TITRE II

PROMOUVOIR LA BIENTRAITANCE EN LUTTANT CONTRE LES MALTRAITANCES DES PERSONNES EN SITUATION DE VULNÉRABILITÉ
ET GARANTIR LEURS DROITS FONDAMENTAUX

Article 3
Amélioration de la lutte contre la maltraitance
et renforcement du droit au respect de la vie privée et familiale

Cet article propose de consacrer un droit légal des résidents et des patients de recevoir des proches en établissement médico-social et en établissement de santé. Il vise également à élargir les missions de l'action sociale et médico-sociale à la lutte contre la maltraitance.

L'Assemblée nationale a complété le dispositif en prévoyant la reconnaissance de nouveaux droits aux résidents, la modification du régime de la personne de confiance en matière médico-sociale et la création d'un comité d'éthique dans les établissements hébergeant des personnes âgées.

La commission a adopté cet article en rehaussant les garanties du droit du patient ou résident de recevoir ses proches et en encadrant les dérogations possibles à ce droit. Elle a également supprimé l'obligation incombant aux établissements d'hébergement des personnes âgées de disposer d'un comité d'éthique.

I - Le dispositif proposé

A. Le cadre juridique en vigueur ne suffit pas à garantir, toujours et partout, le droit effectif de recevoir de la visite en établissement médico-social ou en établissement de santé

La commission des affaires sociales et le Sénat ont déjà examiné une proposition de loi tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissement, déposée par le président Bruno Retailleau et adoptée par le Sénat le 12 octobre 2021. Sur ce sujet, il ne pourra donc qu'être conseillé de consulter le rapport, plus complet, de Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales sur cette proposition de loi99(*).

1. Les limites des fondements juridiques actuels

Aucun texte de valeur législative ou supra-législative ne reconnaît expressément au résident d'un ESMS ou au patient d'un établissement de santé le droit de recevoir ses proches. Ce droit peut toutefois être déduit de plusieurs fondements à commencer par le droit à la vie privée et familiale consacré à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles reconnaît également aux personnes prises en charge par les ESMS que « l'exercice des droits et libertés individuels » leur est garanti et notamment que leur est assuré le respect de leur vie privée.

Si le juge trouverait donc matière à reconnaître aux patients et résidents un droit de recevoir des proches dans leur établissement100(*), il faut toutefois noter, comme l'a fait Corinne Imbert dans son rapport précité, que porter un contentieux pour être autorisé à voir un proche, en cas de litige, ne peut être satisfaisant.

Si la loi n'est pas explicite, si les grands principes constitutionnels ou conventionnels restent « lointains et imprécis », selon les termes de Corinne Imbert101(*), les textes de valeur infra-législative ne donnent pas beaucoup plus de contentement ; ces derniers étant trop souples quant à leur normativité. Les circulaires, chartes et autres instructions souffrent donc d'une application trop dépendante des interprétations des directeurs d'établissements. La charte des personnes hospitalisées, annexée à une circulaire du 2 mars 2006 du ministre de la santé et des solidarités, énonce pourtant que « la personne hospitalisée peut recevoir dans sa chambre les visites de son choix en respectant l'intimité et le repos des autres personnes hospitalisées [...] »102(*).

Encore faut-il également noter que l'article 8 de la charte des droits et libertés de la personne accueillie, laquelle a une reconnaissance législative et une valeur réglementaire par l'arrêté du 8 septembre 2003103(*) qui la définit, reconnaît qu'« il est garanti à la personne la possibilité de circuler librement. À cet égard, les relations avec la société, les visites dans l'institution, à l'extérieur de celle-ci, sont favorisées ».

2. Un droit qui s'est effacé devant les circonstances, emportant des conséquences désastreuses

La faible protection juridique du droit de recevoir ses proches a été suspendue par le temps d'exception qu'a constitué la crise sanitaire. La première phase de l'épidémie de covid-19 et le premier confinement passés, des mesures restrictives de liberté ont continué à s'appliquer dans les Ehpad et ont mis à mal le souhait des familles et des résidents de se retrouver dans les établissements.

La gestion de la crise sanitaire dans les Ehpad s'est faite, en grande partie, par des protocoles de recommandations émis par le ministère de la santé et relayés par les ARS. Le rapport de novembre 2023, intitulé « Lieux entravé, adieux interdits » de la mission présidée par Laurent Frémont, fondateur du collectif « Tenir ta main », pointe ainsi que « les ARS recevaient des instructions du ministère qu'elles appliquaient, tout en précisant que les décisions in fine étaient laissées à l'appréciation des directions. Ce “flou artistique” a conduit les directeurs d'Ehapd à accentuer ou à alléger ces préconisations »104(*). Les restrictions au droit de recevoir de la visite en Ehpad ont donc été plus ou moins sévères selon les établissements. Toutefois, les protocoles ont pu être assez impératifs, à l'instar du protocole du 1er novembre 2020, paru en période de reprise épidémique et de second confinement.

Exemple de recommandations émises par le protocole du 11 novembre 2020

Le protocole de novembre 2020 résume la teneur des recommandations qu'il comporte en indiquant que « les visites extérieures sont strictement encadrées afin que les résidents puissent continuer à recevoir leurs proches. Il est absolument indispensable que tous les établissements mettent en place ces mesures d'encadrement des visites. » Il prévoit des recommandations plus précises :

« Les sorties dans les familles sont suspendues temporairement. » ;

- « La ministre estime que les résidents, quel que soit leur statut vaccinal et immunitaire, doivent retrouver les mêmes droits que le reste de la population, comme la possibilité de voir leurs proches, à l'extérieur ou à l'intérieur de l'établissement. » ;

« Les visites des proches sont organisées uniquement sur rendez-vous, en semaine et le week-end. Les directions des établissements peuvent fixer un nombre limité de visiteurs par résident et/ou un nombre maximal de visiteurs simultanément par plage de RDV » ;

« Les visites des proches dans les chambres sont suspendues sauf accord de la direction (exceptions des résidents ne pouvant pas se déplacer, ayant impérativement besoin de leurs proches aidants pour accomplir certains actes de la vie quotidienne, ou pour les situations de fin de vie) » ;

« En cas de survenue de cas de Covid-19, les visites des proches sont suspendues temporairement, sur tout ou partie de l'établissement en fonction de sa configuration et de la situation sanitaire. » ;

« Il convient de s'assurer que chaque résident dispose d'un moyen numérique/téléphonique pour garder un lien à sa famille. »

Des protocoles d'assouplissement se sont enchaînés au cours de l'année 2021. Le 12 mars 2021, dans un communiqué de presse à l'appui d'un nouveau protocole, la ministre Brigitte Bourguignon estimait que « les résidents, quel que soit leur statut vaccinal et immunitaire, doivent retrouver les mêmes droits que le reste de la population, comme la possibilité de voir leurs proches, à l'extérieur ou à l'intérieur de l'établissement ». Il faut toutefois attendre un protocole du 20 juillet 2021 pour que les visites des proches puissent se faire sans rendez-vous, en chambre comme dans les espaces collectifs.

Cette coupure des liens sociaux, et l'isolement même au sein de l'établissement, a pu avoir pour les résidents des conséquences désastreuses allant jusqu'au syndrome de glissement. Dès le premier confinement, en mars 2020, le CCNE mettait ainsi en garde le Gouvernement sur le fait que « l'environnement familial ou amical dont les résidents ne peuvent plus momentanément profiter est, pour nombre d'entre eux, le lien qui les rattache au monde extérieur et leur raison essentielle de vivre [...]. Les en priver de manière trop brutale pourrait provoquer une sérieuse altération de leur état de santé de façon irrémédiable et même enlever à certains le désir de vivre. »105(*)

En outre, ce parti pris prolongé du « tout-sanitaire au détriment de l'humain et du lien social »106(*), selon l'expression du rapport précité de Laurent Frémont, a été dur à vivre pour les proches eux-mêmes. L'impossibilité pour les familles d'accompagner leur proche avant la mort a été particulièrement traumatisante et s'est, pendant un temps, prolongé par des restrictions de l'accès au défunt107(*). Ces mesures ont pu générer des symptômes post-traumatiques et une incapacité de faire le deuil.

B. Le dispositif proposé

1. Une reconnaissance modeste d'un droit de visite des proches

 Le a) du vise à reconnaître au résident d'un établissement social ou médico-social (ESMS), à l'article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles, que lui sont assurés le droit de visite de ses proches et le droit au maintien d'un lien social et à une vie familiale normale.

 Le II prévoit ce même droit de visite pour les patients accueillis en établissements de santé. À cette fin, il propose de créer un article L. 1110-14 au sein du code de la santé publique qui préciserait que le patient « bénéficie d'un droit de visite de ses proches, sauf à ce que ce patient s'y oppose ».

2. D'autres dispositions relatives à la protection des résidents

 Le du I du présent article propose d'ajouter expressément, au sein des missions assignées à l'action sociale et médico-sociale énumérées à l'article L. 311-1 du code de l'action sociale et des familles, la prévention et la lutte contre les maltraitances.

 Le b) du vise à modifier l'article L. 311-3 précité afin de prévoir que lorsque la personne est en incapacité de s'exprimer, aux fins de sa participation à l'élaboration et à la mise en oeuvre du projet d'accueil et d'accompagnement, elle est assistée ou représentée par la personne qui exerce la mesure de protection juridique, la personne de confiance ou, à défaut, un proche.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

a) En commission

 La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de la rapporteure Annie Vidal modifiant l'intitulé du titre II.

 La commission a adopté un amendement de Sébastien Peytavie au  du I visant à ajouter la prévention des situations d'isolement aux missions de l'action sociale et médico-sociale.

 Un amendement de précision a également été adopté (au  du I).

 Un amendement de la rapporteure Annie Vidal a substitué à la reconnaissance d'un droit de visite des proches et d'un droit au maintien d'un lien social et à une vie familiale normale la reconnaissance du respect de sa vie familiale, « et notamment la visite de sa famille et de ses proches et le maintien d'un lien social ».

L'amendement procède à un ajustement similaire au II de l'article qui concerne la reconnaissance d'un droit de visite des proches au patient d'un établissement de santé108(*).

Cet amendement a également prévu la reconnaissance d'un droit de visite des proches et de la famille au bénéficie d'un usager d'un ESMS pour les îles Wallis et Futuna109(*), en Polynésie française110(*) et en Nouvelle-Calédonie111(*). Il convient de souligner que dans ces trois territoires les dispositions de l'article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles concernées ne sont applicables qu'en raison d'une mention expresse et seulement en ce qu'elles garantissent des libertés.

En matière d'aide et d'action sociale, l'Assemblée des îles de Wallis et Futuna112(*), les autorités de Polynésie française113(*) demeurent compétentes. De même, la collectivité de Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de protection sociale et de santé114(*).

 Par un amendement de la rapporteure, la commission a supprimé le b) du  prévoyant l'assistance ou la représentation de la personne en incapacité de s'exprimer. L'objet de l'amendement motive cette suppression par la confusion qu'elle peut entraîner « entre, d'un côté, la mission de la personne en charge de la mesure de protection et, d'un autre, celle de la personne de confiance car la personne de confiance n'exerce pas de missions d'assistance et de représentation », ainsi que par le risque de conflits si plusieurs proches demandent à exercer cette mission de représentation ou d'assistance.

 Un amendement de Sébastien Peytavie, adopté par la commission, prévoit, à l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles, que le livret d'accueil, auquel sont annexés une charte des droits et libertés de la personne accueillie et le règlement de fonctionnement, peut être remis à la personne de confiance.

 Enfin, la commission des affaires sociales - au  du I - a adopté un amendement de Freddy Sertin, sous-amendé par la rapporteure Annie Vidal, précisant, à l'article L. 311-5-1 du code de l'action sociale et des familles, le régime de désignation et les missions de la personne de confiance. Les modifications apportées sont toutefois assez marginales et se bornent à intriquer un peu plus les régimes juridiques existants s'agissant de la personne de confiance dans les champs médical, d'une part, et médico-social, d'autre part.

Les régimes de la personne de confiance en matière de santé
et d'action médico-sociale

Les articles L. 311-5-1 du code de l'action sociale et L. 1111-6 du code de la santé publique régissent les régimes juridiques de la personne de confiance respectivement en matière d'action-sociale et de santé.

Dans le champ médico-social, « la personne de confiance est consultée au cas où la personne intéressée rencontre des difficultés dans la connaissance et la compréhension de ses droits. Si la personne le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions. » D'autres articles du code de l'action sociale et des familles prévoient les missions de la personne de confiance.

Dans le champ médical, la personne de confiance est celle « qui sera consultée au cas où [la personne désignant] serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Elle rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. »

La désignation de la personne de confiance, dans un cas, comme dans l'autre, en vertu de l'article L. 1111-6 du code de la santé publique, « est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Elle est révisable et révocable à tout moment ».

Dans le champ médical, il est proposé au patient de désigner une personne de confiance « lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, ou dans un hôpital des armées ou à l'Institution nationale des invalides » tandis que la même proposition est faite « lors de toute prise en charge dans un établissement ou un service social ou médico-social ».

b) En séance publique

 L'Assemblée nationale a adopté un amendement de Josiane Corneloup, sous-amendé par la rapporteure, qui a apporté - au aa) du  du I - des modifications rédactionnelles et de coordination.

 Trois amendements de Sébastien Peytavie ont été adoptés afin de préciser que le droit, dont bénéficient les personnes prises en charge par un ESMS ou par un établissement de santé, de recevoir de la visite de leurs proches s'exerce si le bénéficiaire ne s'y oppose pas.

 Un amendement de Jérôme Guedj, adopté par l'Assemblée nationale, malgré un double avis défavorable, propose de consacrer, au sein de l'article L. 311-3, le droit des personnes prises en charge d'être informées, ainsi que leurs proches, de leurs droits et des recours en cas de maltraitance.

 L'Assemblée nationale a retenu un amendement de Laurent Croizier, ayant reçu un double avis défavorable de la commission et du Gouvernement, proposant - au III du présent article - d'imposer la création dans chaque Ehpad d'un comité d'éthique dont les modalités de mise en oeuvre sont déterminées par décret.

 En outre, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels de sa rapporteure.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

1. Le droit salutaire de recevoir la visite de ses proches en Ehpad comme en établissement de santé

Ainsi qu'il a déjà été indiqué, le Sénat, à l'initiative du président Bruno Retailleau, a déjà examiné des dispositions tendant à créer un droit de visite en établissements. La proposition de loi a été adoptée le 12 octobre 2021 et transmise à l'Assemblée nationale.

Les rapporteurs font pleinement leurs les propos de Corinne Imbert, rapporteure de la commission sur cette proposition de loi, qui, à l'issue d'une démonstration rigoureuse, concluait que « la loi semble donc un véhicule approprié pour clarifier un principe important de gestion des établissements prenant en charge un public fragile ». C'est pourquoi, ils accueillent favorablement l'intention portée au présent article 3. Les rapporteurs se réjouissent également que le Gouvernement, qui estimait en 2021 au Sénat que le droit de recevoir ses proches en ESMS ne nécessitait pas de reconnaissance législative, ait exposé cette fois, lors des débats à l'Assemblée nationale, par la voix de Jean-Christophe Combe, alors ministre des solidarités, que « la disposition inscrite à l'article 3 est utile et fait l'unanimité : elle va changer profondément la vie des résidents des ESMS. [...] Manifestement, ces établissements n'étaient pas considérés dans l'esprit de tous comme des lieux de vie où les personnes hébergées pouvaient exercer leurs droits et libertés »115(*).

Cependant, les rapporteurs constatent que les dispositions de la proposition de loi approuvée par le Sénat apportent une meilleure garantie au résident d'un établissement d'accueil pour personnes âgées ou pour personnes handicapées et au patient d'un établissement de santé quant à son droit d'accueillir dans les murs de l'établissement tout visiteur qu'il consent à recevoir. Ils craignent au contraire que la rédaction du présent article, en affirmant un droit de visite général mais succinct provoque nécessairement des accommodements pratiques dans les établissements, qui, dès lors, seraient à la libre appréciation des directeurs.

La rédaction déjà retenue par le Sénat en 2021 précise, et en cela les encadre, les dérogations possibles au droit de recevoir ses proches. La décision motivée du directeur ne pourrait reposer que sur la menace que comporterait la venue du visiteur pour l'ordre public ou pour la santé de la personne, des autres patients ou résidents ou des personnes travaillant dans l'établissement.

De plus, l'article 5 de la proposition de loi sénatoriale prévoit que les mesures prises par le Gouvernement, en période de crise sanitaire, à des fins de restriction du droit de recevoir des proches ne peuvent être décrétées qu'après avis motivé du comité consultatif national d'éthique.

En outre, l'article 4 de la même proposition de loi consacre un droit absolu du patient en fin de vie de recevoir des visites quotidiennes de ses proches, y compris en cas de crise sanitaire. Ainsi, même en période d'état d'urgence, seul le législateur pourrait lever cette disposition, ce qui ne peut être que souhaitable eu égard à l'expérience passée de la gestion de la crise de la covid-19 et au problème éthique majeur que soulève la privation des liens sociaux et familiaux dans ces ultimes moments.

Pour toutes ces raisons, les rapporteurs ont proposé un amendement COM-174, que la commission a adopté, remplaçant la simple reconnaissance législative d'un droit de visite par les dispositions du texte n° 4 (2021-2022) adopté par le Sénat le 12 octobre 2021.

2. La création d'un comité d'éthique : une obligation disproportionnée

Dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) indique que « le questionnement éthique [...] trouve souvent sa place dans les projets d'établissement ou de service ». Ainsi, prévoir systématiquement un comité d'éthique dans tous les établissements n'est pas nécessaire, « ceux-ci pouvant organiser la réflexion éthique sous des formes différentes, seuls ou avec des partenaires ».

Les rapporteurs constatent en complément que, sans disposition législative, certains Ehpad ont déjà mis en place un tel comité. En revanche, l'imposer à tous, y compris aux établissements de petite taille, induirait une organisation trop lourde et disproportionnée dans certains cas.

La commission a donc adopté un amendement COM-176 des rapporteurs, ainsi que deux amendements identiques COM-9 d'Anne-Sophie Romagny et COM-15 de Laurence Muller-Bronn, supprimant l'obligation faite aux établissements de créer un comité d'éthique.

3. Le régime de la personne de confiance : un droit encore à clarifier

Les rapporteurs ont accueilli avec circonspection les dispositions apportant des modifications peu lisibles au régime de la personne de confiance. La DGCS, ayant confirmé qu'une mise en cohérence du droit pourrait être pertinente, les rapporteurs estiment qu'une évolution de la rédaction de ces dispositions serait nécessaire en séance publique.

4. Le droit à être informé des droits et recours en cas de maltraitance : un dispositif déjà satisfait

Enfin, les rapporteurs constatent que la consécration, à l'article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles, d'un droit du résident à « être informé, ainsi que ses proches, de ses droits et des recours en cas de maltraitance » est satisfaite par ce même article qui dispose qu'est assurée au résident « une information sur ses droits fondamentaux et les protections particulières légales et contractuelles dont elle bénéficie, ainsi que sur les voies de recours à sa disposition ».

La commission a donc adopté un amendement COM-175 de ses rapporteurs supprimant cette disposition.

Au demeurant, dans le contexte de création d'une cellule départementale de recueil des signalements de maltraitance à l'article 4, il conviendrait plutôt que le Gouvernement communique davantage sur les canaux de signalement à la disposition des personnes comme le numéro national 3977116(*).

Enfin, la commission a adopté un amendement rédactionnel COM-129 de Maryse Carrère.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3 bis A
Prise en compte de l'intégrité psychique et du droit à une vie sexuelle et affective des résidents dans l'annexe au contrat de séjour
encadrant les restrictions de liberté

Cet article, inséré en séance publique à l'Assemblée nationale, vise à élargir les droits des personnes âgées résidentes en soutien desquels des mesures particulières individuelles peuvent être définies par une annexe au contrat de séjour. Seraient ainsi consacrés l'intégrité psychique du résident, ainsi que son droit à une vie affective et sexuelle.

La commission a supprimé cet article.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A. Le droit en vigueur : une annexe au contrat de séjour pouvant être établie pour assurer l'intégrité physique et la sécurité de la personne et pour soutenir l'exercice de sa liberté d'aller et venir

En vertu de l'article L. 311-4-1 du code de l'action sociale et des familles, dans les établissements d'hébergement accueillant des personnes âgées117(*), une annexe au contrat de séjour peut définir « les mesures particulières à prendre, autres que celles définies au règlement de fonctionnement, pour assurer l'intégrité physique et la sécurité de la personne et pour soutenir l'exercice de sa liberté d'aller et venir ».

La rédaction de ces dispositions législatives, issues de l'article 27 de la loi de 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement (ASV)118(*), a beaucoup varié au cours des lectures successives du projet de loi à l'Assemblée nationale et au Sénat119(*). Derrière les termes nuancés, progressivement introduits au fil de la navette et rendant compte de la difficile conciliation entre liberté et sécurité du résident, l'intention du législateur est bien d'autoriser l'établissement à mettre en oeuvre des mesures restrictives de la liberté d'aller et venir, autres que les règles collectives, pour le bien de la personne prise en charge.

Ces dispositions législatives permettent toutefois un encadrement juridique de ces restrictions, qui ne préexistait pas à la loi ASV. En vertu de ces dispositions législatives, les mesures ne doivent être prévues que si elles répondent à une triple condition : elles sont prises dans l'intérêt des personnes accueillies, elles sont strictement nécessaires et elles ne sont pas disproportionnées par rapport aux risques encourus.

Les conditions et modalités de définition de ces mesures sont déterminées par l'article L. 311-4-1 précité dont l'application est précisée par voie réglementaire120(*). La procédure est mise en oeuvre à l'initiative du médecin coordonnateur de l'établissement121(*) ou, à défaut, du médecin traitant.

Modalités de définitions des mesures particulières prises
pour « assurer l'intégrité physique et la sécurité de la personne
et pour soutenir l'exercice de sa liberté d'aller et venir 
»

La procédure de détermination des mesures comprises dans l'annexe au contrat de séjour, prévue à l'article L. 311-4-1 du code de l'action sociale et des familles, s'avère collégiale et comporte :

- l'examen du résident par le médecin ;

- l'évaluation pluridisciplinaire des bénéfices et des risques des mesures envisagées par l'équipe médico-sociale de l'établissement ;

- la transmission des mesures proposées par le médecin coordonnateur ou, à défaut, par le médecin traitant, au directeur d'établissement.

Le directeur d'établissement arrête le projet d'annexe au contrat de séjour qui doit respecter un modèle fixé par décret122(*). La notice explicative de cette annexe-type indique ainsi que « l'annexe au contrat de séjour intervient au regard des responsabilités de l'établissement vis-à-vis du résident. [...] Dans le cadre du soutien à l'exercice de la liberté d'aller et venir du résident au sein de l'établissement, l'établissement s'engage à privilégier les réponses adaptées face aux risques identifiés pour l'intégrité physique et la sécurité du résident en maintenant le contact avec lui et en l'accompagnant, autant que faire se peut, dans ses déplacements. Toutes les réponses apportées par l'établissement sont préventives. » Ce modèle d'annexe enjoint également les établissements à fixer les mesures individuelles en tenant compte des recommandations de bonnes pratiques élaborées par les agences sanitaires123(*).

Une fois l'annexe arrêtée, le directeur en avise le résident et, dans le cas d'une mesure de protection juridique, la personne chargée de la protection. Le résident peut s'entretenir avec le médecin en vue de bénéficier d'explications complémentaires.

Quinze jours au moins après réception du projet d'annexe, le résident et, le cas échéant, la personne chargée de la mesure de protection juridique et, après accord du résident, sa personne de confiance, sont reçus en entretien par le directeur d'établissement ou son représentant. Celui-ci doit « s'assurer de la compréhension, par le résident, des mesures envisagées dans le projet d'annexe et recherche son consentement sur chacune d'entre elles »124(*). À l'issue de cet entretien a lieu la signature conjointe de cette annexe au contrat de séjour.

Enfin, l'article L. 311-4-1 précité prévoit que « le contenu de l'annexe peut être révisé à tout moment, selon la même procédure, à l'initiative du résident, du directeur de l'établissement ou du médecin coordonnateur ou, à défaut [...] du médecin traitant, ou sur proposition de la personne de confiance ».

B. Le dispositif proposé : un élargissement du périmètre des mesures particulières à prendre définies en annexe au contrat de séjour

Le présent article, qui propose de modifier l'article L. 311-4-1 du code de l'action sociale et des familles, a été introduit en séance publique à l'Assemblée nationale par deux amendements de Jérôme Guedj (groupe Socialistes et apparentés), ayant tous deux reçus un double avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement.

1. Assurer l'intégrité psychique du résident

En premier lieu, le du présent article propose d'adjoindre l'intégrité psychique du résident aux objectifs en vue desquels des mesures particulières peuvent être définies par l'annexe au contrat de séjour décrite plus en amont.

Selon l'amendement ayant introduit cette disposition, le dispositif proposé « vise à prendre en compte l'intégrité psychique des résidents dans le contrat de séjour signé avec le résident. Cette mesure vise à garantir la protection et le bien-être psychologique des résidents, en plus de leur santé physique. Les personnes âgées sont en effet particulièrement vulnérables à la maltraitance psychologique, alors que cette dernière cause des dommages psychologiques graves. »

2. Assurer le droit de la personne âgée résidente à une vie affective et sexuelle

Le du présent article propose de compléter les finalités des mesures particulières pouvant être prises par l'annexe au contrat de séjour d'un objectif d'assurer le droit du résident à une vie affective et sexuelle.

Selon l'amendement ayant introduit cette disposition, le dispositif proposé « vise à reconnaître le droit des personnes âgées à une vie affective et sexuelle [...] ».

II - La position de la commission : des dispositions bancales qui traduisent mal l'intention qui leur est prêtée

1. La protection de l'intégrité psychique du résident contre la maltraitance n'est pas mieux assurée par les présentes dispositions

Ainsi qu'il a été mentionné plus en amont, la disposition proposée au  de l'article a été présentée et discutée lors des débats à l'Assemblée nationale comme renforçant l'arsenal législatif contre la maltraitance psychologique en Ehpad. En réalité, son introduction se fait au sein du dispositif législatif régissant l'annexe encadrant les restrictions de la liberté d'aller et venir des résidents, ce qui ne paraît pas pertinent aux rapporteurs.

En effet, il ne semble pas utile d'élargir le champ des mesures particulières pouvant être prises pour assurer l'intégrité psychique d'un résident alors que la définition de la maltraitance, à l'article L. 119-1 du code de l'action sociale et des familles, englobe les aspects psychologiques.

De même, le code de l'action sociale et des familles garantit à la personne prise en charge par une structure médico-sociale le « respect de sa dignité, de son intégrité [...] »125(*). La charte des droits et libertés de la personne accueillie énonce que « lui est également garanti le droit à la protection, le droit à la sécurité y compris sanitaire et alimentaire, le droit à la santé et aux soins [...] »126(*).

2. Une seconde disposition inadaptée pour améliorer le respect de la vie affective et sexuelle des résidents

a) La vie affective et sexuelle des personnes âgées accueillies en Ehpad : les difficultés pratiques et éthiques soulevées

Les rapporteurs saluent l'intention du présent article de mettre en lumière la question, encore largement taboue et impensée, de la vie affective et sexuelle des personnes âgées hébergées en établissement. Aux préjugés sociaux sur la sexualité des personnes âgées, s'ajoutent les complexités découlant de l'hébergement en structure médico-sociale et des situations qu'il peut comporter : vie collective, séparation avec le conjoint, incapacités physiques, troubles psychiques, irruption, même strictement nécessaire, du personnel de l'établissement dans l'intimité (notamment lors de la toilette)...

Comme l'expose très bien le guide réalisé par l'association belge Espace Seniors127(*), au mal-être pouvant, le cas échéant, être ressenti par les résidents, peut s'adjoindre, devant ces situations concrètes, le sentiment des soignants d'être désarmés, de ne pas savoir comment bien réagir voire être mal à l'aise... Ces derniers peuvent aussi se trouver au coeur d'injonctions contradictoires entre la volonté exprimée par un résident et une famille réagissant par l'incompréhension ou le refus catégorique de savoir leur proche avoir une vie sexuelle en établissement. Enfin, le respect du consentement est également un point de vigilance particulièrement complexe alors que, comme le note la HAS, « les troubles cognitifs et la vulnérabilité physique peuvent aussi faciliter les abus de faiblesse et les violences sexuelles chez les personnes âgées vulnérables »128(*).

b) Le dispositif proposé ne répond pas à ces difficultés

Les rapporteurs estiment que l'intention vertueuse de respecter la vie affective et sexuelle des personnes âgées accueillies en établissement ne semble pas trouver la meilleure des traductions au sein d'une annexe initialement pensée pour encadrer les restrictions aux libertés d'aller et venir.

La procédure, collégiale et à la seule initiative du médecin coordonnateur, de définition par l'annexe des mesures particulières à prendre ne semble pas adaptée au respect de l'intimité des résidents.

En outre, la protection de la vie affective et sexuelle est déjà garantie par le droit en vigueur, comme le soulignait la rapporteure de la commission et le Gouvernement lors des débats à l'Assemblée nationale129(*). L'article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles garantit à une personne accueillie que lui sont assurés le « respect [...] de sa vie privée, de son intimité ». L'article 11 de la charte précitée indique : « hors la nécessité exclusive et objective de la réalisation de la prise en charge ou de l'accompagnement, le droit à l'intimité doit être préservé ». Enfin, mentionnons également que l'article 1er de la charte rappelle explicitement que « nul ne peut faire l'objet d'une discrimination à raison [...] de son orientation sexuelle [...] lors d'une prise en charge ou d'un accompagnement, social ou médico-social ».

Si des guides à l'usage des professionnels existent au Canada130(*) ou en Belgique131(*), les recommandations font encore largement défaut en France ; la Haute Autorité de santé s'est, fort opportunément, saisie de ces enjeux en 2022 et, des travaux sur la « vie affective et sexuelle dans le cadre de l'accompagnement en ESSMS » devraient combler ce manque en 2024. En tout état de cause, des recommandations de bonnes pratiques sont certainement plus attendues dans les établissements qu'une consécration législative redondante.

Sur ces deux dispositions, le présent article paraît donc mal adapté dans son dispositif juridique et satisfait dans son intention. En conséquence, la commission a adopté, à l'initiative de ses rapporteurs, un amendement COM-177 de suppression de cet article.

La commission a supprimé cet article.

Article 3 bis B
Composition du conseil de la vie sociale des structures médico-sociales

Cet article, inséré en séance publique à l'Assemblée nationale, vise à préciser que les conseils de la vie sociale (CVS) comportent le maire de la commune, les conseillers départementaux du canton et des membres du conseil territorial de santé (CTS) sur les ressorts desquels l'établissement ou le service est implanté.

La commission a supprimé cet article.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A. Le conseil de la vie sociale

1. La loi du 2 janvier 2002 a prévu un conseil de la vie sociale

Par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, le législateur a souhaité renforcer le droit des usagers des structures médico-sociales. À cette fin, il a notamment prévu les conseils de la vie sociale (CVS)132(*), lesquels se sont dès lors substitués aux conseils d'établissement, mis en place par la loi du 30 juin 1975 afin d'associer « les usagers, les familles et les personnels » au fonctionnement des établissements.

L'article L. 311-6 du code de l'action sociale et des familles dispose ainsi que le conseil vise à « associer les personnes bénéficiaires des prestations au fonctionnement de l'établissement ou du service ». L'article D. 311-3 du même code prévoit qu'il doit être mis en place lorsque l'établissement ou le service assure un hébergement ou un accueil de jour continu ou une activité d'aide par le travail - établissements et services d'aide au travail (Ésat). Lorsqu'une même personne publique ou privée gère plusieurs structures, un CVS commun peut être mis en place.

L'article D. 311-15 dudit code assigne au conseil les prérogatives de donner son avis et de formuler des propositions sur « toute question intéressant le fonctionnement de l'établissement ou du service » qu'il s'agisse, par exemple, des droits et libertés des personnes accompagnées, de l'organisation intérieure et la vie quotidienne ou bien encore la nature et le prix des services rendus, etc.

En vertu de l'article L. 311-8 du même code, le CVS est nécessairement associé à l'élaboration ou à la révision du projet d'établissement ou du service. Enfin, il doit être consulté lors de la procédure d'évaluation et être « informé des résultats et associé aux mesures correctrices à mettre en place ».

2. La composition du conseil a récemment été précisée par décret

La composition du conseil est définie par décret à l'article D. 311-5 du code de l'action sociale et des familles, tel qu'il résulte du décret du 25 avril 2022133(*). La répartition et le nombre des sièges au conseil sont fixés par la décision l'instituant134(*). Toutefois, en application de l'article D. 311-5 précité, le nombre des représentants des personnes accueillies, d'une part, et de leur famille ou de leurs représentants légaux, d'autre part, doit être supérieur à la moitié du nombre total des membres du conseil. Enfin, le président du conseil est élu parmi les membres représentant les personnes accueillies, sauf en cas d'impossibilité135(*).

Composition du conseil de la vie sociale aux termes de l'article D. 311-5 CASF

I. - Le conseil de la vie sociale comprend au moins :

1° Deux représentants des personnes accompagnées ;

2° Un représentant des professionnels employés par l'établissement ou le service élu dans les conditions prévues à l'article D. 311-13 ;

3° Un représentant de l'organisme gestionnaire.

II. - Si la nature de l'établissement ou du service le justifie, il comprend également :

1° Un représentant de groupement des personnes accompagnées de la catégorie concernée d'établissements ou de services au sens du I de l'article L. 312-1 ;

2° Un représentant des familles ou des proches aidants des personnes accompagnées ;

3° Un représentant des représentants légaux des personnes accompagnées ;

4° Un représentant des mandataires judiciaires à la protection des majeurs dans les établissements et services relevant du 14° du I de l'article L. 312-1 ;

5° Un représentant des bénévoles accompagnant les personnes s'ils interviennent dans l'établissement ou le service ;

6° Le médecin coordonnateur de l'établissement ;

7° Un représentant des membres de l'équipe médico-soignante.

Par ailleurs, par le décret du 25 avril 2022, le pouvoir réglementaire a souhaité élargir la liste des personnes pouvant assister aux réunions des CVS. Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, le conseil « peut appeler toute personne à participer à ses réunions à titre consultatif en fonction de l'ordre du jour ». En outre, peuvent demander à assister aux débats du conseil de la vie sociale :

- un représentant élu de la commune d'implantation de l'activité ou un représentant élu d'un groupement de coopération intercommunal ;

- un représentant du conseil départemental ;

- un représentant de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation ;

- un représentant du conseil départemental de la citoyenneté et de l'autonomie ;

- une personne qualifiée à laquelle il a été fait appel par une personne prise en charge en vertu de l'article L. 311-5 ;

- le représentant du Défenseur des droits.

Ces personnes ne sont pas membres du CVS et leur participation reste donc soumise à l'accord du conseil.

B. Le dispositif proposé : une composition du conseil complétée

Cet article, inséré en séance publique à l'Assemblée nationale par un amendement de Jérôme Guedj, vise à préciser que le conseil de la vie sociale des établissements ou services comporte comme membre de plein droit le maire de la commune d'implantation, les conseillers départementaux du canton d'implantation, ainsi que des membres du conseil territorial de santé (CTS) d'implantation.

II - La position de la commission : un article de nature réglementaire dont l'intention principale est satisfaite

La composition des CVS étant précisée par décret, conformément au dernier alinéa de l'article L. 311-6 du code de l'action sociale et des familles, les rapporteurs constatent que les dispositions proposées au présent article relèvent manifestement du pouvoir réglementaire.

Cet article visant principalement à permettre aux élus locaux de participer aux réunions du CVS, son intention paraît, en outre, satisfaite depuis que le décret du 25 avril 2022 a permis à un représentant élu de la commune et un représentant du conseil départemental d'assister aux réunions du conseil. Ce même décret a, par ailleurs, renforcé la présence des professionnels de santé du territoire au sein du CVS en incluant dans sa composition le médecin coordonnateur de l'établissement et un représentant des membres de l'équipe médico-soignante.

Au demeurant, les rapporteurs notent que le ministère des solidarités et de la santé a accompagné les modifications introduites par le décret du 25 avril 2022, d'une recommandation tendant à rappeler qu'il est « préférable de limiter l'assistance des personnes extérieures aux réunions du CVS pour garantir la qualité des échanges »136(*). Ainsi que l'indique, le conseil départemental du Nord, dans sa contribution écrite aux rapporteurs : « Le CVS est [une] instance pour et par les usagers. S'il est légitime que les élus souhaitent [être] informés et acteurs de la vie des ESMS de leurs administrés, leur intégration au sein de cette instance risque de la dénaturer. »

Pour toutes ces raisons, la commission a adopté un amendement COM-178 de ses rapporteurs supprimant le présent article.

La commission a supprimé cet article.

Article 3 bis
Élaboration d'un projet d'accueil et d'accompagnement personnalisé

Cet article, inséré en commission à l'Assemblée nationale, vise à ce qu'un projet d'accueil et d'accompagnement personnalisé soit élaboré dans un délai de deux mois à compter de la conclusion du contrat de séjour entre le résident et la structure.

La commission a supprimé cet article.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale : une élaboration et actualisation annuelle obligatoire d'un projet d'accueil et d'accompagnement personnalisé

A. Un projet d'accueil et d'accompagnement personnalisé, prévu dans la loi depuis 2002, qui s'articule avec le contrat de séjour

Depuis la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, le 7° de l'article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles prévoit que doit être assurée « la participation directe de la personne prise en charge à la conception et à la mise en oeuvre du projet d'accueil et d'accompagnement qui la concerne ». Le législateur, pas plus que le pouvoir réglementaire, ne détaille toutefois la forme que doit revêtir la conception de ce projet d'accueil et d'accompagnement ni les éléments constitutifs de ce projet.

Il est vrai que d'autres outils, à savoir le contrat de séjour ou le document individuel de prise en charge, permettent, lors de l'admission d'une personne, de concevoir les contours de la prise en charge ou de l'accompagnement par la structure. Prévus à l'article L. 311-4 du même code, le contrat de séjour ou, à défaut, le document individuel de prise en charge (DIPC) doit ainsi, aux termes de cet article, « défini[r] les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l'accompagnement [...]. Il détaille la liste et la nature des prestations offertes ainsi que leur coût prévisionnel. » Le détail des éléments que le contrat ou le document doit comporter est énoncé par décret137(*). En outre, il est spécifié que les objectifs et les prestations adaptés à la personne sont précisés dans un avenant établi dans le délai maximum de six mois après l'admission de la personne. Leur définition doit être réactualisée chaque année.

L'article L. 311-4 précité indique que le contrat ou document est élaboré avec la participation de la personne accueillie ; les dispositions réglementaires précisant que « la participation de la personne admise et, si nécessaire, de sa famille ou de son représentant légal est obligatoirement requise pour l'établissement du contrat ou document, à peine de nullité de celui-ci »138(*).

L'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), dont les compétences sont désormais exercées par la Haute Autorité de santé (HAS), en déduit donc que le projet personnalisé et le contrat de séjour ou document individuel « se chevauchent, mais ne se recouvrent pas : le projet personnalisé est avant tout une démarche, répondant à des principes [...], le projet personnalisé a son propre rythme [...] et pour certains projets, le réajustement des objectifs pourra être plus intensif que le rythme annuel de révision du contrat de séjour/DIPC »139(*). Enfin, le projet personnalisé doit prendre en compte des éléments qui, s'ils peuvent figurer dans le contrat de séjour ou DIPC, ne sont pas automatiquement mentionnés par ces derniers (« analyse préalable de la situation, modalités de mise en oeuvre »140(*)).

B. Le dispositif proposé : formaliser l'élaboration du projet personnalisé et prévoir son actualisation annuelle

Le présent article a été inséré en commission à l'Assemblée nationale par un amendement de Pascal Lecamp (MoDem et Indépendants). Il vise, par un ajout au sein de l'article L. 311-4 précité qui définit le contrat de séjour, à prévoir qu'un projet d'accueil et d'accompagnement personnalisé est élaboré dans un délai de deux mois à compter de la conclusion du contrat de séjour. Ce projet d'accueil devrait être réévalué et adapté chaque année, à tout le moins. Un décret définirait les conditions d'élaboration du projet.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure Annie Vidal.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

II - La position de la commission : un risque encouru de redondance avec le contrat de séjour et de formalité administrative excessive

Si les rapporteurs partagent l'intention du présent article, ils estiment que les dispositions proposées sont satisfaites par le droit en vigueur qui prévoit, au niveau législatif, l'élaboration d'un projet d'accueil et d'accompagnement personnalisé en sus du contrat de séjour. De cette base légale découlent des obligations pour les structures médico-sociales comme l'indique l'ANESM : « L'établissement du contrat de séjour ou du DIPC ne dispense pas d'élaborer un projet personnalisé : ce sont, par ailleurs, dans un cas comme dans l'autre, des obligations pour l'établissement »141(*). D'ailleurs, les rapporteurs notent que les recommandations de bonnes pratiques émises par l'ANESM ou la HAS, sont particulièrement précises et étayées ; elles démontrent, a contrario, l'inutilité de disposer d'une base légale plus étendue.

L'enquête nationale sur la bientraitance, conduite par l'Anesm en 2015142(*), fait ressortir que 84 % des Ehpad ont conçu des projets personnalisés tandis que 34 % des établissements ont effectivement réévalué les projets personnalisés alors que les changements de situation du résident le rendaient nécessaire. L'application des dispositions juridiques prévoyant le projet d'accueil et d'accompagnement dépendra donc des bonnes application et appropriation des recommandations de la HAS.

Il ne paraît donc pas pertinent aux rapporteurs de prévoir de nouvelles dispositions législatives formalisant davantage la procédure d'élaboration du projet d'accueil et d'accompagnement personnalisé. En conséquence, la commission a adopté un amendement COM-179 des rapporteurs supprimant le présent article.

La commission a supprimé cet article.

Article 3 ter
Amélioration du recueil du consentement des personnes accueillies en ESMS en ce qui concerne le contrôle de leur espace de vie privatif

Cet article, inséré en commission à l'Assemblée nationale, vise à formaliser le recueil du consentement des personnes accueillies en ESMS quant au contrôle des autorités de tutelle réalisés dans leurs espaces privatifs, ainsi que pour la collecte par l'établissement de leurs données personnelles.

La commission a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A. L'état du droit : des dispositions déjà précises

1. Le contrôle des espaces privatifs des ESMS soumis à l'accord écrit de l'occupant ou, à défaut, d'une autorisation judiciaire

Les articles L. 313-13 et suivants du code de l'action sociale et des familles définissent le régime des contrôles administratifs des ESMS par les autorités de tutelle (agence régionale de santé, conseil départemental, préfet). Les dispositions législatives précisent notamment le champ des contrôles, les agents habilités pour effectuer ces contrôles et l'étendue de leurs compétences, ainsi que les sanctions applicables à l'issue des contrôles.

Par le truchement de l'article L. 313-13-1 du code de l'action sociale et des familles, les dispositions du code de la santé publique régissant les contrôles sanitaires s'appliquent également aux contrôles des ESMS.

L'article L. 1421-2 du code de santé publique distingue les locaux à usage collectif ou professionnel des locaux à usage privatif (chambres, studios des ESMS). S'agissant des premiers, les agents habilités sont autorisés à pénétrer dans les lieux concernés entre 8 heures et 20 heures et même au-delà de ces horaires si les locaux sont encore accessibles au public ou si une activité est en cours. En revanche, concernant les espaces privatifs
- désignés par le code de santé publique comme « les locaux, lieux, installations et moyens de transport à usage d'habitation », le contrôle ne peut être effectué qu'entre 6 heures et 21 heures. Si l'occupant s'oppose au contrôle, la visite des lieux ne peut être réalisée qu'après autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire.

Plus précis, les articles L. 313-13-1 et R. 313-25 du code de l'action sociale et des familles disposent que le contrôle - inopiné ou annoncé préalablement - des espaces privatifs des ESMS peut se faire sans autorisation de l'autorité judiciaire lorsque la visite a lieu « en présence de l'occupant et avec son accord écrit ou celui de son représentant légal, recueilli par un agent habilité et assermenté » au moyen d'un formulaire CERFA annexé au rapport de contrôle.

Le modèle de ce formulaire est défini par un arrêté du ministre en charge des affaires sociales du 31 mars 2022143(*).

En somme, ainsi que l'explicite une instruction de la DGCS144(*) à destination des préfets et des directeurs généraux d'ARS, l'absence d'accord écrit à un contrôle d'un espace privatif s'assimile donc à un refus de l'occupant et requiert l'habilitation de l'autorité judiciaire pour passer outre. Dans cette situation, l'article L. 1421-2-1 du code de santé publique prévoit que l'ordonnance du juge est notifiée sur place au moment de la visite à l'occupant du lieu ou à son représentant légal qui peuvent demander au juge une suspension ou un arrêt de cette visite. Aux termes de cet article, « la visite est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d'un conseil de son choix. En l'absence de l'occupant des lieux, les agents chargés de la visite ne peuvent procéder à celle-ci qu'en présence de deux témoins requis à cet effet par eux, qui ne sont pas placés sous leur autorité. »

2. Le recueil de consentement pour la collecte des données personnelles : l'application du droit commun

Par la nature des missions qu'ils exercent, les ESMS sont amenés à collecter certaines données personnelles des personnes qu'elles prennent en charge. En vertu de l'article L. 312-9 du code de l'action sociale et des familles, les ESMS « se dotent de systèmes d'information conçus de manière à assurer le respect de la protection des données à caractère nominatif ». Par ailleurs, l'article L. 1110-4 du code de la santé publique dispose que toute personne prise en charge par un ESMS « a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant ».

Surtout, les ESMS sont soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi qu'au règlement général sur la protection des données (RGPD)145(*). À ce titre, les données personnelles des usagers des ESMS doivent être « traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée ». La licéité du traitement dépend, en application de l'article 6 du RGPD, de l'existence d'une base légale listée à cet article. Le recueil du consentement fait partie de ces critères de licéité, au côté d'autres conditions (voir encadré ci-après).

Les conditions de licité d'un traitement de données (article 6 du RGPD)

« Le traitement n'est licite que si, et dans la mesure où, au moins une des conditions suivantes est remplie :

a) la personne concernée a consenti au traitement de ses données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques ;

b) le traitement est nécessaire à l'exécution d'un contrat auquel la personne concernée est partie ou à l'exécution de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ;

c) le traitement est nécessaire au respect d'une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis ;

d) le traitement est nécessaire à la sauvegarde des intérêts vitaux de la personne concernée ou d'une autre personne physique ;

e) le traitement est nécessaire à l'exécution d'une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique dont est investi le responsable du traitement ;

f) le traitement est nécessaire aux fins des intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers, à moins que ne prévalent les intérêts ou les libertés et droits fondamentaux de la personne concernée qui exigent une protection des données à caractère personnel, notamment lorsque la personne concernée est un enfant. »

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a publié, en 2021, un référentiel à usage des ESMS146(*) pour les aider à se conformer à la réglementation concernant les données. Dans ce référentiel, elle invite les organismes à choisir, selon la finalité du recueil de données, la base légale la plus appropriée. Toutefois, « dans le cadre de l'accompagnement social et/ou médico-social des personnes âgées, en situation de handicap ou en difficulté, la [Cnil] appelle l'attention des organismes sur la nécessité de faire preuve de la plus grande prudence dans l'usage du consentement comme base légale de leurs traitements de données à caractère personnel. Les personnes concernées peuvent en effet souffrir d'altération du discernement pouvant rendre le consentement non valable. »147(*)

Enfin, les usagers des ESMS bénéficient des autres droits reconnus par le RGPD comme le droit d'accès et de rectification de leurs données personnelles, ainsi qu'un droit d'opposition à leur recueil et à leur traitement148(*).

Exemples de base légale selon la finalité

Finalité du recueil
et traitement des données

Base légale envisageable

Fourniture des prestations définies dans le cadre du contrat conclu entre l'organisme et la personne concernée et gestion administrative des personnes concernées

Exécution du contrat ou mission d'intérêt public dès lors que le traitement mis en oeuvre excède ce qui est nécessaire au contrat

Accompagnement social et médico-social adapté aux difficultés rencontrées ayant notamment pour objet d'élaborer un projet personnalisé d'accompagnement, d'assurer le suivi des personnes dans l'accès aux droits et, le cas échéant, d'orienter les personnes vers les structures compétentes susceptibles de les prendre en charge

Organismes publics : Mission d'intérêt public

Organismes privés : Intérêts légitimes

Cas particulier concernant les droits relatifs à la fin de vie

Consentement

Source : Cnil, référentiel précité

En pratique, les auditions ont révélé que les ESMS s'efforçaient de recueillir le consentement. D'ailleurs, la mission permanente d'inspection et de contrôle de l'Igas, dans son guide à usage des contrôleurs d'ESMS149(*), précise que l'existence de procédure de recueil du consentement quant à la collecte et traitement des données personnelles des usagers est un point que le contrôle doit s'efforcer de vérifier. La société Orpéa a ainsi indiqué aux rapporteurs que les modalités de collecte et de traitement des données personnelles étaient définies dans le livret d'accueil du nouveau résident et que le consentement du résident était recherché, ou à défaut son assentiment s'il ne peut l'exprimer. De même la société LNA Santé a mis en place un recueil de consentement, matérialisé par la signature d'un formulaire.

B. Le dispositif proposé

Le présent article a été introduit à l'Assemblée nationale en commission par un amendement de Freddy Sertin (groupe Renaissance).

Le propose de compléter l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles afin de prévoir que la conclusion du contrat de séjour ou du document individuel de prise en charge doit donner lieu au recueil de l'accord de principe de la personne prise en charge par un ESMS sur :

- le contrôle, réalisé par des agents habilités des autorités de tutelle, effectué dans son espace privatif ;

- la collecte des données personnelles, leur conservation et leur traitement éventuel.

L'accord ou le refus devra être consigné par écrit dans le contrat ou le document individuel de prise en charge. Un décret définira les conditions dans lesquelles le traitement des données personnelles pourra s'effectuer.

Le propose d'ajouter les mêmes dispositions à l'article L. 342-1 du code de l'action sociale et des familles qui énumère les établissements autorisés à pratiquer une liberté tarifaire, lesquels ne peuvent héberger une personne âgée sans qu'au préalable un contrat écrit ait été passé avec cette personne.

Le vise à apporter une coordination à l'article L. 313-13-1 en prévoyant que l'autorisation de l'autorité judiciaire pour le contrôle de l'espace privatif n'est pas nécessaire lorsque l'occupant a donné son accord écrit, dans les cas prévu au  et au  du présent article.

Selon l'objet de l'amendement, le contrat de séjour comme le document individuel de prise en charge devront comporter la mention expresse de l'accord ou du refus, révocables à tout moment, de la personne accueillie ou accompagnée, ce qui facilitera le respect de l'accord au moment d'un éventuel contrôle. Il précise également que la collecte des données personnelles recueillies au cours de sa prise en charge et leurs conservation et traitement éventuel, devront se faire dans le respect des droits et libertés garanties aux personnes prises en charge. Il s'agit donc de renforcer le respect des fondamentaux des personnes accueillies ou accompagnées.

II - La position de la commission : un ajustement à la portée limitée

Le présent article, sans apporter de modifications de grande ampleur, propose des ajustements tout de même bienvenus au cadre existant. Les rapporteurs constatent que ce dernier ne précisait pas les formalités de recueil de consentement par écrit pour la collecte des données personnelles. Ils souscrivent donc aux précisions proposées qui renforcent la garantie des droits des personnes accueillies en ESMS.

La commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle COM-180 de ses rapporteurs.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4
Renforcement du dispositif de signalement des cas de maltraitance
dans le secteur social et médico-social

Cet article propose de créer une instance départementale de recueil et de suivi des signalements de maltraitance envers les personnes âgées ou handicapées. Cette instance regrouperait l'agence régionale de santé (ARS), le conseil départemental et les autres partenaires locaux. Après la centralisation des signalements, elle transmettrait à l'autorité compétente pour l'évaluation, ARS ou département.

L'Assemblée nationale a adopté le présent article en plaçant l'instance auprès de la seule ARS.

La commission a adopté cet article en remplaçant cette instance par une cellule placée sous l'autorité conjointe du directeur général de l'ARS et du président du conseil départemental. Elle inclurait également les centres ALMA et centraliserait les appels adressés au numéro national 3977. La commission a également adopté un amendement prévoyant une obligation d'information des suites données au signalement de la situation de maltraitance.

I - Le dispositif proposé

A. Les dispositifs actuels de signalement des cas de maltraitance

1. Les événements indésirables graves

Dans les établissements médico-sociaux, les signalements des cas pouvant être qualifiés de maltraitance se fait à partir des événements indésirables graves (EIG) signalés aux autorités de tutelle des structures. L'article L. 331-8-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de la loi ASV de 2015, dispose en effet que « les établissements et services et les lieux de vie et d'accueil informent sans délai [...] les autorités administratives compétentes [...] de tout dysfonctionnement grave dans leur gestion ou leur organisation susceptible d'affecter la prise en charge des usagers, leur accompagnement ou le respect de leurs droits et de tout événement ayant pour effet de menacer ou de compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes prises en charge ou accompagnées ».

Les dispositions réglementaires150(*) précisent les modalités de transmission des EIG qui doit être effectuée selon un formulaire fixé par arrêté151(*).

Ce même arrêté prévoit les informations que doit contenir le signalement d'EIG (voir encadré ci-après) ; il ne peut comporter aucune donnée nominative et doit garantir par son contenu l'anonymat des personnes accueillies et du personnel.

Exemples d'événements indésirables graves en Ehpad
aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 28 décembre 2016

- Les accidents ou incidents liés à une erreur ou à un défaut de soin ou de surveillance ;

- Les décès accidentels ou consécutifs à un défaut de surveillance ou de prise en charge d'une personne ;

- Les suicides et tentatives de suicide, au sein des structures, de personnes prises en charge ou de personnels ;

- Les situations de maltraitance à l'égard de personnes accueillies ou prises en charge ;

- Les disparitions de personnes accueillies en structure d'hébergement ou d'accueil, dès lors que les services de police ou de gendarmerie sont alertés ;

- Les comportements violents de la part d'usagers, à l'égard d'autres usagers ou à l'égard de professionnels, au sein de la structure, ainsi que les manquements graves au règlement du lieu d'hébergement ou d'accueil qui compromettent la prise en charge de ces personnes ou celle d'autres usagers ;

- Les actes de malveillance au sein de la structure.

En parallèle de ces EIG, coexistent les évènements indésirables graves associés à des soins (EIGS) prévus par l'article L. 1413-14 du code de la santé publique, dont la rédaction inclut aussi les structures médico-sociales depuis la loi Santé de 2016, et qui dispose que « tout professionnel de santé, établissement de santé ou établissement et service médico-social ayant constaté soit une infection associée aux soins, dont une infection nosocomiale, soit tout événement indésirable grave associé à des soins, dans le cadre de soins réalisés lors d'investigations, de traitements, d'actes médicaux y compris à visée esthétique ou d'actions de prévention en fait la déclaration au directeur général de l'agence régionale de santé ».

Les dispositifs des EIG et EIGS se trouvent donc à la main de la direction des établissements. Toutefois, les usagers ont également la possibilité de saisir, par appel, courrier postal ou électronique, les services qualité et inspection-contrôle des autorités administratives locales (ARS, préfets, conseils départementaux...) pour toute réclamation concernant un événement indésirable compromettant la santé, la sécurité et le bien-être des personnes accompagnées. Ils disposent en outre, comme tout citoyen, du numéro national 3977.

2. Le canal du numéro national 3977

La Fédération 3977 contre les maltraitances, dont les rapporteurs ont entendu en audition le président Régis Gonthier et le directeur général, Vincent Le Scornet, gère, depuis 2014, une plateforme nationale d'écoute avec un numéro d'appel unique (le 39 77). Ce numéro est désormais accessible sept jours sur sept et dispose d'un accès spécifique aux personnes sourdes et malentendantes.

La fédération regroupe également un maillage territorial de 52 centres départementaux ou interdépartementaux associatifs ALMA couvrant 74 départements et une collectivité d'outre-mer. Ces centres réceptionnent les appels. Dans les 25 départements dépourvus de centre ALMA, une convention de coopération entre la fédération et, généralement, le conseil départemental permet de couvrir le territoire pour le recueil des signalements de maltraitance.

Les pouvoirs publics, et notamment la DGCS, coopèrent depuis longtemps avec la Fédération 3977 avec qui une convention pluriannuelle d'objectifs a été conclue.

Le dispositif 3977 est financé par des crédits budgétaires de l'État, votés au sein du programme n° 157 « Handicap et dépendance ». Selon le projet annuel de performance, c'est ainsi 1,4 million d'euros (en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement) qui sont crédités pour 2024 pour le dispositif national tandis que 0,6 million d'euros sont délégués aux services déconcentrés de l'État pour subventionner le réseau territorial de la Fédération 3977 contre les maltraitances.

Selon les informations transmises par la fédération aux rapporteurs, en 2022, sur les 6 674 situations d'alertes dont l'appelant a été identifié, dans 40 % des cas, l'appelant appartenait à la famille de la victime tandis que dans 17 % des cas, il s'agissait de la victime elle-même. Le restant des appelants se partagent entre l'entourage autre que la famille, les services sociaux, les professionnels de santé, les intervenants à domicile, les mandataires judiciaires, les usagers de la même structure, ainsi que les personnels des établissements. Il convient également de noter que les victimes appelantes sont plus souvent des personnes en situation de handicap que des personnes âgées.

B. Les lacunes du dispositif de signalement des cas de maltraitance

Outre les difficultés de suivi statistique des EIG et EIGS, le rapport de juillet 2022 de la commission des affaires sociales sur le contrôle des Ehpad152(*) pointait l'absence de culture du signalement dans les établissements comme principal faiblesse du circuit des EIG.

Il convient donc de garder à l'esprit que les EIG font l'objet, comme les auditions l'ont fait ressortir, d'une sous-déclaration importante, notamment, par peur de représailles dans les établissements.

Le canal du 3977 pâtit des mêmes difficultés auquel s'ajoute la diffusion encore lacunaire du numéro auprès des personnes en situation de vulnérabilité. Le rapport précité de Bernard Bonne et Michelle Meunier notait ainsi que « tous les acteurs s'accordent pour dénoncer sa sous-utilisation ».

Si les ARS ont souligné aux rapporteurs que la coordination entre le conseil départemental et leurs services était satisfaisante lors que l'EIG concernait un établissement ou un service à compétence conjointe. Il n'en demeure pas moins que l'éparpillement des moyens de remontée des cas de maltraitance constitue une autre faille majeure. Selon Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental de la Gironde, cité par le même rapport : « Les outils de détection des maltraitances sont trop éclatés, avec trois canaux : l'ARS, le département et le 3977. Ainsi les saisines sont-elles assez rares, même si elles sont aujourd'hui en augmentation. Nous observons une grande difficulté à recouper les informations pour analyser correctement les signaux faibles. »

C. Le dispositif proposé

Le présent article proposait initialement d'insérer un nouvel article L. 116-2-1 au sein du chapitre du code de l'action sociale et des familles consacré aux principes généraux de l'action sociale et médico-sociale.

Il s'agissait d'instituer une instance départementale chargée du recueil, du traitement et de l'évaluation des « alertes relatives aux personnes majeures en situation de vulnérabilité [...] et victimes de maltraitance ». Cette instance regrouperait des représentants du président du conseil départemental, du préfet, de l'ARS, ainsi que des partenaires institutionnels ou associatifs concernés. Elle conduirait des enquêtes pluridisciplinaires. Sa composition et ses modalités de fonctionnement plus précis seraient déterminés par décret.

Toutes choses égales par ailleurs, la création d'une telle instance n'est pas sans rappeler les cellules de recueil des informations préoccupantes (Crip) gérées par les départements, en coopération avec leurs partenaires et dont le fonctionnement, sans être parfait, donne de réels motifs de satisfaction153(*).

Par ailleurs, le dispositif proposé à cet article est proche de la teneur de l'objectif n° 4.1 du rapport issu des états généraux des maltraitances d'octobre 2023 qui préconise d'« établir une instance départementale reliant agences régionales de santé, conseils départementaux et préfets pour recueillir, évaluer et traiter les alertes de maltraitance de manière coordonnée ».

De même, le rapport du Gouvernement de novembre 2023 présentant la « stratégie Bien vieillir » annonce-t-il qu'un « point d'entrée unique sera créé dans chaque département pour faciliter le recueil et le traitement des alertes de maltraitance ».

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

a) Des modifications substantielles apportées en commission

En commission, un amendement de réécriture globale de l'article, présenté par la rapporteure Annie Vidal, a été adopté. Le dispositif qui en résulte diverge sensiblement.

 Le II du présent article amendé propose de créer une instance départementale de recueil et de suivi des signalements de maltraitance placée, quant à elle, auprès de l'agence régionale de santé. À cette fin, l'article L. 1432-1 du code de la santé publique, qui énumère les conférence, commission ou guichet constitués auprès de chaque ARS, serait complété. Cette nouvelle instance serait chargée des cas de maltraitance envers les personnes majeures en raison de leur âge ou de leur handicap.

 Le I du présent article, tel que modifié par l'amendement, vise à déterminer, dans un nouvel article L. 119-2 du code de l'action sociale et des familles, les missions et modalités de fonctionnement de la nouvelle instance.

Celle-ci aurait pour fonction de recueillir les signalements que « toute personne ayant connaissance de faits constitutifs d'une maltraitance, au sens de l'article L. 119-1 [du même code] » devrait réaliser auprès d'elle.

La maltraitance au sens de l'article L. 119-1 du CASF

Inséré par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, l'article L. 119-1 définit la maltraitance selon la formulation émanant de la commission de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance, présidée par Alice Casagrande :

« La maltraitance au sens du présent code vise toute personne en situation de vulnérabilité lorsqu'un geste, une parole, une action ou un défaut d'action compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d'accompagnement. Les situations de maltraitance peuvent être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non. Leur origine peut être individuelle, collective ou institutionnelle. Les violences et les négligences peuvent revêtir des formes multiples et associées au sein de ces situations. »

Une fois le signalement adressé, l'instance transmettrait « sans délai, pour leur évaluation et leur traitement » :

- à l'ARS lorsque le signalement « implique un professionnel, un établissement ou un service au titre d'une activité financée au moins partiellement par l'assurance maladie » ;

- au conseil départemental lorsque le signalement « implique un professionnel, un établissement ou un service au titre d'une activité financée exclusivement par le conseil départemental ou toute autre personne » ne relevant pas de la compétence de l'ARS définie ci-dessus.

L'ARS et le conseil départemental devraient tenir informée l'instance des actions qu'ils ont entreprises afin que cette dernière présente annuellement à la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, elle-même constituée auprès de l'ARS, un compte rendu de l'activité de recueil, d'évaluation et de traitement des signalements de maltraitance.

Par ailleurs, l'ARS ou le conseil départemental sont tenus, « lorsque cela paraît utile ou dans les cas prévus par la loi », d'adresser un signalement au procureur de la République.

Enfin, le dispositif proposé prévoit un décret d'application du présent article.

 Deux différences majeures existent entre la proposition initiale et le présent article tel qu'amendé par la commission de l'Assemblée nationale.

D'une part, la cellule ne serait plus d'une composition quadripartite (conseil départemental, préfet, ARS, partenaires institutionnels ou associatifs) mais serait placée auprès de la seule ARS. Dans les réponses au questionnaire des rapporteurs, la DGCS indique que cette constitution auprès de l'ARS « permet de donner à l'État une vraie visibilité sur les phénomènes de maltraitance sur l'ensemble du territoire, ainsi qu'une capacité de pilotage. Ce positionnement permet en effet de déployer plus aisément un SI dédié [sic]. »

D'autre part, une seconde différence notable tient au fait que l'instance ne serait plus chargée de l'évaluation et du traitement des signalements mais se contenterait de les recueillir et de les transmettre à l'autorité compétente, celle-ci pouvant demeurer l'ARS. La DGCS explique que « comme l'ARS ne dispose pas des compétences et des moyens ad hoc pour évaluer les situations de maltraitance à domicile, il est essentiel que les conseils départementaux puissent déployer leurs propres équipes pour qualifier les situations et les traiter de manière adéquate. C'est la raison pour laquelle la cellule placée auprès de l'ARS ne peut pas traiter par elle-même l'ensemble des signalements. »

b) En séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission : un dispositif utile dont le positionnement et la composition doivent être revus

1. Inclure toutes les parties prenantes à une cellule départementale de recueil et de suivi des situations de maltraitance

Le présent article prévoit que toute personne ayant connaissance d'un cas de maltraitance envers des personnes âgées ou handicapées devra signaler cette situation à une instance placée auprès de l'agence régionale de santé (ARS). Cette instance centralisatrice aurait pour rôle de transmettre le signalement aux services de l'ARS ou au conseil départemental en fonction du contexte de la situation et des compétences de chaque autorité.

La DGCS, dans sa contribution écrite aux rapporteurs, estime que la création de cette instance placée auprès de l'ARS répond à de nombreux objectifs, comme « instaurer des responsabilités claires et explicites pour le traitement des alertes de maltraitance sur les territoires, désigner un chef de file territorial, faciliter des coopérations entre tous les acteurs impliqués pour apporter des réponses plus rapides et plus coordonnées et garantir un suivi du traitement effectif des signalements ».

Les rapporteurs souscrivent à l'intention de ces dispositions d'améliorer les dispositifs de repérage, de remontée et de traitement des cas de maltraitance envers les personnes majeurs vulnérables. Il a été rappelé, plus en amont, les insuffisances des circuits actuels. Cependant, les rapporteurs s'interrogent sur le positionnement proposé de cette instance, ses moyens et son articulation avec les acteurs départementaux de l'aide et de l'action sociale.

L'Assemblée des départements de France indique ainsi : « La création d'une cellule sous l'égide de l'ARS questionne les moyens actuels des ARS et leur capacité à traiter, à planifier les contrôles des ESMS en lien avec les départements. » Les rapporteurs souscrivent à cette remarque qui a été, à plusieurs reprises, exprimée lors des auditions. Dans sa contribution aux rapporteurs, la Fédération 3977 indique ainsi redouter que l'instance gérée par les seuls services de l'ARS se retrouve engorgée, retardant alors la réponse des autorités à des signalements de maltraitance.

Par conséquent, en lieu et place d'une instance dans le seul giron de l'ARS, les rapporteurs ont proposé à la commission un amendement visant à créer, dans chaque département, une cellule de recueil, de traitement et de suivi des cas de maltraitance sous l'autorité conjointe du conseil départemental et de l'agence régionale de santé.

Sous ce co-pilotage, davantage respectueux du rôle de chef de file du département en matière d'aide et action sociale, la cellule inclurait également les centres ALMA ayant déjà un savoir-faire dans le recueil et l'évaluation des signalements de maltraitance. Le fonctionnement de cette cellule serait prévu par une convention regroupant l'ARS, le département et les partenaires institutionnels ou associatifs concernés, au premier rang desquels donc, les centres ALMA.

Enfin, chaque cellule départementale aurait pour mission de centraliser les remontées de signalements, concernant son territoire et émanant des appels au numéro national 3977, qui serait ainsi consacré dans la loi.

La commission a adopté l'amendement COM-181 de ses rapporteurs prévoyant un tel dispositif.

2. Prévoir une obligation d'information des suites données au signalement de la situation de maltraitance

La Fédération 3977 a relayé, dans sa contribution écrite, « le constat partagé par l'ensemble des [centres ALMA] de la difficulté des parties prenantes (ARS, conseil départemental, parquet...) à assurer une bonne information du requérant qui bien souvent s'en retourne soit vers le 3977 ou vers le centre ALMA pour avoir une information sur l'avancement du dossier ». Les auditions ont pu confirmer aux rapporteurs ce constat. Le rapport de la commission des affaires sociales sur le contrôle des Ehpad préconisait d'ailleurs de rendre obligatoire un retour d'information à la personne ayant émis l'alerte.

Aussi les rapporteurs ont-ils proposé un amendement COM-182, qui a été adopté par la commission, prévoyant que la cellule créée au présent article devra informer la personne ayant signalé la situation des suites qui ont été données à son information.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 5
Précision des missions de la protection juridique des majeurs notamment face à des cas de maltraitance

Cet article propose de définir plus précisément les missions du mandataire de protection judiciaire, en y ajoutant explicitement la favorisation de l'autonomie de la personne protégée. Il vise également à introduire une charte éthique pour les mandataires, ainsi qu'une obligation de formation continue et de déclaration au procureur de toute maltraitance constatée.

La commission a adopté cet article en précisant les missions des mandataires et en supprimant la charte éthique. Elle a par ailleurs adopté un amendement visant à préciser le champ de l'obligation de formation continue, ainsi qu'un amendement visant à supprimer les obligations de déclaration au procureur.

I - Le dispositif proposé

A. Le statut de mandataire de la protection judiciaire est principalement défini par les mesures qui lui sont confiées, ce qui n'exclut pas un accompagnement plus global de la personne dans les faits

1. Les mandataires de la protection judiciaire des majeurs exercent les mesures de protection décidées par le juge en raison de leur vulnérabilité

 Les mesures de protection juridiques des majeurs visent à répondre aux situations où la maladie, le handicap ou un accident altèrent les facultés d'une personne, la rendant incapable de défendre ses intérêts. Le juge du contentieux de la protection peut alors décider d'une mesure de protection juridique, par laquelle une autre personne l'aide à protéger ses intérêts et, le cas échéant, le représente dans sa vie civile. Elles visent concrètement à éviter la mise en danger de la personne concernée ou d'autrui, à garantir que la gestion de son patrimoine ne lui soit pas préjudiciable, et à prévenir tout abus de faiblesse.

Le code civil154(*) prévoit différentes protections afin de s'adapter à la situation de la personne et de son entourage familial :

des mesures de protection non judiciaires, telles que le mandat de protection future155(*) qui permet de désigner les personnes qui exerceront sa protection et d'en définir l'étendue, et l'habilitation familiale156(*) qui autorise un proche à représenter une personne et à l'assister ;

des mesures de protection judiciaires, qui suivent une gradation selon la situation de la personne, avec la sauvegarde de justice157(*) qui est une mesure provisoire, les mesures de curatelle et de tutelle158(*), qui visent respectivement à l'assistance et au contrôle d'une part, et à la représentation d'autre part.

Il revient au juge des contentieux de la protection159(*) de choisir la mesure la plus adaptée, et d'en définir la durée160(*), dans le respect des principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité.

Données statistiques sur les mesures de protection des majeurs

Les mesures de protection juridiques ordonnées par la justice font l'objet d'une communication annuelle, mais demeurent incomplètes. Au 31 décembre 2021, le ministère de la Justice dénombrait 713 700 majeurs étant soit sous curatelle soit sous tutelle.

Le vieillissement de la population a un effet direct sur le nombre de mesures de protection exercées. Ainsi, entre 2010 et 2015, le nombre de mesure a augmenté de 15 %. Suivant cette évolution, les projections du réseau des Centres régionaux d'études, d'actions et d'informations (ANCREAI)161(*) conduisent, à niveau de protection égal, à un doublement du volume de ces mesures d'ici 2040.

Le code civil fixe le principe de priorité familiale162(*), et c'est seulement lorsqu'il ne peut pas désigner un membre de la famille comme tuteur, curateur ou mandataire, que le juge fait appel à un mandataire judiciaire.

La profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) a été créée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 réformant le statut des majeurs protégés.

Le MJPM est désigné à partir d'une liste départementale établie par le préfet163(*), et est rémunéré par la personne sous mesure de protection ou, à défaut, par l'État164(*). Il peut s'agir d'une personne morale, souvent sous la forme d'association de services mandataires qui sont autorisés selon la procédure d'autorisation des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS)165(*), d'un mandataire exerçant à titre individuel ou d'un préposé dans un établissement d'hébergement166(*).

Mode d'exercice des mesures juridiques ouvertes en 2020

 Quel que soit le statut du MPJM, il doit être titulaire d'un certificat national de compétence de mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Ce dernier est accessible, après une formation de 300 heures théoriques et 250 heures de pratique professionnelle auprès d'un mandataire, à toute personne de plus de 25 ans titulaire d'un diplôme de niveau III et ayant occupé pendant au moins trois ans un poste dans le domaine juridique, patrimonial ou social167(*).

2. Dans les faits, la diversité des pratiques des MPJM relève le plus souvent d'un accompagnement global des majeurs protégés

 Les missions des MPJM sont définies implicitement, par rapport aux seules mesures de protection confiées. Le code de l'action sociale et des familles prévoit en effet qu'ils « exercent à titre habituel les mesures de protection des majeurs que le juge des tutelles leur confie »168(*).

Cependant, la réalisation effective de ces mesures suppose le plus souvent un accompagnement global. Le mandataire peut donc aussi bien intervenir sur le plan financier (gestion des biens, du budget, paiement des factures) que juridique (représentation de la personne dans les actes de la vie civile) et même social (accompagnement dans les démarches administratives, coordination avec les assistants de service social et le personnel médical).

 Compte tenu de la vulnérabilité accrue des personnes protégées, mais aussi du pouvoir important dont sont investis les MJPM, une attention particulière au respect des droits des majeurs protégés est nécessaire. L'article 415 du code civil dispose ainsi que la protection apportée aux majeurs vulnérables « est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne » et qu'elle « favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci ».

Cette attention se retrouve particulièrement dans les obligations qui incombent au MPJM :

afin d'assurer une bonne information de la personne protégée et de son entourage, il leur remet une notice d'information169(*) à laquelle est annexée une charte des droits de la personne protégée. Il leur remet également un document individuel de protection des majeurs170(*), institué par la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, qui présente les objectifs et la nature de la mesure de protection ainsi que les principes déontologiques et éthiques afférents ;

afin de lutter contre les risques de maltraitance, le MJPM a une obligation de les signaler à l'autorité judiciaire. L'article 434-3 du code pénal prévoit en effet que la non-information des autorités judiciaires ou administratives en cas de connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligés à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

La Charte des droits et libertés de la personne majeure protégée
Article annexe 4-3 du code de l'action sociale et des familles

Article 1er
Respect des libertés individuelles et des droits civiques

Conformément à l'article 415 du code civil, la mesure de protection juridique est exercée dans le respect des libertés individuelles et des droits fondamentaux et civiques de la personne.

Conformément à l'article L. 5 du code électoral, le droit de vote est garanti à la personne sous réserve des décisions de justice.

[...]

Article 7
Droit à l'autonomie

Conformément à l'article 458 du code civil, « sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi, l'accomplissement par la personne des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation ». Conformément à l'article 459 du code civil, « dans les autres cas, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet ».

Conformément à l'article 459-2 du code civil, la personne a la possibilité de choisir son lieu de résidence, sauf décision contraire du conseil de famille ou du juge.

[...]

Article 9
Consentement éclairé et participation de la personne

Dans le respect des dispositions légales et réglementaires ainsi que des décisions du conseil de famille ou du juge :

OE- le consentement éclairé de la personne est recherché en l'informant, par tous les moyens adaptés à sa situation et en veillant à sa compréhension, des conditions d'exercice et des conséquences de la mesure de protection juridique ;

OE- le droit de participer à la conception et à la mise en oeuvre du projet individuel de protection est garanti.

[...]

Article 12
Protection des biens dans l'intérêt exclusif de la personne

La protection des biens est exercée en fonction de la situation ou de l'état de la personne et, conformément à l'article 496 du code civil, dans son seul intérêt.

Conformément au même article du code civil, les actes relatifs à la protection des biens de la personne font l'objet de soins prudents, diligents et avisés.

Sauf volonté contraire exprimée par la personne protégée, les comptes ou les livrets ouverts à son nom, et sous réserve des dispositions légales et réglementaires ainsi que des décisions du conseil de famille ou du juge sont maintenus ouverts.

Conformément à l'article 427 du code civil, « les opérations bancaires d'encaissement, de paiement et de gestion patrimoniale, effectuées au nom et pour le compte de la personne, sont réalisées exclusivement au moyen des comptes ouverts à son nom », sous réserve des dispositions légales et réglementaires, notamment celles relatives à la comptabilité publique. « Les fruits, produits et plus-values générés par les fonds et les valeurs appartenant à la personne lui reviennent exclusivement. »

B. Le dispositif initialement proposé précisait le rôle du mandataire judiciaire

La rédaction initiale du présent article procédait à une précision du rôle du mandataire judiciaire. Elle considérait que l'absence de définition des missions des mandataires était à l'origine de l'hétérogénéité des pratiques professionnelles et risquait, in fine, de se traduire par un défaut d'intervention du mandataire au détriment des personnes protégées.

Afin de préciser les missions des mandataires, la rédaction proposée par le texte initial modifiait l'article L. 471-1 du code de l'action sociale et des familles afin :

- d'ajouter le mandat de protection future aux mesures exercées par les MPJM ;

- de préciser que les missions exercées visent à garantir tout à la fois les libertés fondamentales de la personne protégée, l'exercice de ses droits, et ses intérêt patrimoniaux ;

- d'ajouter la notion d'accompagnement des majeurs protégés en lien avec les autres professionnels et intervenants ;

- de détailler la nature de l'accompagnement de la personne vulnérable dans les actes de la vie civile ;

- d'y introduire une charte éthique et de déontologie pour les MJPM, établie par voie réglementaire en associant les usagers et les mandataires.

Par ailleurs, cette rédaction insérait un article L. 471-8-1 dans le même code, afin de faire obligation aux MJPM d'informer l'autorité administrative désignée par un décret en Conseil d'État et le juge des tutelles compétents en cas de dysfonctionnement ou d'événement grave, et d'informer le procureur de la République en cas de maltraitance.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Le présent article a fait l'objet de deux amendements de la part de la rapporteure, Mme Vidal, à l'Assemblée nationale : un amendement de rédaction globale au stade de la commission, et un amendement rédactionnel en séance. La rédaction globale retenue vise à définir plus précisément les missions des MJPM en les rapprochant des objectifs de la mesure de protection, tels que définis à l'article 415 du code civil, qui ont « pour finalité l'intérêt de la personne protégée ».

 Le 1° du présent article propose d'ajouter quatre alinéas à l'article L. 471-1 du code de l'action sociale et des familles. Ces alinéas précisent les objectifs et les missions des mandataires, ils mentionnent respectivement :

- l'objectif de protection juridique de la personne et de ses intérêts patrimoniaux171(*) ;

- la favorisation de l'autonomie de la personne protégée et la recherche de son consentement éclairé ;

- le respect d'une charte éthique des MJPM prise par arrêté du ministre chargé des affaires sociales ;

- une obligation annuelle de formation continue dont les modalités seront fixées par décret.

 Le 2° du présent article propose d'insérer un article L. 471-8-1 dans le code de l'action sociale et des familles, qui impose d'une part aux MJPM de saisir la cellule de signalement nouvellement créée172(*) en cas de maltraitance173(*), et d'autre part d'informer le procureur de la République de tous délits ou crimes commis au préjudice de la personne protégée.

 En revanche, la rédaction globale retenue par l'Assemblée nationale ne reprend pas la mention du mandat de protection future présente dans la rédaction initiale de l'article.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

Le présent article, étend à la protection des majeurs la logique qui a prévalu sur les autres sujets abordés par ce texte : répondre à une inquiétude partagée par le secteur par des mesures inabouties, dont le caractère dilatoire interroge. Cela est d'autant plus sensible concernant la protection des majeurs, que les multiples travaux conduits par Anne Caron-Déglise174(*) ont permis de dessiner les contours d'une réforme qui permettrait d'assurer une meilleure protection des majeurs.

Si la méconnaissance dont fait l'objet la profession des MJPM est réelle, la précision de leurs missions ne semble pas apporter de réelle réponse aux problèmes d'attractivité rencontrés par le secteur. La mention de l'autonomie des personnes protégées se borne à reprendre les termes du code civil175(*), tandis que la distinction entre accompagnement du MJPM et accompagnement social n'emporte pas de conséquences juridiques puisque les personnes protégées bénéficient déjà de l'accompagnement social de droit commun.

Par ailleurs, les rapporteurs s'interrogent à double titre à propos de la mise en place d'une charte éthique des MJPM : d'abord parce que ses conditions d'adoption n'associent pas la profession, mais surtout parce qu'elle semble redondante avec les documents qui existent déjà à l'intention de la profession, et notamment les Repères pour une réflexion éthique des mandataires judiciaires à la protection des majeurs176(*) dont la rédaction a associé les ministères sociaux, le ministère de la justice et les différents représentants de la profession.

Ont été adoptés les amendements identiques COM-100 et COM-184 des rapporteurs de la commission des affaires sociales et des lois, tendant à supprimer cette charte, et de renvoyer au code civil concernant les droits des personnes protégées.

Concernant les obligations de signalement créées à l'article L. 471-8-1, elles semblent d'ores et déjà satisfaites en grande partie. L'obligation de signalement à la cellule de lutte contre les maltraitances apparaît au mieux redondante, puisque les MJPM sont déjà visés par l'article L. 119-1 nouvellement créé.

Concernant l'information du procureur de la République en cas de délits ou crimes commis au préjudice des personnes protégées, le droit pénal commun punit déjà de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende la non-information des autorités judiciaires en cas de « privations, mauvais traitements ou atteintes sexuelles » infligés à une personne protégée. Par ailleurs les délits ou crimes concernant les biens des personnes protégées sont indirectement couverts par la protection des intérêts patrimoniaux qui incombe au MJPM. En outre, l'article créé ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect. L'amendement COM-185 des rapporteurs de la commission des affaires sociales, adopté par la commission a donc supprimé cet article nouvellement créé.

En revanche, l'obligation de formation annuelle continue créée par le présent article constitue une avancée, qu'il conviendrait d'étendre à l'ensemble du personnel des associations de service mandataire, tant le rôle des managers peut y être important dans une perspective de prévention des maltraitances envers les personnes protégée. La commission a adopté trois amendements identiques COM-183 et COM-101 des rapporteurs des commissions concernées et COM-131 de Maryse Carrère en ce sens.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 5 bis A
Contrôle des antécédents judiciaires des personnes
exerçant une activité au contact d'un majeur vulnérable

Cet article, inséré en séance publique à l'Assemblée nationale, vise à étendre aux services à domicile les incapacités légales frappant les personnes intervenant ou exerçant dans les ESMS. Il propose également de permettre la consultation du Fijaisv pour les activités et professions en contact avec des personnes majeures prises en charge par un ESMS ou se trouvant dans d'autres situations de vulnérabilité. Enfin, il vise à conférer une base légale au nouveau système d'information « SI Honorabilité ».

La commission a adopté cet article en précisant le cadre dans lequel les gestionnaires des ESMS peuvent être tenus informés des décisions non définitives ou des mises en examen pouvant justifier une suspension provisoire de la personne concernée. Elle a par ailleurs adopté un amendement de clarification rédactionnelle quant à la consultation du Fijaisv pour les personnes majeures. Enfin, un amendement visant à clarifier la base légale conférée au nouveau système d'information.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A. Un contrôle des antécédents judiciaires insuffisant en pratique malgré un renforcement de l'arsenal législatif par la loi du 7 février 2022

1. L'état du droit

L'article L. 133-6 du code de l'action sociale et des familles détaille les délits et condamnations interdisant à une personne d'exploiter, de diriger un établissement, service ou lieu de vie et d'accueil régis par le code de l'action sociale des familles, ainsi que d'y « exercer une fonction à quelque titre que ce soit, ou être agréé ». La loi du 7 février 2022 n'a pas modifié les infractions prohibant l'exercice de fonctions dans le secteur social mais a toutefois supprimé le quantum de peine de deux mois d'emprisonnement ferme des infractions les plus graves pour prononcer l'incapacité.

Les antécédents judiciaires incompatibles
avec une fonction exercée dans le secteur social et médico-social

Aux termes de l'article L. 133-6 du code de l'action sociale et des familles, l'incapacité d'exercer les fonctions est constatée en cas des infractions pénales suivantes :

- atteintes volontaires à la vie ;

- atteintes volontaires à l'intégrité physique ou psychique de la personne (torture, actes de barbarie, violences, menaces, harcèlement moral, trafic d'armes ou de stupéfiants, etc.) ;

- mise en danger, atteintes aux libertés ou à la dignité de la personne (délaissement, provocation au suicide, réduction en esclavage, enlèvement, séquestration, discrimination, traite des êtres humains, proxénétisme, etc.) ;

- atteintes aux mineurs et à la famille (délaissement de mineurs, abandon de famille, atteintes à l'exercice de l'autorité parentale ou à la filiation, mise en péril de mineurs) ;

- appropriations frauduleuses (vols, extorsion, escroquerie, détournements) ;

- recel, corruption passive et trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique, soustraction et détournement de biens, corruption active et trafic d'influence, évasion, faux.

L'incapacité est également constatée en cas de condamnation définitive à une peine supérieure à deux mois d'emprisonnement sans sursis pour les délits suivants :

- homicide involontaire ;

- atteinte involontaire à l'intégrité de la personne ayant entraîné une incapacité totale de travail ;

- corruption passive et trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique ;

- soustraction et détournement de biens ;

- corruption active et trafic d'influence commis par les particuliers ;

- entraves à l'exercice de la justice ;

- faux et usage de faux ;

- provocation à l'usage illicite de stupéfiants ou au trafic de stupéfiants.

Ce même article, dans sa rédaction résultant de l'article 20 de la loi du 7 février 2022, prévoit que le contrôle de ces incapacités est assuré par la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire, qui recense les condamnations de la personne, à plusieurs exceptions près177(*), et le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv), plus complet et intégrant des informations pouvant être effacées du B2. Cette consultation se fait dans les conditions définies par le code de procédures pénales. Il précise que le contrôle des antécédents judiciaires doit s'effectuer « avant l'exercice des fonctions de la personne et à intervalles réguliers lors de leur exercice ».

L'article 776 du code de procédure pénale autorise la délivrance du B2 aux administrations et personnes morales dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'État, « ainsi qu'aux administrations ou organismes chargés par la loi ou le règlement du contrôle de l'exercice d'une activité professionnelle ou sociale lorsque cet exercice fait l'objet de restrictions expressément fondées sur l'existence de condamnations pénales ou de sanctions disciplinaires ». Le pouvoir réglementaire, à l'article R. 79 du code de procédure pénale, a en effet prévu que le B2 est délivré aux administrations de l'État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et, notamment, aux établissements médico-sociaux publics178(*) prenant en charge des personnes âgées, des mineurs ou des adultes handicapés.

Aux termes de l'article 776 du code de procédure pénale, « les dirigeants de personnes morales de droit public ou privé exerçant auprès des mineurs une activité culturelle, éducative ou sociale au sens de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles peuvent obtenir la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire, pour les seules nécessités liées au recrutement d'une personne, lorsque ce bulletin ne porte la mention d'aucune condamnation. La liste de ces personnes morales est déterminée par décret du ministre de la justice et du ou des ministres intéressés. »

Le B2 peut ainsi être délivré aux dirigeants des personnes morales de droit public ou privé gestionnaires des établissements, services ou lieux de vie et d'accueil accueillant des mineurs ou de jeunes adultes handicapés, autorisés, dans ces conditions, par l'intermédiaire du directeur régional de la protection judiciaire de la jeunesse ou par l'intermédiaire du directeur de la direction départementale interministérielle chargée de la cohésion sociale selon le type d'accueil réalisé179(*).

Contenant davantage d'informations, et donc en cela plus sensible, le Fijaisv fait l'objet d'un accès plus strictement encadré par l'article 706-53-7 du code de procédure pénale. Ce dernier dispose que les informations contenues dans le fichier sont directement accessibles, par l'intermédiaire d'un système de télécommunication sécurisé « aux préfets et aux administrations de l'État dont la liste est fixée par le décret prévu à l'article 706-53-12, pour les décisions administratives de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ainsi que pour le contrôle de l'exercice de ces activités ou professions ». En revanche, les présidents d'exécutifs locaux ne peuvent être destinataires des informations contenues dans le fichier que par l'intermédiaire des préfets, pour les décisions administratives concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ainsi que pour le contrôle de l'exercice de ces activités ou professions.

Le Fijaisv

Le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv), créé par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, recense les condamnations d'une personne mais également l'identité et l'adresse du domicile de l'auteur. L'inscription au Fijaisv peut être complétée d'une obligatoire régulière de déclaration de changement d'adresse.

Les personnes inscrites au fichier sont celles condamnées pour une infraction listée ci-après, définitivement ou non, même si elles sont irresponsables pénalement, ainsi que les personnes mises en examen. L'inscription est automatique si la peine encourue du fait de l'infraction est supérieure ou égale à 5 ans d'emprisonnement, sinon l'inscription est décidée par le juge ou le procureur de la République. L'inscription est automatique pour les auteurs dont la victime est mineure sauf décision contraire de l'autorité judiciaire. La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a enrichi les infractions figurant dans le Fijaisv en y intégrant, de droit, les décisions de mise en examen en matière criminelle, sauf décision contraire du juge. De même, la loi a réprimé d'une peine plus sévère la consultation habituelle d'images pédopornographiques ce qui rend obligatoire son inscription au fichier.

Les infractions concernées par une inscription au fichier sont les suivantes :

- viol et agression sexuelle ;

- sur la personne mineure : atteinte sexuelle, traite des êtres humains, proxénétisme, recours à la prostitution, corruption de mineur, incitation à se soumettre à une mutilation sexuelle ou à commettre cette mutilation ;

- proposition sexuelle à un mineur de 15 ans par un moyen de communication électronique ; enregistrement, acquisition, détention ou offre de contenu pédopornographique ; consultation habituelle ou payante d'un site pédopornographique ;

- fabrication, transport, diffusion ou commerce de messages violents ou pornographiques pouvant être vus ou perçus par un mineur ;

- violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de 15 ans ;

- torture ou acte de barbarie ;

- meurtre ou assassinat sur un mineur ou en récidive.

2. Dans le champ de l'enfance : l'insuffisance des contrôles en pratique

Le rapport de la mission commune d'information du Sénat de 2019 sur la répression des infractions sexuelles sur mineurs180(*) avait toutefois révélé que les antécédents judiciaires n'étaient pas pleinement contrôlés. Le B2 n'était ainsi pas systématiquement demandé par les départements ou les gestionnaires d'ESMS. De même, les exécutifs locaux ne faisaient pas un usage fréquent auprès des préfectures de leur possibilité de demander à obtenir les informations du Fijaisv. La loi du 7 février 2022 avait ainsi renforcé les obligations de consultation des fichiers pour s'assurer du respect des incapacités légales. La pleine effectivité des contrôles devait toutefois être assurée par le déploiement d'un système d'information qui avait été annoncé lors des débats parlementaires du projet de loi.

Le rapport181(*) sur l'application des lois relatives à la protection de l'enfance de Bernard Bonne pointait, en juillet 2023, que les dispositions législatives étaient encore très loin de trouver une pleine application en raison d'un système trop complexe et trop lent qui rendait, matériellement, impossible de recevoir les informations à temps lors d'un recrutement. Le rapport indiquait ainsi que « tous les départements n'ont pas contractualisé avec les représentants de l'État pour la mise en place d'un circuit d'obtention des informations du Fijaisv. Dans les territoires où le partenariat est bien organisé, l'ampleur du criblage à organiser rend l'application de la loi encore parcellaire. »

Le déploiement du système d'information est, quant à lui, encore à ses balbutiements. En 2023, le lancement du SI devait être effectué dans quatre départements à titre expérimental. La DGCS indique désormais, dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs, qu'une « première phase de déploiement de l'outil devrait être prévue dès mars 2024 sous réserve des délais de publication du projet de décret, dans les champs de la protection de l'enfance et des modes d'accueil du jeune enfant dans six départements pilotes. La mise en oeuvre de l'outil sur l'ensemble du territoire sera effective en 2025. »

B. Le dispositif proposé : une extension aux structures médico-sociales prenant en charge les majeurs vulnérables et un assouplissement des moyens de contrôle par un nouveau traitement automatisé

Le présent article résulte de l'adoption en séance publique de deux amendements identiques de la rapporteure Annie Vidal et de Freddy Sertin, ayant reçu un avis favorable du Gouvernement.

1. Les modifications proposées du code de l'action sociale et des familles

Le I du présent article modifie l'article L. 133-69 du code de l'action sociale et des familles.

a) L'extension du champ des incapacités légales

 Le b) du étend le champ des structures au sein desquelles les personnes condamnées pour un crime ou délit listé ne peuvent exercer une fonction, à quel titre que ce soit. Il propose d'inclure dans ce périmètre les services à la personne182(*) intervenant pour des activités de garde d'enfants ou d'assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou ayant besoin d'une aide personnelle. Sont également concernées - au c) du  du I - les personnes, exerçant leur activité en qualité de salarié employé par un particulier employeur.

Par ailleurs, le présent article procède - au a) du , au , au a) et b) du , au  et  du I - à des réorganisations rédactionnelles de l'article L. 133-6 précité.

b) Le déploiement d'un dispositif de « certificat d'honorabilité » au moyen d'un système d'information

 Le vise à permettre à l'administration chargée du contrôle des incapacités légales de délivrer un certificat d'honorabilité à la personne ne faisant l'objet d'aucune incapacité listée à l'article L. 133-6. Ce certificat pourrait être octroyé « dans le cadre d'un système d'information sécurisé » permettant la consultation du B2 et du Fijaisv, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

Le dispositif proposé permet la création de ce système d'information en dérogation aux articles 706-53-11 et 777-3 du code procédure pénale, lesquels interdisent, sous peine de sanction, tous rapprochement ou interconnexion entre le casier judiciaire national automatisé ou un autre fichier défini par le code de procédure pénale et tout autre fichier ou traitement de données à caractère personnel ne dépendant pas du ministère de la justice.

Cette disposition viserait donc à conférer une base légale au déploiement du SI honorabilité annoncé par le Gouvernement depuis 2021. Il convient de noter que le Gouvernement, en soutenant le présent article à l'Assemblée nationale, opterait ainsi pour une solution juridique différente de celle envisagée alors. L'étude d'impact du projet de loi relative à la protection des enfants indiquait en effet qu'afin de créer un fichier automatisé semblable à celui développé dans le champ de la jeunesse et des sports, « l'arrêté du 31 mars 2021 portant sur la création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé “SI Honorabilité” serait modifié, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ».

La DGCS motive ce souhait de disposer d'une base légale par l'intérêt de « sécuriser au mieux la mise en oeuvre de l'outil, notamment en matière de conséquences en droit du travail ». Toutefois, cette base légale paraît également nécessaire pour rendre possible la dérogation aux articles 706-53-11 et 777-3 du code procédure pénale.

 Enfin, le présent article - toujours au du I - propose de permettre aux responsables de structures médico-sociales de suspendre temporairement l'activité ou l'agrément d'une personne inscrite au Fijaisv pour une condamnation non définitive ou une mise en examen.

2. Les modifications proposées du code de procédure pénale

Le II du présent article modifie l'article 706-53-7 du code de procédure pénale.

Ainsi qu'il a été rappelé plus en amont, les préfets et les administrations de l'État, en l'état du droit, peuvent, consulter le Fijaisv pour cribler les décisions administratives de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation.

 Le a) du remplace la mention à des « décisions administratives » par la mention à des « procédures » ; l'objet de l'amendement indique ainsi que les dispositions précisent que le contrôle du B2 et du Fijaisv « peut intervenir dans le cadre de procédures de recrutement et d'agrément engagées par des employeurs publics comme privés ».

 Le b) et c) du élargissent l'autorisation de consulter le Fijaisv, conférée aux préfets et autres administrations de l'État habilitées, en permettant l'accès au fichier pour des activités et professions impliquant un contact avec des majeurs pris en charge par des structures sociales ou médico-sociales, des majeurs accompagnés par des personnes mandataires judiciaires à la protection des majeurs, par des personnes déléguées aux prestations familiales ou, enfin, par des salariés d'une entreprise à la personne ou d'un particulier employeur. La liste précise de ces activités et professions doit être fixée en décret en Conseil d'État.

Les délégués aux prestations familiales

En application de l'article 375-9-1 du code civil, le juge des enfants peut ordonner que les prestations familiales et le revenu de solidarité active (RSA) soient versés à une personne physique ou morale qualifiée, appelée délégué aux prestations familiales. Cette décision est prise, dans le cas d'un parent isolé, lorsque ces allocations ne sont pas « employé[e]s pour les besoins liés au logement, à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants » et qu'une prestation d'aide à l'enfance à domicile n'est pas suffisante à remédier à la situation.

Les délégués aux prestations familiales font l'objet, en vertu des articles L. 474-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, d'un agrément par le préfet et « doivent satisfaire à des conditions de moralité, d'âge, de formation certifiée par l'État et d'expérience professionnelle ».

 Le procède aux mêmes ajustements du périmètre de l'habilitation législative dans le cas où les destinataires des informations du Fijaisv sont les présidents des exécutifs des collectivités territoriales183(*).

En l'état du droit, ces derniers ont accès aux informations par l'intermédiaire des seuls préfets. Le c) du  du II propose d'élargir cette mission d'intermédiaire à une ou plusieurs autres administrations de l'État désignées par décret en Conseil d'État.

La DGCS, dans sa contribution écrite aux rapporteurs, a indiqué qu'elle-même pourra être cet interlocuteur habilité. Ainsi, « une cellule de contrôle des antécédents judiciaires est actuellement en cours de création à la DGCS pour le contrôle du Fijaisv dans les champs de la protection de l'enfance et des modes d'accueil du jeune enfant », cette cellule ayant vocation à s'étendre pour cribler les antécédents judiciaires des personnes intervenant dans les établissements des champs des personnes âgées et handicapées.

II - La position de la commission : un article bienvenu dont la portée dépendra de son application effective et efficace

Les rapporteurs accueillent favorablement l'extension proposée au présent article de l'application des incapacités légales aux personnes intervenant au domicile pour l'assistance de majeurs vulnérables ou pour la garde d'enfant. Celle-ci répond à l'impérieuse nécessité de prendre en charge ou d'accompagner les personnes dans des conditions de sécurité prévenant tout risque de maltraitance et, à plus forte raison, de délits ou crimes.

Ils s'interrogent toutefois sur la faisabilité de cet accroissement de personnes dont les antécédents judiciaires devront être contrôlés : selon la DGCS, le présent article induit une augmentation d'environ un million de personnes à cribler. Pourtant, entendue en audition en décembre 2022, Charlotte Caubel, alors secrétaire d'État chargée de l'enfance, prévenait déjà que la disposition de la loi du 7 février 2022, renforçant le contrôle des antécédents judiciaires dans le champ de la protection de l'enfance, « est excellente, mais elle concerne plusieurs millions de personnes, ce qui fait peser une pression importante sur les équipes chargées de la mettre en oeuvre »184(*).

Les rapporteurs sont également favorables à l'ouverture de la consultation du Fijaisv pour les personnes majeures vulnérables qui permettra ainsi de rendre applicables les incapacités légales énoncées par le code de l'action sociale et des familles. À cet égard, ils prennent note des informations communiquées par la DGCS sur les modalités de déploiement du système d'information. Ainsi, le document attestant l'absence d'antécédents judiciaires « sera délivr[é] conjointement par l'administration (DGCS) et le conseil départemental dans les champs de la protection de l'enfance et de l'accueil du jeune enfant, que l'outil a vocation à couvrir dans un premier temps. [...] Si ce dispositif ne supprimera pas la nécessité d'une vérification manuelle des fichiers lorsqu'un antécédent éventuel est détecté par le SI, il permettra d'en réduire considérablement le volume. Les extraits de casier judiciaire de bulletin n° 2 contenant une mention devront être contrôlés par les conseils départementaux et les suspicions d'inscription au Fijaisv seront vérifiées par des agents de la direction générale de la cohésion sociale. »

Enfin, les rapporteurs sont favorables à la possibilité donnée aux directeurs d'établissements de suspendre temporairement l'activité ou l'agrément d'une personne inscrite au Fijaisv en raison d'une condamnation non définitive ou d'une mise en examen. Interrogée sur le nombre de personnes potentiellement concernées par de telles dispositions, la DGCS indique, par comparaison, que dans le secteur de la jeunesse et des sports, dans lequel les contrôles du Fijaisv sont déjà effectifs depuis quelques années, les personnes inscrites au fichier représentent moins d'un pourcent pour un public concerné d'environ deux millions de professionnels.

Toutefois, les rapporteurs s'interrogent sur l'opérabilité de la disposition proposée dans la mesure où les gestionnaires d'ESMS ne sont pas habilités, ni par le droit en vigueur, ni par le présent article, à consulter les informations contenues dans le fichier ayant trait à une condamnation non définitive ou une mise en examen. Les rapporteurs ont donc jugé préférable de clarifier que la suspension de l'activité pourra être décidée lorsque le directeur est informé de la condamnation ou de la mise en examen dans le cadre du droit existant (article 11-2 et article 706-47-4 du code de procédure pénale), cette information leur étant transmise par le ministère public, directement ou, le cas échant, indirectement par l'intermédiaire de l'administration de tutelle. À cette fin, la commission a adopté deux amendements identiques COM-187 et COM-103, respectivement de ses rapporteurs et d'Elsa Schalck, rapporteure pour avis de la commission des lois. Ces amendements précisent également que les directeurs apprécient le risque que fait porter la situation pour la santé ou la sécurité des mineurs ou majeurs en situation de vulnérabilité avec lesquels la personne concernée est en contact.

En concertation avec la commission des lois, la commission a, par ailleurs, adopté deux amendements identiques de clarification rédactionnelle COM-104 et COM-188. Les modifications adoptées visent à clarifier le champ des activités ou professions pour lesquelles le présent article entend rendre possible la consultation du Fijaisv en mentionnant expressément l'état de vulnérabilité des personnes majeures concernées.

Enfin, deux amendements identiques COM-102 et COM-186 de la rapporteure pour avis de la commission des lois et des rapporteurs de la commission ont clarifié la base légale que le présent article vise à conférer au nouveau système d'information permettant la consultation du B2 et du Fijaisv. Cet amendement remplace, par ailleurs, la mention à un « certificat d'honorabilité » qui ne paraît pas opportune aux rapporteurs.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 5 bis
Création d'un livret d'accueil pour la personne accueillie
en format « facile à lire et à comprendre »

Cet article, inséré en commission à l'Assemblée nationale, vise à ce qu'un livret d'accueil dans un format facile à lire et à comprendre soit remis à la personne admise dans une structure médico-sociale.

La commission a supprimé cet article.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A. Le droit existant : une obligation de remise d'un livret d'accueil

L'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles fait obligation à la structure médico-sociale de remettre un livret d'accueil à la personne concernée, à son représentant légal, s'il s'agit d'un mineur, ainsi que, le cas échéant, à la personne chargée de la mesure de protection juridique. L'article précité dispose également que sont annexés à ce livret :

- une charte des droits et libertés de la personne accueillie ;

- le règlement de fonctionnement de la structure.

B. Le droit proposé : remettre un livret d'accueil supplémentaire

Le présent article, inséré par un amendement en commission de Béatrice Piron (groupe Renaissance), propose de modifier l'article L. 311-4 précité afin de prévoir l'obligation de remettre un livret d'accueil supplémentaire dans un format « facile à lire et à comprendre » lors de l'admission de la personne en établissement ou en service social ou médico-social.

Selon l'objet de l'amendement, ces dispositions visent à « renforcer le droit à l'information sur les modalités de prise en charge du résident, ses droits, les protections particulières, légales et contractuelles, ainsi que sur les voies de recours à sa disposition ».

Le format facile à lire et à comprendre

Le format facile à lire et à comprendre (FALC) désigne une méthode de rédaction et de présentation des textes rendant leurs lecture et compréhension aisées notamment par les personnes en situation de handicap mental ou de troubles cognitifs.

Cette méthode, promue par l'organisation Inclusion Europe, répond à des exigences de simplicité et de clarté exposées dans un guide de recommandations185(*). L'organisation labellise également les textes répondant aux critères de la méthode FALC au moyen du logo ci-dessous :

Source : Inclusion Europe

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements de la rapporteure Annie Vidal, l'un rédactionnel et l'autre de coordination.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

II - La position de la commission

Les rapporteurs partagent, bien naturellement, l'intention du présent article mais ne peut que constater la nature réglementaire d'une telle disposition qui, par ailleurs, est satisfaite par le droit en vigueur.

En effet, le droit effectif à l'information est déjà précisément reconnu aux résidents à l'article 3 de la charte des droits et libertés de la personne accueillie, prévu par arrêté186(*). Ce dernier énonce : « La personne bénéficiaire de prestations ou de services a droit à une information claire, compréhensible et adaptée sur la prise en charge et l'accompagnement demandés ou dont elle bénéficie ainsi que sur ses droits et sur l'organisation et le fonctionnement de l'établissement, du service ou de la forme de prise en charge ou d'accompagnement ».

En conséquence, la commission a adopté un amendement COM-189 de ses rapporteurs supprimant l'article.

La commission a supprimé cet article.

Article 5 ter
Rapport au Parlement sur les mesures de contention dans les ESMS

Cet article, inséré en commission à l'Assemblée nationale, vise à demander un rapport au Gouvernement quant au recours aux mesures de contention physique et médicamenteuse dans les ESMS.

La commission a supprimé cet article.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale : une demande de rapport

A. Un régime juridique de la contention en établissement médico-social flou et minimaliste

Alors que les mesures de contention en établissement psychiatrique font l'objet d'une définition et d'un encadrement législatif187(*) et réglementaire188(*) sous l'oeil attentif du juge constitutionnel189(*), le régime juridique applicable au secteur médico-social n'est pas clairement défini, ainsi que le souligne la doctrine (voir notamment l'article190(*) de Clémence Zacharie, docteure en droit public).

A contrario, le droit insiste sur la liberté constitutionnelle d'aller et venir qui trouve, naturellement, à s'appliquer dans les Ehpad et les autres établissements médico-sociaux. Ainsi le rappelle expressément l'article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles dont les principes sont déclinés par la charte des droits et libertés de la personne accueillie191(*), notamment à son article 8, laquelle est diffusée dans les établissements et remise aux résidents.

Le recours en ESMS à des mesures de contention, physique ou médicamenteuse, est pourtant bien avéré et les travaux de l'ancienne Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de la santé (Anaes)192(*) comportent, à ce jour, les seules directives aidant les établissements et les professionnels à discerner le juste usage de ces mesures. Ces travaux insistent, en tout état de cause, sur le fait que « la contention doit être exceptionnelle, réduite aux situations d'urgence médicale après avoir exploré toutes les solutions alternatives et correspondre à un protocole précis [...] »193(*).

B. Un article se bornant à demander la remise d'un rapport au Parlement

Le présent article, inséré en commission par un amendement de Pierre Dharréville (groupe Gauche démocrate et républicaine), vise à demander un rapport au Gouvernement évaluant le recours aux mesures de contention physique et médicamenteuse dans les ESMS. Ce rapport devra également « formule[r] des propositions visant à mieux encadrer l'usage de la contention et à le réduire ».

II - La position de la commission

En dépit des recommandations de bonnes pratiques évoquées supra, les rapporteurs déplorent que des mesures de contention contestables voire, pour certaines, scandaleuses ont pu être relevées. Ainsi, le Défenseur des droits, en 2019194(*), établissant une atteinte portée à la liberté d'aller et venir d'un résident, notait que celle-ci caractérisait un acte de maltraitance devant être notifié à l'ARS comme un évènement indésirable grave (EIG).

Toutefois, indépendamment de la pertinence des questions soulevées par le présent article, la commission n'a pas dérogé à sa position constante sur les demandes de rapport au Gouvernement, lesquelles contribuent à une inflation législative peu normative et vaine. Elle a donc adopté un amendement COM-190 de ses rapporteurs visant à supprimer l'article.

La commission a supprimé cet article.


* 99 Rapport n° 18 (2021-2022) de Mme Corinne Imbert, déposé le 6 octobre 2021.

* 100 Voir le rapport précité de Corinne Imbert.

* 101 Compte rendu des débats en commission des affaires sociales du mercredi 6 octobre 2021.

* 102 Circulaire DHOS/E1/DGS/SD1C/SD4A n° 2006-90 du 2 mars 2006 relative aux droits des personnes hospitalisées et comportant une charte de la personne hospitalisée, qui actualise la charte du patient hospitalisé de 1995.

* 103 Arrêté relatif à la charte des droits et libertés de la personne accueillie, mentionnée à l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles.

* 104 Rapport de la mission « Droit de visite et lien de confiance », p. 56.

* 105 CCNE, Réponse à la saisine du ministère des solidarités et de la santé sur le renforcement des mesures de protection dans les Ehpad et les USLD, 30 mars 2020.

* 106 Rapport précité p. 76.

* 107 Décret du 1er avril 2020 qui interdit la toilette mortuaire et impose une « mise en bière immédiate », souvent interprétée au sens strict.

* 108 Article L. 1110-14 du code de la santé publique.

* 109 Article L. 554-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 110 Article L. 564-1 du même code.

* 111 Article L. 574-1 dudit code.

* 112 En application du décret n° 57-811 du 22 juillet 1957 relatif aux attributions de l'assemblée territoriale, du conseil territorial et de l'administrateur supérieur des îles Wallis-et-Futuna.

* 113 En vertu de la combinaison des articles 13 et 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004.

* 114 Conformément à l'article 22 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

* 115 JORF, Compte rendu intégral 2e séance du jeudi 13 avril 2023, Année 2023. - No 48 [2] A.N. (C.R.)

* 116 Voir infra le commentaire de l'article 4.

* 117 Relevant du 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, y compris ceux énumérés à l'article L. 342-1 du même code.

* 118 Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015.

* 119 Le dispositif proposé de l'article 22 du projet de loi initial indiquait que le contrat de séjour pouvait comporter « une annexe précisant les adaptations apportées aux contraintes prévues par le règlement de fonctionnement et susceptibles de limiter les possibilités d'aller et venir du résident, aux seules fins d'assurer son intégrité physique et la sécurité des personnes ».

* 120 Articles R. 311-0-5 et suivants du code de l'action sociale et des familles.

* 121 Ce dernier exerce cependant cette fonction, aux termes de l'article D. 312-58 du même code, « sous la responsabilité et l'autorité administratives du responsable de l'établissement ».

* 122 Annexe 3-9-1 prévue par le décret n° 2016-1743 du 15 décembre 2016 relatif à l'annexe au contrat de séjour dans les établissements d'hébergement sociaux et médico-sociaux pour personnes âgées.

* 123 Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes), Recommandations de la conférence de consensus : liberté d'aller et venir dans les établissements sanitaires et médico-sociaux et obligation de soins et de sécurité, décembre 2004. Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), L'accompagnement des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou apparentée en établissement médico-social, février 2009. Anesm, Qualité de vie en Ehpad (volet 2), septembre 2011.

* 124 Article R. 311-0-5 du même code.

* 125 Article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles.

* 126 Article 7 de la charte prévue par l'arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la charte des droits et libertés de la personne accueillie mentionnée à l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles.

* 127 Espace seniors, Intimité et sexualité des seniors en maison de repos, 2014.

* 128 HAS, Vie affective et sexuelle dans le cadre de l'accompagnement en ESSMS, Note de cadrage, validée le 31 mai 2022.

* 129 JORF, Compte rendu intégral de la 2e séance du jeudi 13 avril 2023, No 48 [2] A.N. (C.R.), vendredi 14 avril 2023.

* 130 Vancouver Coastal Health Authority, « Supporting Sexual Health and Intimacy in Care Facilities: Guidelines for Supporting Adults Living in Long-Term Care Facilities and Group Homes in British Columbia », 2009.

* 131 Guide mentionné réalisé par l'association Espace seniors.

* 132 Article 10 de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002.

* 133 Décret n° 2022-688 du 25 avril 2022 portant modification du conseil de la vie sociale et autres formes de participation.

* 134 Article D. 311-4 du code de l'action sociale et des familles.

* 135 Article D. 311-9 du même code.

* 136 https://solidarites.gouv.fr/foire-aux-questions-conseil-de-la-vie-sociale-et-autres-formes-de-participation-dans-les

* 137 Article D. 311 du code de l'action sociale et des familles.

* 138 Article D. 311 précité.

* 139 ANESM (HAS), Les attentes de la personne et le projet personnalisé, décembre 2008.

* 140 Idem.

* 141 ANESM (HAS), Le projet personnalisé : une dynamique du parcours d'accompagnement (volet Ehpad), août 2018.

* 142 ANESM, Enquête : bientraitance des personnes âgées accueillies en établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes, 2015.

* 143 Arrêté du 31 mars 2022 fixant le modèle de formulaire prévu à l'article R. 313-25 du code de l'action sociale et des familles relatif au recueil de l'accord écrit de l'occupant ou de son représentant légal lors du contrôle dans les locaux, lieux, installations et moyens de transport à usage d'habitation.

* 144 Instruction n° DGCS/SD4C/2022/240 du 7 décembre 2022 relative aux modalités de mise en oeuvre de l'ordonnance n° 2018-22 du 17 janvier 2018 relative au contrôle de la mise en oeuvre des dispositions du code de l'action sociale et des familles et de l'article L. 412-2 du code du tourisme.

* 145 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).

* 146 Cnil, Référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre dans le cadre de l'accueil, l'hébergement et l'accompagnement social et médico-social des personnes âgées, des personnes en situation de handicap et de celles en difficulté, adopté le 11 mars 2021.

* 147 Cnil, référentiel précité, p. 7.

* 148 Dans les conditions prévues à l'article 21 du RGPD.

* 149 Mission permanente inspection-contrôle de l'Igas, Guide pour la préparation d'un contrôle d'établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux, juin 2021.

* 150 Article R. 331-8 du CASF.

* 151 Arrêté du 28 décembre 2016 relatif à l'obligation de signalement des structures sociales et médico-sociales.

* 152 Rapport d'information n° 771 (2021-2022) de M. Bernard Bonne et Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 12 juillet 2022.

* 153 Voir le rapport d'information de Bernard Bonne, au nom de la commission des affaires sociales, n° 837 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023.

* 154 Articles 425 à 494-12 du code civil.

* 155 Articles 477 à 494 du code civil.

* 156 Articles 494-1 à 494-12 du code civil.

* 157 Article 439 du code civil.

* 158 Articles 440 à 476 du code civil.

* 159 En application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, la fonction de juge des tutelles a été remplacée depuis le 1er janvier 2020 par celle de juge des contentieux de la protection. Il s'agit d'un magistrat spécialisé du siège, rattaché au tribunal judiciaire.

* 160 Article 428 du code civil.

* 161 ANCREAI, Étude relative à la population des majeurs protégés - Profils, parcours et évolutions, 2017.

* 162 Articles 449 et 450 du code civil.

* 163 Article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles.

* 164 Article L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles.

* 165 Article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 166 Au-delà de 80 places, les établissements sont tenus de désigner un mandataire judiciaire préposé d'établissement.

* 167 Article D. 471-3 du code de l'action sociale et des familles.

* 168 Article L. 471-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 169 Article L. 471-6 du code de l'action sociale et des familles.

* 170 Idem.

* 171 Conformément aux dispositions de l'article 415 du code civil.

* 172 Voir le commentaire de l'article 4.

* 173 Au sens de l'article L. 119-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 174 Voir par exemple le rapport de la mission interministérielle sur L'Évolution de la protection juridique des personnes en 2018, ou plus récemment en juillet 2023 dans le cadre des États généraux de la maltraitance le rapport Penser les protections juridique et sociale à partir des droits des personnes les plus vulnérables à être entendues et soutenues dans une société solidaire.

* 175 Article 415 du code civil.

* 176 Ce guide de réflexion et de bonnes pratiques, qui a été rédigé conjointement par les services des ministères sociaux et de la justice avec les principaux représentants du secteur, a été publié en avril 2020.

* 177 Ne figurent pas dans le B2 les décisions à l'encontre des mineurs, des condamnations prononcées pour contraventions, de celles assorties d'une dispense de peine, des condamnations avec sursis lorsque le délai d'épreuve a pris fin sans exécution de la totalité de la peine.

* 178 Mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986.

* 179 En application des articles D. 571-5 et suivants.

* 180 Violences sexuelles sur mineurs en institutions : pouvoir confier ses enfants en toute sécurité, rapport d'information de Mmes Marie Mercier, Michelle Meunier et Dominique Vérien, fait au nom de la MCI Répression infractions sexuelles sur mineurs, n° 529, déposé le 28 mai 2019.

* 181 Application des lois relatives à la protection de l'enfance, rapport d'information de M. Bernard Bonne, sur l'application des lois relatives à la protection de l'enfance, n° 837, déposé le 5 juillet 2023.

* 182 Prévus aux 1° et 2° de l'article L. 7231-1 du code du travail.

* 183 Les maires, les présidents d'établissements publics de coopération intercommunale, les présidents de conseil départemental et les présidents de conseil régional.

* 184 Audition de Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'enfance, le 14 décembre 2022.

* 185 Inclusion Europe, L'information pour tous : Règles européennes pour une information facile à lire et à comprendre, 2009.

* 186 Arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la Charte des droits et libertés de la personne accueillie mentionnée à l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles.

* 187 Article L. 3222-5-1 du code de la santé publique.

* 188 Instruction no DGOS/R4/DGS/SP4/2017/109 du 29 mars 2017 relative à la politique de réduction des pratiques d'isolement et de contention au sein des établissements de santé autorisés en psychiatrie. L'instruction précise explicitement que son champ d'application ne concerne pas les établissements médico-sociaux.

* 189 Voir, en autres : CC, M. Éric G., 19 juin 2020, décision QPC n° 2020-844.

* 190 Clémence Zacharie, « Les effets de la contention en secteur médico-social, oubliés du débat juridique ? », Journal du droit de la santé et de l'assurance maladie, vol. 31, no 1, 2022, pp. 18-25.

* 191 Prévue à l'arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la Charte des droits et libertés de la personne accueillie mentionnée à l'article L. 311-4 du Code de l'action sociale et des familles.

* 192 Voir par exemple : Anaes, Limiter les risques de la contention physique de la personne âgée. Évaluation en établissements de santé, 2000.

* 193 Anaes, FHF, Conférence de consensus : Liberté d'aller et venir dans les établissements sanitaires et médico-sociaux, et obligation de soins et de sécurité, novembre 2004.

* 194 Décision du Défenseur des droits n° 2019-318 du 30 décembre 2019.

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