EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 3 avril 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mme Guylène Pantel, rapporteure, sur la proposition de loi (n° 355, 2023-2024) tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales.
M. Jean Sol, président. - Nous examinons maintenant le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales, déposée par notre collègue Maryse Carrère. Ce texte sera examiné en séance publique jeudi 11 avril.
Je salue notre rapporteure, Guylène Pantel, à l'occasion de la présentation de son premier rapport fait au nom de notre commission.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui les dispositions de la proposition de loi de notre collègue Maryse Carrère, inscrite à l'ordre du jour des travaux du Sénat dans le cadre de l'espace réservé au groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE). Ce texte vise à préserver l'accès aux pharmacies d'officine dans les communes rurales.
Avant toute chose, il me semble nécessaire de vous fournir quelques éléments sur l'état de notre réseau officinal et les difficultés rencontrées dans certains territoires. Celles-ci n'ont rien d'évident : la qualité du maillage officinal a longtemps été vantée. La France bénéficiait, ces dernières années encore, d'une densité d'officines supérieure à la moyenne des pays développés : 32 officines pour 100 000 habitants en 2019 contre 28, en moyenne, dans les pays de l'OCDE.
Du fait d'une régulation ancienne des ouvertures des officines, les pharmaciens sont, par ailleurs, plus équitablement répartis sur le territoire national que la plupart des autres professionnels de santé. En effet, l'ouverture d'une officine, même par voie de transfert ou de regroupement, doit être autorisée par le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) et ne peut l'être, en principe, que dans une commune de plus de 2 500 habitants, puis une fois par tranche de 4 500 habitants supplémentaires.
Il résulte de l'application de ces règles un maillage territorial performant des pharmacies d'officine. Un rapport des inspections générales des finances et des affaires sociales concluait, en 2016, que 97 % des Français vivaient à moins de dix minutes en voiture d'une officine. Les 35 % d'officines situées dans des communes de moins de 5 000 habitants contribuent largement à ce maillage.
Pourtant, le réseau officinal s'est beaucoup affaibli ces dernières années. Depuis dix ans, le nombre de pharmacies d'officine diminue de manière constante : la France a perdu, entre 2012 et 2022, plus de 8 % de ses officines quand elle gagnait 3,7 % d'habitants. Il faut, bien sûr, ajouter à cela l'augmentation de la prévalence des maladies chroniques et, de manière générale, des besoins de santé de la population : ce sont là des réalités que vous connaissez déjà.
Je dois, encore, préciser que si le réseau officinal est moins inéquitablement réparti que d'autres, des inégalités territoriales sont néanmoins constatées dans l'implantation des pharmacies. Près d'un tiers des départements comportaient, en 2022, moins de 30 officines pour 100 000 habitants, contre plus de 35 dans les départements les mieux dotés.
Les difficultés d'accès aux officines sont, bien sûr, aggravées par les fermetures constatées. Dans les territoires les moins bien pourvus, il arrive désormais que les habitants se trouvent sans solution de proximité : les villages de Tende, dans la vallée de la Roya, ou de Cozzano, en Corse, ont récemment fait l'objet d'une importante attention médiatique.
Face à ce constat, le législateur a entendu agir au cours de ces dernières années. Deux dispositifs ont visé à maintenir l'accès aux médicaments dans les territoires les plus sinistrés : les antennes d'officine et les « territoires fragiles ». Ils sont toutefois, pour l'heure, restés entièrement inappliqués.
Pour maintenir l'accès aux médicaments dans les communes à très faible population, la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) a autorisé, à titre expérimental, la création d'une antenne d'officine par un pharmacien titulaire d'une commune limitrophe lorsque la dernière officine de la commune d'accueil a cessé son activité et lorsque l'approvisionnement en médicaments y est compromis. Des difficultés juridiques qui empêcheraient le lancement effectif de l'expérimentation ont toutefois été mises en avant par la profession. La récente loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels a cherché à les résoudre.
Par ailleurs, une ordonnance de janvier 2018 a permis d'identifier les territoires au sein desquels l'accès aux médicaments n'est pas assuré de manière satisfaisante, dits « fragiles ». Les directeurs généraux des ARS doivent fixer la liste de ces territoires, dans des conditions définies par décret, permettant, notamment, de tenir compte des caractéristiques démographiques, sanitaires et sociales des populations, de l'offre pharmaceutique et des particularités géographiques de chaque zone.
Dans les « territoires fragiles » ainsi identifiés, l'ouverture d'une officine est facilitée dans une commune de moins de 2 500 habitants : elle peut être autorisée si celle-ci est située dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d'officine, lorsque l'une recense au moins 2 000 habitants et lorsque toutes totalisent au moins 2 500 habitants. Par ailleurs, des aides spécifiques peuvent être accordées par l'ARS ou l'assurance maladie aux officines situées dans ces territoires pour favoriser leur ouverture et leur maintien.
Plus de trois ans après l'autorisation de l'expérimentation des antennes d'officine et plus de six ans après l'adoption du dispositif « territoires fragiles », ceux-ci apparaissent encore inappliqués. D'après les parties prenantes interrogées, les premières antennes d'officine devraient bientôt pouvoir être créées dans les territoires les plus sinistrés, notamment dans la vallée de la Roya ou le village de Cozzano. En revanche, le dispositif « territoires fragiles » demeure toujours inapplicable en l'absence de décret.
Cette situation est préjudiciable compte tenu du contexte actuel et, plus encore, de l'accélération du rythme de fermeture des officines ces dernières années. Depuis 2018, la France perd chaque année environ 1 % de ses pharmacies. Ce mouvement, désormais bien installé, pourrait se poursuivre et s'aggraver : d'après le Conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop), la part des titulaires d'officine de plus de 60 ans a presque doublé depuis dix ans. Des difficultés de recrutement dans les études de pharmacie, matérialisées par des places laissées vacantes, sont par ailleurs observées ces dernières années.
La situation est d'autant plus dommageable que les pharmaciens se sont vu confier, ces dernières années, de nouvelles missions destinées à améliorer l'accès aux soins. Leur rôle a été renforcé dans la réalisation de tests rapides d'orientation diagnostique (Trod), la prescription de vaccins ou l'accompagnement des patients. Si ces nouvelles compétences positionnent les pharmaciens en acteurs essentiels de proximité, particulièrement lorsque les médecins manquent, les difficultés constatées pour accéder à une officine risquent toutefois de neutraliser, dans certains des territoires visés, les effets de cette politique.
Dans nos territoires ruraux, ces tensions s'ajoutent ainsi à l'ensemble des difficultés d'accès aux soins décrites depuis longtemps. L'Association des maires ruraux de France (AMRF), que j'ai auditionnée, a conduit une étude établissant que les écarts d'espérance de vie entre départements ruraux et départements urbains s'aggravent pour atteindre, désormais, près de deux ans pour les hommes et un an pour les femmes.
Parce qu'il est nécessaire d'agir pour faciliter l'installation d'officines dans nos campagnes, la proposition de loi déposée par la présidente de notre groupe Maryse Carrère vise à assouplir les conditions d'ouverture des pharmacies d'officine, par voie de transfert, de regroupement ou de création. Elle autorise une telle ouverture dans les communes de moins de 2 500 habitants, lorsqu'elles sont situées dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d'officine qui totalisent ensemble une population dépassant ce seuil.
Les auditions que j'ai conduites ont toutefois révélé qu'une révision des critères de droit commun d'ouverture des officines, applicables à l'ensemble du territoire national, inquiète la profession. Celle-ci craint une forte déstabilisation du réseau officinal existant et, localement, des effets d'éviction non souhaitables.
Aussi, je vous proposerai d'entendre ces inquiétudes en recentrant le dispositif sur sa cible prioritaire : les territoires les moins bien pourvus en officines et, en leur sein, les communes faiblement peuplées qui ne peuvent accueillir, en application des critères actuels, une pharmacie. Pour ce faire, je vous soumettrai un amendement réécrivant le dispositif de l'article unique pour contraindre, plutôt, le Gouvernement à prendre dans les prochains mois le décret attendu depuis six ans et devant permettre l'application du dispositif « territoires fragiles ».
En l'absence de décret au 1er octobre prochain, le dispositif deviendrait d'application directe : il appartiendrait, dans ce cas, aux directeurs généraux des ARS d'identifier les territoires fragiles de leur ressort sur la base des seuls critères d'ores et déjà prévus par la loi. Au sein de ces territoires, l'ouverture de pharmacies d'officine dans les communes rurales sera facilitée et des aides pourront être octroyées afin de favoriser leur maintien.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, dans les territoires ruraux, nos concitoyens qui souffrent du manque de professionnels de santé sont en droit d'attendre davantage. Faisons évoluer positivement les choses.
Il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que celui-ci inclut des dispositions relatives aux conditions d'ouverture, par voie de transfert, de regroupement ou de création, des pharmacies d'officine ; aux conditions d'accompagnement des pharmacies d'officine dans les territoires au sein desquels l'approvisionnement en médicaments n'est pas satisfaisant.
En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs aux études de pharmacie, aux missions des pharmaciens d'officine ou à l'approvisionnement en médicaments.
Mme Maryse Carrère, auteure de la proposition de loi. - En vingt ans, près de 4 000 officines ont mis la clé sous la porte. Bien moins médiatisée que la désertification médicale, la désertification pharmaceutique n'est pas moins préoccupante, car elle est lourde de conséquences sur l'accès aux soins, notamment en milieu rural et en milieu montagneux. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) considère en effet que 3 % à 5 % de la population française vivent aujourd'hui dans des territoires considérés comme fragiles au regard de leur offre pharmaceutique.
Ce problème de santé publique mérite une attention particulière, d'autant que le pharmacien, loin de se limiter à la délivrance des médicaments, s'est vu confier de plus en plus de responsabilités et de missions, notamment dans le cadre des renouvellements d'ordonnances en cas d'affection chronique, de la vaccination, du dépistage et de la délivrance d'antibiotiques pour les cystites simples et les angines. En sus de son rôle de conseil habituel, le pharmacien intervient désormais dans les domaines de la prévention, du suivi et de la prise en charge de certaines maladies.
Acteur de proximité et maillon essentiel du système de santé, le pharmacien a été mis à contribution pendant la crise du covid-19. La fermeture de pharmacies en milieu rural met en exergue les défis auxquels sont confrontés ces territoires en matière d'accès aux soins : sans officine de proximité, les patients doivent parcourir de longues distances pour se rendre à la pharmacie la plus proche, ce qui est source de problèmes pour les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite et celles qui sont dépourvues d'un moyen de transport, et cela n'est pas sans conséquence sur la qualité des soins et le suivi des patients.
En outre, la fermeture d'une pharmacie peut avoir des répercussions économiques et sociales dans les territoires, la perte d'un service de proximité pouvant contribuer à l'isolement des habitants et à la désertification des territoires en décourageant les jeunes familles comme les professionnels de santé de s'y installer.
Certes, une ordonnance de 2018 a prévu un assouplissement des règles d'ouverture d'une officine dans les territoires dits « fragiles » et permet, dans certains territoires, l'installation de pharmacies dans les communes de moins de 2 500 habitants qui en sont dépourvues, à deux conditions : premièrement, les communes contiguës doivent se regrouper pour dépasser ce seuil de 2 500 habitants ; deuxièmement, cette alliance de communes doit compter au moins une localité recensant plus de 2 000 habitants.
Or cette ordonnance n'est toujours pas entrée en vigueur faute de décret, d'où la démarche entreprise par les sénateurs du groupe RDSE via cette proposition de loi, avec l'objectif de maintenir un maillage pharmaceutique de qualité sur notre territoire.
Nous souhaitions ainsi ne plus imposer la condition des 2 000 habitants : compte tenu du fait que la France compte un peu plus de 29 000 communes de moins de 2 000 habitants, je ne suis pas certaine que l'assouplissement prévu par l'ordonnance de 2018 réponde aux défis posés. Pour prendre l'exemple de mon département, seules 10 communes comptent plus de 2 000 habitants, les autres communes recensant entre 20 à 600 habitants.
Au cours des auditions menées par notre rapporteure, l'ordre des pharmaciens et les syndicats professionnels ont exprimé une série de réserves d'ordre économique, mais les sénateurs ont le devoir de mener des réflexions centrées sur l'aménagement du territoire.
La rapporteure nous propose une réécriture de l'article unique afin de demander au Gouvernement de publier le décret nécessaire à l'application du dispositif « territoires fragiles » avant le 1er octobre, ce que les cosignataires de la proposition de loi acceptent sans difficulté.
En conclusion, j'évoquerai la situation dans mon département, qui a été l'élément déclencheur de cette proposition de loi : en moins de six mois, trois pharmacies situées dans trois territoires différents ont été rachetées dans un seul but : les fermer, afin d'éviter la concurrence avec les territoires voisins et les grandes pharmacies du périmètre urbain de la ville de Tarbes. De surcroît, des pharmacies de montagne situées à proximité de cabinets médicaux ont fermé pour renforcer une officine située à plus de trente kilomètres.
Cette tendance lourde à l'hyperconcurrence et aux rachats d'officines s'accompagne de l'impossibilité, pour les maires de communes de moins de 2 500 habitants, de rouvrir des pharmacies dans leurs territoires. D'où cette proposition de loi qui doit permettre d'ouvrir le débat et d'inciter le Gouvernement à se pencher sur la réorganisation territoriale du réseau d'officines, en particulier dans nos territoires ruraux et de montagne.
Mme Céline Brulin. - Je remercie l'auteure et la rapporteure de ce texte, qui me semble utile. Les auditions que vous avez conduites vous ont-elles permis de comprendre les causes de la non-publication du décret ? Les pharmaciens sont effectivement amenés à assumer de plus en plus de missions, dont les Trod et la vaccination, tandis qu'un nombre grandissant d'officines accueillent également des cabines de téléconsultation, qui constituent une réponse, certes imparfaite, à la désertification médicale.
Le constat établi ne me semble pas sans lien avec l'audition précédente consacrée à la financiarisation de la santé, puisque nous constatons que ce mouvement est aussi à l'oeuvre dans les officines. Si je comprends la volonté de recentrer le texte sur la publication des décrets, j'estime que nous devrions creuser ce sujet plus avant.
Au cours d'une audition, l'ordre des pharmaciens a indiqué, sans surprise, que les professionnels allaient davantage s'installer à proximité des médecins. De la même manière, il est peu probable que les médecins s'installent dans des zones dépourvues de pharmacies : je pense que nous devrons faire preuve de davantage de volontarisme si nous voulons éviter d'aller de pénurie en pénurie.
Par ailleurs, même si je comprends que le périmètre soit resserré en raison de l'objet très précis de la proposition de loi, je tiens à souligner que j'ai été particulièrement alertée par le fait que les études de pharmacie ne font plus le plein depuis deux ans. Ce phénomène extrêmement inquiétant est visiblement lié à la réforme de l'accès aux études de santé et à un accès à la filière pharmaceutique devenu complètement illisible pour ceux qui souhaiteraient s'y engager. Il s'agit d'un véritable sujet de préoccupation compte tenu de la désertification actuelle, cette pénurie d'étudiants ne pouvant qu'augurer de futures difficultés.
Notre groupe soutiendra la proposition de loi.
Mme Corinne Imbert. - Je remercie la rapporteure pour les échanges que nous avons pu avoir en amont de sa présentation. La question du déficit d'attractivité des études de pharmacie représente effectivement un objet de préoccupation majeure : l'année dernière, 1 000 places étaient vacantes en deuxième année, contre 400 à 500 places cette année. De plus, les difficultés de recrutement existent déjà pour un pharmacien en milieu rural qui souhaite recruter un préparateur ou un pharmacien adjoint.
Jusqu'à présent, nous disposions pourtant d'un réseau d'officines qui représentait à la fois une véritable colonne vertébrale du système de santé et un modèle d'aménagement du territoire, avec des pharmacies accessibles en une quinzaine de minutes. Dans sa première version, le texte ciblait les pharmacies rurales installées dans des communes de moins de 2 000 habitants et qui couvrent un bassin de population de 2 500 habitants, qui existent en vertu de licences données il y a fort longtemps. Ces mêmes officines sont aujourd'hui en proie à des difficultés économiques et ne trouvent que difficilement un successeur, à tel point qu'elles ferment ou sont vendues à un euro symbolique.
Certes, toutes ces officines ne sont heureusement pas mal en point, certaines parvenant à assumer les nouvelles missions qui leur sont confiées, mais lesdites missions nécessitent une équipe assez fournie. De plus, un pharmacien doit pouvoir libérer une partie de son temps pour se former, ce qu'il est dans l'incapacité de faire s'il travaille seul ou avec des effectifs réduits.
Face à ces difficultés plurielles, nous partageons tous l'inquiétude de voir apparaître des déserts pharmaceutiques, le nombre d'officines ayant chuté de 25 000 à 19 000 en l'espace de vingt-cinq ans. Ce phénomène de concentration nous renvoie à la logique de financiarisation évoquée dans le cadre de l'audition précédente.
Par ailleurs, je vous signale qu'un député représentant les Français de l'étranger devrait prochainement remettre un rapport portant une vision opposée à celle que vous avez exprimée, en défendant, dans le prolongement de la déclaration de politique générale du Premier ministre, une libéralisation totale de la vente de médicaments - en grande surface ou en ligne -, qui s'apprête à balayer d'un revers de main le modèle de pharmacie de proximité qui a structuré l'aménagement du territoire dans notre pays.
Nous voterons cette proposition de loi telle que la rapporteure propose de l'amender.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - D'après le ministère de la santé, 6 % de la population française - hors Mayotte - réside dans des territoires qui répondent à l'un des critères de fragilité envisagés.
Le retard dans la publication du décret est imputable au ministère, qui avait invoqué la crise sanitaire en 2020. Une première proposition a été transmise aux représentants des pharmaciens début 2023, mais a été rejetée.
Les auditions que nous avons menées ont mis en exergue un déficit d'attractivité des études de pharmacie et, parmi les diplômés des pharmacies d'officine, alors que celles-ci sont essentielles à l'accès aux soins et un vecteur de lien social dans nos territoires ruraux.
Mme Corinne Féret. - L'amendement proposé vise à contraindre le Gouvernement à publier un décret d'application : il est incroyable que des dispositifs écrits ne soient pas mis en oeuvre compte tenu des besoins existants dans nos territoires.
Dans le Calvados, les élus travaillent avec acharnement pour attirer des professionnels de santé dans leurs petites communes, quitte à imaginer des projets d'aménagement de l'ensemble du centre-bourg au-delà du pôle ou du centre de santé envisagé. Cependant, lorsqu'ils décrochent l'accord de professionnels de santé pour créer un tel pôle, ils se heurtent au refus de l'ARS de valider l'ouverture d'une pharmacie, justement au motif que le fameux décret n'a pas été publié. Cette impossibilité inquiète les porteurs de projets, qui se trouvent fragilisés par cette impossibilité d'ouvrir une pharmacie alors que les besoins sont bien réels.
Nous voterons cette proposition de loi, l'amendement visant à contraindre le Gouvernement à publier ce décret étant essentiel pour résoudre bon nombre de situations difficiles, en particulier dans nos territoires ruraux.
Mme Jocelyne Guidez. - L'amendement est effectivement bienvenu. Pour prendre un autre exemple, celui d'une ville de mon département - l'Essonne - de 5 000 habitants qui comptait deux pharmacies, le départ à la retraite d'une pharmacienne a donné lieu à une entente entre les professionnels et à la fermeture d'un des deux établissements. Il se révèle très difficile de rouvrir une deuxième pharmacie alors que nous avons reçu des propositions de professionnels prêts à venir s'installer et que la population croît. J'ajoute que la commune ne connaît pas de difficultés en termes de présence de médecins. Nous voterons bien sûr cette proposition de loi.
Mme Chantal Deseyne. - Comme tous les autres orateurs, je suis attachée à la présence des pharmacies dans tous les territoires, y compris les plus éloignés et les moins peuplés, mais nous devons également tenir compte des réalités économiques et de la nécessité pour les pharmaciens de pouvoir vivre de leur métier. Dans mon département, les médecins propharmaciens ont longtemps eu la possibilité de délivrer des médicaments, ce qui pourrait être une piste à explorer pour remédier aux difficultés actuelles.
Mme Corinne Bourcier. - Les pharmaciens sont essentiels pour le conseil, l'accompagnement des patients et l'accompagnement des médecins. Ils doivent aussi assumer de nouvelles missions.
Si je salue votre initiative, je m'interroge sur la pertinence du seuil retenu : parmi les nombreuses communes nouvelles que compte le Maine-et-Loire, j'ai en tête le cas d'une commune nouvelle de 16 000 habitants qui regroupe onze communes, dont la plupart comptent moins de 2 500 habitants. Un ajustement dudit seuil pourrait donc être nécessaire. Notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.
Mme Marie-Pierre Richer. - Merci, madame la rapporteure, de mettre une nouvelle fois en avant la désertification pharmaceutique. Je suis intervenue, voilà maintenant plusieurs années, pour souligner qu'elle était en marche, notamment dans le département du Cher.
Je me réjouis que cette proposition de loi permette de parler du milieu rural et de ce sujet en particulier.
J'attends beaucoup de l'expérimentation des antennes de pharmacies socles, des pharmacies annexes. Elle est dans les tuyaux, mais, pour qu'elle fonctionne, il faudra que les ARS aient la possibilité d'accorder des autorisations en nombre. Je crains qu'elle ne soit trop restreinte, ce qui m'inquiète un peu.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - L'un des effets bénéfiques attendus du dispositif Territoires fragiles est d'obliger les ARS à mieux mesurer les difficultés d'accès qui existent déjà, notamment dans les territoires ruraux. Parmi les critères envisagés, il faut être situé à plus de quinze minutes d'une pharmacie d'officine, ce qui est assez courant dans les territoires très isolés.
Les médecins propharmaciens existent encore. Dans mon département, il y en a encore dans quatre villages, et c'est heureux, parce que la pharmacie la plus proche est dans le Gard. C'est une réponse de proximité importante.
Dans le cas des communes nouvelles, les critères sont appréciés à l'échelle de celles-ci.
Je souscris à tous vos propos. Nous espérons tous que les décrets seront appliqués au mois d'octobre !
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - L'amendement COM-1 vise à réécrire l'article unique de la proposition de loi, afin de contraindre le Gouvernement à publier le décret nécessaire à l'application de ce dispositif avant le 1er octobre 2024. Dans le cas contraire, il appartiendra aux directeurs généraux des ARS, à compter de cette date, d'identifier les territoires fragiles de leur ressort sur la base des seuls critères légaux et d'appliquer, en leur sein, les conditions d'ouverture assouplies devant favoriser l'installation de pharmacies d'officine.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Je vous remercie sincèrement, mes chers collègues.
La réunion est close à 12 h 05.