Mardi 30 janvier 2024, le Sénat a adopté, en première lecture, une proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, déposée par François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues.
Le texte a été transmis à l'Assemblée nationale.
Pourquoi ce texte ?
La proposition de loi entend répondre à une triple nécessité, mise en lumière en particulier par les attentats commis en France le 16 octobre et le 2 décembre 2023 :
- améliorer le suivi post-carcéral des individus condamnés pour des faits de terrorisme, en instituant de nouvelles mesures de sûreté qui leur seraient applicables pour éviter toute récidive ;
- renforcer le suivi et les moyens de répression des mineurs radicalisés sur le sol national ;
- compléter et ajuster l’arsenal administratif et pénal pour lutter plus efficacement contre les actes terroristes, alors que la menace n’émane plus seulement de groupes organisés mais se caractérise par un nombre croissant de passages à l’acte d’individus isolés, radicalisés solitairement par le biais des réseaux sociaux notamment.
Les apports du Sénat
Le texte adopté par le Sénat en première lecture :
- remplace l’actuelle mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion prévue à l’article 706-25-16 du code de procédure pénale par une nouvelle mesure judiciaire de sureté applicable aux auteurs d’infractions terroristes ; cette nouvelle mesure pourra être ordonnée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté avant la date de libération d’une personne condamnée pour infraction terroriste, lorsque cette personne présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité élevée de récidive et par une adhésion avérée à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou parce qu’elle souffre d’un trouble grave de la personnalité, faisant obstacle à sa réinsertion ; ladite mesure judiciaire de sureté applicable aux auteurs d’infractions terroristes leur impose des obligations, qui pourront notamment comprendre une injonction de soins ;
- institue deux nouvelles mesures de rétention de sûreté judiciaire, consistant à permettre le placement d’une personne condamnée pour des crimes terroristes, à sa libération, en centre socio-médico-judiciaire de sûreté ou en établissement d’accueil adapté, si elle présente une probabilité très élevée de récidive caractérisée par des troubles graves de la personnalité ou une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ;
- permet d’ordonner la prolongation d’un délai de probation, de révoquer un sursis probatoire ou un suivi socio-judiciaire, lorsque le comportement d’un condamné manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République ;
- institue la commission d’une nouvelle infraction comme motif de révocation d’une mesure de surveillance judiciaire ou d’un suivi socio-judiciaire ;
- modifie le régime du contrôle judiciaire, de l’assignation à résidence avec surveillance électronique et de la détention provisoire applicables aux mineurs de plus de 13 ans, en particulier afin d’étendre la durée maximale du placement en centre éducatif fermé ou en détention provisoire des mineurs radicalisés et placés sous main de justice ;
- autorise la prise en charge des mineurs sous main de justice par la protection judiciaire de la jeunesse au-delà de leur majorité, de manière à éviter les ruptures de prise en charge ;
- créé une mesure d’interdiction de paraitre pour les grands évènements, qui permet au ministre de l’intérieur d’interdire à une personne de paraître dans un lieu accueillant des évènements exposés, par leur ampleur ou par leurs circonstances particulières, à un risque de menace grave ou terroriste. Cette interdiction peut être associée à une obligation de pointage. Son non-respect sera sanctionné d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ;
- consacre la définition de la « provocation » justifiant la dissolution d’une association ou d’un groupement de fait, quel qu’en soit le motif, énoncée par le Conseil d’État dans sa jurisprudence récente relative notamment aux Soulèvements de la Terre et institue un régime de dévolution des biens des associations ayant fait l’objet d’une dissolution pour faire échec aux stratégies mises en œuvre, pendant la durée de la procédure de dissolution, afin d’organiser la vente ou le transfert de leurs biens, y compris à des associations ou groupements partageant le même objectif et empêchant leur saisie à l’issue de la procédure ;
- soumet les cagnottes en ligne aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme prévues par le code monétaire et financier ;
- fluidifie la procédure de consultation de la commission d’expulsion prévue par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
- prévoit que la détention ou l’enregistrement, sans motif légitime, des images ou représentations de crimes terroristes peut être puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, lorsque l’adhésion aux crimes terroristes ainsi exhibés est manifeste ;
- étend le délit d’apologie du terrorisme à la diffusion de contenu apologétique sur des espaces privés de communication électronique lorsque son ampleur ou l’absence de communauté d’intérêts entre les destinataires permettent de les assimiler à des espaces de communication ouverts au public ;
- introduit la possibilité d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les réseaux de transport public, en cas de crime ou d’actes de terrorisme commis dans ce type de lieux ;
- introduit une obligation d’information du procureur de la République en cas de demande de changement de nom ou de prénom, lorsque ce changement est susceptible de constituer une menace pour l’ordre public en raison de la condamnation du demandeur pour une infraction définie par décret en Conseil d’État, et une information obligatoire de l’autorité académique et du chef d’établissement d’une mise en examen ou condamnation pour une infraction terroriste – y compris l’apologie – d’une personne scolarisée ou ayant vocation à être scolarisée dans un établissement scolaire, public ou privé ;
- autorise, pour la sécurisation des sites et enceintes dans lesquels sont organisées des manifestations sportives, récréatives ou culturelles rassemblant plus de 300 spectateurs, le recours aux dispositifs d’imagerie utilisant des ondes millimétriques qui, à travers une photographe numérique, n’ont aucun caractère intrusif.