LA POSITION DE LA
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES : UNE RÉFORME DU
MARCHÉ EUROPÉEN DE L'ÉLECTRICITÉ DEVANT ÊTRE
INFLÉCHIE
DANS LE SENS DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
La réforme du marché européen de l'électricité doit être, tout à la fois, infléchie (I) et suivie (II), ainsi que le suggère la proposition de résolution de MM. Daniel Gremillet et Claude Kern, adoptée le mercredi 7 juin par la commission des affaires économiques.
I. UN BESOIN D'INFLEXION DES TEXTES
Parce que la réforme du marché européen de l'électricité présente des limites et des ambiguïtés, elle doit être infléchie, selon 6 axes : un souci de complétude ; la neutralité technologique ; la faisabilité technique ; la protection des consommateurs ; le respect des compétences des autorités et juridictions nationales ; la promotion du stockage de l'électricité, au-delà de sa production.
C'est tout l'objet de la PPRE proposée par les sénateurs précités.
Premièrement, la réforme du marché européen de l'électricité doit poursuivre un souci de complétude. Si elle permet le développement utile d'un marché de long terme, elle n'aura pas d'impact immédiat sur le marché de court terme, dans la mesure où elle ne remet pas en cause le principe du coût marginal, qui lie dans les faits le prix de l'électricité à celui du gaz, et ne peut entrer en vigueur avant fin 2023... Il faut donc aller plus loin et plus vite ! C'est pourquoi la PPRE déplore ce manque. De plus, il importe d'évaluer les effets économiques et sociaux de cette réforme et d'envisager son extension au gaz ou à la chaleur.
Deuxièmement, cette réforme doit respecter le principe de neutralité technologique. Les CfD doivent couvrir toutes les sources d'énergies renouvelables, dont celles hydraulique, marine ou issue de la biomasse. Si l'énergie nucléaire est bien visée, le fonctionnement des installations et l'innovation en leur sein doivent aussi l'être. Quant aux PPA, ils doivent être étendus à l'énergie nucléaire, aux côtés des énergies renouvelables. Ces deux outils doivent inclure l'hydrogène décarboné, quelle que soit son origine. C'est essentiel pour respecter l'article 194 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui consacre le « droit d'un État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ».
Troisièmement, il faut veiller à la faisabilité technique de cette réforme. Les États membres doivent rester maîtres du champ et des modalités des CfD et des PPA, en veillant au caractère volontaire, des premiers et accessible, des seconds. L'utilisation des CfD doit pouvoir être considérée, dans le cadre de la nouvelle régulation de l'énergie nucléaire. Quant aux PPA, ils ne doivent pas être réservés aux seules industries électro-intensives, exposées à la concurrence internationale. Dans les deux cas, les tarifs d'achat, qui soutiennent la production d'électricité renouvelable, ne sauraient être évincés ; de plus, un système de garantie peut dynamiser ces outils tandis que le reversement de recettes vers l'ensemble des consommateurs peut conforter leur acceptabilité. Enfin, les mécanismes de capacité doivent rester optionnels, et reposer sur une évaluation nationale, tandis que les plateformes virtuelles ou la gestion de l'équilibrage à 30 minutes doivent être évaluées au préalable.
Quatrièmement, cette réforme doit mieux protéger les consommateurs. Les États membres doivent pouvoir déclarer la situation de crise des prix, dont les critères, notamment d'intensité et de durée, nécessitent d'être assouplis. Leurs interventions publiques ciblées doivent être, non seulement facilitées, mais aussi pérennisées. Les clients résidentiels, dont les ménages en situation de précarité énergétique, doivent bénéficier de contrats à prix fixe, plutôt que dynamique. En cas d'impayés de facturation par ces ménages, les diminutions de puissance doivent être préférées aux interruptions de fourniture. Pour lutter contre la précarité énergétique, les États membres doivent voir leurs compétences maintenues, tandis que les fournisseurs de secours et les collectivités doivent bénéficier de ressources suffisantes. Il est essentiel de protéger les collectivités, aux côtés des ménages, et les PME, aux côtés des TPE. Enfin, davantage de régulation peut être promue, s'agissant des obligations de couverture, des droits aux interconnexions, des délais de raccordement et des opérations de courtage.
Cinquièmement, cette réforme doit respecter les compétences des autorités de régulation et les juridictions nationales. Les principes de subsidiarité, d'indépendance et d'impartialité doivent être appliqués. Il n'est donc pas admissible que l'ACER soit informée en amont des décisions des autorités de régulation nationales, exerce un pouvoir d'enquête et de sanction sans l'accord de ces autorités, et bénéficie d'un pouvoir d'orientation et de recommandation obligeant ces dernières à se justifier. C'est pourquoi la PPRE conteste le transfert des compétences de ces autorités nationales vers l'ACER. Il faut préserver leurs pouvoirs de régulation et moyens d'action.
Enfin, cette réforme doit davantage promouvoir le stockage de l'électricité, au-delà de sa production. Il est nécessaire d'appliquer à ces projets de stockage le principe de neutralité technologique, pour prendre en compte toutes les sources d'énergies décarbonées, renouvelables comme nucléaire, et toutes les formes de stockage, des batteries à l'hydrogène. Il est aussi utile d'intégrer ces projets aux nouveaux outils de financement, comme les CfD ou les PPA, comme à ceux existants, tels que les aides fiscales, budgétaires ou tarifaires. Le niveau d'émission de ces projets doit être préféré aux autres critères environnementaux, pour leur sélection. Naturellement, il faut accorder une attention à toute leur chaîne de valeur, de l'approvisionnement en métaux au recyclage des déchets. S'agissant de la mise en oeuvre des projets, les propriétaires publics des réseaux et des logements doivent être associés. Enfin, il faut ici encore envisager d'étendre la réforme au gaz et à la chaleur.