EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Expérimentation pour une durée de cinq ans de dérogations au code de la commande publique pour favoriser les travaux de rénovation énergétique

L'article 1 er instaure une expérimentation de cinq ans permettant à l'État et à ses établissements publics ainsi qu'aux collectivités territoriales, à leurs établissements et à leurs groupements de déroger à certaines règles de la commande publique afin de recourir au tiers-financement pour la réalisation de travaux de rénovation énergétique des bâtiments dont ils sont propriétaires.

Ces dérogations, dont la principale est l'ouverture du paiement différé, s'exerceraient dans le cadre des contrats de performance énergétique et plus précisément sous la forme d'un marché global de performance. Ces marchés permettent de définir des objectifs chiffrés de performance énergétique et de confier au titulaire du contrat aussi bien la réalisation du projet que l'exploitation ou la maintenance du bâtiment une fois les travaux terminés.

Le but de cette expérimentation est ainsi de lever les freins à l'investissement qui résultent du coût élevé des travaux de rénovation énergétique et de favoriser, in fine , l'atteinte des objectifs de réduction de la consommation d'énergie finale des bâtiments publics que prévoit la législation. Le paiement différé serait simplifié par les économies d'énergie que devraient entraîner les travaux de rénovation énergétique.

La commission est favorable à cette expérimentation, dont elle a renforcé à l'article 2 le suivi et l'expérimentation pour vérifier à terme que les dérogations au  code de la commande publique sont justifiées et ont permis d'atteindre les  finalités annoncées. En conséquence, elle a adopté l'article 1 er , en étendant le  bénéfice de l'expérimentation à la prise charge des travaux de performance énergétique par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les syndicats d'énergie qu'autorise déjà le code général des collectivités territoriales.

1.  Les contrats de performance énergétique, un outil peu sollicité malgré les ambitieux objectifs de rénovation énergétique qui ont été fixés pour le secteur public

a) Le législateur a fixé un objectif de réduction de la consommation d'énergie finale des bâtiments publics de 60 % d'ici 2050, représentant un investissement de plusieurs centaines de milliards d'euros

i. Un cadre législatif contraignant le secteur public à engager des travaux de rénovation énergétique

La rénovation énergétique des bâtiments publics a été identifiée, depuis de nombreuses années, comme l'un des leviers privilégiés pour abaisser la consommation d'énergie et ainsi participer à la réduction de l'empreinte carbone nationale .

En outre, la rénovation énergétique des bâtiments publics combine à cet objectif environnemental un enjeu de bon usage des deniers publics , dans le sens où elle permet, à long terme, de limiter les dépenses d'énergie des collectivités territoriales et de l'État, et un enjeu d'accès au service public à travers l'amélioration du confort des usagers et des agents qui y travaillent.

Par ailleurs, l'État et les collectivités ont un rôle d'exemplarité en matière de rénovation énergétique des bâtiments, dans un contexte où les particuliers sont fortement incités à procéder à de tels travaux, notamment depuis le vote de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets qui prévoit l'interdiction progressive de la location des logements considérés comme des « passoires thermiques ». À ce titre, depuis 2015, la loi prévoit que « toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d'ouvrage de l'État, de ses établissements publics ou des collectivités territoriales font preuve d'exemplarité énergétique et environnementale et sont, chaque fois que possible, à énergie positive et à haute performance environnementale . » 1 ( * )

Outre le rôle exemplaire que doit tenir l'État lors des constructions nouvelles, toutes ces raisons ont conduit le législateur à intégrer dans la loi des objectifs ambitieux en matière de réduction de la consommation d'énergie finale des bâtiments publics existants.

Ainsi, dès 2009, a été fixé dans la loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement l'objectif pour l'État de « réduire les consommations d'énergie du parc [total] des bâtiments existants d'au moins 38 % d'ici 2020 », notamment en procédant à la « rénovation complète de 400 000 logements chaque année à compter de 2013 » 2 ( * ) . Pour atteindre ces objectifs nationaux, tous les bâtiments de l'État et de ses établissements publics devaient voir leur « rénovation engag [ée] » d'ici 2012, afin de « réduire d'au moins 40 % les consommations d'énergie et d'au moins 50 % les émissions de gaz à effet de serre de ces bâtiments » d'ici 2020.

Ces objectifs, non atteints en une période si restreinte, ont été réaffirmés dix ans plus tard lors du vote, en 2018, de la loi dite « ELAN » 3 ( * ) , avec un horizon temporel plus réaliste. Depuis lors, l'article L. 174-1 du code de la construction et de l'habitation 4 ( * ) dispose que « des actions de réduction de la consommation d'énergie finale sont mises en oeuvre dans les bâtiments [à usage tertiaire] afin de parvenir à une réduction de la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010 . »

Le décret d'application de cet article, dénommé « décret tertiaire » 5 ( * ) , impose le respect de ces obligations de réduction de la consommation d'énergie finale à l'État et aux collectivités territoriales, ainsi qu'à leurs établissements publics respectifs. Pour ce faire, ceux-ci sont tenus de déclarer la consommation annuelle d'énergie de leurs bâtiments sur la plateforme numérique OPERAT. Des sanctions administratives pouvant aller jusqu'à une amende de 7 500 euros sont prévues en cas de non-déclaration ou de non-respect des obligations fixées.

ii. Des investissements se chiffrant à plusieurs centaines de  milliards  d'euros

La réduction de la consommation d'énergie finale des bâtiments publics, dont le principe a été plusieurs fois affirmé dans la législation, nécessite d'initier dès à présent de nombreux travaux de rénovation énergétique pour respecter les délais ainsi fixés. En ce qui concerne l'État, plusieurs programmes ont été lancés depuis 2019, afin notamment de se conformer aux objectifs de la loi ELAN.

Si la rapporteure n'a pas eu accès à des données consolidées sur les travaux de rénovation énergétique engagés par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les chiffres transmis par la direction de l'immobilier de l'État (DIE) illustrent cependant l'ampleur de la tâche à accomplir et des sommes à mobiliser dans les prochaines années .

En effet, le parc immobilier total de l'État et de ses opérateurs ainsi que des collectivités territoriales et leurs établissements publics représente environ 400 millions de mètres carrés , soit 38 % du parc tertiaire national 6 ( * ) .

Avec 94 millions de mètres carrés, l'État et ses opérateurs sont propriétaires d'un quart de ce patrimoine immobilier 7 ( * ) .

Or, pour la seule sphère étatique, le coût de la rénovation énergétique de ces bâtiments estimé par la DIE atteint approximativement 90 milliards d'euros , à mobiliser d'ici 2050. En guise de comparaison, cette somme représente 1,5 fois le budget annuel du ministère de l'éducation nationale, premier poste de dépense de l'État.

Sur la base de cette évaluation, le montant total à engager pour atteindre les objectifs de rénovation énergétique des bâtiments publics se chiffrerait, approximativement, à 400 milliards d'euros , voire 500 milliards d'euros en considérant que les collectivités territoriales ont individuellement moins facilement accès que l'État aux commandes groupées permettant de faire baisser les coûts unitaires des travaux.

Malgré les efforts fournis ces dernières années, ces sommes très significatives ne correspondent pas aux montants actuellement engagés. Ainsi, la DIE a porté depuis 2019 plusieurs programmes qu'elle qualifie « d'envergure » 8 ( * ) , totalisant 3,9 milliards d'euros, dont 2,7 milliards d'euros dans le cadre du dernier plan de relance. Ces sommes ont été dédiées à la rénovation de cités administratives et devraient permettre une économie annuelle de 1 TWhef. Les montants par projets s'échelonnent de 8 à 96 millions d'euros et auraient permis un gain énergétique, à l'échelle du site traité après travaux, de l'ordre de 35 à 70 %, mesuré en kwhep.

Bien que ces actions de rénovation soient à saluer, l'ampleur des  rénovations qu'il reste à effectuer pour atteindre les objectifs fixés par la loi ELAN « condui [t] au constat de l'incapacité de l'État à atteindre ces objectifs sans mobilisation de ressources supplémentaires dédiées à la mise à niveau du parc immobilier », selon l'analyse de la DIE.

En ce qui concerne les collectivités territoriales, l'Institut de  l'économie pour le climat, fondé par la Caisse des dépôts et l'Agence française de développement, a évalué récemment que les sommes à mobiliser à l'échelon local devraient au moins être doublées par rapport aux montants actuels pour atteindre ces objectifs 9 ( * ) .

Dans ce contexte, l'assouplissement des conditions financières de  mise en oeuvre des contrats de performance énergétique, qui est l'objectif porté par la proposition de loi, peut être un moyen de lever partiellement les nombreux freins à l'investissement identifiés en matière de rénovation énergétique.

b) Les travaux de rénovation énergétique peuvent s'appuyer sur les contrats de performance énergétique, créés en 2009 mais ayant peine à trouver leur public

i. Les contrats de performance énergétique, un outil conçu pour accompagner la transition énergétique du secteur public

En parallèle de la fixation d'objectifs ambitieux de réduction de la consommation d'énergie finale des bâtiments publics, la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de  l'environnement a créé un nouvel outil juridique dédié explicitement aux travaux de rénovation énergétique, les « contrats de performance énergétique » 10 ( * ) (CPE). Il s'agit de contrats globaux qui confient au prestataire aussi bien la réalisation des travaux que l'exploitation du bâtiment une fois ceux-ci terminés. La spécificité de ces contrats repose sur le fait que « les améliorations de l'efficacité énergétique sont garanties contractuellement » 11 ( * ) , la rémunération du prestataire dépendant de l'atteinte des objectifs fixés.

L'exigence de résultats a été accentuée lors de la redéfinition récente des contrats de performance énergétique, l'article 1 er de l'arrêté du 24 juillet 2020 relatif aux contrats de performance énergétique disposant que ces derniers sont « un contrat conclu entre un donneur d'ordre et une société de services d'efficacité énergétique visant à garantir une diminution des consommations énergétiques du maître d'ouvrage, vérifiée et mesurée par rapport à une situation de référence contractuelle, sur une période de temps donnée grâce à un investissement dans des travaux, fournitures ou prestations de services. En cas de non atteinte des objectifs du contrat, celui-ci prévoit des pénalités financières . »

Outre ces caractéristiques générales, les contrats de performance énergétique peuvent prendre la forme soit d'un marché global de performance, soit d'un marché de partenariat de performance. Tous deux ont en commun de déroger au principe d'allotissement qui régi le droit de la commande publique.

Le marché global de performance est défini à l'article L. 2171-3 du code de la commande publique comme un marché associant « l'exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance. Ces objectifs sont définis notamment en termes de niveau d'activité, de qualité de service, d'efficacité énergétique ou d'incidence écologique. Le marché global de performance comporte des engagements de performance mesurables . »

Cette forme de contrat a ainsi l'avantage, pour l'acheteur public, de confier l'ensemble du marché à un même prestataire, ce qui représente une dérogation par rapport aux règles de la commande publique, et d'obtenir des garanties contractuelles quant à l'atteinte des objectifs de  réduction de la consommation d'énergie. L'acheteur public garde en outre la maîtrise d'ouvrage.

En revanche, les règles d'exécution budgétaire des marchés de droit commun restent applicables, notamment l'interdiction du tiers-financement, du paiement différé ou de la rémunération des opérations de construction sur celles liées à l'exploitation.

L'interdiction des paiements différés dans
le code de la commande publique

Article L. 2191-5

Tout paiement différé est interdit dans les marchés passés par l'État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements.

Article L. 2191-6

En cas de marché global ayant pour objet la réalisation et l'exploitation ou la maintenance d'un ouvrage, la rémunération des prestations d'exploitation ou de maintenance ne peut contribuer au paiement de la construction.

Les marchés de partenariat de performance ont aussi pour caractéristique de confier une mission « globale » 12 ( * ) à un opérateur économique mais se distinguent des autres contrats de la commande publique dans la mesure où c'est le titulaire du marché de partenariat qui assure la maîtrise d'ouvrage de l'opération à réaliser .

Ils se distinguent en outre par les modalités de rémunération du  titulaire : par dérogation aux articles L. 2191-5 et L. 2191-6 du code de la commande publique, l'acheteur public peut avoir recours au tiers-financement , signifiant que le titulaire du contrat assure le financement initial de l'opération, puis se fait rembourser soit grâce aux rémunérations tirées de l'exploitation de l'ouvrage, soit, éventuellement de façon cumulative, en différé par l'acheteur public.

En conséquence, le recours à ces marchés est fortement encadré , notamment par la jurisprudence constitutionnelle (cf. infra ). Parmi les conditions nécessaires pour la conclusion de ces marchés peuvent être cités un seuil minimal de valeur de marché de deux millions d'euros, la réalisation d'une évaluation démontrant que ce marché bénéficie d'un bilan plus favorable que les autres contrats de la commande publique ou encore l'élaboration d'une étude de soutenabilité financière.

Les marchés de partenariat de performance énergétique apparaissent ainsi plus difficiles à mettre en oeuvre, expliquant largement leur faible recours.

ii. Les contrats de performance énergétique restent marginaux malgré leurs garanties de résultats

Afin de mieux faire connaître les contrats de performance énergétique et de favoriser leur recours, un observatoire national des CPE a  été créé en 2016, à la suite d'une initiative commune de l'Agence de  l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) et du Centre scientifique et technique du  bâtiment (CSTB).

Les données récoltées dans ce cadre démontrent que les CPE sont un outil encore peu mobilisé par les acheteurs publics , malgré la forte incitation précédemment évoquée à réaliser des travaux de rénovation énergétique.

Au total, entre 2007 13 ( * ) et 2021, seuls 380 CPE ont été conclus, soit une moyenne annuelle de 25 CPE . La durée moyenne d'engagement de ces contrats est de 9,6 ans et ceux-ci visent une économie d'énergie de 29,7 %. Parmi ces 380 CPE, 360 ont pris la forme d'un marché global de performance , tandis que seuls 20 d'entre eux ont été conclus sous l'égide des marchés de partenariat de performance, ces derniers, fortement encadrés, ne semblant pas être l'outil le plus idoine pour de tels travaux.

Source : commission des lois du Sénat, d'après les données de l'observatoire national des CPE

L'État lui-même, qui a pourtant débloqué 3,9 milliards d'euros consacrés à la rénovation énergétique de ses bâtiments depuis 2019, ne semble pas s'être pleinement approprié cet outil, puisqu'il n'est à  l'initiative que de 6,3 % des CPE. À l'inverse, les communes représentent plus de 38 % des acheteurs publics ayant eu recours à un CPE.

La faible utilisation des CPE justifie, selon les auteurs de  la proposition de loi, d'assouplir les conditions financières de leur exécution, notamment en dérogeant à l'interdiction du paiement différé.

2. La proposition de loi instaure un nouvel outil, à titre expérimental, censé accélérer la transition énergétique des bâtiments publics par des dérogations au droit de la commande publique

a) Permettre aux acheteurs publics de financer partiellement leurs travaux de rénovation énergétique grâce aux futures économies d'énergie

Face au constat de l'insuffisance des moyens mis en oeuvre pour atteindre les objectifs de réduction de la consommation d'énergie finale, l'article 1 er ouvre la possibilité, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, de recourir au tiers-financement lors de la conclusion de contrats de performance énergétique.

Il s'agit d'une mesure qui avait déjà été adoptée par l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2022 14 ( * ) , mais que le Conseil constitutionnel a censuré en tant que cavalier budgétaire 15 ( * ) . En revanche, le Sénat ayant, d'une part, rejeté la première partie du projet de loi en première lecture et, d'autre part, adopté une motion tendant à opposer la question préalable en nouvelle lecture, il ne s'était pas encore prononcé sur cette mesure jusqu'à l'examen de la présente proposition de loi.

Comme son nom l'indique, le tiers-financement permet à l'acheteur public de faire reposer sur un tiers , qui peut être soit l'entreprise titulaire du contrat, soit une société de tiers-financement, soit un organisme financier, le financement initial des travaux, puis de ne s'acquitter de sa dette qu'une fois les travaux terminés , selon une échéance définie contractuellement.

L'idée est ainsi de permettre aux acheteurs publics , confrontés, selon les auteurs de la proposition de loi, à un « mur d'investissement », d'alléger le poids des travaux en ne commençant à les rembourser qu'une fois que ceux-ci leur auront permis de réaliser des économies d'énergie, et donc des économies budgétaires .

Le rattachement du dispositif expérimental aux marchés globaux de performance énergétique est censé garantir aux acheteurs publics l'atteinte d'économies substantielles d'énergie, auquel cas des pénalités financières s'appliqueront. En outre, le choix des marchés globaux permet aux commanditaires publics des travaux de rénovation de garder la maîtrise d'ouvrage, contrairement aux marchés de partenariat qui ont été exclus du bénéfice de l'expérimentation.

Le dispositif expérimental ainsi créé demeure néanmoins hybride , dans le sens où il se rattache formellement aux marchés globaux, tout en reprenant en grande partie les dérogations au code de la commande publique qui structurent le régime des marchés de partenariat.

Ainsi, l'article 1 er prévoit explicitement que les contrats conclus dans ce cadre peuvent « déroger aux articles L. 2191-2 à L. 2191-8 [... et ] aux articles L. 2193-10 à L. 2193-13 du code de la commande publique », que le tableau ci-dessous présente succinctement.

Dérogations au code de la commande publique prévues dans le cadre de l'expérimentation instaurée par la proposition de loi

Articles du code de la commande publique

Portée

L. 2191-2 et L. 2191-3

Versement d'avances

L. 2191-4

Versement d'acomptes dès lors que les prestations ont commencé à être réalisées

L. 2191-5

Interdiction des paiements différés pour l'État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements

L. 2191-6

Interdiction de faire reposer la rémunération de la construction sur les rémunérations liées à la phase d'exploitation

L. 2191-7

Possibilité de prévoir des retenues de garantie, des garanties à première demande ou des cautions personnelles et solidaires

L. 2191-8

Cession des créances

L. 2193-10 à L. 2193-13

Au-delà du seuil de 600 € (fixé par décret), paiement direct par l'acheteur du sous-traitant pour la part du marché dont il assure l'exécution. En-deçà de ce seuil, le sous-traitant est payé par le titulaire du marché mais peut intenter une action directe contre le maître d'ouvrage pour défaut de paiement

Source : commission des lois du Sénat

La levée, à titre dérogatoire, de l'interdiction des paiements différés est la principale mesure de cette expérimentation et représente un changement significatif des pratiques de la commande publique .

S'il s'agit d'un outil qui peut constituer une solution de financement pour certains projets, il convient cependant d'être prudent quant à l'ampleur réelle des économies budgétaire qu'il permettrait .

En premier lieu , le tiers-financement demeure, au total, plus cher que l'emprunt bancaire classique auquel pourrait recourir une collectivité territoriale, puisque le tiers-financeur ne bénéficierait pas des mêmes conditions de crédit que l'État ou les collectivités territoriales et répercuterait, in fine , ce coût supplémentaire lors du remboursement de sa créance.

En second lieu, comme l'écrit la DIE en réponse aux interrogations de la rapporteure, « les économies de fonctionnement escomptées des opérations énergétiques ne peuvent être considérées comme une source sérieuse de financement ou de remboursement de l'investissement , les ordres de grandeur étant diamétralement différents, de surcroit s'agissant des opérations les plus ambitieuses ».

Ainsi, l'objectif premier du dispositif doit être appréhendé davantage pour sa finalité écologique que budgétaire .

b) Maintenir la traçabilité de la dette

Dans un souci de transparence sur les engagements financiers contractés par les personnes publiques qui auront recours à cette expérimentation et compte tenu des réserves de nature financière précédemment énoncées, l'article 1 er comporte des précautions, que la commission a conservées, visant à identifier clairement les coûts et la dette que représenteront ces nouveaux contrats .

Ainsi, les deuxième à sixième alinéas de l'article 1 er prévoient que le marché devra préciser les coûts d'investissement, les coûts de  fonctionnement, les coûts de financement ainsi que les revenus issus d'activités annexes ou de la valorisation du domaine.

Enfin, les huitième à dixième alinéas complètent les documents budgétaires des collectivités territoriales ou des établissements publics concernés en les assortissant de deux nouvelles annexes, la première retraçant l'ensemble des engagements financiers résultant des contrats de performance énergétique conclus dans le cadre de cette expérimentation et la seconde retraçant la dette liée à la part d'investissement de ces mêmes contrats.

Toutes ces dispositions sont à lire avec l'article 1 er bis , qui précise les modalités de passation et d'exécution de ces contrats.

3. La position de la commission : un dispositif expérimental à soutenir, sous réserve d'un suivi régulier par les services de l'État

Partageant l'objectif de massification et d'accélération des travaux de  rénovation énergétique des bâtiments publics, la commission a approuvé le principe de l'expérimentation proposée à l'article 1 er .

Cette expérimentation représenterait ainsi une faculté, ouverte aux personnes publiques, de s'approprier les contrats de performance énergétique en bénéficiant de modalités plus souples de financement. Elle constituerait un outil supplémentaire en faveur de la transition énergétique.

Consciente de l'incitation à la dette qui peut résulter de l'ouverture du paiement différé, elle a néanmoins liée son soutien à l'expérimentation à un renforcement de son suivi et de son évaluation, afin de s'assurer que soient identifiées les difficultés que pourraient rencontrer les plus petites entités ( cf. commentaire de l'article 2 ).

En outre, par le vote de l' amendement COM-15 de sa rapporteure, la commission a étendu le bénéfice de l'expérimentation à la prise charge des  travaux de performance énergétique par les EPCI et les syndicats d'énergie qu'autorise déjà le code général des collectivités territoriales.

Elle a également adopté l' amendement COM-8 du Gouvernement, qui assouplit les conditions de mise en oeuvre du dispositif expérimental lorsque les contrats portent sur plusieurs bâtiments.

La commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié.

Article 1er bis
Modalités d'application du régime de passation et d'exécution des contrats passés sur le fondement de l'article 1er

L'article 1 er bis crée un régime ad hoc de passation et d'exécution des  contrats conclus dans le cadre de l'expérimentation prévue à l'article 1 er , en  s'inspirant toutefois du régime applicable aux marchés de partenariats, lesquels permettent déjà le recours au tiers-financement en parallèle d'un transfert de  la maîtrise d'ouvrage au titulaire du marché. La conclusion des contrats de  performance énergétique dans le cadre de l'expérimentation serait ainsi conditionnée à la réalisation, d'une part, d'une étude préalable démontrant que le  recours à ces contrats serait plus favorable que le recours à d'autres modes de  réalisation du projet et, d'autre part, d'une étude de soutenabilité budgétaire permettant d'évaluer la viabilité financière du projet.

La commission a adopté cet article en assouplissant les conditions de mise en oeuvre du dispositif expérimental, afin de le rendre plus opérationnel et de  favoriser, in fine , les travaux de rénovation énergétique dans ce cadre. En  parallèle, pour éviter toute situation de surendettement, elle a accru le degré de  précision attendu de l'étude de soutenabilité budgétaire, celle-ci devant identifier clairement les incidences budgétaires du recours à un marché global de  performance pour chacune des parties prenantes, lorsque le marché est conclu pour le compte de plusieurs personnes morales.

1. Dans un souci de bon usage des deniers publics, la jurisprudence constitutionnelle encadre et conditionne strictement les dérogations au droit de la commande publique

L'interdiction de principe du paiement différé , inscrite aux articles L.  2191-5 et L. 2191-6 du code de la commande publique, a pour objectif de protéger les finances publiques, dès lors que le tiers-financement est plus coûteux pour l'acheteur public eu égard au coût du crédit, inévitablement plus élevé pour une entité privée que pour une personne publique, et à la rigidification qu'il implique pour les finances publiques le temps de son remboursement. C'est pourquoi le risque que fait peser le tiers-financement, aujourd'hui possible uniquement dans le cadre des marchés de partenariat (cf. supra ), sur les finances publiques a été fortement encadré par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

En s'appuyant sur les articles 14 et 15 de la déclaration des droits de  l'homme et du citoyen, relatifs à « l'emploi » de la « contribution publique », ce dernier a ainsi eu l'occasion, lors de la création et des modifications du  régime des partenariats publics-privés (désormais dénommés marchés de partenariats) de réserver les dérogations au droit commun de la commande publique « aux seules situations répondant aux motifs d'intérêt général les justifiant » 16 ( * ) .

Plus précisément, si « aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'interdit à une personne publique de confier à un tiers , pour une période déterminée, une mission globale ayant pour objet la conception, le financement, la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages [ou] d'équipements [...] nécessaires au  service public » , la « généralisation » de ces dérogations « serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics » 17 ( * ) .

Les motifs d'intérêt général justifiant ces dérogations peuvent être la complexité du projet ou l'urgence qui s'attache à la réalisation du projet, « dès lors qu'elle résulte objectivement, dans un secteur ou une zone géographique déterminés, de la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave, préjudiciable à l'intérêt général et affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public » 18 ( * ) .

Lorsque la situation ne présente ni un caractère urgent, ni de particulière complexité, ces dérogations au droit commun de la commande publique doivent s'appuyer soit sur les caractéristiques propres du projet, soit sur des exigences du service public dont la personne adjudicatrice est chargée, soit sur des insuffisances et des difficultés observées dans la réalisation de projets comparables. Celles-ci sont démontrées à l'issue d' une « analyse approfondie des avantages et des inconvénients » qui doit faire apparaître que « le bilan du recours à un contrat de partenariat est plus favorable que pour les autres contrats de la commande publique dans l'intérêt du bon emploi des deniers publics » 19 ( * ) .

Dans la mesure où les opérations de rénovation énergétique des  bâtiments publics peuvent être à la fois source d'une réduction très significative de l'empreinte carbone de ces bâtiments mais peuvent aussi permettre des économies budgétaires substantielles sur le long terme, l'important coût des opérations de rénovation énergétique , représentant un indéniable frein à l'investissement, répond à l'exigence d'identification d'un motif d'intérêt général, attaché à l'accélération de la transition énergétique, justifiant une dérogation temporaire au droit commun de  la commande publique .

Conformément à la jurisprudence constitutionnelle précitée, ces dérogations doivent néanmoins être encadrées, ce à quoi procède l'article 1 er bis .

2. S'inspirant du régime de passation des marchés de partenariat, l'article 1 bis instaure des garde-fous visant à s'assurer de l'intérêt et de la viabilité financière des projets s'inscrivant dans le cadre de l'expérimentation

L'article 1 er bis , issu d'un amendement du rapporteur de  la commission des lois de l'Assemblée nationale, instaure un régime ad  hoc de passation et d'exécution des contrats conclus dans le cadre de  l'expérimentation créée à l'article 1 er .

Ce régime ad hoc , s'appliquant uniquement à ces contrats, est néanmoins ouvertement inspiré du régime de passation des marchés de  partenariats .

L'article 1 er bis rend applicable certaines règles figurant au livre II de la deuxième partie du code de la commande publique qui traite des marchés de partenariat. Ainsi serait maintenue une large partie des exigences applicables à ces marchés tout en en écartant certaines afin, au regard de  l'intérêt général que représente l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments publics, de faciliter le recours aux marchés globaux de performance davantage que cela n'a été le cas pour les marchés de partenariat, partiellement tombés en désuétude.

Il s'agit, ce faisant, de garantir un juste équilibre entre, d'une part, les nécessaires exigences en matière de bon usage des deniers publics et de  transparence de la commande publique lors de la passation des  contrats et, d'autre part, la souplesse que requiert un dispositif expérimental censé être mobilisable facilement .

En ce qui concerne les exigences de transparence et de libre accès à  la commande publique, les modalités de passation, d'exécution et de  résiliation de ces contrats reprennent en grande partie les dispositions des articles L. 2221-1 à L. 2235-3 du code de la commande publique. Sont notamment applicables aux contrats conclus dans le cadre de  l'expérimentation, l'autorisation de la signature du marché global de  performance par l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou l'organe délibérant de l'établissement public local, ou encore le droit à  l'indemnisation des dépenses engagées par le titulaire du contrat lorsque celui-ci est annulé ou résilié par le juge à la suite du recours d'un tiers. S'agissant des contrats conclus par l'État, une autorisation préalable des  autorités administratives compétentes est également nécessaire.

À l'inverse, le texte transmis au Sénat n'a pas retenu le seuil minimal de deux millions d'euros qui s'applique aux marchés de partenariat, conformément à l'article L. 2211-5 du code de la commande publique. Ainsi, aucun seuil minimal de valeur de marché n'est imposé pour recourir à  ce dispositif expérimental , qui pourra théoriquement s'appliquer pour des travaux d'une valeur relativement modeste, notamment pour les plus petites collectivités qui auraient pu être exclues de fait par le maintien de  ce seuil.

Enfin, de manière à respecter la jurisprudence constitutionnelle et à  garantir le bon usage des derniers publics, l'article 1 er bis instaure plusieurs garde-fous de nature à éviter toute incitation à la dette non soutenable , à nouveau inspirés des marchés de partenariat.

En premier lieu, sur le modèle des « évaluations préalables » requises pour les marchés de partenariat, il est prévu qu'avant de recourir à  un marché global de performance, « l'acheteur procède à une étude préalable ayant pour objet de comparer les différents modes envisageables de réalisation du projet ». La procédure de passation de ce marché ne pourra alors être engagée que « si cette étude préalable démontre que le recours à  un tel contrat est plus favorable que le recours à d'autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique », le critère du  paiement différé ne pouvant à lui seul constituer l'unique avantage mis en avant.

Cette étude préalable sera soumise pour avis à la mission d'appui au  financement des infrastructures du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

En second lieu, le recours aux marchés de performance énergétique sera conditionné à la réalisation d'une étude de soutenabilité budgétaire , devant appréhender les conséquences du montage financier sur le budget de  la collectivité, de l'établissement public ou de l'entité de l'État concerné par le contrat, ainsi que la disponibilité des crédits. Cette étude budgétaire, soumise pour avis aux services de l'État compétents, en particulier les  préfectures dans le cas des collectivités territoriales, a ainsi pour objet d'évaluer la capacité de l'acheteur public à honorer à terme ses engagements contractuels, étant entendu que les économies d'énergie réalisées ne  pourront pas compenser intégralement les importants coûts que représentent les travaux de rénovation énergétique (cf. supra ).

Dans un souci de transparence, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, cette étude de soutenabilité budgétaire et les avis en résultant devront être présentés à l'assemblée délibérante ou à  l'organe délibérant, avant que ceux-ci ne se prononcent sur le recours à  un marché global de performance.

Toutes ces garanties devraient limiter les risques de  surendettement , notamment des plus petites structures qui pourraient voir dans le paiement différé une solution de court terme sans financement viable. Elles alourdissent cependant un dispositif initialement pensé pour accélérer les travaux de rénovation énergétique.

3. La position de la commission : lever les freins potentiels au recours à l'expérimentation tout en maintenant l'exigence de soutenabilité financière du projet

La commission a approuvé la création d'un dispositif ad hoc régissant les modalités de passation, d'exécution et de résiliation des contrats conclus dans le cadre de l'expérimentation instaurée par la proposition de loi. L'article 1 er bis , inséré par la commission des lois de  l'Assemblée nationale, permet ainsi de sécuriser les rapports contractuels et de combler un vide juridique qui n'aurait certainement pas manqué de  nourrir de nombreux contentieux, malgré le caractère expérimental du  dispositif de la proposition de loi.

Toutefois, la commission a adopté deux amendements de  sa rapporteure, visant tout à la fois à rendre plus opérationnelle l'expérimentation prévue par la proposition de loi et à renforcer l'évaluation de la soutenabilité financière du projet .

Comme mentionné précédemment, l'article 1 er bis conditionne en  effet le recours aux contrats de l'article 1 er à la réalisation d'une étude préalable, dont la définition reprend celles du bilan favorable et de  l'évaluation du mode de réalisation du projet exigés en matière de  marché de partenariat.

Ces précautions , légitimes afin de ne réserver le recours au  tiers-financement et au paiement différé qu'aux cas les plus justifiés et viables financièrement, apparaissent néanmoins surdimensionnées pour un dispositif qui, s'il reprend certaines caractéristiques du marché de  partenariat, s'en distingue fortement puisqu'il ne prévoit pas de  transfert de la maîtrise d'ouvrage au titulaire du marché. Elles risquent de freiner significativement l'intérêt du dispositif expérimental, a fortiori pour les plus petites collectivités ne disposant pas des ressources humaines nécessaires.

C'est pourquoi, la commission a adopté l' amendement COM-14 de  sa rapporteure, prévoyant que le recours à ce type de contrat peut intervenir s'il apparaît « au moins aussi favorable » que le recours à  d'autres modes de réalisation du projet , tout en maintenant le principe d'une évaluation préalable, qui découle de la jurisprudence du  Conseil  constitutionnel. Ce faisant, les conditions de mise en oeuvre de  l'expérimentation seraient assouplies et cette dernière serait plus facilement mobilisable par les collectivités concernées, donnant tout son sens au principe même de l'expérimentation.

En parallèle, la commission a adopté l' amendement COM-16 de  sa rapporteure, précisant que l'étude de soutenabilité budgétaire doit identifier les engagements financiers supportés par chacune des personnes morales concernées , lorsque le marché global de performance est conclu pour les besoins de plusieurs d'entre elles. Cette précision renforce ainsi les exigences de bon usage des deniers publics résultant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et évite par conséquent de favoriser les dettes non  soutenables qui pourraient être plus difficilement identifiables dans le  cadre de marchés impliquant plusieurs personnes morales.

La commission a adopté l'article 1 er bis ainsi modifié.

Article 2
Rapport d'évaluation de l'expérimentation

L'article 2 prévoit la transmission, par le Gouvernement et à destination du Parlement, d'un rapport d'évaluation de l'expérimentation dans un délai de  trois ans à compter de la promulgation de la loi.

La commission a adopté cet article en renforçant le suivi et l'évaluation de  l'expérimentation, afin que son éventuelle prorogation ou pérennisation à  l'issue de la période expérimentale de cinq ans puisse être appréciée en disposant de tous les éléments de bilan nécessaires.

1. La nécessité d'un bilan exhaustif pour justifier à long terme de la dérogation aux règles de la commande publique

Afin de dresser un bilan à mi-parcours de l'expérimentation créée par la proposition de loi, l'article 2 prévoit la remise au Parlement d'un rapport d'évaluation sur les contrats conclus sur le fondement de  l'article 1 er , dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de  la loi.

Lors de son examen en commission des lois de l'Assemblée nationale et en séance publique, les députés ont apporté de nombreuses précisions quant au contenu de ce rapport . Celui-ci devra ainsi « examiner » :

- le recours à ces contrats par catégorie de collectivités territoriales, et notamment par les communes de moins de 3 500 habitants à  ces contrats, grâce aux efforts de « mutualisation » ;

- la quantité et la qualité de la sous-traitance ;

- l'accès des petites et moyennes entreprises à ces contrats ;

- la participation citoyenne des usagers des bâtiments publics faisant l'objet de ces contrats ;

- l'association des agents du service public concerné ;

- l'accompagnement des acheteurs publics, notamment les collectivités territoriales et les établissements publics de santé, pour la passation et l'exécution et de ces contrats ;

- et l'impact budgétaire du recours à ces contrats pour les acheteurs publics concernés.

2. La position de la commission : renforcer le suivi et l'évaluation de l'expérimentation

Si la commission n'est pas favorable à la multiplication des demandes de rapport au Parlement inscrites dans la loi, elle a considéré que le dispositif expérimental créé par la proposition de loi nécessite une évaluation formalisée par la rédaction d'un rapport, afin que son éventuelle prorogation ou pérennisation à l'issue de la période expérimentale de cinq ans soit appréciée à la lumière d'informations exhaustives permettant d'identifier, le cas échéant, les points d'amélioration.

Par le vote de l'amendement COM-11 de sa rapporteure, la commission a accentué le suivi et l'évaluation de l'expérimentation en mentionnant explicitement, dans la loi, le principe d'un suivi régulier du  dispositif expérimental par le Gouvernement. Cette précision semble d'autant plus utile qu'aucune des nombreuses administrations centrales interrogées par la rapporteure ne s'est estimée concernée par le suivi de  ce dispositif expérimental. En parallèle, le même amendement COM-11 prévoit une mise à jour, six mois avant le terme de l'expérimentation, du rapport de mi-parcours que doit remettre le Gouvernement au Parlement. Cette mise à jour a pour objectif de garantir que le Parlement disposera d'informations exhaustives et actuelles dans le cas où l'opportunité d'une prorogation ou d'une pérennisation de l'ouverture du  tiers-financement pour les contrats de performance énergétique serait étudiée à l'issue de l'expérimentation.

Toujours dans l'objectif de disposer d'un bilan exhaustif, la commission a en outre, par le vote de l' amendement COM-12 de  sa rapporteure, complété le contenu attendu du rapport , en précisant que celui-ci devra présenter le nombre et la destination des bâtiments publics ayant été rénovés grâce à ce dispositif, les économies d'énergie qu'il aura permis de réaliser et l'atteinte ou non des objectifs chiffrés de performance énergétique définis dans ces contrats. Le même amendement COM-12 a  procédé à une modification rédactionnelle, afin d'éviter la redondance de  certaines informations demandées.

Enfin, un amendement COM-6 de Vanina Paoli-Gagin, apportant des précisions rédactionnelles sur les catégories d'entreprises ayant bénéficié de l'expérimentation a été adopté par la commission.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 2 bis
Ouverture de la prise en charge par les EPCI et les syndicats d'énergie des études pour améliorer la performance énergétique des bâtiments de  leurs membres

L'article 2 bis procède à un élargissement de la faculté, pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les syndicats gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité et la métropole de Lyon, de  prendre en charge tout ou partie des travaux de rénovation énergétique des  bâtiments dont sont propriétaires leurs membres, en y ajoutant les études qui précédent généralement ces travaux.

La commission a adopté cet article en précisant que la prise en charge de  ces études peut être de nature financière.

1. Les travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics locaux peuvent être pris en charge, notamment financièrement, par les entités publiques de coopération locale

L'article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales octroie un rôle de « coordinateurs de la transition énergétique » aux établissements publics de coopération intercommunale et à  la métropole de Lyon , sous réserve qu'ils aient adopté un plan climat-air-énergie territorial. À ce titre, les EPCI et la métropole de Lyon « animent et coordonnent, sur leur territoire, des actions dans le domaine de l'énergie en  cohérence avec les objectifs du plan climat-air-énergie territorial [...] en  s'adaptant aux caractéristiques de ces territoires . »

Ces actions, ouvertes également aux syndicats gestionnaires des  réseaux de distribution d'électricité , peuvent porter sur la maîtrise de  la demande d'énergie sur leur territoire.

Dans cette optique, le même article L. 2224-34 a été complété en 2019 par l'article 16 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, afin de permettre aux EPCI, à la métropole de Lyon et aux  syndicats gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité, de  « prendre en charge, pour le compte de leurs membres, tout ou partie des  travaux nécessaires pour améliorer la performance énergétique des  bâtiments dont ces membres sont propriétaires ». Cette prise en charge peut être de nature financière et s'apparente donc au tiers-financement, sans  toutefois que soit ouverte la possibilité de recourir au paiement différé.

2. L'article 2 bis permet la prise en charge des études visant à  améliorer la performance énergétique des bâtiments publics locaux par les entités publiques de coopération locale

L'article 2 bis , issu d'un amendement de séance du rapporteur de  la commission des lois de l'Assemblée nationale, prévoit que la faculté ouverte aux établissements précités de prendre en charge les travaux de  performance énergétique soit élargie aux études qui précèdent généralement ces travaux . Contrairement au dispositif expérimental instauré à l'article 1 er de la proposition de loi, les modifications apportées par  l'article 2 bis au code général des collectivités territoriales seraient en  revanche permanentes.

L'objectif de l'amendement porté par le rapporteur de  l'Assemblée nationale était également de permettre aux EPCI et aux syndicats d'énergie « d'assurer le tiers-financement » de ces études mais aussi de ces travaux en inscrivant dans le code général des collectivités territoriales que les conventions conclues entre ces EPCI et les membres bénéficiaires des études et des travaux « définissent [...] les modalités de  transfert de la maîtrise d'ouvrage, ainsi que celles du tiers-financement ». Ces précisions ont été supprimées par le vote d'un sous-amendement du rapporteur, qui mentionne seulement que « ces conventions sont conclues sans préjudice des dispositions du code de la commande publique », sans évoquer de recours au tiers-financement. Il résulte de ces modifications une certaine confusion quant aux objectifs de ces dispositions et leur articulation avec le dispositif expérimental visant à permettre le recours au tiers-financement pour les travaux de rénovation énergétique.

3. La position de la commission : préciser les modalités de prise en  charge des études de performance énergétique tout en recentrant le recours au tiers-financement sur l'expérimentation prévue à l'article 1 er

Jugeant que la prise en charge des études de performance énergétique par les EPCI, la métropole de Lyon et les syndicats gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité est de nature à favoriser l'atteinte de synergies locales en matière de politique énergétique et environnementale et, in fine , incite à l'engagement de travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics locaux, la commission a approuvé cette mesure . Elle note par ailleurs que cette prise en charge mutualisée ne reste qu'une faculté et qu'elle est conditionnée à la conclusion d'une convention avec les membres de ces établissements, qui ne pourront donc pas se les voir imposées.

Par l'adoption de l' amendement COM-10 de sa rapporteure, la commission a précisé les modalités dans lesquelles cette prise en charge pourrait avoir lieu.

En effet, la deuxième phrase du dernier alinéa de l'article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales, qui n'a pas été modifiée par  le texte tel que transmis au Sénat, dispose que les entités précitées « peuvent assurer le financement de [s] travaux » nécessaires pour améliorer la performance énergétique des bâtiments dont leurs membres sont propriétaires. Or, l'absence de mention des études au sein de cette phrase pourrait être interprétée comme réservant la prise en charge financière aux seuls travaux de rénovation énergétique, les études étant seulement prises en charge, sans davantage de précisions. C'est pourquoi la commission a complété cette phrase pour mentionner les études parmi les possibilités de financement, et non les seuls travaux .

Enfin, dans un souci de lisibilité et afin de recentrer sans ambiguïté le bénéfice du recours au tiers-financement sur l'expérimentation prévue à  l'article 1 er de la proposition de loi, l' amendement COM-13 supprime la seconde phrase du 2° de l'article 2 bis , tel que transmis au Sénat, laquelle engendrait un risque de confusion quant à l'articulation entre l'expérimentation prévue par la proposition de loi et le code général des collectivités territoriales.

Elle n'a cependant pas souhaité autoriser le transfert de la maîtrise d'ouvrage, considérant que le présent texte, traitant d'une expérimentation, n'était pas le bon véhicule législatif pour modifier de façon pérenne les équilibres en matière de compétences entre les collectivités territoriales et leurs groupements.

La commission a adopté l'article 2 bis ainsi modifié .

Article 2 ter
Application outre-mer

L'article 2 ter étend à la Polynésie française, à la Nouvelle Calédonie et aux  îles Wallis et Futuna, régies par le principe de spécialité législative, l'application du dispositif expérimental instauré par la proposition de loi. Seuls les  marchés passés par l'État et ses établissements seraient en revanche concernés.

La commission a adopté cet article en y intégrant les Terres australes et antarctiques françaises.

1. Un droit de la commande public dual dans les territoires régis par le principe de spécialité législative

a) Pour l'État et ses établissements publics, le droit de la commande publique national ne s'applique dans ces territoires que sous réserve d'une mention expresse

Conformément à l'article 74 de la Constitution et aux lois organiques qui en précisent ses modalités, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Française, les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises sont régies par le principe de spécialité législative 20 ( * ) . Cela signifie que, sauf dans certains domaines limitativement énumérés et pour les lois de souveraineté qui sont destinées à régir l'ensemble du  territoire, dans les matières qui relèvent de la compétence de l'État, seules sont applicables les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin.

Le droit de la commande publique , lorsqu'il concerne « les marchés publics et les délégations de service public » 21 ( * ) ou « les contrats publics » 22 ( * ) de l'État et de ses établissements publics, est inclus parmi les matières nécessitant une telle mention expresse pour pouvoir s'appliquer localement .

b) Les collectivités de ces territoires appliquent un droit de la commande publique autonome

Ces mentions expresses ne s'appliquent cependant pas au droit de  la commande publique que mettent en oeuvre les collectivités et leurs établissements publics de ces territoires .

En effet, les articles 28-1 et 49 de la loi organique n° 2004-192 du  27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française disposent respectivement que la Polynésie française fixe les règles applicables à la commande publique « de la Polynésie française et de  ses établissements publics » et « des communes, de leurs groupements et de  leurs établissements publics ». De même, l'article 22 de la  loi  organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie prévoit que la Nouvelle-Calédonie est « compétente [pour fixer] les règles relatives à la commande publique ». Enfin, l'Assemblée territoriale de  Wallis-et--Futuna peut réglementer « les formes et conditions des  adjudications et marchés à passer dans le territoire pour les travaux et fournitures intéressant le territoire » 23 ( * ) .

2. L'article 2 ter étend à ces territoires le dispositif expérimental de  la proposition de loi, uniquement pour les contrats de l'État et de ses établissements publics

Conformément à la répartition des compétences entre l'État et les collectivités régies par le principe de spécialité législative, l'article 2 ter rend applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna l'expérimentation instaurée par la proposition de  loi, pour les seuls bâtiments de l'État et de ses établissements publics.

Cette extension n'est pas négligeable puisque, d'après les éléments transmis à la rapporteure par la direction de l'immobilier de l'État (DIE), le patrimoine immobilier de l'État dans ces territoires se chiffre à :

- 2 183 biens bâtis en Polynésie française ;

- 2 902 biens bâtis en Nouvelle-Calédonie ;

- et 78 biens bâtis à Wallis-et-Futuna.

La commission a approuvé cette extension qui lui apparaît pertinente, afin que ces bâtiments puissent bénéficier des mêmes conditions avantageuses pour initier des travaux de rénovation énergétique. Elle a  adopté l' amendement COM-9 de sa rapporteure qui y ajoute les Terres australes et antarctiques françaises, l'État y disposant d'un patrimoine immobilier certes très restreint mais néanmoins existant (21 biens bâtis d'après les éléments transmis par la DIE) qui pourrait éventuellement faire l'objet de travaux de rénovation énergétique au cours des cinq ans de l'expérimentation.

La commission a adopté l'article 2 ter ainsi rédigé .

Article 3 (supprimé)
Gage financier

Afin de garantir la recevabilité financière de la proposition de loi, conformément à l'article 40 de la Constitution, l'article 3 avait pour objet de  compenser, à due concurrence, la charge résultant pour l'État et les collectivités territoriales de l'application de la nouvelle loi par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs et par une majoration de  la dotation globale de fonctionnement.

Il a été supprimé par l'Assemblée nationale en première lecture, par l'adoption, lors de l'examen en séance publique, d'un amendement du  Gouvernement, dont l'accord est nécessaire pour lever les gages financiers.

La commission a maintenu cette suppression.


* 1 Article 8 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 2 Article 5 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

* 3 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 4 Cet article a été recodifié par l'ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l'habitation. Lors du vote de la loi ELAN, il s'agissait de l'article L. 111-10-3.

* 5 Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.

* 6 Selon les estimations de la DIE transmises à la rapporteure lors des auditons.

* 7 Document de politique transversale annexé à la loi de finances pour 2023, « Politique immobilière de l'État ».

* 8 Contribution écrite de la DIE transmise à la rapporteure.

* 9 Voir la note de l'Institut de l'économie pour le climat du 14 octobre 2022, intitulée « Collectivités : les besoins d'investissements et d'ingénierie pour la neutralité carbone », accessible à l'adresse suivante : https://www.i4ce.org/publication/collectivites-investissements-ingenierie-neutralite-carbone-climat/.

* 10 Article 5 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

* 11 Idem .

* 12 Article L. 1112-1 du code de la commande publique.

* 13 Les données des années 2007 et 2008, antérieures à la création formelle des CPE, sont issues des « modèles de contrats de performance énergétique » promus par l'ADEME à partir de 2006.

* 14 En son article 97.

* 15 Décision n° 2021-833 DC du 28 décembre 2021, relative à la loi de finances pour 2022.

* 16 Décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, Loi relative aux contrats de partenariat.

* 17 Idem .

* 18 Idem .

* 19 Idem .

* 20 Cf. l'article 6-2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ; l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ; l'article 4 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux île Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre -mer ; l'article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de La Passion-Clipperton.

* 21 11° de l'article 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée.

* 22 9° du I de l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée.

* 23 Article 40 du décret n° 57-811 du 22 juillet 1957 relatif aux attributions de l'Assemblée territoriale, du conseil territorial et de l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna.

Page mise à jour le

Partager cette page