B. DES CRÉDITS LARGEMENT ABONDÉS PAR DES DÉPENSES FISCALES ET DES CRÉDITS DE LA MISSION DÉFENSE

Les moyens de la mission sont largement abondés par des transferts que ses crédits ne retracent pas. Il s'agit de financements issus d'autres missions budgétaires portant sur des politiques portées par la mission « anciens combattants » ou d'avantages fiscaux ou sociaux attribués à tout ou partie des anciens combattants.

La prise en compte des seuls avantages fiscaux « hors mission », conduit à rehausser significativement l'effort de la Nation envers les anciens combattants.

Les dépenses fiscales rattachées à la mission sont évaluées à 649 millions d'euros en 2023. Ce montant représente un tiers des crédits budgétaires de la mission. Sur ces 649 millions d'euros, la demi-part fiscale attribuée aux titulaires de la carte du combattant et à leurs veuves de plus de 74 ans représente 521 millions d'euros.

1. Les déversements de crédits de la mission défense abondent particulièrement les moyens consacrés au lien armées-jeunesse

Certaines politiques publiques financées par la mission, la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) et le Service Militaire Volontaire (SMV), sollicitent des moyens qui sont loin d'être exhaustivement retracés par les dotations ouvertes en loi de finances au titre de la mission elle-même.

On doit regretter sur ce point une déperdition de l'information budgétaire du fait de la disparition des éléments permettant d'apprécier les crédits complets dédiés à une action publique donnée dans les documents budgétaires.

Toutefois, le ministère des Armées a développé une comptabilité analytique permettant de retracer les coûts réels des actions inscrites au sein de la présente mission, et particulièrement la JDC et le SMV.

Selon les données transmises au rapporteur spécial, les concours reçus d'autres missions budgétaires concernent principalement l'action 08 « liens armée-jeunesse » du programme 169, dont ils multiplieraient les dotations par plus qu'un facteur 4.

À ce niveau, force est de s'interroger sur la justification de l'inscription initiale de certains crédits sous la bannière budgétaire de la présente mission.

Les actions concernées sont l'organisation de la Journée défense et citoyenneté (JDC) avec une participation du ministère des Armées de 92,7 millions d'euros et le Service militaire volontaire (SMV) abondé à hauteur de 34 millions d'euros par le fonds social européen et d'au moins 2,8 millions d'euros par des collectivités territoriales en 2023.

Les déversements portent essentiellement sur les dépenses de masse salariale et de façon plus marginale, sur les dépenses de soutien d'infrastructure, de systèmes d'information et de santé.

L'évaluation du concours de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » à la politique de réparation en faveur des victimes de l'Occupation couvert par le programme 158 n'est pas accessible. Ne l'est pas davantage une quelconque information quant à la contribution, en matière de coût, du ministère de la culture aux objectifs poursuivis par la politique de réparation des préjudices subis par les victimes de spoliations antisémites alors même qu'une cellule spécifiquement dédiée a été instituée à cet effet.

Le rapporteur spécial regrette que les informations indisponibles dans les rapports budgétaires aboutissent à édulcorer la réalité des efforts publics effectivement consacrés aux actions mises en oeuvre.

Le rapporteur spécial recommande de revenir à un état plus satisfaisant de l'information budgétaire en reprenant la présentation des crédits complets consacrés aux actions publiques financées par les programmes budgétaires.

La logique suivie par la loi organique relative aux lois de finances se perd, du moins quant à l'information fournie aux Français et à leurs élus sur les moyens consacrés aux politiques publiques, ce qu'il convient de déplorer très vivement.

Compte tenu de la rénovation des missions de la commission d'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), il conviendrait que le coût des entités animées par le ministère des affaires étrangères et, surtout, le ministère de la culture puisse être recensé au titre des coûts complets engagés pour apurer notre dette de réparation des spoliations antisémites.

2. Les transferts au profit des anciens combattants passent de plus en plus massivement par des dépenses fiscales

Les interventions en faveur des anciens combattants financées sur les crédits budgétaires suivent une tendance très nettement baissière qu'illustre le projet de budget pour 2023 (-10,5 % de crédits sur les rentes viagères). A contrario, les dépenses fiscales rattachées à la mission affichent une quasi-stabilité. Cependant, cette stabilité apparente cache une réévaluation à la baisse de 50 millions d'euros des dépenses fiscales entre 2021 et 2022.

Si les transferts directs au bénéfice des anciens combattants s'inscrivent dans une tendance nettement baissière, les dépenses fiscales et sociales en leur faveur, si elles tendent également à se contracter depuis quelques années, après une période d'extension en 2008-2014, le font dans une mesure moindre. En conséquence, leur poids dans les transferts aux anciens combattants augmente.

La dépense fiscale la plus importante, la demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs conjoints survivants) de plus de 74 ans titulaires de la carte du combattant et pour les conjoints survivants de plus de 74 ans des personnes ayant bénéficié de la retraite du combattant a un coût estimé à 521 millions d'euros.

Ainsi, en 2023, le montant consacré à la dépense fiscale en faveur des anciens combattants est supérieur aux crédits consacrés à la retraite du combattant.

Ces dépenses s'analysent comme des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes et donc, pour une catégorie de contribuables, un allégement de la charge fiscale par rapport à ce qui aurait résulté de l'application des principes généraux du droit fiscal français.

Elles s'élèvent à 649 millions d'euros pour 2023. Ce montant est notamment le résultat de deux facteurs :

- une extension des conditions d'accès à la demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 74 ans titulaires de la carte du combattant en 2021. En effet, cette mesure bénéficie désormais aux veufs et veuves de personnes ayant bénéficié de la retraite du combattant et non plus aux seuls veufs et veuves de bénéficiaires de la demi-part, la différence tenant au fait qu'un ayant droit bénéficie de la retraite du combattant à 65 ans et de la demi-part à 74 ans. Aussi le veuf ou la veuve de 74 ans dont le conjoint ancien combattant serait décédé entre 65 et 74 ans peut désormais bénéficier de la demi-part Le surcoût de la mesure était évalué à 30 millions d'euros ;

- une réévaluation à la baisse de la dépense fiscale de la mission « Anciens combattants » par la DGFIP en 2023. La dépense fiscale est ainsi désormais estimée à un niveau inférieur de 50 millions d'euros à l'estimation réalisée en 2021.

La réévaluation à la baisse des dépenses fiscales réalisée cette année porte sur la période 2021-2022 :

Évaluation des dépenses fiscales de la mission

(en millions d'euros)

Année

Dépense fiscale évaluée dans le PAP 2022

Dépense fiscale évaluée dans le PAP 2023

2021

704

661

2022

699

650

2023

N/A

649

Source : PAP « Anciens combattants » 2022 et 2023

Le ministère des Armées indique que cette diminution est liée à une modification du taux d'imposition moyen appliqué par la direction générale des finances publiques pour l'estimation, avec un effet rétroactif sur le chiffrage 2021.

Hors prise en compte de la réévaluation, les dépenses fiscales sont quasiment stables entre 2022 et 2023, ne baissant que d'un million d'euros (soit - 0,15 %), là où les rentes viagères diminuent de 10,5 %.

Une conséquence de la forte importance des dépenses fiscales par rapport aux aides universelles est qu'elle entraîne une reconnaissance de la Nation moins redistributive. La dépense fiscale la plus importante (un peu plus de 70 % de la dépense fiscale représentant 20 % des transferts totaux aux anciens combattants), à savoir la demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 74 ans titulaires de la carte du combattant, bénéficie disproportionnellement aux anciens combattants ou veuves les plus redevables de l'impôt sur le revenu et donc aux anciens combattants les mieux lotis. Le montant qui lui est consacré en 2023, 521 millions d'euros, est plus important que celui qui est consacré à la retraite du combattant, 509 millions d'euros.

Le rapporteur spécial regrette ainsi que la répartition des bénéficiaires de ces dépenses fiscales ne soit pas connue non plus. Le rapporteur spécial appelle à ce que cette situation soit rectifiée, notamment en ce qui concerne le poste de dépense le plus important, la demi-part accordée aux contribuables de plus de 74 ans.

Un même constat s'impose en ce qui concerne l'exonération d'imposition sur le revenu de la plupart des allocations versées par le programme 169 (104 millions d'euros de transferts vers les anciens combattants). On peut illustrer l'impact de cette disposition en indiquant que, pour un titulaire de la retraite du combattant non imposable, elle équivaut à un avantage nul quand pour un titulaire de la retraite du combattant dont le taux moyen d'imposition tend vers le taux marginal supérieur du barème elle représente une économie d'impôt de 346 euros.

3. Des indicateurs de performance à la pertinence et aux résultats sujets à caution

Le suivi de la performance pourrait être complété pour mieux tenir compte de la vocation principale de la mission d'assurer des transferts au bénéfice des anciens combattants.

L'indicateur 3.1 (ex-2.1) portant sur le « taux d'insertion professionnelle des volontaires du SMV (service militaire volontaire) » avait été ajouté afin de mesurer le niveau d'insertion des jeunes accueillis par ce dispositif dans la vie active. La cible plus de 70 % a été retenue de manière pérenne, s'appliquant depuis 2020 et devant rester constante jusqu'à au moins 2025. Elle est respectée, bien que recouvrant des situations très différentes. La reprise d'une formation certifiante ou d'un CDD de moins de 6 mois sont ainsi comptabilisées comme des insertions.

En ce qui concerne l'indicateur 1.1 (inchangé suite à la modification de nomenclature), renommé « taux de satisfaction du jeune au regard de la journée défense et citoyenneté » (JDC) pour plus de lisibilité, cet indicateur est régulièrement doté d'un objectif très élevé, qui est atteint. Pour autant, sa signification apparaît des plus médiocres. On comprend que les jeunes suivant la JDC n'en éprouvent pas une répulsion considérable au vu du contenu de la JDC.

Pour 2021, il était prévu de délivrer 32 000 titres dans un délai de 135 jours, avec une prévision actualisée du nombre de titres établis à 30 000. Le nombre de titres finalement délivrés est de 27 246. Le rapporteur spécial souligne et salue le fait que le délai de traitement des dossiers en question est très largement inférieur à l'objectif en s'établissant à 91 jours en moyenne.

En 2022, ces objectifs sont fixés à 30 000 dossiers avec un délai moyen de 130 jours. L'objectif relatif au nombre de dossiers traités par agent à lui été presque triplé pour 2022, passant de 1 500 à 4 285, du fait de la centralisation du traitement des dossiers au département reconnaissance et réparation.

Pour 2023, les objectifs fixent un nombre de dossiers à traiter de 27 300. Le nombre de dossiers par agent baisse mécaniquement à 3 200 du fait d'un nombre de dossier moins important pour un nombre d'agents équivalent. L'objectif de délai de traitement est fixé à 125 jours, ce qui reste très largement supérieur au délai moyen constaté en 2021 (91 jours). Une révision de la programmation des objectifs de délai de traitement apparaît pertinente dans la mesure où la réduction drastique des délais de traitement liée à la centralisation rend la programmation actuelle obsolète.

Au contraire, s'agissant du délai de traitement des dossiers de PMI, les résultats observés restent au-dessus des objectifs de performance et les délais restent de manière générale excessivement élevés (247 jours en moyenne sur l'année 2021 pour les nouvelles demandes, soit 20 jours de plus que l'objectif initial, le PAP 2023 prévoit par ailleurs que la cible 2022 fixée à 230 jours sera dépassée). S'agissant d'une valeur moyenne, il n'est pas possible d'exclure que dans certains cas ces délais - très longs - soient encore plus importants.

Il importe de remédier à cette situation qui, selon le ministère, provient moins de l'efficacité de la sous-direction des pensions, que de la trop faible disponibilité des médecins conseils experts, étiologie qui peut sans doute être augmentée d'autres facteurs.

L'adoption en première partie de la loi de finances pour 2023 d'une mesure augmentant une dépense fiscale rattachée à la mission

Suite à l'examen de la première partie de la loi de finances pour 2023 par l'Assemblée nationale et l'engagement de sa responsabilité sur le texte par le Gouvernement en application de l'article 49§3 de la Constitution, un article 3 quinquies a été ajouté au texte initial.

L'article 3 quinquies étend le bénéfice de la demi-part fiscale des veuves d'anciens combattants. Ainsi, en application de cet article, les veuves de plus de 74 ans (condition inchangée) pourront bénéficier de la demi-part fiscale si le mari ancien combattant est décédé après 60 ans et non plus si le mari ancien combattant avait bénéficié de la retraite du combattant.

Le bénéfice de la retraite du combattant débute, dans l'immense majorité des cas, à 65 ans. Ainsi, l'article 3 quinquies a pour effet d'ouvrir le bénéfice de la demi-part fiscale aux veuves d'anciens combattants dont le mari est décédé entre 60 et 65 ans.

La mesure a un coût estimé à 133 millions d'euros et participe au renforcement des dépenses fiscales dans l'effort de la Nation envers ses anciens combattants.

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