une décision de placement administrative ou d'une mesure judiciaire. Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), fin 2021, 74 700 mineurs et jeunes, soit 40 % de l'ensemble des jeunes confiés à l'ASE dans l'Hexagone, étaient hébergés par 38 000 assistants familiaux4(*). Cette prépondérance du mode d'accueil familial est tout aussi vraie en outre-mer ; à titre d'exemple, les assistants familiaux réalisent plus de 60 % des accueils de l'ASE en Guadeloupe.

Les accueils au titre de l'ASE sont effectués par des assistants familiaux, lesquels sont salariés :

? dans 88 % des cas d'un département ;

? dans 10 % des cas d'une association habilitée (Croix Rouge par exemple) ;

? pour 2 % d'entre eux à la fois d'un département et d'une association5(*).

au titre de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Les accueils au titre de la PJJ sont assurés de manière bénévole et ne font l'objet que d'une indemnité.

au titre de la prise en charge thérapeutique ou médico-sociale. Les accueils thérapeutiques sont pris en charge par des assistants familiaux de santé salariés d'un établissement de santé.

b ) Le profil des enfants accueillis en famille d'accueil

Selon la Drees6(*), fin 2019, les enfants accueillis en famille d'accueil sont à 53 % des garçons, soit une part légèrement supérieure à celle rencontrée en population générale (51 % des moins de 21 ans, hors outre-mer). La répartition par âge laisse apparaitre une surreprésentation des enfants entre 6 et 17 ans en comparaison avec l'ensemble de la population des moins de 21 ans, en particulier dans la tranche d'âge des 11-15 ans (31 %, +7 points de pourcentage), tandis que les moins de 3 ans (13 %, -5 points) et les 18-20 ans (14 %, -8 points) sont sous-représentés. Au bout du compte, l'accueil chez un assistant familial concerne 67 % des 3-5 ans bénéficiaires de l'ASE mais seulement 20 % des 16-17 ans7(*).

Concernant le profil scolaire, le taux de déscolarisation des enfants de 6 à 15 ans vivant en famille d'accueil reste relativement proche de celui observé en population générale (3 % contre 2 % pour l'ensemble des enfants de 6 à 15 ans). En revanche, par la suite, des écarts de trajectoires scolaires sont plus importants. 26 % des jeunes en famille d'accueil détiennent un CAP ou BEP, contre 15 % dans la population générale.

c ) La répartition territoriale de l'accueil familial

Plus d'un sixième des enfants en famille d'accueil vivent dans les Hauts-de-France (10 400 enfants), devant la Nouvelle-Aquitaine (6 400) et l'Occitanie (6 000)8(*). Les Hauts-de-France sont aussi la région dont le taux de prise en charge en famille d'accueil est le plus élevé, à 6,4 %o, presque deux fois supérieure à la moyenne nationale qui s'établit à 3,7 %o. La région qui enregistre le taux de prise en charge le plus faible est l'Île-de-France (1,2 %o)9(*) notamment en raison de la présence d'établissements d'accueils habilités mais aussi par le fait d'un nombre significatif d'accueils familiaux hors du département d'origine. Ces chiffres rendent compte de choix historiques réalisés par certains départements s'agissant des modes d'accueil des enfants confiés à l'ASE.

Nombre d'enfants confiés à l'ASE et accueillis en famille d'accueil - répartition par région au 31 décembre 2022 (hors Mayotte)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat à partir des données de l'enquête annuelle « Aide sociale » 2022 de la Drees

d ) Le profil sociologique des assistants familiaux

Les différentes enquêtes font état d'une profession fortement féminisée (90 % de femmes en 2021) même si la proportion d'homme augmente légèrement dans les années récentes10(*). Les assistants familiaux vivent très majoritairement en couple avec une personne partageant leur logement (87 % d'entre eux). La quasi-totalité (96 %) sont eux-mêmes parents d'au moins un enfant.

La démographie de la profession connait un vieillissement important : en 2021, l'âge médian est ainsi de 55 ans et même un quart d'entre eux avaient 60 ans ou plus.

Répartition par âge et sexe des assistants familiaux en 2021 (en %)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat à partir des données de l'enquête de la Drees « Les enfants vivant en famille d'accueil au prisme de l'enquête annuelle de recensement »

La grande majorité des assistants familiaux ont exercé une première activité professionnelle, souvent dans le secteur social, avant de se tourner, en seconde partie de carrière, vers cette profession. Ainsi, malgré l'âge moyen élevé des assistants familiaux, 47 % d'entre eux exercent depuis moins de dix ans. Toutefois, preuve de l'attachement de ces professionnels à leur métier, plus de 83 % des assistants familiaux pensaient continuer d'exercer jusqu'à leur retraite et les deux tiers envisageaient de continuer au-delà pour poursuivre l'accueil d'un enfant11(*).

Enfin, même si les assistants familiaux sont moins diplômés que la population globale (moins de 20 % sont diplômés de l'enseignement supérieur), une élévation de leur niveau d'études est en cours depuis 2005 qui a vu la création du diplôme d'état d'assistant familial (DEAF).

e ) Une profession à la démographie déclinante et toujours en crise d'attractivité malgré les évolutions de la loi du 7 février 2022

Dans un rapport paru en novembre 2020, la Cour des comptes alertait sur la forte tension démographique qui pesait sur le métier d'assistant familial12(*). Les effectifs d'assistants familiaux employés par les départements ont ainsi diminué de 7,2 % entre 2017 et 2022 (voir graphique ci-dessous). Cette tendance générale recouvre des situations diverses selon les départements. L'enquête annuelle « Aide sociale » de la Drees, dans son volet relatif au personnel de l'action sociale et médico-sociale départementale, fait ressortir certains territoires dont les effectifs ont pu se maintenir voire augmenter. Le nombre d'assistants familiaux employés par le département de Maine-et-Loire a ainsi augmenté de 9,7 % de 2017 à 2022. De même, il ressort des travaux de la rapporteure que le département de la Guadeloupe, épargné par un défaut de recrutement, projette d'accroître de 100 postes le nombre d'assistants familiaux d'ici 2028. Toutefois, beaucoup d'autres départements ont vu décroitre drastiquement le nombre d'assistants familiaux employés. La Savoie a ainsi connu une chute de près de 30 % entre 2017 et 2022 et le Nord, premier département employeur d'assistants familiaux, a connu une diminution de ses professionnels de 2 776 à 2 611.

Évolution des effectifs d'assistants familiaux employés
par les départements

Source : Commission des affaires sociales, données de la Drees actualisées en décembre 2023

La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a souhaité améliorer les conditions de travail des assistants familiaux et remédier à la crise d'attractivité du secteur. Pour cela, elle a :

- affirmé leur rôle dans l'élaboration et le suivi du projet pour les enfants placés ;

- revalorisé et harmonisé leur rémunération qui pouvait être très différente selon les départements en garantissant une rémunération au Smic mensuel ce qui aboutit notamment à une revalorisation pour les assistants familiaux n'accueillant qu'un enfant et en précisant les conditions de majoration en cas de handicap ou maladie des enfants accueillis ;

- consacré le principe d'un week-end de repos mensuel ne s'imputant pas sur les congés payés ;

- ouvert la possibilité de différer le départ à la retraite afin d'éviter les ruptures de parcours des enfants ;

- clarifié les conditions de cumul d'employeurs en prévoyant la possibilité pour l'employeur de droit privé de prévoir une clause d'exclusivité ou de prévoir des restrictions au cumul d'employeurs sous réserve du respect de certaines conditions comme confier autant d'enfants que l'agrément le permet ou lui verser une compensation en cas de refus ou d'impossibilité de lui confier autant d'enfants que son agrément le permet.

Toutefois, le rapport d'information de la commission des affaires sociales présenté par M. Bernard Bonne en juillet 202313(*) indiquait que la tendance n'avait jusqu'à présent pas été inversée. De nombreuses mesures prévues par la loi comme l'intégration des assistants familiaux au sein des équipes socio-éducatives ou encore les revalorisations salariales doivent encore faire l'objet d'une meilleure appropriation par les acteurs dans les départements.

2. Les règles applicables aux assistants familiaux s'agissant en particulier du cumul d'activité

a ) L'impossibilité de cumuler son emploi avec un autre emploi public d'assistant familial

En application de l'article L. 422-6 du code de l'action sociale et des familles, les assistants familiaux employés par les départements ont le statut d'agents non titulaires des collectivités territoriales et relèvent dès lors, en application de l'article L. 2 du code général de la fonction publique (CGFP), de la plupart des règles applicables aux fonctionnaires territoriaux.

L'article L. 121-3 du CGFP pose le principe selon lequel l'agent public consacre l'intégralité de son temps de travail à son emploi. Toutefois, les articles L. 123-2 à L. 123-8 du même code prévoient des dérogations à ce principe permettant aux agents publics de cumuler leur emploi avec une autre activité professionnelle, à titre accessoire, dans certaines conditions.

Le code général de la fonction publique prévoit notamment deux types de dérogations :

- l'article L. 123-5 dispose que les agents publics occupant un emploi permanent à temps non complet ou incomplet dont la durée du travail est inférieure ou égale à 70 % de la durée légale du travail, peuvent exercer une autre activité privée lucrative à titre professionnel. Cette possibilité est ouverte après déclaration auprès de l'autorité hiérarchique.

Interrogé par la rapporteure sur la possibilité de cumul dans ce cadre, la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) a indiqué qu'en application des dispositions de l'article L. 123-5 un agent public pouvait théoriquement concilier un emploi public à temps non complet avec la fonction d'assistant familial dans le cas où cette dernière est exercée en tant que salarié d'une personne morale de droit privé14(*) ;

- l'article L. 123-7 prévoit que tout agent public occupant un emploi à temps complet ou pas, peut être autorisé par l'autorité hiérarchique à exercer une activité à titre accessoire, lucrative ou non, auprès d'un organisme public ou privé. Cette autorisation ne peut être donnée par l'autorité hiérarchique que si l'activité :

? est compatible avec les fonctions de l'agent public ;

? n'affecte pas l'exercice desdites fonctions ;

? figure sur la liste des activités susceptibles d'être exercées à titre accessoire15(*).

La notion d'activité à titre accessoire ne fait pas l'objet d'une limitation de rémunération et/ou d'heures et fait l'objet d'une appréciation au cas par cas par l'autorité hiérarchique. Toutefois, pour apprécier le caractère compatible d'une activité accessoire avec les fonctions de l'agent public, l'administration prend, habituellement, en compte les éléments suivants :

- l'activité accessoire est extérieure à l'activité principale ; elle doit être exercée en dehors des heures de service de l'agent ;

- l'activité accessoire ne doit pas éloigner l'agent de ses fonctions administratives ;

- elle doit être compatible avec les fonctions exercées au sein de l'administration et sans effet sur le fonctionnement du service public ;

- l'activité accessoire ne doit pas satisfaire un besoin permanent.

En l'état du droit, la profession d'assistant familial n'est pas considérée comme pouvant être exercée à titre accessoire par un agent public.

Temps partiel, temps complet ou temps incomplet ?

- Un emploi à temps complet est un emploi sur lequel la durée de travail correspond à la durée légale de travail, c'est-à-dire 35 heures par semaine (ou 1 607 heures par an) ;

- Un emploi à temps non complet (ou incomplet) est un emploi créé pour une durée de travail inférieure à la durée légale de travail ;

Le caractère « complet » ou « incomplet » de l'emploi est une caractéristique de l'emploi qui s'impose à l'agent public.

Le temps partiel est quant à lui choisi par l'agent dans les limites des règles fixées par l'employeur et la réglementation. Un agent public peut donc être à temps partiel sur un emploi à temps complet.

Interrogée par la rapporteure, la DGAFP a indiqué qu'en application de l'article D. 422-7 du code de l'action sociale et des familles, le cumul d'activités était déjà autorisé pour les assistants familiaux et assistants maternels employés par une personne morale de droit public sous réserve de l'accord de l'employeur public et que ce cumul ne porte pas préjudice à la fonction d'accueil d'enfants à domicile16(*). Cette possibilité de cumul d'activités est aujourd'hui mise en avant par plusieurs départements dans leurs communications relatives à l'embauche d'assistants familiaux17(*). Ce cumul ne peut toutefois pas concerner deux emplois dans la fonction publique.

Enfin, un fonctionnaire peut toujours rentrer dans le cadre de l'accueil dit « durable et bénévole » prévu à l'article L. 221-2-1 du code de l'action sociale et des familles. Ce type d'accueil ne peut toutefois pas concerner des enfants relevant d'une mesure d'assistance éducative, c'est-à-dire d'une mesure prise par le juge en vue d'un placement.

Cette complexité juridique constitue un frein important pour les employeurs publics et les agents publics qui ne permet pas d'élargir le vivier de recrutement d'assistants familiaux alors même que les besoins augmentent.

b ) La possibilité de cumuler l'emploi d'assistant familial avec un autre emploi dans le secteur privé

Les assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé sont soumis à la fois à certaines dispositions du code du travail énumérées à l'article L. 423-2 du code de l'action sociale et des familles (congés payés, formation professionnelle...) et aux dispositions communes et spécifiques aux assistants familiaux de droit privé mentionnées au sein du code de l'action sociale et des familles. Enfin, les assistants familiaux employés par des employeurs privés relèvent de conventions collectives nationales (CCN) parmi lesquelles la CCN de l'hospitalisation privée à but non lucratif (Fehap), la CCN de La Croix Rouge française et enfin la CCN des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.

Le droit du travail n'empêche pas un salarié de cumuler plusieurs activités professionnelles sous réserve qu'il ne déroge pas à la durée maximale légale du travail et que son contrat de travail n'ait pas prévu une clause d'exclusivité. S'agissant des assistants familiaux, pour lesquels la durée maximale légale du travail ne s'applique pas, la réglementation applicable permet aux assistants familiaux de cumuler, dans le silence de leur contrat de travail, un second métier relevant du secteur privé. Pour les assistants familiaux salariés d'employeur privé, l'article L. 423-34 du code de l'action sociale et des familles dispose que le contrat de travail peut prévoir que l'assistant familial ne pourra exercer une autre activité professionnelle que sous réserve de l'accord de son employeur. Ce dernier ne peut refuser que si « l'activité envisagée est incompatible avec l'accueil du ou des enfants déjà confiés ».

B. Les évolutions proposées par la proposition de loi

L'article 1er vise à modifier les règles de cumul d'emplois des agents publics afin d'assouplir le régime leur permettant d'exercer également la profession d'assistant familial. Il modifie pour cela les articles L. 123-5 et L. 123-7 du code général de la fonction publique.

Concernant l'article L. 123-5 relatif aux agents publics exerçant à temps non complet, il vise à ajouter une phrase ainsi rédigée : « Il peut exercer l'activité d'assistant familial au service d'une personne morale de droit privé ou de droit public. »

Il prévoit également d'ajouter au dernier alinéa de l'article L. 123-7, sur le modèle de ce qui figure dans la loi pour le métier d'enseignant associé, la mention du métier d'assistant familial comme étant une activité complémentaire pouvant être exercée, après autorisation de l'autorité hiérarchique, par tout agent public.

II - La position de la rapporteure et de la commission : une proposition de loi utile pour élargir le vivier de recrutement des assistants familiaux

La rapporteure se félicite de l'objectif de la proposition de loi de lever le verrou juridique à l'embauche d'agents publics en tant qu'assistants familiaux. Elle estime que cette proposition de loi, qui n'a pas vocation à résoudre toutes les difficultés rencontrées par la profession, apporte toutefois une réponse ciblée aux problématiques de recrutement des assistants familiaux rencontrées par les employeurs publics. L'Association Départements de France a, à ce titre, indiqué que cet assouplissement pourrait permettre de susciter de nouvelles vocations d'agents publics jusque-là freinés par l'impossibilité de cumul des fonctions et de répondre ainsi en partie à la pénurie d'offre sur l'ensemble du territoire.

Toutefois, la rapporteure considère que le texte initial de la proposition de loi tend à créer deux régimes juridiques selon que l'agent public exerce sur un emploi à temps non complet ou à temps complet. Dans le premier cas, le cumul serait ouvert sur simple déclaration auprès de l'autorité hiérarchique. Dans le second, il ne pourrait se faire qu'à « titre accessoire » et après autorisation de l'autorité hiérarchique. La coexistence de ces deux régimes de cumul peut créer une complexité administrative supplémentaire, à rebours de l'objectif de simplification du texte.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a donc adopté un amendement COM-3 au présent article visant à simplifier davantage le dispositif en ne permettant l'exercice de l'activité d'assistant familial que sous un régime unique d'autorisation préalable de l'autorité hiérarchique. Il vise également à renvoyer les modalités d'encadrement du cumul d'activités à un décret afin de mieux prendre en considération les spécificités propres à chaque situation.

Par ailleurs, l'amendement inscrit, par cohérence, ces dispositions relatives aux conditions d'emploi des assistants familiaux dans le code de l'action sociale et des familles plutôt que dans le code général de la fonction publique.

Enfin, la rapporteure souligne le fait que cette proposition de loi permettrait d'aligner les règles de cumul d'emplois relatives aux assistants familiaux qu'ils soient employés par une personne morale de droit privé ou de droit public et ainsi simplifier l'environnement juridique applicable aux assistants familiaux. L'amendement COM-3 prévoit dès lors que le décret couvre la situation de cumul entre une activité d'assistant familial, quel que soit le statut, et l'exercice d'une autre profession, privée ou publique.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2
Encadrement de la possibilité de concilier un emploi public et
une activité d'assistant familial

Cet article propose d'encadrer l'agrément des agents publics autorisés à exercer l'activité d'assistant familial afin de définir des conditions pour l'accueil des enfants. Il prévoit par ailleurs une obligation spécifique de formation pour les professionnels concernés.

La commission a supprimé cet article en coordination avec l'amendement adopté à l'article 1er renvoyant à un décret le soin de fixer les conditions de cumul d'emplois.

I - Le dispositif proposé

A. Les conditions d'agrément et de formation des assistants familiaux

1. L'agrément détermine le nombre maximal d'enfants pouvant être accueillis

Tout exercice de la profession d'assistant familial est soumis à l'obtention d'un agrément, attribué par le président du conseil départemental, valable cinq ans et renouvelable sur demande après examen du dossier18(*). L'instruction de la demande d'agrément est conduite par le service départemental de protection maternelle et infantile (PMI). Cette instruction comporte notamment un ou plusieurs entretiens avec le candidat et une ou plusieurs visites de son domicile19(*). Les critères précis devant être pris en compte sont fixés dans un référentiel approuvé par un décret en Conseil d'État du 18 août 201420(*). L'appréciation de ces critères relève de chaque PMI, ce qui peut conduire à des situations diverses selon les départements - ce qui, par ailleurs, n'est pas sans poser de difficultés, comme il a pu être indiqué à la rapporteure lors des auditions.

En vertu de l'article L. 421-5 du code de l'action sociale et des familles21(*), l'agrément précise le nombre de mineurs et de jeunes majeurs que l'assistant familial est autorisé à accueillir. La loi limite à trois le nombre maximal de jeunes - mineurs ou majeurs de moins de vingt et un ans - pouvant être accueillis à titre permanent et de façon continue. Par dérogation, il est toutefois permis au président du conseil départemental d'autoriser l'accueil de plus de trois enfants pour répondre à des besoins spécifiques si les conditions d'accueil le permettent.

Enfin, que l'employeur soit de droit public ou privé, le contrat de travail conclu avec l'assistant familial doit préciser le nombre d'enfants susceptibles d'être confiés à l'assistant familial, dans les limites prévues par l'agrément de ce dernier22(*).

2. La formation des assistants familiaux

En vertu de l'article L. 421-15 du code de l'action sociale et des familles, les assistants familiaux sont soumis à deux obligations en vue d'acquérir les compétences nécessaires à leur pratique professionnelle. D'une part, l'assistant familial doit suivre un stage préparatoire à l'accueil de l'enfant d'une durée de 60 heures23(*), organisé par son employeur. Ce stage doit être suivi dans les deux mois précédant le premier accueil. D'autre part, l'assistant familial doit suivre une formation de 240 heures24(*) dans le délai de trois ans après son premier contrat de travail. Un arrêté de 200625(*) précise le contenu de cette formation qui se décompose en trois domaines :

- 140 heures sont consacrées à l'accueil et intégration de l'enfant dans sa famille d'accueil ;

- 60 heures sont dédiées à l'accompagnement éducatif de l'enfant ;

- 40 heures portent, enfin, sur la communication professionnelle.

L'obtention de ces trois domaines de compétence est certifiée par une épreuve organisée par le représentant de l'État dans la région26(*). La validation de l'ensemble de cette formation permet aux assistants familiaux d'être titulaires du diplôme d'État d'assistant familial27(*), lequel permet le renouvellement automatique de l'agrément à son expiration.

Il convient enfin de noter que les assistants familiaux titulaires d'un diplôme d'auxiliaire de puériculture, d'éducateur de jeunes enfants, d'éducateur spécialisé ou de puéricultrice sont dispensés, en application de l'article L. 421-43 du code de l'action sociale et des familles, de suivre cette formation.

B. Le dispositif proposé : encadrer les accueils réalisés en conciliation d'un emploi public et prévoir une obligation dérogatoire de formation

L'article 2 propose de modifier le code de l'action sociale et des familles en coordination avec l'article 1er. À cette fin, il complète d'un alinéa l'article L. 421-5 du code de l'action sociale et des familles.

• Premièrement, cet article vise à encadrer l'assouplissement de la possibilité de concilier un emploi public et la fonction d'assistant familial. Il prévoit ainsi que, lorsque que l'assistant familial exerce une activité en tant qu'agent public en application des articles L. 23-5 ou L. 123-7 du code général de la fonction publique, l'agrément n'autorise l'accueil que d'un seul mineur âgé d'au moins trois ans et relevant de la protection de l'enfance.

Le présent article propose donc d'exclure les activités d'assistant familial s'insérant, aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles, dans un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il propose également un plafond d'un seul accueil et un seuil d'âge de trois ans, correspondant à l'âge à partir duquel l'instruction est obligatoire depuis la loi n° 2019-791 du 26 juillet 201928(*).

• Deuxièmement, le présent article propose de préciser que l'assistant familial occupant par ailleurs un emploi public bénéficie d'une formation dont la durée ne peut être inférieure à soixante heures, dans une période de six mois après obtention de l'agrément. Ces dispositions sont donc dérogatoires au droit commun exposé supra.

II - La position de la commission

La rapporteure partage l'intention de cet article d'éviter que le cumul d'activités ne porte préjudice au bon accueil de l'enfant au domicile de l'assistant familial. L'article présume qu'accueillir plusieurs enfants, et à plus forte raison des enfants en bas âge, demande une disponibilité dont ne sont pas susceptibles de disposer les assistants familiaux exerçant une autre activité comme agent public.

Il est certain que la profession d'assistant familial demande une grande disponibilité en raison des contraintes de la prise en charge des enfants confiés à l'ASE et de l'intégration de l'assistant familial au sein de l'équipe socio-éducative29(*). Ainsi que l'ont rappelé les représentants des assistants familiaux en audition, l'exercice de leur profession demande, à côté de l'accueil et des soins portés à l'enfant, d'assurer un certain nombre de rendez-vous avec le référent de l'ASE, les professionnels de santé en charge du suivi de l'enfant ou les parents dans le cadre de leur droit de visite etc. C'est pourquoi, il est aujourd'hui de la compétence du président du conseil départemental, y compris pour les assistants familiaux n'exerçant aucune autre activité, de s'assurer que l'agrément autorise l'accueil d'un nombre d'enfants compatibles avec la situation du professionnel.

Toutefois, la rapporteure constate que l'inscription dans la loi des conditions d'accueil tel que le prévoit le présent article revêt une forme excessive de rigidité. Le seul critère du cumul d'activités ne rend pas compte de la pluralité des éléments permettant de déterminer le nombre pertinent d'enfants à accueillir et la borne d'âge adéquate. La situation de l'enfant confié (scolarisation, situation de handicap ou non, présence de troubles psychologiques...) et la situation complète de l'assistant familial (présence d'autres adultes au domicile, expérience de l'assistant familial, intégration dans l'équipe éducative...) sont déterminantes et doivent donc être appréciées. L'association Départements de France, dans sa contribution écrite adressée à la rapporteure, pointe également le manque de souplesse que risque d'engendrer l'article 2.

S'agissant de la formation, il ressort de l'audition commune des représentants des assistants familiaux qu'il est nécessaire de maintenir les obligations actuelles de formation préalable permettant aux assistants familiaux de disposer des compétences pour garantir un accueil et un accompagnement de qualité à l'enfant. La rapporteure souscrit à cette position ; il ne parait pas opportun de créer une formation plus courte que celle permettant d'obtenir le diplôme d'État d'assistant familial. En outre, ainsi que le souligne la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), les dispositions du présent article dérogatoires au droit commun régissant les assistants familiaux risquent de créer une « profession à deux vitesse », ce qui n'est pas souhaitable.

Ainsi l'amendement COM-3 de la rapporteure porté à l'article 1er prévoit-il que les conditions de cumul d'activités pour les assistants familiaux seront fixées par décret. La détermination de ces règles par le pouvoir règlementaire permettra, ainsi que le Gouvernement l'a indiqué à la rapporteure, de mener une concertation préalable avec tous les acteurs et de prendre en compte la diversité des situations. La suppression de la borne d'âge et du plafond d'un seul accueil permettra à l'employeur de l'assistant familial, dans le respect du décret, d'apprécier concrètement la situation.

En coordination, la rapporteure a ainsi proposé un amendement COM-4, adopté par la commission, supprimant le présent article.

La commission a supprimé cet article.


* 4 Béatrice Le Rhun (Drees), « Les assistants familiaux en 2021 : qui sont-elles ? » Études et résultats, décembre 2023.

* 5 Dans sa réponse au questionnaire transmis par la rapporteure, la direction générale de la cohésion sociale indique qu'au 31 décembre 2021 35 719 assistants familiaux sont employés par les départements et entre 4 000 et 6 000 sont employés par les services associatifs habilités.

* 6 Lucile Basse (Drees), « Les enfants vivant en famille d'accueil au prisme de l'enquête annuelle de recensement », 2024.

* 7 Drees, L'aide sociale à l'enfance, Édition 2023.

* 8 Drees, Les enfants vivant en famille d'accueil au prisme de l'enquête annuelle de recensement, 28 mars 2024.

* 9 Le taux de prise en charge correspond au rapport entre le nombre de mineurs ou de jeunes majeurs domiciliés en famille d'accueil dans une région et le nombre total de mineurs ou de jeunes majeurs domiciliés dans cette même région.

* 10 Béatrice Le Rhun (Drees), « Les assistants familiaux en 2021 : qui sont-elles ? » Études et résultats, décembre 2023.

* 11 Béatrice Le Rhun (Drees), « Les assistants familiaux en 2021 : qui sont-elles ? » Études et résultats, décembre 2023.

* 12 Cour des comptes : La protection de l'enfance, une politique inadaptée au temps de l'enfant, rapport public thématique de novembre 2020.

* 13 Rapport d'information présenté au nom de la commission des affaires sociales au nom de la commission des affaires sociales sur l'application des lois relatives à la protection de l'enfance (n° 837, 2022-2023).

* 14 Réponse de la DGAFP au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 15 Les activités autorisées à être exercées à titre accessoire sont énumérées à l'article 11 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique.

* 16 Réponses de la DGCS et de la DGAFP au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 17 Cette possibilité de cumul est notamment autorisée par les départements du Loiret, du Val-de-Marne, des Yvelines ou encore de l'Eure.

* 18 Article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles.

* 19 Article D. 421-4 du même code.

* 20 Décret n° 2014-918 du 18 août 2014 relatif au référentiel fixant les critères d'agrément des assistants familiaux.

* 21 Précisé par l'article D. 421-13 dudit code.

* 22 Article L. 423-31 du même code.

* 23 Article D. 421-43 du même code.

* 24 Idem.

* 25 Arrêté du 14 mars 2006 relatif au diplôme d'État d'assistant familial.

* 26 Article D. 451-102 du même code.

* 27 Diplôme d'état reconnu à l'article D. 451-100 du même code.

* 28 Article L. 131-1 du code de l'éducation.

* 29 Intégration prévue par la loi à l'article L. 421-17-2 du code de l'action sociale et des familles.

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