II. UN PROJET DE LOI AUX OBJECTIFS LOUABLES MAIS À L'EFFICACITÉ DISCUTABLE
Le rapporteur salue la volonté du Gouvernement de lutter contre les dérives sectaires et les violences qui en découlent : incontestablement, il est nécessaire de sensibiliser davantage la société à cette problématique croissante.
L'examen au Parlement d'un tel projet de loi est l'occasion d'un débat sociétal afin de sensibiliser et d'éduquer les citoyens, les justiciables, les professionnels, et notamment les professionnels du droit aux problématiques des dérives sectaires.
Toutefois, la genèse de ce projet de loi ainsi que les mesures qu'il comporte ne sont pas sans interroger et contrastent avec les nombreux travaux parlementaires ayant fait date en la matière, que le Gouvernement n'a pas jugé utile de traduire utilement.
A. UNE RÉPONSE PÉNALE HÂTIVE À UN PROBLÈME COMPLEXE : L'UTILISATION DES RÉSEAUX SOCIAUX ET MOYENS NUMÉRIQUES POUR DÉMULTIPLIER LES INFRACTIONS À CARACTÈRE SECTAIRE
Les dispositions du projet de loi sont motivées par la volonté, d'une part, de tirer les conclusions des assises des dérives sectaires et d'autre part, de répondre à plusieurs affaires judiciaires médiatisées en lien avec l'utilisation des réseaux sociaux et de l'espace numérique par des « gourous 2.0 » selon l'expression retenue par les documents gouvernementaux.
Contrairement au Gouvernement, le Parlement, et singulièrement le Sénat, a inscrit son action en la matière dans le temps long et a, depuis plusieurs années, fait des propositions en la matière. Le rapporteur regrette que le Gouvernement ait choisi de ne pas s'appuyer sur des rapports parlementaires ayant pourtant fait date et dont certaines préconisations de nature législatives demeurent encore à mettre en oeuvre.
B. UN PROJET D'AFFICHAGE AU DÉTRIMENT DE LA QUALITÉ DE LA LOI
Soucieuse de ne pas considérer les projets de loi comme des outils de communication politique davantage que des textes à visée normative, la commission des lois a, de longue date, déploré les effets d'affichage présidant parfois au dépôt de projets de loi.
Sur ce point, le rapporteur regrette en particulier que le Gouvernement ait tenu à maintenir certaines dispositions en dépit d'un avis négatif du Conseil d'État soulevant selon le cas l'absence de nécessité de légiférer ou les risques constitutionnels pesant sur certaines dispositions.
C. DES ÉVOLUTIONS MAJEURES AUX EFFETS INCERTAINS
Plusieurs des mesures du projet de loi concernent le code pénal. L'article 1er tend ainsi à rompre avec la logique de la loi dite « About-Picard »4(*), qui a permis la répression de l'abus frauduleux d'ignorance et de faiblesse notamment par la sujétion physique ou psychologique, pour faire de la mise sous sujétion d'une personne et de l'abus frauduleux de cette sujétion une infraction autonome.
L'article2 en tire les conséquences, en créant à côté de la circonstance aggravante de l'abus de vulnérabilité une circonstance aggravante de mise sous sujétion pour les infractions les plus graves.
L'article 4 entend pour sa part réprimer les provocations à l'abstention ou à l'arrêt d'un traitement susceptible de porter gravement atteinte à la santé d'une personne, que cette provocation ait été ou non suivie d'effet.
Ces évolutions sont fondées sur la difficulté dont témoignent certaines victimes à se voir comme étant en situation de faiblesse et visent à réprimer l'essor des discours déviants sur internet.
* 4 Loi no 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales.