CHAPITRE IV
RENFORCER LES EXIGENCES DÉONTOLOGIQUES

SECTION 1
MIEUX LUTTER CONTRE LES CONFLITS D'INTÉRÊTS

La commission a adopté l'amendement COM-7 de la rapporteure visant à rétablir la division.

Article 9 (Non modifié)
Encadrement déontologique des prestations de conseil
sous le contrôle de la HATVP

Modifié en première lecture par l'Assemblée nationale, l'article 9 tend à encadrer, sur le plan déontologique, les prestations de conseil.

Il vise tout d'abord à imposer aux prestataires et aux consultants de réaliser leurs prestations avec probité et intégrité, et de faire cesser tout conflit d'intérêts.

Il prévoit ensuite l'établissement d'un code de conduite précisant les règles déontologiques applicables, au respect duquel l'ensemble des co-contractants s'engagent avant chaque prestation de conseil.

Il précise les règles selon lesquelles l'administration bénéficiaire d'une prestation de conseil, le prestaire ou les consultants peuvent formuler des demandes d'avis sur les questions d'ordre déontologique : la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pourrait ainsi être saisie par l'administration bénéficiaire si la complexité de la demande d'avis le justifie, après saisine préalable du référent déontologue.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. L'article 9 tend à encadrer, sur le plan déontologique, les prestations de conseil

Modifié à la marge par la commission des lois du Sénat, puis de manière plus conséquente par la commission des lois de l'Assemblée nationale et en dernier lieu lors de la discussion en séance publique à l'Assemblée nationale, l'article 9 comporte un ensemble de règles inédites visant à créer un cadre déontologique applicable à l'ensemble des co-contractants engagés dans une prestation de conseil.

a) La prévention et la cessation des conflits d'intérêts

En premier lieu, l'article 9 vise à soumettre les prestataires et leurs consultants à un devoir de probité et d'intégrité. Il leur imposerait également de veiller à prévenir ou faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts, défini, sur le modèle de l'article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, comme « une situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de leur mission ».

Ces dispositions ont été adoptées selon les mêmes termes par le Sénat et l'Assemblée nationale.

b) La systématisation des codes de conduite

En deuxième lieu, l'article 9 prévoit la définition d'un code de conduite qui précise les règles déontologiques applicables et les procédures mises en oeuvre pour les respecter, et au respect duquel l'administration bénéficiaire, le prestataire et les consultants s'engagent.

La rédaction adoptée par le Sénat disposait que l'administration bénéficiaire, le prestataire et les consultants s'engagent sur un tel code de conduite avant chaque prestation de conseil.

En commission puis en séance publique, l'Assemblée nationale a modifié les conditions d'établissement du code de conduite, en prévoyant, dans la version adoptée in fine, qu'il reviendrait à l'administration bénéficiaire d'établir un code de conduite, qui serait permanent et n'aurait pas à être réédité à chaque nouvelle prestation. Avant chaque prestation de conseil, l'administration bénéficiaire, le prestataire et les consultants s'engageraient au respect de ce code de conduite.

L'Assemblée nationale a également précisé le contenu du code de conduite, qui comporterait « notamment les mesures pouvant être mises en oeuvre par le prestataire ou les consultants pour prévenir ou mettre fin à une situation de conflit d'intérêts »91(*).

c) L'exercice de la mission de contrôle déontologique

Dans sa version initiale et telle qu'adoptée par le Sénat, l'article 9 tend à conférer un rôle de conseil à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui pourrait être saisie par l'administration bénéficiaire, le prestataire ou les consultants sur toute question d'ordre déontologique pour donner un avis.

L'Assemblée nationale a revu en profondeur ces modalités de saisine en prévoyant la saisine préalable du référent déontologue de l'administration bénéficiaire comme première étape avant une éventuelle saisine de la HATVP par l'administration bénéficiaire, si la complexité de la demande d'avis le justifie92(*).

Enfin, la liste des missions confiées à la HATVP par l'article 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a été complétée en conséquence.

2. La commission a souscrit aux modifications apportées par l'Assemblée nationale

a) Les dispositions relatives au code de conduite semblent suffisamment claires et complètes à l'issue du vote de l'Assemblée nationale

La commission a jugé pertinentes les modifications apportées à l'Assemblée nationale aux dispositions relatives au code de conduite, aussi bien s'agissant des modalités d'établissement que du contenu de celui-ci.

b) L'harmonisation des conditions de saisine du référent déontologue et de la HATVP avec les règles en vigueur dans la fonction publique apparaît opportune

La commission a estimé que l'instauration de la saisine du référent déontologue comme étape intermédiaire avant la saisine de la HATVP était à la fois gage de simplicité et d'efficacité.

D'une part, cette disposition revient à aligner les modalités d'exercice de contrôle déontologique sur celles en vigueur dans la fonction publique ; d'autre part, elle permet de graduer et d'adapter la réponse en fonction de la complexité de la demande d'avis, et de réserver ainsi la saisine de la HATVP aux cas les plus délicats.

Aussi la commission a-t-elle adopté l'article 9 sans modification.

La commission a adopté l'article 9 sans modification.

Article 10
Obligation de déclaration d'intérêts des prestataires et consultants

L'article 10 vise à créer une obligation de déclaration d'intérêts - et de mise à jour de cette déclaration - pour les prestataires et les consultants avant chaque prestation de conseil.

Dans sa version adoptée par le Sénat et in fine par l'Assemblée nationale, l'article prévoit que cette déclaration consiste en une déclaration exhaustive, exacte et sincère des intérêts détenus à date et au cours des cinq années précédentes.

Les éléments devant figurer dans les déclarations d'intérêts transmises par les prestataires et les consultants ont par ailleurs été modifiés par l'Assemblée nationale.

Enfin, après avoir été modifiées par la commission des lois de l'Assemblée nationale, les modalités de contrôle des déclarations d'intérêts ont été rétablies en séance publique dans leur version adoptée par le Sénat.

Par cohérence avec la rédaction retenue à l'article 9 s'agissant de l'exercice de la mission de contrôle déontologique et du rôle reconnu au référent déontologue de l'administration à cet égard, la commission a rétabli la procédure en deux temps en cas de doute sur l'appréciation du risque de conflit d'intérêts faisant intervenir le référent déontologue, telle qu'elle avait été prévue par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Elle a également précisé certains éléments devant figurer dans les déclarations d'intérêts transmises par les prestataires et les consultants, de manière à garantir l'opérationnalité de la disposition créée.

La commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

1. L'article 10 tend à créer une obligation de déclaration d'intérêts des prestataires et consultants

a) Le principe d'une déclaration d'intérêts systématique et actualisée

Dans sa version adoptée par le Sénat, l'article 10 vise à aller plus loin que la logique, aujourd'hui à l'oeuvre de façon variable, de simple déclaration sur l'honneur attestant l'absence de conflit d'intérêts93(*).

Le I de l'article tend ainsi à imposer aux prestataires et aux consultants d'adresser à l'administration bénéficiaire une déclaration exhaustive, exacte et sincère des intérêts détenus à date et au cours des cinq dernières années.

En cas de modification substantielle des intérêts détenus au cours de la prestation, le prestataire et les consultants seraient tenus d'actualiser leur déclaration dans un délai de quinze jours.

À l'initiative du rapporteur Bruno Millienne94(*), la commission des lois de l'Assemblée nationale a modifié en profondeur cette disposition, et en a considérablement atténué la portée en transformant la déclaration exhaustive, exacte et sincère des intérêts en une attestation d'absence de conflit d'intérêts ; le cas échéant, les potentiels conflits d'intérêts devraient être identifiés.

Pour la commission des lois de l'Assemblée nationale, l'obligation initialement prévue par l'article 10 paraissait « disportionnée au regard de l'objectif poursuivi », et présentait quatre difficultés principales :

- tout d'abord, « elle exige la transmission systématique de nombreuses informations, même dans les cas où les risques de conflit d'intérêts seraient limités voire inexistants, et risque notamment de porter atteinte à la vie privée des consultants » ;

- ensuite, « elle constitue une formalité administrative très lourde, tant pour les prestataires et les consultants que pour les administrations bénéficiaires, et pourrait dissuader certains cabinets de réaliser des prestations de conseil pour l'administration » ;

- de plus, « elle implique que l'administration bénéficiaire soit en mesure d'analyser l'intégralité des déclarations reçues, et fait peser sur elle l'appréciation du risque de conflit d'intérêts potentiel, alors même qu'elle ne possède pas des moyens juridiques de contrôler la déclaration » ;

- enfin, « les prestataires et les consultants deviendraient les seuls cocontractants de l'administration pour lesquels une déclaration d'intérêts est exigée, sans que cette situation ne semble justifiée »95(*).

En séance publique, toutefois, l'Assemblée nationale a adopté l'amendement déposé par les membres du groupe La France Insoumise visant à notamment rétablir le I de l'article 10 dans sa version votée par le Sénat96(*).

En conséquence, l'Assemblée nationale a adopté les dispositions relatives à l'obligation d'une déclaration d'intérêts exhaustive, exacte et sincère des prestataires et consultants dans les mêmes termes que le Sénat.

b) Les éléments appelés à figurer dans la déclaration d'intérêts

Les II et III de l'article 10 précisent les éléments sur lesquels la déclaration d'intérêts doit porter, en distinguant le cas du prestataire de celui des consultants.

Dans la version initiale de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, il serait ainsi prévu que le prestataire déclare les missions réalisées dans le même secteur que la prestation de conseil concernée au cours des cinq dernières années, ainsi que les missions réalisées, dans les mêmes conditions, par ses filiales ou sa société-mère.

Les consultants auraient quant à eux à remplir une déclaration comprenant la liste de leurs activités professionnelles et de leurs intérêts dans ce même secteur en remontant sur une période de cinq ans ; leurs activités bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts, leurs fonctions ou mandats électifs ; ainsi que les activités professionnelles de leur conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin.

Adoptant un amendement du rapporteur Bruno Millienne97(*), la commission des lois de l'Assemblée nationale a apporté des précisions s'agissant des éléments pouvant être mentionnés par le prestataire ou le consultant qui estime être en situation de conflit d'intérêts potentiel, étant entendu que les énumérations présentes aux II et III auraient « une vocation essentiellement pédagogique [...] et ne sont d'ailleurs pas limitatives : si le prestataire ou le consultant estime être dans une situation de conflit d'intérêts du fait d'autres éléments, il est attendu qu'il le signale à l'administration »98(*).

Par ailleurs, estimant que « le risque de conflit d'intérêts lié à l'activité des consultants les moins expérimentés ne doit pas devoir être apprécié de la même manière que celui des dirigeants »99(*), la commission des lois de l'Assemblée nationale a précisé que l'appréciation du conflit d'intérêts potentiel tiendrait compte des responsabilités passées et présentes du consultant.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du groupe La France Insoumise revenant intégralement sur la rédaction des II et III de l'article tels qu'adoptés en commission100(*).

En conséquence, la rédaction votée in fine reprend, dans l'ensemble, l'esprit des dispositions adoptées par le Sénat, tout en y intégrant des modifications suggérées par l'association Sherpa, comme l'indique l'objet de l'amendement en question, afin notamment de retenir la notion d'« influence » exercée par une prestation passée sur la conduite ou l'issue de la prestation envisagée.

c) Les suites données à la déclaration d'intérêts : l'appréciation de son exactitude et de sa sincérité par l'administration et le rôle de contrôle de la HATVP

Selon le V de l'article 10, adopté dans les mêmes termes par le Sénat et l'Assemblée nationale, le modèle, le contenu et les modalités de transmission, de mise à jour et de conservation des déclarations d'intérêts seraient fixés par un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Ces déclarations, qui ne seraient pas publiées, seraient remises à l'administration bénéficiaire avant chaque prestation.

Aux termes du IV de l'article 10 dans sa rédaction adoptée par le Sénat, l'administration bénéficiaire pourrait saisir directement la HATVP en cas de doute sur l'exhaustivité, l'exactitude ou la sincérité d'une déclaration d'intérêts, afin que la Haute Autorité en assure le contrôle.

Estimant que cette disposition induirait le « risque d'engorger la HATVP », dans la mesure où celle-ci « serait seule dotée des moyens de contrôler la déclaration », la commission des lois de l'Assemblée nationale l'a modifiée, à l'initiative du rapporteur Bruno Millienne101(*), afin de prévoir une saisine en deux temps. En cas de doute sur l'exactitude ou la sincérité d'une déclaration d'intérêts, l'administration bénéficiaire devrait d'abord saisir le référent déontologue ; en cas de doute persistant, celui-ci pourrait alors saisir la HATVP.

L'Assemblée nationale a toutefois adopté, lors de l'examen en séance publique, l'amendement déposé par les membres du groupe La France Insoumise, évoqué plus haut, visant également à rétablir le IV de l'article 10 dans sa version votée par le Sénat, à savoir, la saisine directe de la HATVP par l'administration bénéficiaire en cas de doute de celle-ci.

2. Soucieuse d'assurer la cohérence de l'ensemble de la proposition de loi ainsi que l'opérationnalité et la proportionnalité des règles créées, la commission a apporté quelques modifications au texte adopté par l'Assemblée nationale

a) La commission s'est félicitée du ralliement de l'Assemblée nationale au principe d'une déclaration d'intérêts exhaustive et systématique à transmettre par les prestataires et les consultants

La rédaction du I de l'article 10, telle qu'adoptée par la commission des lois de l'Assemblée nationale, aurait seulement consisté à inscrire dans la loi la pratique prévue par le dernier accord-cadre de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), à savoir, la remise à l'administration bénéficiaire d'une déclaration attestant l'absence de conflits d'intérêts.

Au regard des enjeux mis en évidence par la commission d'enquête du Sénat dans son rapport de 2022, il apparaît nécessaire à la commission d'aller plus loin et d'inscrire dans la loi l'obligation, pour les prestataires et consultants, d'adresser à l'administration bénéficiaire une déclaration exhaustive, exacte et sincère des intérêts détenus à date et au cours des cinq années précédentes.

Aussi la commission ne peut-elle que se féliciter de l'adoption, par l'Assemblée nationale, des dispositions du I de l'article 10 dans les mêmes termes que ceux du Sénat.

Dans le même temps, la commission a jugé souhaitable, dans un souci de proportionnalité, de recentrer l'obligation de déclaration d'intérêts sur les seuls consultants ayant des fonctions d'encadrement ou de supervision dans la prestation de conseil concernée ; il lui semble en effet peu opportun de soumettre les consultants au profil « junior », qui sont simplement chargés de l'exécution d'orientations définies par les encadrants, à cette obligation déclarative. À cette fin, la commission a adopté l'amendement COM-12 de la rapporteure.

b) La commission a jugé nécessaire de préciser les éléments appelés à figurer dans la déclaration d'intérêts

La commission relève une satisfaction comparable que l'esprit des dispositions du II de l'article 10 a été globalement conservé par la rédaction adoptée in fine en séance publique par l'Assemblée nationale.

Elle souligne toutefois la nécessité de préciser certains points.

En premier lieu, il lui semble préférable de retenir le terme de « prestation » plutôt que celui de « mission », en cohérence avec le reste de la proposition de loi, qui évoque les « prestations » de conseil.

En deuxième lieu, elle a jugé que, pour une parfaite clarté et opérationnalité, les éléments devant figurer dans les déclarations d'intérêts des prestataires et des consultants devraient être rigoureusement objectifs. Or, la rédaction adoptée en séance publique par l'Assemblée nationale retient des éléments pouvant faire l'objet d'appréciations subjectives, à l'image des missions réalisées « qui sont susceptibles de générer une influence sur la conduite ou sur l'issue de la prestation de conseil envisagée » ; c'est pourquoi la commission a préféré lui substituer la rédaction retenue par la commission des lois de l'Assemblée nationale visant les prestations réalisées « auprès d'un client dont les intérêts entrent en interférence avec ceux de l'administration bénéficiaire et dont l'objet est en lien avec celui de la prestation de conseil concernée ».

En troisième lieu, la commission a souhaité borner dans le temps les fonctions bénévoles devant figurer dans la déclaration d'intérêts, en retenant uniquement les fonctions actuelles ou terminées depuis moins de cinq ans.

Dans cette perspective, la commission a adopté l'amendement COM-12 de la rapporteure.

c) La commission a estimé préférable d'harmoniser les dispositions relatives aux modalités de contrôle déontologique dans l'ensemble de la proposition de loi

À l'article 9, la commission a souscrit à la rédaction retenue par l'Assemblée nationale en faveur de l'instauration de la saisine du référent déontologue de l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil comme étape intermédiaire avant la saisine de la HATVP, estimant que cette disposition était gage de simplicité et d'efficacité.

Par souci de cohérence, la commission a souhaité retenir, de la même manière, la saisine préalable du référent déontologue par l'administration bénéficiaire en cas de doute sur l'exhaustivité, l'exactitude ou la sincérité d'une déclaration d'intérêts. En cas de doute persistant, l'administration pourrait alors saisir la HATVP, qui conserverait la charge d'assurer le contrôle de la déclaration d'intérêts.

Aussi la commission a-t-elle adopté l'amendement COM-12 de la rapporteure visant à l'ensemble de ces modifications.

La commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

Article 11
Obligation pour les cabinets de conseil de déclarer les actions de démarchage ou de prospection et les actions de mécénat

L'article 11 vise à introduire l'obligation, pour les prestataires de conseil, de déclarer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) les actions de démarchage ou de prospection menées auprès des pouvoirs publics, ainsi que les prestations accomplies au bénéfice de ceux-ci dans le cadre du mécénat.

Après avoir considérablement limité le champ de l'article en commission, l'Assemblée nationale a rétabli son champ initial lors du vote en séance publique.

Elle a par ailleurs prévu que les modalités d'application de cet article seraient définies par un décret en Conseil d'État, pris après avis public de la HATVP, et non pas par la HATVP elle-même.

La commission a adopté la rédaction de l'Assemblée nationale en lui apportant plusieurs modifications, par coordination notamment avec l'exclusion des collectivités territoriales du champ d'application de la proposition de loi.

La commission a adopté l'article 11 ainsi modifié.

1. Afin de rendre transparentes les actions de démarchage et de prospection ainsi que les missions de mécénat réalisées par les cabinets de conseil auprès des pouvoirs publics, l'article 11 crée une obligation de déclaration à la HATVP

a) Le Sénat a souhaité instaurer un régime général de déclaration

Soulignant la nécessité de légiférer, à l'heure où seul un nombre limité de cabinets de conseil est concerné par le régime de déclaration d'activité existant pour les représentants d'intérêts102(*), le Sénat a souhaité soumettre l'ensemble des prestataires de conseil à une obligation de déclaration, auprès de la HATVP, de toutes les actions de démarchage ou de prospection menées auprès des administrations publiques visées par l'article 1er de la proposition de loi ainsi que de toutes les prestations réalisées dans le cadre du mécénat.

Il a confié à la HATVP la détermination du modèle, du contenu, des modalités et du rythme des déclarations ainsi que les modalités de publication des informations correspondantes.

b) L'Assemblée nationale a hésité quant au périmètre de cette obligation de déclaration

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission des lois de l'Assemblée nationale a restreint le champ de l'article 11 aux seules actions de démarchage ou de prospection ayant précédé la réalisation d'une prestation de conseil par le même prestataire103(*).

Elle a également adopté deux amendements rédactionnels s'agissant des actions réalisées dans le cadre du mécénat.

Enfin, la commission des lois de l'Assemblée nationale a décidé d'aligner les règles relatives à la communication des informations visées par l'article 11 sur celles relatives à la communication à la HATVP, par les représentants d'intérêts, des informations énumérées à l'article 18-3 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. À cette fin, elle a, sur proposition du rapporteur Bruno Millienne, renvoyé à un décret en Conseil d'État, pris après avis public de la HATVP, la définition de la périodicité, des modalités des communications et des conditions de publication des informations visées par l'article 11104(*).

En séance publique, l'Assemblée nationale est néanmoins revenue sur la limitation du champ décidée en commission, en adoptant trois amendements identiques des groupes Les Républicains, La France Insoumise et Écologiste105(*) visant à soumettre l'ensemble des actions de démarchage ou de prospection réalisées auprès des administrations à l'obligation de déclaration, que ces actions aient précédé la réalisation d'une prestation de conseil par le même prestataire, ou non.

En outre, l'Assemblée nationale a adopté l'amendement de coordination du Gouvernement découlant de l'extension de l'application d'un certain nombre d'articles de la proposition de loi à certaines collectivités territoriales106(*), de manière à également soumettre à l'obligation de déclaration les actions de démarchage et de prospection réalisées auprès des collectivités territoriales concernées107(*).

2. La commission salue le rétablissement du périmètre initial de l'obligation de déclaration et admet l'alignement des règles relatives aux modalités de communication des informations visées sur celles en vigueur pour les représentants d'intérêts

a) La commission juge bienvenu le rétablissement du périmètre initial de l'obligation de déclaration des actions de démarchage et de prospection

Pour la commission, soumettre à déclaration uniquement les actions de démarchage ou de prospection qui ont précédé la réalisation d'une prestation de conseil, comme le prévoyait le texte adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale, aurait été nettement en-deçà des enjeux mis en évidence par la commission d'enquête du Sénat. Dès lors qu'un cabinet de conseil prend des contacts liminaires avec l'administration - et même si ceux-ci ne sont pas immédiatement suivis d'une commande effective - il est susceptible de se voir confier, plus tard, une mission : c'est la stratégie dite du « pied dans la porte ».

Aussi la commission se félicite-t-elle du rétablissement du champ initial de l'obligation de déclaration.

b) La commission estime pertinent d'aligner les règles relatives à la communication des informations visées sur celles en vigueur pour les représentants d'intérêts

Par souci de cohérence, la commission a admis que la définition de la périodicité, des modalités des communications et des conditions de publication des informations visées par l'article 11 soit renvoyée à un décret en Conseil d'État, pris après avis public de la HATVP, au lieu d'être directement confiée à la HATVP.

Elle a adopté l'amendement COM-13 de la rapporteure visant à parfaire cet alignement formel.

c) Par cohérence avec le périmètre retenu pour la proposition de loi, la commission des lois a souhaité ne pas soumettre à déclaration les actions de démarchage ou de prospection réalisées auprès des collectivités territoriales

Enfin, dès lors que la commission des lois n'a pas jugé justifié d'inclure les collectivités territoriales dans le périmètre de la présente proposition de loi, en s'opposant à l'article 1er bis dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, il lui a semblé cohérent, par le même amendement COM-13, de ne pas intégrer dans le champ des actions de démarchage et de prospection soumises à l'obligation de déclaration que tend à instaurer l'article 11, celles réalisées auprès des mêmes collectivités territoriales.

La commission a adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 12
Modalités de saisine et pouvoirs de la HATVP en cas de manquement aux règles déontologiques des prestataires de conseil et des consultants

L'article 12 tend à définir les modalités de saisine de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et les pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre de sa mission de contrôle des règles déontologiques auxquelles les prestataires de conseil et les consultants sont soumis du fait de la proposition de loi.

Le Sénat comme l'Assemblée nationale ont souhaité reconnaître à la HATVP le droit de se faire communiquer, sur pièces, par l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil, le prestataire ou les consultants, toute information ou tout document nécessaire à l'exercice de sa mission. Dans ce cadre, la Haute Autorité pourrait également entendre ou consulter toute personne dont le concours lui paraît utile.

La liste limitative des secrets pouvant être opposés à la HATVP dans ce cadre a été complétée par l'Assemblée nationale, qui a également supprimé la procédure permettant à la commission des sanctions de la HATVP de se prononcer sur le bien-fondé du motif d'un refus de communication.

En séance publique, l'Assemblée nationale a par ailleurs supprimé le pouvoir de contrôle sur place reconnu à la HATVP sur autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris. Elle a par ailleurs rappelé l'obligation, pour la HATVP, de protéger la confidentialité des informations et des documents auxquels elle a accès dans le cadre de sa mission de contrôle déontologique.

Enfin, si le Sénat et l'Assemblée nationale ont reconnu à la HATVP le pouvoir d'adresser au prestataire de conseil ou au consultant une mise en demeure de respecter les obligations déontologiques auxquelles il est assujetti, la commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé la possibilité de rendre publique cette mise en demeure.

La commission a souhaité redonner à la HATVP le pouvoir de contrôle sur place dans les mêmes conditions que celles votées par le Sénat en première lecture.

La commission a adopté l'article 12 ainsi modifié.

1. L'article 12 vise à définir les modalités de saisine et les pouvoirs de la HATVP en cas de manquement par les prestataires de conseil et les consultants des règles déontologiques

Confiant une nouvelle mission de contrôle déontologique des prestations de conseil à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, l'article 12 tend à préciser les pouvoirs reconnus à celle-ci dans ce cadre.

a) Un pouvoir de saisine resserré par la commission des lois de l'Assemblée nationale

À l'issue de son adoption par l'Assemblée nationale, l'article 12 prévoit que la HATVP puisse être saisie par :

- l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil ;

- le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale ou le Président du Sénat ;

- et les associations de lutte contre la corruption.

L'ouverture de la saisine aux organisations syndicales de fonctionnaires, telle que prévue par le texte initial de la proposition de loi et adoptée par le Sénat, a été supprimée par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative du rapporteur Bruno Millienne108(*), qui a estimé que les organisations syndicales de fonctionnaires « ont pour mission de représenter les intérêts des agents publics et de défendre leurs droits, mais n'ont pas vocation à participer au contrôle du respect par le cocontractant de l'administration de leurs obligations déontologiques et de susciter l'action répressive »109(*).

La HATVP peut également se saisir d'office.

b) Une réduction par l'Assemblée nationale des prérogatives confiées à la HATVP

Dans sa version adoptée par le Sénat, l'article 12 tend à conférer les trois pouvoirs suivants à la HATVP dans le cadre de sa mission de contrôle déontologique des prestations de conseil :

se faire communiquer, sur pièces, par l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil, le prestataire de conseil ou les consultants, toute information ou tout document nécessaire à l'exercice de sa mission ;

entendre ou consulter toute personne dont le concours lui paraît utile ;

procéder à des vérifications sur place, dans des locaux professionnels ou des locaux affectés au domicile privé, sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal judiciaire de Paris, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ; cette visite s'effectuerait sous l'autorité et le contrôle du JLD qui l'a autorisée.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté l'amendement du Gouvernement visant à supprimer ce pouvoir de contrôle sur place, jugé « excessif et non cohérent avec les mécanismes de contrôle, et éventuellement de sanctions, établis plus généralement en matière de transparence de la vie publique »110(*).

Par l'adoption de ce même amendement, l'Assemblée nationale a par ailleurs rappelé l'obligation, pour la HATVP, de protéger la confidentialité des informations et des documents auxquels elle a accès dans le cadre de sa mission de contrôle déontologique ; une telle obligation est prévue dans le cadre du contrôle des représentants d'intérêts aux termes de l'article 18-6 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

En outre, l'article 12 tend à énumérer limitativement les secrets pouvant être opposés à la HATVP dans le cadre de l'exercice de sa mission de contrôle déontologique.

Cette liste a été complétée en séance publique par l'Assemblée nationale : aux secrets prévus par le texte initial (secret de la défense nationale, secret de la conduite de la politique extérieure de la France, secret de la sûreté de l'État, secret de la sécurité publique, secret de la sécurité des personnes, secret de la sécurité des systèmes d'information), ont ainsi été ajoutés le secret de l'enquête et de l'instruction ainsi que le secret médical111(*).

De plus, la commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé la procédure permettant à la commission des sanctions de la HATVP de se prononcer sur le bien-fondé du motif d'un refus de communication, telle qu'elle avait été introduite par le Sénat en séance publique112(*). Pour le rapporteur Bruno Millienne, une telle disposition serait en effet « inédite parmi les autres autorités administratives indépendantes, y compris celles qui, par les informations dont elles ont à connaître, peuvent être confrontées à des formes de secret qui s'accompagnent de garanties de protection strictes », et serait insuffisamment précise113(*).

c) En cas de manquement constaté, un pouvoir de mise en demeure de respecter les obligations déontologiques

Enfin, l'article 12 tend à définir la procédure suivie par la HATVP lorsqu'elle constate un manquement aux règles déontologiques fixées par les articles 2, 5 et 9 à 11 de la proposition de loi.

Aux termes de la rédaction adoptée par le Sénat et par l'Assemblée nationale, elle devrait, dans un premier temps, adresser au prestataire ou au consultant concerné une mise en demeure de respecter les obligations auxquelles il est assujetti, après l'avoir mis en état de présenter ses observations.

La possibilité pour la HATVP de rendre publique cette mise en demeure a été supprimée par la commission des lois de l'Assemblée nationale « dans la mesure où celle-ci a vocation à permettre à l'intéressé de respecter ses obligations et où la publicité de la sanction, qui intervient nécessairement après la mise en demeure, est rendue possible à l'article 13 »114(*).

L'Assemblée nationale a par ailleurs introduit l'obligation, pour le prestataire ou le consultant, de justifier de la régularisation de la situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la mise en demeure115(*).

Dans un second temps, la HATVP devrait aviser l'administration bénéficiaire et, le cas échéant, lui adresser des observations.

2. Souscrivant à la plupart des modifications apportées par l'Assemblée nationale, la commission a néanmoins souhaité redonner à la HATVP un pouvoir de contrôle sur place

a) La commission admet la suppression de l'ouverture de la saisine aux organisations syndicales de fonctionnaires

La commission se range à l'argument avancé par la commission des lois de l'Assemblée nationale en vertu duquel l'ouverture aux organisations syndicales d'un droit de saisine de la HATVP en cas de suspicion de manquement par les prestataires de conseil et les consultants de leurs obligations déontologiques serait assez éloignée de leur vocation originelle de défense des droits des agents publics.

Elle juge donc adéquate l'ouverture du droit de saisine de la HATVP aux trois types d'acteurs - administratifs, institutionnels et associatifs - prévus par le I bis de l'article 12 dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale.

b) La commission estime pertinent de redonner à la HATVP un pouvoir de contrôle sur place

La commission n'est en revanche pas sensible à l'argument avancé par le Gouvernement selon lequel confier à la HATVP un pouvoir de contrôle sur place serait « excessif et non cohérent avec les mécanismes de contrôle, et éventuellement de sanctions, établis plus généralement en matière de transparence de la vie publique »116(*).

La commission rappelle, bien au contraire, que le principe d'un tel pouvoir de contrôle sur place a d'ores et déjà été reconnu à la HATVP dans le cadre de sa mission de contrôle de leurs obligations par les représentants d'intérêts117(*).

Pour la commission, il est opportun de conférer à la HATVP les pouvoirs d'enquête adaptés lui permettant d'assumer sa nouvelle mission de contrôle déontologique des prestations de conseil. Comme souligné par la HATVP elle-même, le pouvoir de contrôle sur place « peut non seulement être nécessaire à la réalisation d'un contrôle, mais elle peut également, par sa simple existence légale, inciter les prestataires et les consultants à se montrer réactifs aux demandes de communications de pièces et aux demandes d'audition de la Haute Autorité, dès lors que le contrôle sur place est susceptible de pallier l'incapacité à obtenir l'information »118(*).

Certes, le pouvoir de contrôle dans les locaux affectés au domicile privé d'un consultant va plus loin que ce qui est aujourd'hui prévu dans le cas des représentants d'intérêts ; toutefois, ainsi que la commission avait déjà eu l'occasion de le souligner lors de l'examen en première lecture de la proposition de loi, cette extension « semble opportune compte tenu des habitudes de travail des consultants, qui ne disposent pas toujours de postes dédiés chez leur employeur et peuvent se retrouver entre deux missions à leur domicile, cette tendance ayant par ailleurs été amplifiée par l'accroissement du télétravail depuis la crise sanitaire de la covid-19 »119(*).

Afin de garantir l'efficacité et la crédibilité du dispositif de contrôle institué par la loi et mis en oeuvre par la HATVP, la commission a donc adopté l'amendement COM-14 de la rapporteure visant à redonner à la HATVP le pouvoir de contrôle sur place dans les mêmes conditions que celles votées par le Sénat et en tenant compte de la précision rédactionnelle apportée par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

La commission n'en estime pas moins pertinent de conserver la mention de l'obligation, pour la HATVP de protéger la confidentialité des informations et des documents auxquels elle a accès dans le cadre de sa mission de contrôle déontologique, telle qu'elle a été introduite par un amendement du Gouvernement en séance publique à l'Assemblée nationale.

La commission juge également opportuns les compléments apportés par l'Assemblée nationale à la liste des secrets pouvant être opposés à la HATVP dans le cadre de l'exercice de sa mission de contrôle déontologique.

Reconnaissant le caractère inédit que revêtirait la procédure permettant à la commission des sanctions de la HATVP de se prononcer sur le bien-fondé du motif d'un refus de communication, la commission a accepté la suppression de celle-ci par l'Assemblée nationale.

c) La commission a accepté les modifications apportées par l'Assemblée nationale s'agissant des suites à donner par la HATVP en cas de manquement aux obligations déontologiques

La commission juge pertinente l'introduction par l'Assemblée nationale de l'obligation, pour le prestataire ou le consultant qui a manqué à ses obligations déontologiques, d'apporter la preuve qu'il a régularisé la situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la mise en demeure. Cette mesure lui semble de nature à favoriser le respect effectif des obligations déontologiques auxquelles la proposition de loi tend à soumettre les prestataires de conseil et les consultants.

S'agissant par ailleurs de la possibilité laissée à la HATVP de rendre publique la mise en demeure de respecter les règles déontologiques adressées à un prestataire de conseil ou à un consultant, la rapporteure souligne que le raisonnement mis en avant par la commission des lois de l'Assemblée nationale pour en justifier la suppression120(*) n'est plus valable après l'adoption du texte en séance publique par l'Assemblée nationale.

En effet, tout en supprimant la possibilité de rendre publique la mise en demeure à l'article 12, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait conservé, à l'article 13, la possibilité pour la HATVP de rendre publiques les sanctions pécuniaires prononcées par sa nouvelle commission des sanctions.

Toutefois, en séance publique, l'Assemblée nationale a supprimé, par un amendement du Gouvernement à l'article 13121(*), aussi bien la commission des sanctions de la HATVP que la possibilité de rendre publiques les amendes prononcées à l'encontre des personnes physiques et morales qui ne respecteraient pas les exigences prévues aux articles 10 et 11 ou qui entraveraient l'action de la HATVP.

La publicité d'une décision de sanction constitue pourtant un moyen de pression important sur les acteurs concernés : pour la rapporteure, il convient donc de la préserver afin de garantir l'effectivité des dispositions de la proposition de loi. Dans ces conditions, si elle propose de conserver la rédaction du III de l'article 12 adoptée par l'Assemblée nationale, et donc de ne pas réintroduire la possibilité de rendre publique la mise en demeure, elle souligne néanmoins la nécessité de restaurer, à l'article 13, la publicité des décisions de sanction.

La commission a adopté l'article 12 ainsi modifié.

Article 13
Sanctions en cas de manquement à certaines des obligations prévues par la proposition de loi

L'article 13 tend à déterminer le régime de sanctions applicables en cas de manquement aux règles déontologiques auxquelles les prestataires de conseil et les consultants seraient soumis du fait de la proposition de loi.

Cet article a été modifié en profondeur par l'Assemblée nationale, qui, à l'issue du vote en séance publique, a substitué au régime de sanctions administratives prononcées par la commission des sanctions nouvellement créée au sein de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), tel qu'adopté par le Sénat, un régime de sanctions pénales prononcées par le juge.

Considérant le régime de sanctions administratives davantage adapté aux enjeux du recours par l'État aux prestations de conseil, la commission a souhaité rétablir l'article 13 dans sa rédaction votée par le Sénat, en y intégrant certaines des modifications ponctuelles apportées par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

1.  Du vote au Sénat à celui à l'Assemblée nationale : le passage de sanctions administratives, prononcées par la commission des sanctions de la HATVP à des sanctions pénales, prononcées par le juge

a) La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté le régime de sanctions administratives voté par le Sénat

Dans sa version adoptée par le Sénat et par la commission des lois de l'Assemblée nationale, l'article 13 prévoit que la commission des sanctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), que l'article 14 de la proposition de loi tend à créer, pourrait prononcer des sanctions administratives en cas de manquement, par les prestataires de conseil et les consultants, aux règles posées par la proposition de loi en matière de déontologie.

Cette sanction s'appliquerait dans les cas suivants :

- en cas de non-respect des exigences fixées à l'article 2 visant à garantir la transparence de l'intervention du prestataire de conseil ;

- lorsqu'il n'est pas mis fin à un conflit d'intérêts tel qu'il est défini par l'article 9 ;

- en cas de non-respect du principe d'interdiction du pro bono posé à l'article 5 ;

- en cas de non-transmission à l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil de la déclaration d'intérêts prévue à l'article 10 ou d'omission de déclaration d'une partie substantielle des intérêts ;

- en cas de non-communication à la HATVP des informations sur les actions de démarchages, de prospection et de mécénat mentionnées à l'article 11 ;

- lorsqu'il est fait obstacle à l'action de la HATVP par le refus « de lui communiquer toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission », ou par la transmission d'informations mensongères.

Ce champ d'application a été adopté dans les mêmes termes par le Sénat et par la commission des lois de l'Assemblée nationale, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles.

S'agissant des sanctions que la commission des sanctions pourrait prononcer, l'article 13 distingue la sanction principale, qui consisterait en une amende administrative, de sanctions complémentaires.

Les sanctions administratives ont connu un développement relativement récent122(*).

Elles peuvent aujourd'hui prendre des formes diverses : peines pécuniaires, peines privatives de droits (suspension, retrait d'autorisation ou d'agrément, fermeture d'établissement, interdiction d'exercer certaines professions) ou encore sanctions morales (publicité donnée à une mesure de sanction, par exemple).

Des amendes administratives peuvent ainsi être prononcées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), en application de l'article 20 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que par l'Agence française anticorruption (AFA), conformément à l'article 17 de loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Dans la version adoptée à la fois par le Sénat en séance publique123(*), et par la commission des lois de l'Assemblée nationale, le plafond de l'amende administrative s'élèverait à 15 000 euros par manquement constaté pour une personne physique, et à 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'exercice précédent pour une personne morale. Son montant serait proportionné à la gravité des manquements constatés ainsi qu'à la situation financière de la personne physique ou morale sanctionnée.

Dans son principe, la possibilité, au titre d'une sanction complémentaire, de rendre publique la décision de sanction pécuniaire a par ailleurs été adoptée par le Sénat124(*) et la commission des lois de l'Assemblée nationale, dans le double objectif de garantir le caractère dissuasif de la sanction125(*) et de répondre à un impératif de transparence126(*).

Enfin, le pouvoir donné à la HATVP d'exclure un cabinet de conseil de la procédure de passation des contrats de la commande publique en cas de faute professionnelle grave pour une durée maximale de trois ans, tel qu'adopté par le Sénat, a été supprimé par la commission des lois de l'Assemblée nationale127(*), malgré l'avis défavorable des rapporteurs.

b) En séance publique, l'Assemblée nationale a remplacé le régime de sanctions administratives par un régime de sanctions pénales

En séance, l'Assemblée nationale a adopté l'amendement du Gouvernement de réécriture de l'article 13, visant à remplacer le régime de sanctions administratives par un régime de sanctions pénales comparable aux dispositions prévues par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique128(*).

En conséquence, l'article 13 voté par l'Assemblée nationale prévoit une sanction pénale pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

Cette sanction s'appliquerait dans les cas suivants :

- lors du non-respect des exigences prévues aux articles 10 et 11 de la proposition de loi, c'est-à-dire en cas de non-transmission à l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil de la déclaration d'intérêts prévue ou en de non-communication à la HATVP des informations sur les actions de démarchages, de prospection et de mécénat ;

- lorsqu'il est fait obstacle à l'action de la HATVP par le refus « de lui communiquer toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission ».

Dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, l'article 13 prévoit, en outre, deux sanctions complémentaires.

D'une part, les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues à l'article 13 encourent également l'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, dans les conditions prévues à l'article 131-34 du code pénal.

D'autre part, les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal, de l'une des infractions prévues à l'article 13 encourent :

- l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du code pénal, c'est-à-dire selon un taux maximum égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques ;

- ainsi que l'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, prévue au 5° de l'article 131-39 du code pénal.

2.  Le jugeant plus adapté pour garantir le respect des règles déontologiques posées par la proposition de loi, la commission a rétabli le régime de sanctions administratives

L'argument mis en avant par le Gouvernement pour défendre son amendement de réécriture de l'article 13, et approuvé par Bruno Millienne, rapporteur de la commission des lois à l'Assemblée nationale, ne convainc qu'imparfaitement la rapporteure.

Alors que le Gouvernement souligne que « la voie pénale apparaît en toute hypothèse plus efficace et plus dissuasive au regard des sanctions encourues », il apparaît au contraire à la rapporteure que le recours à la sanction pénale n'est guère adapté s'agissant de manquements à des obligations déclaratives, ainsi que lui avait du reste indiqué le président de la HATVP lors de son audition dans le cadre de l'examen en première lecture, et comme il a eu l'occasion de le redire lors de son audition en vue de la deuxième lecture. Pour la rapporteure, c'est précisément dans la mesure où la sanction pénale s'inscrit dans un temps relativement long qu'elle perd en caractère dissuasif ; à l'inverse, la souplesse et la rapidité de mise en oeuvre de la sanction administrative lui semblent être des atouts de taille.

Il est vrai, comme la commission l'avait reconnu lors de l'examen en première lecture, que « l'octroi d'un pouvoir de sanction à la HATVP constituerait [...] une innovation majeure au regard de son fonctionnement et de ses prérogatives actuels » ; pour autant, la commission continue d'estimer que « la mise au jour, par la commission d'enquête, des enjeux propres au secteur du conseil [...] justifie des mesures spécifiques ». En particulier, prévoir une amende administrative lui semble de nature à « assurer l'effectivité des règles posées par la proposition de loi en matière de transparence et de déontologie » 129(*).

En outre, la liste des infractions passibles de sanctions, telle qu'adoptée en séance publique par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, est bien plus resserrée que celle adoptée par le Sénat et la commission des lois de l'Assemblée nationale. En particulier, ne seraient pas passibles de sanctions :

- le non-respect des exigences fixées à l'article 2 de la proposition de loi visant à garantir la transparence de l'intervention du prestataire de conseil ;

- l'absence de mesures pour mettre fin à un conflit d'intérêts tel qu'il est défini par l'article 9 ;

- le non-respect du principe d'interdiction du pro bono posé à l'article 5.

Aussi la commission estime-t-elle que la liste des infractions retenue en séance publique par l'Assemblée nationale laisse de côté des comportements qui nécessiteraient pourtant d'être sanctionnés, et que son caractère partiel est dommageable à l'effectivité des règles posées par la proposition de loi en matière de transparence et de déontologie des prestataires de conseil et des consultants.

C'est pourquoi la commission a adopté l'amendement COM-15 de la rapporteure visant à rétablir le régime de sanctions administratives tel qu'adopté par le Sénat et intégrant certaines des modifications ponctuelles adoptées par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Ce même amendement tend également à rétablir les deux sanctions complémentaires initialement prévues à l'article 13, à savoir, la publicité des décisions de sanction ainsi que l'exclusion de la procédure de passation des contrats de la commande publique.

La publicité des décisions de sanctions semble en effet particulièrement justifiée et adaptée. La HATVP souligne ainsi que « l'écho médiatique qui suit la publication d'une sanction engendre un coût réputationnel et/ou économique qui peut s'avérer particulièrement dissuasif pour toute récidive et toute transgression future », et indique du reste avoir « observé l'efficacité de ce mécanisme par l'intermédiaire du répertoire des représentants d'intérêts sur lequel elle rend publique, chaque année, la liste des entités n'ayant déclaré aucune des informations exigées par la loi, voire les mises en demeure qu'elle leur adresse »130(*).

La commission a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 14
Création d'une commission des sanctions au sein de la HATVP

L'article 14 vise à créer une commission des sanctions au sein de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui serait chargée de prononcer les sanctions administratives prévues à l'article 13.

Modifié à la marge par la commission des lois du Sénat, qui a prévu la nomination de membres suppléants pour faciliter le fonctionnement de cet organe, et adopté avec des modifications rédactionnelles par la commission des lois de l'Assemblée nationale, l'article 14 a été supprimé en séance publique par l'Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement.

Par cohérence avec le choix fait de rétablir, à l'article 13, le pouvoir donné à la HATVP de prononcer des sanctions administratives en cas de manquement aux obligations déontologiques posées par la proposition de loi, la commission a adopté l'amendement de la rapporteure tendant à rétablir l'article 14 dans sa rédaction adoptée par le Sénat, en tenant compte des modifications rédactionnelles apportées par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

1. L'article 14 vise à créer une commission des sanctions au sein de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Corollaire de l'article 13 de la proposition de loi, qui tend à doter la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) d'un nouveau pouvoir de sanction à l'encontre des prestataires de conseil et des consultants afin de garantir le respect effectif des obligations qu'elle crée à leur encontre, l'article 14 vise à prévoir les évolutions nécessaires à cette fin dans l'organisation interne de la HATVP.

L'attribution de la faculté de prononcer des sanctions administratives suppose en effet de mettre en place une organisation qui permette de séparer les fonctions de poursuite et d'instruction des fonctions de jugement, afin de se conformer au principe d'impartialité énoncé par le Conseil constitutionnel131(*).

Faisant le choix de séparer organiquement ces différentes fonctions132(*), l'article 14 tend ainsi à créer une commission des sanctions au sein de la HATVP.

Ce nouvel organe serait composé de trois membres, tous magistrats en activité ou honoraire :

- un membre du Conseil d'État ou du corps des conseillers de tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, désigné par le vice-président du Conseil d'État ;

- un magistrat de la Cour de cassation ou des cours et tribunaux, désigné par le premier président de la Cour de cassation ;

- un magistrat de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes, désigné par le premier président de la Cour des comptes.

L'écart entre le nombre de femmes et le nombre d'hommes ne pourrait pas être supérieur à un.

Afin de faciliter le fonctionnement de la commission des sanctions, la commission des lois du Sénat a prévu la nomination de membres suppléants.

Les membres de la commission des sanctions, titulaires et suppléants, seraient nommés pour une durée de six ans non renouvelable à l'instar des membres du collège de la HATVP, et soumis aux mêmes incompatibilités et obligations déclaratives.

De plus, pour respecter le principe de séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement, il est expressément prévu que :

- les membres de la commission des sanctions ne pourraient être membres du collège ou des services de la HATVP qui ont en charge l'instruction des dossiers ;

- il reviendrait au président de la HATVP de saisir la commission des sanctions, après avoir mis en demeure la personne concernée.

La commission des lois du Sénat a également précisé que les décisions de la commission des sanctions seraient motivées, et a supprimé la référence aux membres « présents », afin d'éviter que la commission ne puisse se réunir à moins de trois membres.

Le fonctionnement et les procédures seraient déterminés par la commission des sanctions dans son règlement intérieur, étant précisé qu'aucune sanction administrative ne pourrait être prononcée sans que l'intéressé ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment appelé.

Par ailleurs, les décisions de la commission des sanctions seraient soumises au contrôle du tribunal administratif de Paris, selon la compétence de droit commun prévue à l'article L. 311-1 du code de justice administrative133(*).

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel des rapporteurs Bruno Millienne et Nicolas Sansu.

En séance publique, toutefois, l'Assemblée nationale a adopté l'amendement de suppression du Gouvernement134(*), en conséquence de la réécriture de l'article 13 - également à l'initiative du Gouvernement - tendant à remplacer le régime de sanctions administratives par celui de sanctions pénales.

2. Considérant la création d'une commission des sanctions comme le corollaire logique de l'instauration d'un pouvoir de sanction administrative, la commission a rétabli l'article 14 dans sa rédaction adoptée par le Sénat

La rapporteure considère que la création d'une commission des sanctions est la suite logique de l'instauration d'un régime de sanctions administratives tel que le Sénat l'a adopté en première lecture à l'article 13, et tel que la commission des lois propose de le rétablir en deuxième lecture135(*).

Elle rappelle, en outre, que cette solution emporte l'adhésion de la HATVP.

Naturellement, la rapporteure n'est pas sans ignorer qu'une fois créée, la commission des sanctions ainsi créée pourrait, par la suite, voir ses pouvoirs élargis à d'autres publics, en particulier aux représentants d'intérêts ; le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Bruno Millienne, s'était d'ailleurs prévalu de cet argument pour appuyer, en séance publique, l'amendement de réécriture du Gouvernement de l'article 13, en exprimant sa « peur qu'au gré de futurs textes législatifs, [le] champ [de la commission des sanctions] ne s'étende mécaniquement à d'autres domaines »136(*).

Tout en ayant conscience du précédent que créerait l'article 14, la rapporteure estime qu'il reviendrait par la suite au législateur de juger, au cas par cas, de la pertinence de l'extension des pouvoirs qui seraient octroyés à la HATVP par la présente proposition de loi s'agissant des prestations de conseil.

Dans ces conditions, et en cohérence avec le rétablissement du régime de sanctions administratives adopté à l'article 13, la rapporteure juge souhaitable de rétablir l'article 14 dans sa rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, en y intégrant les modifications rédactionnelles apportées par la commission des lois de l'Assemblée nationale, afin de consacrer, au sein de la HATVP, une commission des sanctions chargée de prononcer les sanctions administratives à l'encontre des prestataires de conseil et des consultants qui ne respecteraient pas les obligations déontologiques posées par la présente proposition de loi.

La commission a adopté l'amendement COM-16 de la rapporteure à cette fin.

La commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.

Article 15 (Non modifié)
Exclusion des consultants sanctionnés par la HATVP des procédures
de passation des marchés publics, des marchés de défense et de sécurité
et des contrats de concession

L'article 15 de la proposition de loi dispose que les prestataires sanctionnés par la commission des sanctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) - créée par l'article 14 - seraient exclus « de plein droit » des procédures de passation des marchés publics, des marchés de défense et de sécurité et des contrats de concessions pour une période pouvant aller jusqu'à trois ans. Cette exclusion, à la différence des exclusions « à l'appréciation de l'acheteur », confie à l'acheteur public la responsabilité de vérifier, lors de la passation du marché, que le candidat n'est pas concerné par l'un des motifs d'exclusion.

En première lecture, la commission des lois du Sénat a adopté le dispositif proposé, tout en veillant à sa mise en conformité avec le droit de l'Union européenne, par l'intégration d'un mécanisme de régularisation au dispositif.

En séance publique, les sénateurs ont intégré la condamnation définitive pour faux témoignage devant une juridiction aux motifs d'exclusion des procédures de passation, disposition trouvant à s'appliquer notamment en cas de faux témoignage devant une commission d'enquête parlementaire.

En commission des lois, les députés ont supprimé l'article 15.

Ils l'ont ensuite rétabli en séance publique, à l'exception de la disposition adoptée par le Sénat visant à ajouter le faux témoignage devant une juridiction comme motif d'exclusion de la procédure. Toutefois, la suppression de l'article 14, créant la commission de sanction de la HATVP, et des dispositions de l'article 13 ouvrant la possibilité pour la commission de sanction de prononcer l'exclusion de procédure de passation, ont rendu inopérante la procédure d'exclusion prévue par le présent article à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale.

En commission, les sénateurs, ayant préalablement rétabli les dispositions de l'article 13 ainsi que l'article 14 assurant le caractère opérationnel du dispositif proposé, ont adopté l'article 15 sans modification.

1. En première lecture, le Sénat a veillé à la mise en conformité de l'article avec le droit de l'Union européenne

En première lecture, la commission des lois a adopté un amendement visant à conformer le dispositif proposé aux directives 2014/23/UE, relative aux contrats de concession, et 2014/24/UE, relative aux marchés publics. Ces directives prévoient, dans le cadre des procédures d'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession pour faute professionnelle grave, un mécanisme de régularisation permettant à l'opérateur économique visé de démontrer sa « fiabilité » et ainsi de continuer à candidater à des marchés publics, notamment en démontrant qu'il a engagé des mesures concrètes de nature à prévenir toute nouvelle infraction.

Aussi, un opérateur économique qui serait en mesure d'établir qu'il a régularisé sa situation en « réglant l'ensemble des amendes et indemnités dues, en collaborant activement avec la Haute autorité pour la transparence de la vie publique et avec l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil et en prenant des mesures concrètes de nature à prévenir la commission d'une nouvelle faute »137(*) pourrait, si ces éléments sont jugés suffisamment fiables, soumissionner de nouveau dans le cadre d'un marché public.

Lors de l'examen en séance publique, les sénateurs ont adopté deux amendements identiques afin d'ajouter aux motifs d'exclusion des procédures de passation la condamnation définitive de cabinets de conseil pour faux témoignage devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire, infraction pénale prévue par l'article 434-13 du code pénal. Cette disposition concerne également les cas de faux témoignages d'un cabinet de conseil devant une commission d'enquête parlementaire.

L'Assemblée nationale a opéré des modifications contradictoires entre l'examen en commission et en séance publique.

La commission des lois, après avoir supprimé, à l'article 13, le pouvoir donné à la HATVP d'exclure un prestataire ou un consultant ayant commis une faute professionnelle grave de la procédure des contrats de la commande publique, a, en cohérence, adopté un amendement de suppression de l'article 15, en dépit de l'avis défavorable des rapporteurs. Les députés ont en effet estimé que la procédure d'exclusion prévue par l'article apparaissait superfétatoire au regard des dispositions de l'article L. 2141-10 du code de la commande publique qui prévoit l'exclusion pour cause de conflits d'intérêts.

Les procédures prévues par les deux articles répondent pourtant à deux situations juridiques distinctes.

L'article L. 2141-10 prévoit un motif d'exclusion des procédures de passation de marchés publics à l'appréciation de l'acheteur, lorsqu'il est constaté qu'un soumissionnaire, par sa candidature, fait naître une situation de conflits d'intérêts à laquelle il ne peut être remédiée par d'autres moyens que l'exclusion.

Article L. 2141-10 du code de la commande publique

L'acheteur peut exclure de la procédure de passation du marché les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d'intérêts, lorsqu'il ne peut y être remédiée par d'autres moyens.

Constitue une telle situation toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché.

La procédure prévue par l'article L. 2141-10 est ainsi susceptible de s'appliquer à des candidats n'ayant jamais contracté avec un acheteur public et qui, en conséquence, n'auraient pas pu être sanctionnés par le passé par la HATVP, ou des candidats ayant déjà contracté avec un acheteur public mais se plaçant, au moment de candidater à un nouveau marché, dans une situation de conflit d'intérêt.

Le dispositif prévu par l'article 15 de la présente proposition de loi répondrait, à l'inverse, aux cas de manquements déontologiques qui seraient constatés par la commission des sanctions de la HATVP au cours de l'exécution d'un marché public. L'exclusion des procédures de passation des marchés publics prévue par l'article 15 constituerait dès lors une mesure corrective et non préventive comme l'article L. 2141-10 du code de la commande publique.

En séance publique, à l'initiative du rapporteur Bruno Millienne, l'article 15 a été rétabli dans une rédaction similaire à celle adoptée par le Sénat. Les dispositions adoptées en séance publique au Sénat, visant à intégrer aux motifs d'exclusion d'une procédure de passation les cas de faux témoignages de candidats n'ont en revanche pas été rétablies par la nouvelle rédaction. L'amendement de rétablissement de l'article 15 comportait également des dispositions d'ordre rédactionnel afin de mentionner explicitement l'article L. 2141-6-1 du code de la commande publique qui définit le mécanisme de régularisation à la suite d'une mesure d'exclusion des procédures de passation de marchés publics.

Néanmoins, la suppression de l'article 14, créant la commission de sanction de la HATVP, et des dispositions de l'article 13 ouvrant la possibilité pour la commission de sanction de prononcer l'exclusion de procédure de passation, a rendu inopérante la procédure d'exclusion prévue par le présent article, l'organe habilité à prononcer cette exclusion n'ayant plus d'existence législative et la HATVP n'étant plus en mesure de prononcer une telle sanction d'exclusion.

2.   La commission des lois, après avoir rétabli les dispositions de l'article 13 et l'article 14, assurant l'effectivité de la mesure d'exclusion des procédures de passation de marché, a adopté l'article 15 sans modification

La commission a adopté l'article 15 sans modification car le dispositif proposé a vu son effectivité garantie par le rétablissement de plusieurs mesures lors de l'examen du texte par la commission.

Premièrement, sur proposition de la rapporteure, la sanction d'exclusion de la procédure de passation des contrats de la commande publique a été rétablie à l'article 13, afin de garantir une dissuasion opérationnelle et une gradation des sanctions efficace en cas de manquements aux obligations créées par la présente proposition de loi.

En cohérence, la commission des lois a également rétabli l'article 14, lequel créé une commission des sanctions au sein de la HATVP chargée de prononcer les mesures d'exclusion des procédures de passation des contrats de la commande publique.

Ces trois articles, tels qu'adoptés par la commission des lois, assurent ainsi, d'une part, une gradation des sanctions en cas de non-respect des obligations déontologiques incombant aux cabinets de conseil dans leurs missions à l'égard des administrations, et d'autre part, le caractère opérationnel du processus de prononciation desdites sanctions, notamment celles ayant trait à l'exclusion de plein droit des procédures de passation des contrats de la commande publique.

La commission a adopté l'article 15 sans modification.


* 91  Amendement n° CL153 des rapporteurs Bruno Millienne et Nicolas Sansu.

* 92 La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté l'amendement n° CL24 du groupe Socialistes et apparentés ; en séance publique, l'amendement des rapporteurs n° 202 a été adopté.

* 93 Comme le rappelle le rapport n° 38 (2022-2023) fait par Cécile Cukierman au nom de la commission des lois sur la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, « la commission d'enquête n'a retrouvé que cinq déclarations d'intérêts renseignées par des salariés de McKinsey, pour la plupart consultants juniors, dans le cadre de l'intervention du cabinet de conseil pour le ministère de la santé pendant la crise sanitaire » (p. 50 du rapport). Le paragraphe 9.3.5 de l'accord-cadre de la DITP de juillet 2022 prévoit néanmoins qu'avant chaque mission, les consultants doivent compléter une annexe du CCAP certifiant l'absence de conflit d'intérêts ou identifiant les potentiels conflits d'intérêts.

* 94  Amendement n° CL 159.

* 95 Exposé des motifs de l'amendement cité ci-dessus.

* 96  Amendement n° 122.

* 97  Amendement n° CL159.

* 98 Rapport n° 2112 fait par Bruno Millienne et Nicolas Sansu au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, p. 94.

* 99 Ibidem.

* 100  Amendement n° 122.

* 101  Amendement n° CL159.

* 102 Seuls deux des seize plus grands cabinets de conseil sont inscrits au répertoire des représentants d'intérêts tenu par la HATVP ; trois autres sont renseignés comme clients de cabinets pratiquant des activités de lobbying (voir rapport n° 38 (2022-2023) de Cécile Cukierman, fait au nom de la commission des lois, déposé le 12 octobre 2022, pp. 53-54).

* 103  Amendement n° CL 171.

* 104  Amendement n° CL 132.

* 105 Amendements n° 48, 124 et 155.

* 106 En conséquence de l'article 1er de la proposition de loi dans sa version adoptée en séance publique par l'Assemblée nationale.

* 107  Amendement n° 184.

* 108  Amendement n° CL 133.

* 109 Rapport n° 2112 fait par Bruno Millienne et Nicolas Sansu au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, p. 103.

* 110  Amendement n° 185.

* 111  Amendement n° 164 de Laure Miller.

* 112  Amendement n° 25 rect. de Jean-Pierre Sueur et des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

* 113  Amendement n° CL 129.

* 114 Amendement n° CL 133 sous-amendé par l'amendement n° CL 169. Voir rapport n° 2112 de Bruno Millienne et Nicolas Sansu, p. 104.

* 115  Amendement n° CL 27 et amendement n° 207.

* 116  Amendement n° 185.

* 117 Aux termes du troisième alinéa de l'article 18-6 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

* 118 Éléments transmis par la HATVP en réponse au questionnaire de la rapporteure.

* 119 Rapport n° 38 (2022-2023) de Cécile Cukierman, fait au nom de la commission des lois, p. 58.

* 120 Celle-ci ayant estimé que « la publicité de la sanction, qui intervient nécessairement après la mise en demeure, est rendue possible à l'article 13 » (rapport précité de Bruno Milienne et Nicolas Sansu, p. 104).

* 121  Amendement n° 186.

* 122 La reconnaissance d'un pouvoir répressif à l'administration ayant été consacrée en 1989 par le Conseil constitutionnel (décisions n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 et n° 89-260 DC du 28 juillet 1989).

* 123 L'article 13 ayant été modifié en commission des lois du Sénat par l'adoption de l' amendement COM-15 de la rapporteure.

* 124 La rédaction adoptée par le Sénat prévoit la publicité des amendes administratives, tandis que celle adoptée par la commission des lois de l'Assemblée nationale prévoit la publicité de la sanction pécuniaire ou d'un extrait de celle-ci.

* 125 Voir le rapport n° 38 (2022-2023) de Cécile Cukierman, fait au nom de la commission des lois, p. 61.

* 126 Voir le rapport n° 2112 de Bruno Millienne et Nicolas Sansu, p. 108.

* 127  Amendement n° CL8 de Philippe Pradal.

* 128  Amendement n° 186 du Gouvernement

* 129 Rapport précité n° 38 (2022-2023) de Cécile Cukierman, p. 61.

* 130 Éléments transmis par la HATVP en réponse au questionnaire de la rapporteure.

* 131 Voir la décision n° 2016-616/617 QPC du 9 mars 2017, Société Barnes et autre, considérant 10 : « Ainsi, les dispositions contestées n'opèrent aucune séparation au sein de la Commission nationale des sanctions entre, d'une part, les fonctions de poursuite et d'instruction des éventuels manquements et, d'autre part, les fonctions de jugement de ces mêmes manquements. Il en résulte qu'elles méconnaissent le principe d'impartialité ».

* 132 La séparation fonctionnelle permettant quant à elle aux mêmes organes d'exercer plusieurs fonctions.

* 133 Aucune dérogation n'est ici prévue contrairement au recours contentieux contre une décision du collège de la HATVP qui relève directement du Conseil d'État.

* 134  Amendement n° 187.

* 135 Voir le commentaire de l'article 13.

* 136  Compte rendu intégral de la deuxième séance du jeudi 1er février 2024.

* 137 Rédaction du troisième alinéa de l'article 15 adoptée par la commission des lois du Sénat.

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