III. LA POSITION DE LA COMMISSION : DOTER LES POUVOIRS PUBLICS DES MOYENS INDISPENSABLES À UNE ACTION EFFICACE ET PROPORTIONNÉE CONTRE LE TERRORISME
A. LE RENFORCEMENT BIENVENU DE L'ARSENAL JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIF ET DES MOYENS DES SERVICES DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME
Si l'arsenal législatif antiterroriste a été assez régulièrement complété au cours des dix dernières années, le rapporteur est, d'un constat partagé avec l'ensemble des acteurs de la lutte antiterroriste auditionnés, convaincu de la nécessité d'apporter certains correctifs aux dispositions pénales et administratives en ce domaine afin d'en améliorer l'efficacité et l'opérationnalité.
En ce qu'il adapte l'action des pouvoirs publics aux nouvelles formes prises par le terrorisme, qu'il modernise certains moyens des services enquêteurs, qu'il dote l'autorité administrative de nouveaux instruments pour entraver le passage à l'acte d'individus ou de groupements, qu'il permet de réprimer pénalement la détention d'images à caractère apologétique et de renforcer le suivi et la répression des mineurs se rendant coupables d'actes à caractère terroriste, la commission a considéré que ce texte complétait utilement l'arsenal de lutte contre le terrorisme et en a accepté, à l'initiative de son rapporteur, l'économie générale.
Elle a, de surcroit, considéré que ces mesures étaient rendues d'autant plus indispensables que notre pays s'apprête à accueillir, pendant près de deux mois et sur plusieurs sites hexagonaux et outre-mer, les jeux Olympiques et Paralympiques, évènement mondial particulièrement exposé à une menace terroriste d'ampleur. Les mesures ainsi proposées sont, dès lors, apparues à la commission comme particulièrement bienvenues en ce qu'elles constituent des réponses proportionnées et pragmatiques à une situation de menace imminente et de haute intensité pour l'ordre public et la sûreté des personnes et des biens.
B. DES AJUSTEMENTS NÉCESSAIRES POUR GARANTIR LA SÉCURITÉ JURIDIQUE ET L'OPÉRATIONNALITÉ DES DISPOSITIFS
La commission des lois a porté une attention particulière, dans le cadre de son examen, à garantir un équilibre entre opérationnalité des mesures, efficacité de la lutte contre le terrorisme et garantie des droits et libertés constitutionnels.
C'est pourquoi, à l'initiative du rapporteur, elle a procédé à plusieurs ajustements destinés à garantir la solidité juridique et l'opérationnalité des dispositifs, afin de permettre aux acteurs de la lutte contre le terrorisme de s'appuyer sur des outils et des instruments efficaces, adaptés et proportionnés à l'objectif de protection de l'ordre public et ne portant que des atteintes strictement nécessaires et ponctuelles à l'exercice de certaines libertés fondamentales.
1. Assurer l'applicabilité des deux mesures de judiciaires de sûreté proposées sans fragiliser leur proportionnalité
Compte tenu du bilan non-concluant du déploiement de la mesure de prévention de la récidive terroriste, la commission a souhaité améliorer l'opérationnalité de la mesure et son adéquation aux profils des individus concernés, ainsi qu'attendu par les services du parquet national antiterroriste (PNAT) et les juges d'application des peines antiterroristes.
Presque aussi exigeants que ceux de la définition de l'infraction d'association de malfaiteurs terroristes, les critères de dangerosité de la mesure la rendaient quasiment inapplicable. La commission a donc estimé nécessaire de reformuler les critères applicables et a, en conséquence, visé une probabilité élevée de récidive et une adhésion avérée à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme, plutôt qu'une probabilité très élevée et une adhésion persistante à ces idéologies.
De manière à garantir la proportionnalité de la mesure et à éviter de fragiliser le dispositif éprouvé des Micas, elle a contrebalancé cet élargissement par l'ajout de plusieurs garanties :
- elle a, d'une part, renforcé le volet de réinsertion et d'accompagnement de la mesure en permettant aux juges d'application des peines de prononcer une injonction de soins pour certains profils dont ils peinent à assurer un suivi adapté et favorable à leur réinsertion en l'état du droit ;
- elle a, d'autre part, exclu du contenu de la mesure les trois mesures de surveillance particulièrement attentatoires aux libertés individuelles que sont l'interdiction de paraitre en certains lieux, l'obligation d'établir son domicile en un lieu donné et l'interdiction de port d'une arme.
Cette seconde modification répond également à une exigence constitutionnelle : saisi de la conformité à la Constitution de l'allongement de la durée des Micas à deux ans, le Conseil constitutionnel a en effet également apprécié la nécessité et la proportionnalité de ces mesures au regard de l'existence de mesures moins attentatoires aux droits et libertés individuelles existantes. Dès lors, un renforcement du volet surveillance de cette mesure de sûreté judiciaire pourrait fragiliser les Micas en dépit de leur bilan opérationnel très positif.
De la même manière, afin d'assurer l'opérationnalité et la sécurité juridique des mesures de rétention de sureté proposées par le texte, le rapporteur a souhaité, d'une part, limiter le champ de ces mesures aux seuls condamnés pour des crimes à caractère terroriste à des peines supérieures à quinze ans d'emprisonnement, ou dix ans en cas de récidive et, d'autre part, prévoir une prise en charge adaptée aux profils radicalisés en y ajoutant l'acquisition des valeurs de la citoyenneté.
2. Renforcer l'opérationnalité et la sécurité juridique des mesures administratives de lutte contre le terrorisme
Soucieuse d'assurer l'efficacité des outils et instruments mis à la disposition des autorités administratives au titre de la lutte contre le terrorisme, la commission a, à l'initiative du rapporteur :
- maintenu le caractère obligatoire d'une autorisation judiciaire préalable pour l'ensemble des opérations d'achats de fournitures effectuées par des enquêteurs sous pseudonyme, tout en aménageant les modalités de sa délivrance lorsque les produits concernés sont licites en permettant d'autoriser pour quarante-huit heures toutes opérations portant sur une ou plusieurs catégories de produits déterminées ;
- substitué à l'interdiction de paraitre dans les transports en commun dans le cadre de la Micas une interdiction de paraitre autonome, moins attentatoire aux libertés individuelles qu'une Micas mais aux critères de prononcé plus souples. Une telle interdiction apparait particulièrement opportune dans la perspective de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques l'été prochain ;
- consacré au niveau législatif la définition de la « provocation » justifiant la dissolution d'une association ou d'un groupement de fait, quel qu'en soit le motif, énoncée par le Conseil d'État dans sa jurisprudence récente relative notamment aux Soulèvements de la Terre ;
- institué un régime de dévolution des biens des associations ayant fait l'objet d'une dissolution pour faire échec aux stratégies mises en oeuvre par celles-ci, pendant la durée de la procédure de dissolution, afin d'organiser la vente ou le transfert de leurs biens, y compris à des associations ou groupements partageant le même objectif et empêchant leur saisie à l'issue de la procédure.
3. Garantir la robustesse des évolutions de l'arsenal pénal de lutte contre le terrorisme
Poursuivant un double objectif de renforcement de la cohérence judiciaire du texte et de la pénalisation de certains comportements particulièrement dangereux pour l'ordre public, la commission a :
- réécrit l'infraction visant à réprimer la détention de contenus apologétiques, tout en veillant à la constitutionnalité de la mesure. Pour ce faire, la commission a souhaité restreindre le champ d'application de ce délit par deux moyens. D'une part, elle a introduit un critère de gravité particulièrement restreint, sur le modèle des dispositions incriminant la détention d'images pédopornographiques. Ainsi, plutôt que de sanctionner la détention de contenus apologétiques de manière générale, elle propose de ne sanctionner que la seule détention des contenus les plus graves, exhibant des crimes terroristes D'autre part, à la différence du délit de recel d'apologie, ce critère est complété d'un élément intentionnel : l'infraction permettant de sanctionner les individus détenant de telles images apologétiques ne serait constituée qu'à condition que l'adhésion de l'auteur à un ou plusieurs crimes terroristes ainsi exhibés soit manifeste ;
- supprimé l'article 13, compte tenu des importantes réserves formulées par le procureur national de la République antiterroriste quant aux effets de bord dommageables susceptibles d'être induits par les dispositions proposées ;
- rétabli la cohérence des dispositions applicables aux mineurs de moins de seize ans et de plus de seize ans en relevant à deux ans la durée maximum de placement en détention provisoire d'un mineur de plus de seize ans mis en examen pour des faits d'entreprise individuelle à caractère terroriste.