- L'ESSENTIEL
- I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA
MISSION
- A. UNE NOUVELLE RÉDUCTION MARQUÉE DES
CRÉDITS MALGRÉ QUELQUES REVALORISATIONS
- 1. Les économies programmées
d'environ 161 millions d'euros soit un recul de 7,7 % par rapport
à 2022
- 2. Un projet de budget pour 2023 dont les actions
sont calées sur une trajectoire baissière tendancielle
malgré quelques revalorisations liées à l'inflation
- 3. Des crédits s'intégrant dans une
trajectoire budgétaire fortement baissière pour les années
2023 à 2027
- 1. Les économies programmées
d'environ 161 millions d'euros soit un recul de 7,7 % par rapport
à 2022
- B. DES CRÉDITS LARGEMENT ABONDÉS PAR
DES DÉPENSES FISCALES ET DES CRÉDITS DE LA MISSION
DÉFENSE
- 1. Les déversements de crédits de la
mission défense abondent particulièrement les moyens
consacrés au lien armées-jeunesse
- 2. Les transferts au profit des anciens combattants
passent de plus en plus massivement par des dépenses fiscales
- 3. Des indicateurs de performance à la
pertinence et aux résultats sujets à caution
- 1. Les déversements de crédits de la
mission défense abondent particulièrement les moyens
consacrés au lien armées-jeunesse
- A. UNE NOUVELLE RÉDUCTION MARQUÉE DES
CRÉDITS MALGRÉ QUELQUES REVALORISATIONS
- II. ANALYSE PAR PROGRAMME
- A. LE PROGRAMME 169, UN PROGRAMME REGROUPANT
DES ACTIONS DIVERSES MAIS DONT LES CRÉDITS SONT TOUJOURS DOMINÉS
PAR L'ACTION EN FAVEUR DES ANCIENS COMBATTANTS
- 1. Des crédits hétéroclites,
largement dominés par l'effort en faveur des anciens combattants
- 2. Des crédits dédiés à
l'effort en faveur des anciens combattants en baisse franche malgré une
revalorisation de 4 % de la valeur du point d'indice
- a) Des extensions de droits de portée
limitée ces dernières années, une revalorisation
automatique du point PMI en 2023
- b) Une population des bénéficiaires
connaissant une forte érosion à l'origine des baisses de
crédits du programme 169
- (1) La retraite du combattant, une reconnaissance
de la Nation dont les crédits diminuent au rythme du nombre de ses
bénéficiaires
- (2) Les pensions militaires d'invalidité,
régime d'indemnisation recouvrant des situations très diverses et
dont la population tend tout à la fois à diminuer et à se
recomposer
- (3) Des pensions dont la progression est
traditionnellement atone car indexée sur l'évolution des
rémunérations publiques, qui continuent à voir leur valeur
réelle diminuer à cause de l'inflation
- c) Une déformation des équilibres de
la politique de reconnaissance en faveur du monde combattant malgré des
avantages peu mobilisés
- a) Des extensions de droits de portée
limitée ces dernières années, une revalorisation
automatique du point PMI en 2023
- 3. Les crédits affectés à
l'action liens armées-jeunesse connaissent une hausse non significative
du fait d'un financement de la JDC et du SMV à plus de 75 % par la
mission défense
- a) Le service militaire volontaire, 3 millions
d'euros inscrits au budget de la mission mais, au total, plus de
40 millions d'euros de crédits
- b) La journée JDC : la première
programmation entièrement « normale » suite aux
adaptations rendues nécessaires par la crise sanitaire
- (1) Des crédits pour 2023 établis sur
l'hypothèse d'un retour à la normale de la JDC et toujours
principalement issus de la mission défense
- (2) La JDC, une action clé de la lutte
contre le décrochage scolaire et la marginalisation qui mérite
d'être mieux suivie
- (3) Le SNU, un dispositif ayant vocation à
remplacer la JDC et dont l'articulation avec cette dernière est
actuellement incertaine
- a) Le service militaire volontaire, 3 millions
d'euros inscrits au budget de la mission mais, au total, plus de
40 millions d'euros de crédits
- 4. La politique de mémoire, des
crédits en légère hausse pour limiter les effets de
l'inflation
- 5. Les opérateurs du programme, soumis
à une budgétisation qui suscite l'inquiétude quant
à la soutenabilité de leurs comptes
- a) L'évolution des crédits et des
plafonds d'emploi des opérateurs de la mission
- (1) Des crédits en très forte
augmentation en raison de l'inflation et du renforcement des actions en faveur
des harkis, autres supplétifs et rapatriés
- (2) L'évolution des plafonds
d'emplois
- b) L'ONAC-VG, un acteur incontournable pour la
mise en oeuvre des crédits de la mission en cours de
restructuration
- (1) L'ONACVG, un acteur essentiel à tous
les pans de la mission « Anciens combattants »
- (2) Des crédits en augmentation mais qui ne
couvrent pas encore l'intégralité des dépenses de
l'ONACVG
- (3) Une restructuration visant à
réduire les coûts de fonctionnement de l'ONAC-VG par une
réduction des effectifs et un plus grand recours au
numérique
- c) L'Institution Nationale des Invalides, un
acteur unique et irremplaçable pour la prise en charge des invalides de
guerre
- a) L'évolution des crédits et des
plafonds d'emploi des opérateurs de la mission
- 6. De quelques situations à mieux prendre
en considération
- 1. Des crédits hétéroclites,
largement dominés par l'effort en faveur des anciens combattants
- B. LE PROGRAMME 158 : DES CRÉDITS
S'ENGAGEANT SUR UNE TENDANCE BAISSIERE
- A. LE PROGRAMME 169, UN PROGRAMME REGROUPANT
DES ACTIONS DIVERSES MAIS DONT LES CRÉDITS SONT TOUJOURS DOMINÉS
PAR L'ACTION EN FAVEUR DES ANCIENS COMBATTANTS
- I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA
MISSION
- LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME
ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 115 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022 |
RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023, |
Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC
LA NATION |
Rapporteur spécial : M. Marc LAMÉNIE |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (16ème législ.) : 273, 285, 286 rect., 292, 337, 341, 364, 369, 374, 386 et T.A. 26 Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023) |
L'ESSENTIEL
I. UNE BAISSE DES CRÉDITS ET DES DÉPENSES FISCALES DE LA MISSION ACCENTUÉE EN 2023
Si la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » voit ses crédits baisser de manière constante année après année, l'année 2023 se démarque par l'ampleur de la baisse. Les crédits 2023 passent ainsi sous la barre des 2 milliards d'euros, en diminuant de 161 millions d'euros en AE (- 7,72 %) et 154 millions d'euros en CP (- 7,38 %). Ces diminutions de crédits se concentrent à nouveau sur les pensions viagères portées par la mission, qu'il s'agisse de celles du programme 169 (retraite du combattant et pensions militaires d'invalidité) ou du programme 158 (indemnisation des orphelins de victimes d'actes de barbarie ou antisémites lors de la 2nde Guerre Mondiale).
L'année 2023 voit également les dépenses fiscales de la mission diminuer de manière significative malgré une quasi-stabilité entre 2022 et 2023 (- 1 million d'euros entre 2022 et 2023 sur une dépense estimée à 649 millions d'euros). En effet, le montant de la dépense fiscale, qui était estimé à 700 millions d'euros pour 2022, a été réévalué par le PAP 2023 à 650 millions d'euros pour 2022, soit une baisse de 50 millions d'euros1(*). Ainsi, si la prévision 2023 est en baisse de seulement 1 million d'euros par rapport cette prévision révisée, la baisse atteint 51 millions d'euros par rapport aux estimations de l'an passé.
Évolution des crédits et des dépenses fiscales de la mission
(en milliards d'euros)
Par ailleurs, le rapporteur spécial souligne qu'en 2023, la demi-part supplémentaire pour les anciens combattants et leurs veuves de plus de 74 ans (521 millions d'euros en prévision initiale) coûtera plus cher à l'État que l'acquittement des retraites du combattant (509 millions d'euros).
II. DEUX TRAJECTOIRES CONTRADICTOIRES : DES CRÉDITS À DESTINATION DES ALLOCATIONS VIAGÈRES EN FORTE BAISSE MAIS UNE HAUSSE DES CRÉDITS LIÉS AUX AUTRES ACTIONS DE LA MISSION
Si les crédits de la mission sont entrainés à la baisse par les allocations viagères, leur évolution n'est pas homogène. En particuliers, les crédits des opérateurs et de la politique de mémoire sont en hausse, notamment à cause de l'inflation.
A. UNE BAISSE SENSIBLE DES CRÉDITS DES ALLOCATIONS VIAGÈRES
Les crédits liés aux allocations viagères de la mission connaissent un très fort recul en 2023, en lien avec la démographie des bénéficiaires.
Pour le programme 169, la baisse des crédits est également très marquée : - 53,7 millions d'euros (- 6,64 %) pour les pensions militaires d'invalidité et - 94,7 millions d'euros (- 15,7 %) pour les retraites du combattant. Ces baisses ont lieu malgré une revalorisation de 4 % de leur point d'indice, le point Pension Militaire d'Invalidité (point PMI), au 1er janvier 2023. Cette revalorisation est la conséquence de l'application de l'indexation du point PMI sur les rémunérations publiques.
La chute des crédits de la retraite du combattant s'explique aussi en partie par une modification des modalités de versement de la retraite suite à la refonte du système d'information du service des retraites de l'État, qui entraîne une économie de 45,5 millions d'euros sur la seule année 2023.
Les allocations du programme 158 sont en baisse de 9,1 % s'agissant de l'indemnisation des orphelins de victimes de violences antisémites et de 4 % s'agissant de l'indemnisation des orphelins de victimes d'actes de barbarie. La diminution des crédits d'indemnisation des orphelins de victimes de violences antisémites n'est cependant pas visible au niveau de l'action, étant compensée par l'augmentation de la dotation de la CIVS pour l'indemnisation des spoliations antisémites lors de la 2nde Guerre Mondiale.
B. LES AUTRES CRÉDITS DE LA MISSION EN HAUSSE, NOTAMMENT SOUS L'INFLUENCE DE L'INFLATION
Les crédits des autres actions sont au contraire en hausse :
- l'action en faveur des rapatriés affiche une augmentation de 6,1 % entre le budget final 2022 et la prévision 2023. Cependant, le renforcement inédit des mesures en faveur des rapatriés ayant eu lieu en 2022 a entraîné une très forte augmentation des dépenses au cours de l'année 2022. La prévision initiale 2023 représente ainsi une augmentation de 280 % par rapport à la prévision initiale du PLF 2022 et de 307 % par rapport à l'exécution 2021 ;
- le budget de la CIVS passe de 6 à 10 millions d'euros pour ses dépenses d'intervention. Ces crédits sont cependant très volatils. Cette augmentation est liée à l'arrivée à terme de deux dossiers à très forts enjeux financiers (7 millions d'euros) et ne remet pas en cause la trajectoire globalement baissière des crédits de la CIVS ;
- les crédits de la politique de mémoire connaissent une augmentation de 17,2 %, directement liée à l'inflation ;
- la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) connaît une légère hausse (+ 1 million d'euros) du fait d'un nombre plus important de jeunes pour la cohorte 2023. Bien que l'année 2023 marque un retour à la normale pour le fonctionnement de la JDC (les JDC ont été menées sous un format demi-journée jusqu'en septembre 2022), le coût moyen par jeune devrait rester stable par rapport à 2022. Les crédits du Service Militaire Volontaire (SMV) sont eux stables. Dans un cas comme dans l'autre, ces augmentations sont peu significatives car l'immense majorité (plus de 75 %) des crédits effectivement utilisés pour ces dispositifs n'apparait pas dans les crédits de la mission « Anciens combattants » et sont supportés par la mission « Défense », le fonds social européen et par des collectivités territoriales.
- les opérateurs de la mission voient leurs crédits de fonctionnement également augmenter (+ 700 000 euros pour l'Institution nationale des Invalides et + 3,9 millions d'euros pour l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre), notamment du fait de la revalorisation des rémunérations publiques.
La mission est ainsi exposée de trois façons à l'inflation :
- les retraites du combattant et les pensions militaires d'invalidité, poste de dépense principal de la mission, sont indexées sur les rémunérations publiques ;
- ses trois opérateurs disposent au total d'un plafond d'emplois de 1 201 ETPT ;
- la mission contient une quantité significative d'opérations immobilières. Ainsi les crédits de l'action mémoire servent notamment à l'entretien et à la valorisation du patrimoine mémoriel combattant de l'État (2 200 carrés militaires, 289 nécropoles nationales, 10 hauts lieux de la mémoire nationale) et l'INI a entrepris des travaux de restauration de la quasi-totalité de ses locaux.
III. UNE ACTION EN FAVEUR DES RAPATRIÉS TRÈS LARGEMENT RENFORCÉE DURANT L'ANNÉE 2022
L'action en faveur des harkis, autres supplétifs et rapatriés a connu un renforcement exceptionnel en 2022.
Ainsi, le montant de l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère a été doublé par voie réglementaire, et la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées a levé le délai de forclusion de l'allocation viagère et a créé une indemnité de réparation des préjudices résultant de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans des camps et des hameaux de forestage.
Le texte initial du PLF 2022 prévoyait une dotation de 26,6 millions d'euros pour les actions en faveur des rapatriés. Une provision supplémentaire de 50 millions d'euros a été votée lors de l'examen du texte en prévision du dispositif de la loi du 23 février 2022. Le texte initial du PLF 2023 prévoit une dotation de 100,9 millions d'euros pour les actions en faveur des rapatriés. Sur une période d'un an, les moyens de la politique de reconnaissance et réparation en faveur des rapatriés ont presque été quadruplés.
Cette augmentation significative des moyens devrait être cependant relativement limitée dans le temps : un dispositif d'aide sociale pour enfant de harkis arrive à forclusion au 31 décembre 2022 et, s'agissant du dispositif de réparation des préjudices résultant de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans des camps et des hameaux de forestage, 40 000 dossiers au plus sont attendus et une fois traités, le dispositif, qui représente 60 millions d'euros en 2023, aura vocation à s'éteindre.
Le doublement de l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère aura cependant un effet plus pérenne dans le temps.
IV. ONACVG ET INI : UN FINANCEMENT INTÉGRAL DES DÉPENSES D'INTERVENTION MAIS DES RISQUES DE RETARD POUR LES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES
La mission « Anciens combattants » a deux opérateurs principaux : l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) et l'Institution nationale des Invalides (INI).
A. L'OFFICE NATIONAL DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE (ONAC-VG)
L'année 2023 marque un tournant pour la programmation budgétaire de l'ONACVG : il n'est pas prévu de prélèvement de trésorerie pour financer des dépenses courantes ou d'intervention. Le rapporteur salue ce tournant, la trésorerie de l'Office ayant été très largement mise à contribution ces dernières années et arrivant actuellement à un niveau plancher.
L'Office s'est vu confier l'instruction des dossiers du dispositif de réparation de la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées, soit une charge estimée à 40 000 dossiers. Le succès de ce dispositif avait été sous-estimé : plus de 20 000 dossiers ont déjà été déposés. Pour faire face à cette charge, l'Office a dû recruter 8 contractuels.
Enfin, bien que les crédits liés aux actions d'entretien du patrimoine mémoriel combattant (carrés militaires, nécropoles et hauts lieu de la mémoire nationale), que l'Office est chargé de mettre en oeuvre soient en hausse de 27 %, le niveau des dotations actuel fait craindre des retards dans la réalisation des travaux.
B. L'INSTITUTION NATIONALE DES INVALIDES (INI)
L'année 2023 marque le début d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance 2022-2026. Ce dernier porte l'ambition de la création d'un parcours de soins complet et complémentaire avec le service de santé des armées qui prenne désormais en compte les blessures psychiques, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
Le COP porte également sur la bonne mise en oeuvre du schéma directeur immobilier de l'INI. L'Institution s'est en effet lancée dans un vaste plan de rénovation de ses locaux. Le coût total de ces travaux doit s'élever à 73 millions d'euros, dont 12,7 millions d'euros financés par les ressources propres de l'INI. 27 millions d'euros ont déjà été engagés par l'État pour ces travaux, auxquels doivent s'ajouter 6,3 millions d'euros en 2023.
Réunie le jeudi 27 octobre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par son amendement. Elle a également proposé d'adopter l'article 41 sans modification.
Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions et a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 41 bis.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues au rapporteur spécial en ce qui concerne la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION
A. UNE NOUVELLE RÉDUCTION MARQUÉE DES CRÉDITS MALGRÉ QUELQUES REVALORISATIONS
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » enregistre une diminution régulière de ses crédits, dégageant ainsi des économies spontanées, qu'on pourrait aussi qualifier de passives, sur les dépenses publiques de l'État. De 2012 à 2023, les dépenses auront reculé de plus d'un milliard d'euros.
Pour 2023, les crédits programmés (AE) diminuent de 160,9 millions d'euros par rapport à 2022, passant ainsi sous la barre des 2 milliards d'euros.
1. Les économies programmées d'environ 161 millions d'euros soit un recul de 7,7 % par rapport à 2022
Les crédits programmés pour 2023 s'élèvent à 1 924,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1 930,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP), contre 2 085,1 millions d'euros en AE et 2 084,7 millions d'euros en CP l'an dernier, faisant ressortir une économie de 160,9 millions d'euros en AE et 153,9 millions d'euros en CP. Ces économies sont significativement plus importantes que celles constatées en 2022, qui s'établissaient à 23 millions d'euros.
Les crédits de la mission sont très majoritairement concentrés sur le programme 169 (plus de 95 %), et 69 % des crédits de ce programme sont consacrés à deux catégories de droits viagers, les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant (1 264,3 millions d'euros au total) de sorte que leurs évolutions d'une année à l'autre sont très sensibles aux variations touchant la valeur unitaire de ces allocations et la population des allocataires.
La programmation budgétaire de la mission emporte un repli des dotations budgétaires de l'ordre de 7,7 %, contre 1,1 % l'an dernier. Cette forte diminution s'explique par deux facteurs principaux : une forte diminution de la population des bénéficiaires des rentes viagères et une revalorisation limitée de ces rentes. À cette baisse de la population des bénéficiaires s'ajoute une modification des conditions de versement des pensions entraînant une économie supplémentaire de 45,5 millions d'euros en 2023.
Le programme 158 de la mission connaît une baisse plus faible de ses crédits, ces derniers reculant de 1,3 % par rapport à 2022 (AE=CP).
Évolution par programme des autorisations
d'engagement de la mission
entre 2022 et 2023
(en millions d'euros)
|
2022 |
2023 |
Écart |
Programme 169 |
1 992,3 |
1 832,6 |
- 159,7 |
Programme 158 |
92,8 |
91,6 |
- 1,2 |
Total |
2 085,1 |
1 924,2 |
- 160,9 |
Source : commission des finances du Sénat
La grande majorité des économies prévues sont attribuables à la baisse du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant et de la pension militaire d'invalidité qui représentent, pour l'essentiel, des dépenses de prestations (de titre 6) accordées en témoignage de la reconnaissance de la Nation à ses anciens combattants. Les dépenses liées aux dettes viagères sont ainsi en repli de 148,3 millions d'euros en AE (- 10,5 %), étant précisé que parmi ces 148,3 millions d'euros, 45,5 millions d'euros ne seront pas dépensés du fait de la refonte du système d'information du service des retraites de l'État. Les autres dépenses du programme 169 en faveur des anciens combattants et invalides de guerre connaissent des baisses plus ou moins prononcées, avec en particulier les remboursements des réductions de transport accordées aux invalides qui voient leurs crédits diminuer de moitié (- 700 000 euros). Cette diminution établit la prévision 2023 des remboursements des réductions de transport au niveau de l'exécution prévisionnelle de 2022. A contrario, les actions en faveur des rapatriés (+ 6,1 %), du lien armée-jeunesse (+ 4 %) et de la politique de mémoire (+ 17,2 %) voient leurs crédits augmenter.
Enfin, les crédits prévus au titre du programme 158 connaissent une baisse moins importante, diminuant de 1,3 % (- 1,2 million d'euros) par rapport à 2022.
2. Un projet de budget pour 2023 dont les actions sont calées sur une trajectoire baissière tendancielle malgré quelques revalorisations liées à l'inflation
Les dotations de la mission sont installées sur une trajectoire fortement descendante. En ce qui concerne les actions de la budgétisation initiale, le PLF pour 2023, bien qu'il comprenne quelques revalorisations liées à l'inflation, n'inverse pas cette tendance. Cette revalorisation ne fait que limiter l'incidence budgétaire de la réduction inexorable de la population des bénéficiaires des rentes viagères, constat s'appliquant à celle relevant du programme 169 comme à celle relevant du programme 158, causée par l'âge très avancé d'une majorité des bénéficiaires.
Le budget 2022, après rectification, avait atteint une quasi-stabilité des crédits par rapport à 2021 (- 700 000 euros AE et - 4,5 millions d'euros CP), notamment du fait d'une augmentation significative de la politique de reconnaissance et réparation en faveur des harkis, autres supplétifs et rapatriés : la programmation initiale du PLF 2022 prévoyait 26 millions d'euros en AE et CP pour l'action 07 « Actions en faveur des rapatriés » avant d'être abondé pour atteindre 95 millions d'euros pour cette même action.
Par comparaison, le budget 2023 s'apparente à une accélération de la baisse des crédits de la mission. La seule extension de droits prévue dans le PLF initial est un élargissement de la qualité de victime du terrorisme, dont l'incidence budgétaire est estimée à 1 million d'euros. À cela s'ajoute une stricte compensation de l'inflation auprès des opérateurs de la mission.
Les compensations liées à l'inflation doivent également entraîner une revalorisation de 4 % des rentes viagères du programme 169 devant entrer en vigueur le 1er janvier 2023, du fait de l'indexation de la valeur de ces pensions sur l'Indice de traitement brut - grille indiciaire (ITB-GI) de la fonction publique.
Au cours des dernières années, des économies avaient été amplifiées par quelques « artifices budgétaires » tirés des équilibres entre le budget de la mission et les finances de ses opérateurs, qui avaient été fortement sollicitées, en particulier s'agissant de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG).
Le rapporteur spécial se réjouit que la programmation budgétaire initiale pour 2023 couvre les dépenses attendues de l'ONACVG. La situation de l'Institution nationale des Invalides (INI) est plus complexe du fait des importants travaux immobiliers engagés par celle-ci, il n'est cependant pas prévu de ponction massive en 2023.
Évolution des crédits et des dépenses fiscales de la mission depuis 20122(*)
(en milliards d'euros, Autorisations d'Engagement)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Évolution du nombre des
bénéficiaires des pensions militaires
d'invalidité
(PMI) et de la retraite du combattant (RC) (2006-2022)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
3. Des crédits s'intégrant dans une trajectoire budgétaire fortement baissière pour les années 2023 à 2027
Le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 inscrit sans surprise la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » dans une trajectoire baissière. Les crédits devraient connaître une baisse de 2 % en 2024, conséquence d'une relative stabilité des crédits liés à l'action en faveur des anciens combattants, et de 6 % en 2025, la baisse étant là encore liée à celle du nombre des anciens combattants.
Le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 contient cependant un motif d'interrogation : la programmation, telle qu'indiquée sur le PAP 2023, prévoit une forte baisse des crédits de fonctionnement (titre 3) du programme 169. Ces crédits, d'un montant 111 millions d'euros en 2023, financent notamment les subventions pour charges de service public des opérateurs du programme (l'ONACVG et l'INI) et les crédits liés à la politique de la mémoire.
Selon la programmation, ces crédits doivent connaître une baisse de 14,26 % en 2024 et de 9,87 % supplémentaires en 2025. Or, selon les informations transmises au rapporteur spécial dans le cadre du questionnaire budgétaire, les budgets concernés seraient au contraire stables ou en hausse, notamment du fait d'importantes commémorations devant avoir lieu en 2024, ce qui entraînerait un pic des crédits de mémoire sur la période.
Ces remarques ne remettent cependant pas en cause la trajectoire baissière globale des crédits de la mission, les crédits de titre 3 du programme 169 ne représentant que 5,8 % des crédits de la mission.
B. DES CRÉDITS LARGEMENT ABONDÉS PAR DES DÉPENSES FISCALES ET DES CRÉDITS DE LA MISSION DÉFENSE
Les moyens de la mission sont largement abondés par des transferts que ses crédits ne retracent pas. Il s'agit de financements issus d'autres missions budgétaires portant sur des politiques portées par la mission « anciens combattants » ou d'avantages fiscaux ou sociaux attribués à tout ou partie des anciens combattants.
La prise en compte des seuls avantages fiscaux « hors mission », conduit à rehausser significativement l'effort de la Nation envers les anciens combattants.
Les dépenses fiscales rattachées à la mission sont évaluées à 649 millions d'euros en 2023. Ce montant représente un tiers des crédits budgétaires de la mission. Sur ces 649 millions d'euros, la demi-part fiscale attribuée aux titulaires de la carte du combattant et à leurs veuves de plus de 74 ans représente 521 millions d'euros.
1. Les déversements de crédits de la mission défense abondent particulièrement les moyens consacrés au lien armées-jeunesse
Certaines politiques publiques financées par la mission, la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) et le Service Militaire Volontaire (SMV), sollicitent des moyens qui sont loin d'être exhaustivement retracés par les dotations ouvertes en loi de finances au titre de la mission elle-même.
On doit regretter sur ce point une déperdition de l'information budgétaire du fait de la disparition des éléments permettant d'apprécier les crédits complets dédiés à une action publique donnée dans les documents budgétaires.
Toutefois, le ministère des Armées a développé une comptabilité analytique permettant de retracer les coûts réels des actions inscrites au sein de la présente mission, et particulièrement la JDC et le SMV.
Selon les données transmises au rapporteur spécial, les concours reçus d'autres missions budgétaires concernent principalement l'action 08 « liens armée-jeunesse » du programme 169, dont ils multiplieraient les dotations par plus qu'un facteur 4.
À ce niveau, force est de s'interroger sur la justification de l'inscription initiale de certains crédits sous la bannière budgétaire de la présente mission.
Les actions concernées sont l'organisation de la Journée défense et citoyenneté (JDC) avec une participation du ministère des Armées de 92,7 millions d'euros et le Service militaire volontaire (SMV) abondé à hauteur de 34 millions d'euros par le fonds social européen et d'au moins 2,8 millions d'euros par des collectivités territoriales en 2023.
Les déversements portent essentiellement sur les dépenses de masse salariale et de façon plus marginale, sur les dépenses de soutien d'infrastructure, de systèmes d'information et de santé.
L'évaluation du concours de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » à la politique de réparation en faveur des victimes de l'Occupation couvert par le programme 158 n'est pas accessible. Ne l'est pas davantage une quelconque information quant à la contribution, en matière de coût, du ministère de la culture aux objectifs poursuivis par la politique de réparation des préjudices subis par les victimes de spoliations antisémites alors même qu'une cellule spécifiquement dédiée a été instituée à cet effet.
Le rapporteur spécial regrette que les informations indisponibles dans les rapports budgétaires aboutissent à édulcorer la réalité des efforts publics effectivement consacrés aux actions mises en oeuvre.
Le rapporteur spécial recommande de revenir à un état plus satisfaisant de l'information budgétaire en reprenant la présentation des crédits complets consacrés aux actions publiques financées par les programmes budgétaires.
La logique suivie par la loi organique relative aux lois de finances se perd, du moins quant à l'information fournie aux Français et à leurs élus sur les moyens consacrés aux politiques publiques, ce qu'il convient de déplorer très vivement.
Compte tenu de la rénovation des missions de la commission d'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), il conviendrait que le coût des entités animées par le ministère des affaires étrangères et, surtout, le ministère de la culture puisse être recensé au titre des coûts complets engagés pour apurer notre dette de réparation des spoliations antisémites.
2. Les transferts au profit des anciens combattants passent de plus en plus massivement par des dépenses fiscales
Les interventions en faveur des anciens combattants financées sur les crédits budgétaires suivent une tendance très nettement baissière qu'illustre le projet de budget pour 2023 (-10,5 % de crédits sur les rentes viagères). A contrario, les dépenses fiscales rattachées à la mission affichent une quasi-stabilité. Cependant, cette stabilité apparente cache une réévaluation à la baisse de 50 millions d'euros des dépenses fiscales entre 2021 et 2022.
Si les transferts directs au bénéfice des anciens combattants s'inscrivent dans une tendance nettement baissière, les dépenses fiscales et sociales en leur faveur, si elles tendent également à se contracter depuis quelques années, après une période d'extension en 2008-2014, le font dans une mesure moindre. En conséquence, leur poids dans les transferts aux anciens combattants augmente.
La dépense fiscale la plus importante, la demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs conjoints survivants) de plus de 74 ans titulaires de la carte du combattant et pour les conjoints survivants de plus de 74 ans des personnes ayant bénéficié de la retraite du combattant a un coût estimé à 521 millions d'euros.
Ainsi, en 2023, le montant consacré à la dépense fiscale en faveur des anciens combattants est supérieur aux crédits consacrés à la retraite du combattant.
Ces dépenses s'analysent comme des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes et donc, pour une catégorie de contribuables, un allégement de la charge fiscale par rapport à ce qui aurait résulté de l'application des principes généraux du droit fiscal français.
Elles s'élèvent à 649 millions d'euros pour 2023. Ce montant est notamment le résultat de deux facteurs :
- une extension des conditions d'accès à la demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 74 ans titulaires de la carte du combattant en 2021. En effet, cette mesure bénéficie désormais aux veufs et veuves de personnes ayant bénéficié de la retraite du combattant et non plus aux seuls veufs et veuves de bénéficiaires de la demi-part, la différence tenant au fait qu'un ayant droit bénéficie de la retraite du combattant à 65 ans et de la demi-part à 74 ans. Aussi le veuf ou la veuve de 74 ans dont le conjoint ancien combattant serait décédé entre 65 et 74 ans peut désormais bénéficier de la demi-part Le surcoût de la mesure était évalué à 30 millions d'euros ;
- une réévaluation à la baisse de la dépense fiscale de la mission « Anciens combattants » par la DGFIP en 2023. La dépense fiscale est ainsi désormais estimée à un niveau inférieur de 50 millions d'euros à l'estimation réalisée en 2021.
La réévaluation à la baisse des dépenses fiscales réalisée cette année porte sur la période 2021-2022 :
Évaluation des dépenses fiscales de la mission
(en millions d'euros)
Année |
Dépense fiscale évaluée dans le PAP 2022 |
Dépense fiscale évaluée dans le PAP 2023 |
2021 |
704 |
661 |
2022 |
699 |
650 |
2023 |
N/A |
649 |
Source : PAP « Anciens combattants » 2022 et 2023
Le ministère des Armées indique que cette diminution est liée à une modification du taux d'imposition moyen appliqué par la direction générale des finances publiques pour l'estimation, avec un effet rétroactif sur le chiffrage 2021.
Hors prise en compte de la réévaluation, les dépenses fiscales sont quasiment stables entre 2022 et 2023, ne baissant que d'un million d'euros (soit - 0,15 %), là où les rentes viagères diminuent de 10,5 %.
Une conséquence de la forte importance des dépenses fiscales par rapport aux aides universelles est qu'elle entraîne une reconnaissance de la Nation moins redistributive. La dépense fiscale la plus importante (un peu plus de 70 % de la dépense fiscale représentant 20 % des transferts totaux aux anciens combattants), à savoir la demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 74 ans titulaires de la carte du combattant, bénéficie disproportionnellement aux anciens combattants ou veuves les plus redevables de l'impôt sur le revenu et donc aux anciens combattants les mieux lotis. Le montant qui lui est consacré en 2023, 521 millions d'euros, est plus important que celui qui est consacré à la retraite du combattant, 509 millions d'euros.
Le rapporteur spécial regrette ainsi que la répartition des bénéficiaires de ces dépenses fiscales ne soit pas connue non plus. Le rapporteur spécial appelle à ce que cette situation soit rectifiée, notamment en ce qui concerne le poste de dépense le plus important, la demi-part accordée aux contribuables de plus de 74 ans.
Un même constat s'impose en ce qui concerne l'exonération d'imposition sur le revenu de la plupart des allocations versées par le programme 169 (104 millions d'euros de transferts vers les anciens combattants). On peut illustrer l'impact de cette disposition en indiquant que, pour un titulaire de la retraite du combattant non imposable, elle équivaut à un avantage nul quand pour un titulaire de la retraite du combattant dont le taux moyen d'imposition tend vers le taux marginal supérieur du barème elle représente une économie d'impôt de 346 euros.
3. Des indicateurs de performance à la pertinence et aux résultats sujets à caution
Le suivi de la performance pourrait être complété pour mieux tenir compte de la vocation principale de la mission d'assurer des transferts au bénéfice des anciens combattants.
L'indicateur 3.1 (ex-2.1) portant sur le « taux d'insertion professionnelle des volontaires du SMV (service militaire volontaire) » avait été ajouté afin de mesurer le niveau d'insertion des jeunes accueillis par ce dispositif dans la vie active. La cible plus de 70 % a été retenue de manière pérenne, s'appliquant depuis 2020 et devant rester constante jusqu'à au moins 2025. Elle est respectée, bien que recouvrant des situations très différentes. La reprise d'une formation certifiante ou d'un CDD de moins de 6 mois sont ainsi comptabilisées comme des insertions.
En ce qui concerne l'indicateur 1.1 (inchangé suite à la modification de nomenclature), renommé « taux de satisfaction du jeune au regard de la journée défense et citoyenneté » (JDC) pour plus de lisibilité, cet indicateur est régulièrement doté d'un objectif très élevé, qui est atteint. Pour autant, sa signification apparaît des plus médiocres. On comprend que les jeunes suivant la JDC n'en éprouvent pas une répulsion considérable au vu du contenu de la JDC.
Pour 2021, il était prévu de délivrer 32 000 titres dans un délai de 135 jours, avec une prévision actualisée du nombre de titres établis à 30 000. Le nombre de titres finalement délivrés est de 27 246. Le rapporteur spécial souligne et salue le fait que le délai de traitement des dossiers en question est très largement inférieur à l'objectif en s'établissant à 91 jours en moyenne.
En 2022, ces objectifs sont fixés à 30 000 dossiers avec un délai moyen de 130 jours. L'objectif relatif au nombre de dossiers traités par agent à lui été presque triplé pour 2022, passant de 1 500 à 4 285, du fait de la centralisation du traitement des dossiers au département reconnaissance et réparation.
Pour 2023, les objectifs fixent un nombre de dossiers à traiter de 27 300. Le nombre de dossiers par agent baisse mécaniquement à 3 200 du fait d'un nombre de dossier moins important pour un nombre d'agents équivalent. L'objectif de délai de traitement est fixé à 125 jours, ce qui reste très largement supérieur au délai moyen constaté en 2021 (91 jours). Une révision de la programmation des objectifs de délai de traitement apparaît pertinente dans la mesure où la réduction drastique des délais de traitement liée à la centralisation rend la programmation actuelle obsolète.
Au contraire, s'agissant du délai de traitement des dossiers de PMI, les résultats observés restent au-dessus des objectifs de performance et les délais restent de manière générale excessivement élevés (247 jours en moyenne sur l'année 2021 pour les nouvelles demandes, soit 20 jours de plus que l'objectif initial, le PAP 2023 prévoit par ailleurs que la cible 2022 fixée à 230 jours sera dépassée). S'agissant d'une valeur moyenne, il n'est pas possible d'exclure que dans certains cas ces délais - très longs - soient encore plus importants.
Il importe de remédier à cette situation qui, selon le ministère, provient moins de l'efficacité de la sous-direction des pensions, que de la trop faible disponibilité des médecins conseils experts, étiologie qui peut sans doute être augmentée d'autres facteurs.
L'adoption en première partie de la loi de finances pour 2023 d'une mesure augmentant une dépense fiscale rattachée à la mission Suite à l'examen de la première partie de la loi de finances pour 2023 par l'Assemblée nationale et l'engagement de sa responsabilité sur le texte par le Gouvernement en application de l'article 49§3 de la Constitution, un article 3 quinquies a été ajouté au texte initial. L'article 3 quinquies étend le bénéfice de la demi-part fiscale des veuves d'anciens combattants. Ainsi, en application de cet article, les veuves de plus de 74 ans (condition inchangée) pourront bénéficier de la demi-part fiscale si le mari ancien combattant est décédé après 60 ans et non plus si le mari ancien combattant avait bénéficié de la retraite du combattant. Le bénéfice de la retraite du combattant débute, dans l'immense majorité des cas, à 65 ans. Ainsi, l'article 3 quinquies a pour effet d'ouvrir le bénéfice de la demi-part fiscale aux veuves d'anciens combattants dont le mari est décédé entre 60 et 65 ans. La mesure a un coût estimé à 133 millions d'euros et participe au renforcement des dépenses fiscales dans l'effort de la Nation envers ses anciens combattants. |
II. ANALYSE PAR PROGRAMME
Le programme 169 concentre l'immense majorité des crédits de la mission « Anciens combattants ». Ses crédits sont principalement affectés à l'administration des rentes viagères dont bénéficient les anciens combattants. Cette facette du programme obéit à des données naturelles mais aussi à des mécanismes de revalorisation des droits ainsi financés.
Pour les actions de mémoire, le programme est largement tributaire du calendrier commémoratif. L'action en faveur des rapatriés a connu en 2022 une augmentation drastique de ses moyens, passant de 25 millions d'euros3(*) à 95 millions d'euros4(*) (+ 260 %). La programmation 2023 se positionne en légère augmentation, à 100,1 millions d'euros (+ 6,1 %), du fait notamment du fonctionnement en année pleine du dispositif de reconnaissance et réparation en faveur des harkis, autres supplétifs et rapatriés prévu par la loi n° 2022-229 du 23 février 20225(*).
Les crédits affectés à la JDC sont en légère augmentation du fait d'une cohorte de jeunes légèrement plus importante qu'en 2022 (14 000 jeunes de plus).
Enfin, le dispositif du SMV continue de gagner en importance du fait de l'augmentation du nombre de volontaires qu'il est amené à accueillir et de l'ouverture d'une antenne à Marseille.
L'autre programme (le programme 158) est un réservoir de moyens destinés à réparer les préjudices subis par les orphelins de victimes violences antisémites et d'actes de barbarie commis durant la seconde guerre mondiale et les spoliations du fait de l'application de lois antisémites. La très grande majorité de ces crédits finance des rentes viagères à destination des orphelins. La baisse du nombre des crédit-rentiers explique la baisse des crédits de la mission (- 1,3 %, les crédits passant de 92,8 millions d'euros en LFI 2022 à 91,6 millions d'euros en PLF 2023). Les moyens employés pour l'indispensable action de recherche et d'identification des spoliations et de leurs victimes sont eux en hausse, passant de 6 à 10 millions d'euros, du fait de deux dossiers à forts enjeux financiers devant aboutir en 2023.
A. LE PROGRAMME 169, UN PROGRAMME REGROUPANT DES ACTIONS DIVERSES MAIS DONT LES CRÉDITS SONT TOUJOURS DOMINÉS PAR L'ACTION EN FAVEUR DES ANCIENS COMBATTANTS
1. Des crédits hétéroclites, largement dominés par l'effort en faveur des anciens combattants
Le programme 169 comporte 6 actions aux crédits très inégaux :
- l'action 01, « Administration de la dette viagère », disposant de 1264 millions d'euros en AE et CP ;
- l'action 02 « Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité », disposant de 109,6 millions d'euros en AE et CP ;
- l'action 03 « Solidarité », disposant de 312,4 millions d'euros en AE et 319,2 millions d'euros en CP ;
- l'action 07 « Action en faveur des rapatriés », disposant de 100,9 millions d'euros en AE et CP ;
- l'action 08 « Liens armée-jeunesse », disposant de 24,6 millions d'euros en AE et 24,5 millions d'euros en CP ;
- l'action 09 « Politique de mémoire », disposant de 20,9 millions d'euros en AE et CP.
Bien que les crédits du programme 169 soient globalement en baisse par rapport au PLF 2022 à périmètre constant, deux tendances se dessinent. Les crédits affectés au paiement des rentes viagères et à leur gestion sont en baisse, alors que tous les autres crédits connaissent une hausse plus ou moins marquée.
En ce qui concerne l'action 08 (liens armée-jeunesse), cette vue d'ensemble porte cependant sur des données largement faciales du fait de l'ampleur de la participation de programmes extérieurs à la mission au financement tant de la JDC que du SMV.
Les formules d'association de la jeunesse à la Défense tendent à se démultiplier (« Journée défense et citoyenneté », service militaire volontaire, service militaire adapté en outre-mer et service national universel au sein duquel existe la « Journée Défense et Mémoire ». Il faut ajouter à ces différents dispositifs les actions menées par la Direction du Service National et de la Jeunesse qui relèvent du ministère des Armées mais à la réalisation desquelles participe l'ONACVG, le principal opérateur de la mission « Anciens combattants ») moyennant une altération de la lisibilité des relations ainsi instaurées. Cette confusion se retrouve au niveau budgétaire, les financements inscrits à la mission sous revue paraissant de moins en moins justifiés au vu de la part réduite de sa contribution aux coûts des différents dispositifs.
2. Des crédits dédiés à l'effort en faveur des anciens combattants en baisse franche malgré une revalorisation de 4 % de la valeur du point d'indice
Les crédits de paiement et autorisations d'engagement de l'action 01 « Administration de la dette viagère » baissent de 148,3 millions d'euros en 2023, soit - 10,5 % (contre - 83 millions d'euros représentant une baisse de 5,5 % l'an dernier).
Malgré une revalorisation de 4 % du point de pension militaire d'invalidité (point PMI) prévue pour le 1er janvier 2023 liée à l'indexation des rentes viagères sur les rémunérations publiques, la baisse des crédits de l'action n'en demeure pas moins nette, ce qui correspond largement à une tendance naturelle à la contraction de la population bénéficiaire des allocations de reconnaissance et à une déformation de la structure des allocataires, qui bénéficient de plus en plus de pensions dérivées. Cette revalorisation du point PMI est de plus due à son indexation sur l'indice de traitement brut - grille indiciaire (ITB-GI) de la fonction publique et ne résulte donc pas d'une volonté politique particulière.
Parallèlement à cette baisse, les crédits dédiés à la gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité (PMI ; action 02) connaissent également une baisse conséquente (- 6,8 millions d'euros, soit - 5,85 %), une diminution beaucoup plus marquée qu'en 2022 (- 0,74 %). Les crédits affectés à l'action 03 « Solidarité » connaissent eux une baisse de 11,1 millions d'euros en AE (- 4,38 %), ce qui contraste avec l'année 2022 durant laquelle ce budget avait connu une augmentation de 10,25 millions d'euros (+ 3,24 %) en AE.
Évolution des crédits de paiement
d'intervention des actions 01, 02, 03 et 07
par type de prestation
(2022-2023)
(en millions d'euros)
Dispositif |
LFI |
PLF 2023 |
Différence |
PMI |
808,6 |
754,8 |
-53,8 |
Retraite du combattant |
604,1 |
509,4 |
-94,7 |
Soins médicaux gratuits, appareillage, expertises |
38,4 |
37 |
-1,4 |
Remboursement réductions de transport |
1,4 |
0,7 |
-0,7 |
Remboursement prestations sécurité sociale |
76,5 |
71,8 |
-4,7 |
Majoration des rentes mutualistes |
222,5 |
211,4 |
-11,1 |
ONAC (action sociale) |
25 |
25 |
0 |
Actions en faveur des rapatriés |
95,1 |
100,9 |
5,8 |
TOTAL |
1 871,6 |
1 711 |
-160,6 |
Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances pour 2023
Comme indiqué précédemment, la baisse des rentes viagères concentre la majorité des économies réalisées dans l'action en faveur des anciens combattants, et donc de celles réalisées par la mission dans son ensemble. La baisse démographique expliquant ces économies entraîne également une diminution des dépenses prévues du fait de l'exercice des droits liés à la perception d'une pension d'invalidité : soins médicaux, transports, remboursements des prestations de sécurité sociale. Si les crédits liés aux autres pans de la mission connaissent des augmentations, du fait d'extensions de droits ou de compensations liées à l'inflation, ces augmentations sont très largement inférieures aux économies constatées sur les actions liées aux anciens combattants.
Enfin, en ce qui concerne les crédits provisionnés au programme 169 à destination des opérateurs de la mission (non renseignés dans le tableau ci-dessus), les subventions destinées à l'ONACVG connaissent une hausse de 3,9 millions d'euros, liée à la revalorisation des rémunérations de ses agents et à l'intégration d'un nouveau dispositif de suivi d'anciens militaires victimes de blessures psychiques. Les crédits de fonctionnement courant de l'INI sont également en légère hausse (+ 800 000 euros) du fait de l'augmentation des rémunérations publiques. Il faut par ailleurs noter que l'INI dispose d'un financement important qui n'est pas crédité au programme 169 (cf. infra).
Une particularité liée à la « tuyauterie budgétaire » mérite attention
Le suivi des dépenses de PMI et de la retraite du combattant doit tenir compte de ce que la consommation des crédits inscrits à ce titre au programme 169 peut ne pas se traduire par des transferts équivalents au bénéfice des titulaires de droits en raison des modalités de la maquette budgétaire. Les dépenses sur crédits du programme 169 sont, en effet, versées en direction du compte d'affectation spéciale « Pensions » (en particulier du programme 743 de ce compte).
Elles en constituent les recettes, à partir desquelles sont effectués les versements effectifs aux bénéficiaires. Pour suivre la consommation des crédits correspondants du programme 169, il convient donc de mesurer les dépenses effectives du programme 743 qui correspondent aux recettes ainsi apportées à ce compte.
Il n'est pas prévu de recourir au solde excédentaire du CAS pensions pour les PMI ou la retraite du combattant en 2023.
a) Des extensions de droits de portée limitée ces dernières années, une revalorisation automatique du point PMI en 2023
Au cours des dernières années, une série de mesures d'extension des droits en faveur des anciens combattants sont intervenues. Les modifications apportées aux droits des anciens combattants (propres ou dérivés) n'ont eu qu'un assez faible impact sur leur situation.
Le point PMI doit être revalorisé de 4 % le 1er janvier 2023 en application de ses modalités d'indexation sur les rémunérations des agents publics. Sa valeur sera ainsi portée de 15,05 euros à 15,65 euros. Cette revalorisation ne compensera pas entièrement les effets de l'inflation tant pour les bénéficiaires d'une retraite du combattant que pour les bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité
Évolutions intervenues depuis 2018 pour
modifier
les droits des anciens combattants
Mesure |
Références |
bénéficiaires |
Coût associés |
Pension militaire d'invalidité |
|||
Majoration des pensions militaires d'invalidité perçues par les conjoints survivants de grands invalides ayant agi comme tierce personne en apportant des soins constants pendant une durée minimum de quinze années de vie commune. |
Décret n° 2019-1449 du 24 décembre 2019 rehaussant la majoration spéciale pour le conjoint ou partenaire survivant d'un grand invalide relevant de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre au titre des soins donnés à leur conjoint ou partenaire décédé |
Non précisé |
Coût estimé à 600 000 € en année pleine. |
Réduction du nombre de points d'indice nécessaire (de 10 000 à 6 000) pour que l'ayant-cause puisse bénéficier d'une réversion de pension majoré prévue aux articles L. 141-18 et L. 141-21 du CPMIVG |
Article 221 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 |
197 bénéficiaires potentiels |
5 248 € annuels, pour un coût global d'environ 1 M€ d'euros en année pleine. |
Revalorisation exceptionnelle de 35 centimes et modification des modalités de revalorisation du point PMI |
Article 174 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 |
Tous les bénéficiaires d'une retraite du combattant ou d'une pension militaire d'invalidité |
30 millions d'euros |
Carte du combattant |
|||
Ouverture de la carte du combattant 62/64 |
Arrêté du 12 décembre 2018 modifiant l'arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (prévu au budget 2019) |
40 000 bénéficiaires |
|
Allocations versées aux anciens membres des forces supplétives et à leurs conjoints survivants |
|||
Revalorisation du montant de l'allocation de reconnaissance (option 1) et de l'allocation viagère à 4 109 € et de l'allocation de reconnaissance (option 2) à 2 987 € (portées respectivement à 4 150 € et 3 017 € au 1eroctobre 2019 au terme des arrêtés d'indexation sur l'augmentation des prix à la consommation hors tabac) |
Article 223 de la loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 |
Néant. Les conditions sont inchangées. |
Allocation de reconnaissance option 1 et allocation viagère : 4 109 € (4 150€) |
Allocation de reconnaissance option 2 : 2 987 € (3 017€) |
|||
Doublement de l'allocation viagère et de l'allocation de reconnaissance |
Arrêté du 21 décembre 2021 fixant à compter du 1er janvier 2022 le montant de l'allocation viagère définie par l'article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 |
Harkis, autres supplétifs et leurs veuves |
19,2 millions d'euros en 2023 |
Suppression du délai de forclusion pour la demande de l'allocation viagère |
Loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français |
Veuves de harkis n'ayant pas réalisé leur dossier d'allocation viagère dans les délais impartis |
|
Dispositif de reconnaissance et réparation aux harkis, autres supplétifs et rapatriés du fait des conditions indignes d'accueil sur le territoire national dans des camps ou hameaux de forestage |
Loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français |
30 000 à 35 000 demandes attendues |
45 millions d'euros en 2022, 60 millions d'euros en 2023 |
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial
L'année 2022 a enregistré un effort significatif en faveur des harkis, autres supplétifs et rapatriés, qui ont vu les droits liés à leurs allocations viagères doublés. A également été ouverte une indemnité de reconnaissance et réparation du fait de leur accueil indigne dans des camps ou des hameaux de forestages. En conséquence, les crédits qui leur sont dédiés pour 2023 (100,9 millions d'euros) représentent quasiment le quadruple de la programmation initiale pour 2022 (26 millions d'euros).
Il n'y a pas eu de mesure d'extension du bénéfice de la carte du combattant depuis la carte 62/64. Aussi, les nouvelles attributions de la carte du combattant correspondent aux soldats en retour d'OPEX.
Impact sur la population des titulaires de la carte du combattant de l'article 87 de la loi de finances pour 2015 élargissant le bénéfice de la carte aux militaires ayant participé à des OPEX
Années |
Demandes reçues |
Attributions |
Rejets |
En cours d'instruction en fin d'année |
2015* |
19 787 |
13 524 |
1 109 |
5 154 |
2016 |
21 891 |
19 177 |
840 |
3 280 |
2017 |
14 069 |
13 780 |
1 039 |
2 530 |
2018 |
23 249 |
11 891 |
888 |
13 026 |
2019*** |
38 177 |
46 187 |
2 016 |
3 000 |
2020 |
12 117 |
12 784 |
1 333 |
1 000 |
2021 |
12 568 |
11 216 |
1 352 |
1 000 |
2022** |
7 117 |
6 450 |
667 |
1 000 |
* à partir du 1er octobre 2015
** état au 1er juillet 2022
*** dont 35 108 cartes attribuées au titre de la mesure 62/64
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial
Le contingent des titulaires de la carte du combattant au titre des OPEX est marqué par l'impact de la mesure adoptée en 2019, sur une base réglementaire, ouvrant le droit à la carte du combattant aux militaires présents sur le sol algérien entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964. Au 1er juillet 2022, 40 509 demandes ont été présentées et 38 852 ont fait l'objet d'un avis favorable. Seules 1 300 demandes ont été formulées entre le 1er juillet 2021 et le 1er juillet 2022. Ainsi, il est probable que la prévision de 50 000 bénéficiaires ne soit pas atteinte, bien que l'administration estime que certaines personnes n'ont pas fait valoir leurs droits.
L'article 41 du PLF 2023 prévoit une extension du droit à pension aux victimes d'actes de terrorisme pour les attentats commis antérieurement au 1er janvier 1982. Le coût budgétaire de la mesure, 1 million d'euros, est cependant minime.
Ces dernières années ont également vu une revalorisation des pensions des ayants cause, avec une priorité donnée aux conjoints survivants ayant apporté un concours constant à l'invalide.
Rappels sur les pensions de réversion
Aux termes du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), pour ouvrir un droit à pension pour les ayants cause, il faut que le décès soit imputable au service, ou que le décès soit en relation avec une infirmité pensionnée ou que le militaire soit pensionné d'un taux supérieur ou égal à 60 %.
Les conjoints survivants ont droit à pension au taux dit « normal » (500 points) lorsque le décès est imputable au service ou en relation avec une infirmité pensionnée, ou que l'ouvrant droit était pensionné pour un taux d'invalidité de 85 % au moins.
Les conjoints dont le militaire était pensionné à un taux d'invalidité inférieur à 85 % et au moins égal à 60 % ont droit à une pension au taux dit « simple », soit les 2/3 de la pension au taux normal.
Cette pension a connu un mouvement de revalorisation très fort depuis 2004, passant d'une condition de soins constants de 15 à 10 ans et d'une pension s'élevant à 260 ou 350 points à 410 ou 500 points respectivement, selon que le conjoint invalide bénéficiait de l'allocation 5°bis°a ou 5°bis°b (art. L. 133-1 CPMIVG).
La LFI 2021 a prévu une réduction du nombre de points d'indice nécessaire, ce dernier passant de 10 000 à 6 000, pour que l'ayant cause puisse bénéficier d'une réversion de pension majorée prévue aux articles L. 141-18 et L. 141-21 du CPMIVG.
À l'issue de ce processus, les majorations de pensions accessibles sont les suivantes :
Conditions d'attribution de la majoration
spéciale et progression
du nombre de points d'indice de cette
majoration
(en euros)
Date d'effet |
Années de mariage ou de PACS et de soins donnés de manière constante, postérieures à l'ouverture de l'avantage prévu à l'article L. 133-1 du CPMIVG |
Conjoint survivant ou partenaire lié par un PACS d'un grand invalide titulaire de l'allocation aux grands invalides |
|
Allocation GI n° 5 bis b |
Allocation GI n° 5 bis a |
||
Avant le 01/01/2002 |
Au moins 15 ans |
230 |
140 |
A/C du 01/01/2002 |
Au moins 15 ans |
350 |
260 |
A/C du 01/01/2010 |
Au moins 15 ans |
400 |
310 |
A/C du 01/01/2015 |
Au moins 10 ans |
450 |
360 |
A/C du 01/01/2016 |
Au moins 10 ans |
500 |
410 |
A/C du 01/07/2016 |
Au moins 5 ans |
150 |
105 |
Au moins 7 ans |
300 |
230 |
|
Au moins 10 ans |
500 |
410 |
|
A/C du 01/01/2020 |
Au moins 15 ans |
550 |
460 |
Au moins 20 ans |
600 |
510 |
|
Au moins 25 ans |
650 |
560 |
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial
b) Une population des bénéficiaires connaissant une forte érosion à l'origine des baisses de crédits du programme 169
Deux populations doivent être distinguées : celle des bénéficiaires de la PMI et celle des titulaires de la retraite du combattant. La PMI, contrairement à la retraite du combattant, voit son montant varier d'un attributaire à l'autre et est réversible à des ayants cause. De plus, si les deux populations s'inscrivent dans une tendance baissière, elle ne se réalise pas de la même manière et n'entraîne pas les mêmes conséquences budgétaires.
De manière générale, ces deux populations diminuent fortement, d'environ 6 % par an pour les invalides de guerre et 7 % par an pour les anciens combattants depuis 2021.
(1) La retraite du combattant, une reconnaissance de la Nation dont les crédits diminuent au rythme du nombre de ses bénéficiaires
Les bénéficiaires de la retraite du combattant sont les titulaires de la carte du combattant âgés de 65 ans ou plus. Malgré son nom, cette dernière n'est pas une retraite mais une allocation de reconnaissance de la Nation envers les anciens combattants. Elle n'est pas imposable et peut se cumuler avec une retraite professionnelle.
Facteur principal de la réduction des crédits attribués à la retraite des anciens combattants, la démographie des titulaires de la retraite du combattant est en forte baisse. Cette dernière s'établissait à 6,9 % en 2022 et les prévisions pour 2023 pronostiquent une nouvelle baisse de 6,9 %. Cette diminution se constate malgré l'extension en 2019 de la retraite du combattant aux militaires présents en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964, qui aura entraîné l'attribution de cette retraite à 38 852 anciens combattants. La population qui a bénéficié de cette nécessaire extension est très proche en matière d'âge de celle des anciens combattants de la guerre d'Algérie déjà titulaires de la retraite du combattant et est, de ce fait, soumise à la même évolution.
Les cartes attribuées pour un engagement postérieur à 1964 sont fortement minoritaires et les entrées dans le dispositif de retraite du combattant des possesseurs de la carte atteignant 65 ans sont très loin de compenser les sorties du dispositif. Au 1er juillet 2021, 1 688 237 cartes du combattant avaient été attribuées au titre de la guerre d'Algérie, contre 256 612 au titre d'un engagement au cours d'une OPEX. De plus, les 37 568 cartes du combattant attribuées suite à la reconnaissance de l'engagement des militaires en Algérie lors de la période 1962-1964 sont comptabilisées parmi les cartes du combattant attribuées au titre des OPEX. Il y a donc un peu moins de 220 000 cartes du combattant attribuées pour un engagement postérieur à 1964.
Répartition des cartes de combattant
attribuées en fonction des combats
justifiant les attributions (au
1er juillet 2021)
Conflits |
Cartes du combattant attribuées au 1er juillet 2020 |
Première guerre mondiale et TOE |
4 425 379 |
Seconde guerre mondiale |
2 605 181 |
Guerres d'Indochine et de Corée |
211 030 |
Guerre d'Algérie, combats en Tunisie et au Maroc |
1 688 237 |
Opérations extérieures |
256 612 |
Total |
9 186 439 |
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial
En ce qui concerne la démographie actuelle des titulaires de la carte du combattant, aucune statistique ne recense le nombre de titulaires de la carte du combattant en vie chaque année. Toutefois, une estimation relativement précise peut être réalisée à partir du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant.
Années |
(a) Titulaires de la retraite du combattant au 1er janvier |
(b) Titulaires de la carte du combattant OPEX âgés de moins de 65 ans au 1er janvier* |
(a) + (b) Nombre total estimé de titulaires de la carte du combattant |
2015 |
1 159 167 |
78 000 |
1 237 167 |
2016 |
1 108 925 |
100 000 |
1 208 925 |
2017 |
1 058 921 |
124 000 |
1 182 921 |
2018 |
1 000 550 |
140 000 |
1 140 550 |
2019 |
940 071 |
151 000 |
1 091 071 |
2020 |
913 012 |
153 538 |
1 066 550 |
2021 |
857 205 |
163 365 |
1 020 570 |
2022 |
797 887 |
175 000 |
972 887 |
2023* |
742 674 |
184 000 |
926 674 |
* Estimations.
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial
Aussi, à la vue de ces éléments, le nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant semble devoir continuer à fortement baisser jusqu'à ce qu'une stabilisation intervienne lorsque les entrées d'anciens combattants engagés en OPEX postérieurement à 1964 compenseront les sorties du dispositif. Cependant, le niveau de stabilisation est estimé à 500 000 ressortissants de l'ONACVG, veuves comprises.
La trajectoire baissière de cette population est le facteur principal de diminution des crédits affectés à la retraite du combattant. Le second est la revalorisation limitée de son point d'indice (voir infra) bien que cette dernière soit contrebalancée par l'augmentation du nombre de points de pensions militaires d'invalidité sur lequel est indexée la retraite du combattant qui est passé de 33 points en 2006 à 52 points actuellement.
Pour ce qui concerne l'extension du bénéfice de la retraite du combattant, cette dernière n'est accessible, dans la plupart des cas, que lorsque le titulaire de la carte du combattant atteint l'âge de 65 ans et sa jouissance n'est pas réversible. Le rapporteur spécial souhaiterait souligner que si cette allocation n'est pas une retraite, elle témoigne de la reconnaissance de la Nation pour un engagement, qui est souvent celui suprême de la personne même, et il peut apparaître paradoxal que son versement soit subordonné à une condition d'âge supérieure à celles auxquelles sont soumises des prestations au bénéfice desquelles ouvrent certains emplois dont les conditions de travail sont certes pénibles, mais ne présentent pas les mêmes risques que l'engagement militaire. Ces considérations d'équité se trouvent renforcées du fait que les données relatives à la population des anciens combattants, notamment ceux bénéficiant d'une pension militaire d'invalidité, indiquent qu'une proportion non négligeable d'entre eux décède avant d'avoir pu bénéficier de la retraite du combattant.
(2) Les pensions militaires d'invalidité, régime d'indemnisation recouvrant des situations très diverses et dont la population tend tout à la fois à diminuer et à se recomposer
La population des bénéficiaires des pensions militaires d'invalidité (PMI) comprend, outre les titulaires eux-mêmes, des ayants cause, pour l'essentiel des anciens conjoints auxquels s'ajoutent des orphelins et des ascendants. Les deux populations, ayants droit et ayants cause, se réduisent.
L'année 2021 marque de ce point de vue une baisse forte, de 5,3 % des effectifs (ayants droit et ayants cause), après une année 2020 qui a vu disparaitre 7,9 % des pensionnaires. En particulier, la catégorie des ayants cause ascendants a perdu 42 % de ses effectifs entre 31 décembre 2020 et le 31 décembre 2021. Les baisses d'effectifs estimées pour 2022 et 2023 restent fortes, s'établissant dans les deux cas à - 6 %.
La proportion des ayants cause, après s'être renforcée, tend à refluer. S'ils représentent 26,4 % des pensionnés en 2020, ils n'en représentent plus que 24,6 % en 2021. Pour autant la part des ayants cause dans les versements de PMI se renforce : ils recevaient 42 % de la valeur des PMI versées en 2020 et 45 % de cette valeur en 2021.
Il faut par ailleurs souligner que si ces crédits ont traditionnellement un taux d'élasticité haut aux alentours de 1,5, les mouvements de crédits ne sont pas nécessairement proportionnels aux évolutions de la population. Ainsi, en 2021, le montant en valeur absolue des aides versées aux conjoints et orphelins est en hausse par rapport à 2020 (+ 3 millions d'euros, pour atteindre 380,4 millions d'euros) alors que le nombre des conjoints et orphelins est lui en baisse (- 5 800 bénéficiaires, soit une perte de 12 % de l'effectif).
Évolution des titulaires et des
dépenses de PMI
entre 2006 et 2023
Source : commission des finances du Sénat
Si jusqu'à présent la baisse des crédits présentait un taux d'élasticité important, la situation s'expliquait principalement par la structure particulière de la population bénéficiant de la PMI. Les pensions de réversion aux ayants droit sont d'une valeur moindre que celles dont bénéficiaient les titulaires. Aussi le décès d'un titulaire, s'il entraîne une réversion, entraînera également une baisse des crédits sans pour autant que le nombre global des bénéficiaires n'ait été modifié. Il existe ensuite une dispersion très nette des droits versés. Ainsi, si la population des bénéficiaires disposant des pensions les plus élevées subit une attrition plus forte que le reste des bénéficiaires de PMI, la baisse des dépenses constatée sera plus élevée que celle de la population globale des bénéficiaires.
Ces phénomènes ont conduit à une réduction forte de la valeur unitaire moyenne des PMI. Le montant moyen s'établissait à 3 360 euros en 2021.
L'élasticité constatée entre diminution de la population des bénéficiaires et diminution des crédits tend cependant à s'estomper ces dernières années. Elle s'établit ainsi à 1 en 2022 et une nouvelle diminution équivalente de la population des bénéficiaires et des crédits est anticipée en 2023. Ce phénomène semble indiquer une population plus homogène des bénéficiaires.
La valeur des pensions en elles-mêmes, de manière générale, est assez peu évolutive. Cette dernière étant, comme la retraite du combattant, calculée sur la base de points de PMI dont la revalorisation est traditionnellement faible (cf infra). Les pensions doivent être revalorisées de 4 % au 1er janvier 2023 du fait de leurs modalités d'indexation sur les rémunérations publiques. Si cette revalorisation est bienvenue, elle reste inférieure à l'inflation constatée en 2022.
La dispersion des droits versés trouve son origine dans un éventail de valeurs indiciaires particulièrement large qui sert de base au calcul des pensions. Ce dernier comprend une échelle d'invalidité allant de 10 % à 100 % + 100 degrés, chaque degré valant 10 % de taux d'invalidité. Une répartition exhaustive par taux et par indice aboutit au constat que les pensions sont payées sur la base de plusieurs milliers d'indices pour les invalides et plusieurs centaines pour les conjoints.
La répartition est inégale. Les invalides bénéficiant d'une prestation à un taux d'invalidité égal ou supérieur à 100 % ne représentent que 4,5 % des titulaires d'une pension. A contrario, 82 % des titulaires bénéficient d'une pension d'invalidité à un taux d'invalidité inférieur ou égal à 55 %. Les pensions versées varient très sensiblement selon le taux d'invalidité reconnu.
Ainsi, le montant moyen annuel d'une PMI valait 3 360 euros en 2021, ce qui correspond au double du montant médian annuel de la PMI, de 1 644 euros.
Le rapporteur spécial recommande une simplification du barème des pensions, tant pour des raisons d'équité dans la détermination des allocations que pour permettre une application plus fluide des dispositions d'indemnisation.
Une évolution concernant le contentieux des PMI doit être soulignée et saluée. En 2019, les commissions de réforme des pensions militaires d'invalidité (CRPMI) ont vu leur compétence en contentieux des PMI transférée aux tribunaux administratifs. En plus de ce transfert a été instauré un recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours de l'invalidité pour le contentieux des PMI. Ces deux mesures, qui ont entraîné la disparition des CRPMI, ont eu pour effet de réduire le délai de traitement des dossiers contentieux de plus de 20 mois en moyenne à 7 mois en moyenne.
(3) Des pensions dont la progression est traditionnellement atone car indexée sur l'évolution des rémunérations publiques, qui continuent à voir leur valeur réelle diminuer à cause de l'inflation
Les PMI et la retraite du combattant sont toutes deux indexées sur un indice nommé point de pensions militaires d'invalidité (point PMI).
Le point PMI est désormais calculé au début de chaque année civile, sur la base d'une période de référence fixe et sans application rétroactive6(*). Il est à noter que le passage du « rapport constant » aux modalités actuelles, s'il simplifie significativement le calcul de la valeur du point PMI et n'emporte que des conséquences financières modiques au niveau individuel, s'est fait en défaveur des pensionnés puisque les pensions sont désormais revalorisées sur une base annuelle plutôt que sur une base trimestrielle. Les revalorisations sont désormais prises en compte moins rapidement. Le point PMI est indexé sur l'indice de traitement brut - grille indiciaire (ITB-GI), publié conjointement par l'INSEE et la direction générale de l'administration et de la fonction publique. L'ITB-GI est un agrégat fonction de l'évolution de l'indice de la fonction publique et de mesures catégorielles au prorata de leur incidence sur l'échelle indiciaire des fonctionnaires.
Le point PMI connaîtra ainsi une revalorisation au 1er janvier 2023, notamment du fait de la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires. La valeur du point PMI devra s'établir à 15,65 euros au 1er janvier 2023, contre 15,05 euros au 1er janvier 2022, soit une augmentation de 4 %. Cette augmentation, bien qu'importante, reste inférieure à l'inflation constatée en 2022.
Le rapporteur spécial souligne et salue le fait que cette revalorisation applique la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires, qui, ayant eu lieu au 1er juillet 2022 aurait normalement dû être prise en compte pour 2024, la revalorisation au 1er janvier 2023 ne devant normalement tenir compte que des mesures de revalorisation des deux premiers trimestres de l'année 20227(*). Une application stricte de la règlementation adoptée le 2 février 2022 aurait conduit à ignorer cette revalorisation à un jour près.
La retraite du combattant n'a quant à elle pas perdu de valeur par rapport à l'indice de la consommation sur la période 2005-2022 du fait de l'augmentation de son nombre de points PMI, passé de 33 à 52 depuis 2005. Son montant reste cependant individuellement très modeste : 782,60 euros annuels au 1er janvier 2022, soit 65 euros mensuels. Au 1er janvier 2023, son montant devrait s'établir à 813,80 euros annuels, soit 67,82 euros mensuels.
La timidité de la revalorisation de la retraite du combattant explique que les crédits diminuent presque à proportion de la population des bénéficiaires. Elle implique également que les PMI n'évoluent que très faiblement dans le temps.
La très faible revalorisation du point PMI relève d'un choix politique visant à la contraction de la dépense publique. Aussi le Gouvernement souligne-t-il le coût qu'engendrerait une indexation sur l'inflation :
Source : réponse au questionnaire budgétaire
Il faut cependant souligner que ce surcoût reste largement inférieur aux économies réalisées par la mission « Anciens combattants » du fait de la réduction de la population bénéficiaire sur la même période. Aussi une revalorisation du point PMI est tout à fait envisageable dans une trajectoire baissière des crédits totaux, comme le montre au demeurant l'année 2023 où les crédits dédiés aux rentes viagères sont en diminution de 148 millions d'euros malgré une revalorisation de 4 % du point PMI.
Le rapporteur rappelle et regrette que la revalorisation exceptionnelle du point PMI de l'année 2022 de 35 centimes supposée rattraper le retard de l'indexation ITB-GI face à l'inflation sur la période 2018-2021 a retenu une hypothèse d'inflation de 0,6 % pour l'année 2021, soit une valeur inférieure à l'inflation tant prévue8(*) par le Gouvernement lui-même que celle constatée :
Tableau fourni par le ministère des armées en réponse au questionnaire du rapporteur spécial - session 2022.
Ainsi, en l'absence de volonté politique particulière, la valeur réelle des rentes viagères servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre continue d'être grignotée année après année par l'inflation.
Aussi, il paraîtrait équitable d'enfin adosser la valeur du point PMI sur l'inflation et non plus sur l'ITB-GI, afin que sa revalorisation ne soit pas instantanément diluée par cette dernière et que les invalides de guerre cessent d'être les victimes collatérales des politiques publiques visant à maitriser le coût des rémunérations des agents publics, ces politiques n'ayant aucun rapport ni avec leur situation, ni avec le sacrifice qu'ils ont consenti et qui justifie une reconnaissance - y compris pécuniaire - de la Nation à leur égard.
Cette situation est d'autant plus préjudiciable pour les bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité fortement invalides pour lesquelles la PMI, encore plus exposée que la retraite du combattant à l'inflation puisqu'elle ne connait, elle, pas d'augmentation ponctuelle de nombre de points d'indice, représente une ressource importante.
c) Une déformation des équilibres de la politique de reconnaissance en faveur du monde combattant malgré des avantages peu mobilisés
Les interventions en faveur des anciens combattants financées par le programme 169 sont composites. Certaines, à vocation universelle (PMI, retraite du combattant), sont versées à tous ceux qui réunissent des conditions objectives tenant à leur situation de combattant ou de santé et à raison de celles-ci. D'autres impliquent un choix du bénéficiaire, et l'influence de variables tierces par rapport à celles en rapport avec la seule situation d'ancien combattant.
En dehors de l'effet asymétrique des dépenses fiscales déjà relevé, il en va tout particulièrement ainsi de la majoration des rentes mutualistes qui, pour concerner 277 686 bénéficiaires en 2023 (contre 293 486 en 2022), n'est servie qu'à un peu plus de 35 % des titulaires de la carte du combattant.
La rente mutualiste
La retraite mutualiste du combattant, devenue rente mutualiste du combattant, bénéficie d'un certain nombre d'avantages, de nature fiscale ou liés au régime de majoration légale institué par la loi du 4 mai 1948.
Les contribuables anciens combattants peuvent, chaque année, déduire de leurs revenus imposables, dans la limite d'un plafond, les versements effectués en vue de la constitution d'une rente donnant lieu à majoration de l'État.
Cette rente bénéficie, en plus de la majoration légale attachée à toute rente viagère (mais sans limite de plafond de ressources), d'une majoration spécifique de l'État de 12,5 % à 60 % selon le titre détenu et sa date d'obtention.
Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l'État est limité à un plafond, dit « plafond majorable » égal à 125 points de PMI (en hausse de 1 881,25 euros en 2022 à 1 956,25 euros à compter de janvier 2023). Ces revalorisations pèsent cependant sur les budgets de l'année n+1 car les organismes mutualistes versent les majorations aux souscripteurs et sont remboursés l'année suivante par l'État. Ainsi, le budget 2023 est-il basé sur le plafond 2022 et le plafond 2023 sera pris en compte pour le budget 2024.
La rente mutualiste se cumule avec toutes les autres pensions et retraites. Elle est exonérée d'impôt pour sa part inférieure au plafond légal. Au-delà de ce plafond, le régime fiscal est celui de l'assurance-vie.
Or, cet avantage mobilise une part importante des dotations en faveur des anciens combattants : 211 millions d'euros en 2023 soit 12,3 % de ces crédits9(*), contre 11,9 % du total en 2022.
La part de la charge budgétaire liée aux majorations de rentes mutualistes augmente plus ou moins vite chaque année. Le rapporteur spécial rappelle que la majoration des rentes mutualistes n'absorbait que 8 % des dépenses du programme en 2011.
Ce phénomène est essentiellement dû à une augmentation du montant moyen annuel des majorations remboursées, qui entraîne une baisse moins rapide de ce poste budgétaire que pour la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidités elles-mêmes.
Données relatives aux rentes mutualistes (2018-2022)
Année de facturation |
Montant des remboursements des majorations
légales |
Montant des remboursements des majorations
spécifiques |
Total |
Nombre de bénéficiaires |
Montant moyen annuel des majorations remboursées |
2018 |
107,59 |
129,44 |
237,03 |
340 918 |
695,18 € |
2019 |
105,95 |
126,62 |
232,57 |
328 943 |
707,01 € |
2020 |
106,91 |
123,14 |
230,05 |
315 175 |
729,91 € |
2021 |
103,66 |
118,82 |
222,48 |
297 804 |
747,08 € |
2022 |
97,71 |
113,27 |
210,98 |
280 602 |
751,90 € |
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial
Cette évolution a limité l'impact de la baisse du nombre des bénéficiaires sur la réduction des dépenses.
Les dépenses correspondantes ont ainsi connu une certaine résistance, qui contraste avec les prestations plus universelles financées par le programme 169.
Évolution de la charge des avantages
attribués aux rentes mutualistes
des anciens combattants et des
effectifs bénéficiaires
(2009-2022)
Source : commission des finances du Sénat
Le déficit de revalorisation du point PMI mentionné plus haut a toutefois, comme pour les autres prestations liées à la valorisation du point de PMI, également limité la dynamique de dépense correspondante.
Le rapporteur spécial souligne que le tableau suivant part d'une hypothèse d'indexation sur l'inflation à compter de 2018. Si l'indexation démarre en 2012, la valeur du point PMI est de 15,08 euros au 1er janvier 2018. Par ailleurs, ce tableau illustre parfaitement que la revalorisation de 35 centimes de 2022 supposée compenser l'inflation de la période 2018-2021 était insuffisante, la valeur du point PMI s'établissant 15 centimes en-dessous de ce qu'elle aurait été en cas d'indexation sur l'inflation lors de cette période.
Évolution des majorations de rentes
mutualistes sous l'hypothèse d'une indexation
sur l'inflation du
point de PMI
(en euros)
Rentes mutualistes du combattant |
||||||||
Année |
Valeur réelle du point PMI au 1er janvier |
taux d'inflation (source INSEE) |
Valeur du point PMI indexé sur le taux d'inflation |
Plafond majorable (125 points d'indice PMI) |
Plafond selon indéxation |
Différence de plafond |
Nombre de bénéficiaires au plafond |
Surcoût |
A |
B |
C = B - A |
D |
E = C X D |
||||
2018 |
14,46 € |
1,8 % |
1 806 € |
|||||
2019 |
14,57 € |
1,1 % |
14,72 € |
1 821 € |
1 840 € |
19 € |
41 540 |
780 000 € |
2020 |
14,68 € |
0,5 % |
14,88 € |
1 835 € |
1 860 € |
25 € |
39 164 |
990 000 € |
2021 |
14,7 € |
1,6 % |
14,96 € |
1 837 € |
1 869 € |
32 € |
32 931 |
1 050 000 € |
2022 |
15,05 € |
5,5 % |
15,20 € |
1 881 € |
1 900 € |
19 € |
32 931 |
610 000 € |
2023 |
15,65 € |
16,04 € |
1 956 € |
2 005 € |
49 € |
n.d |
n.d |
* Le plafond majorable équivaut à 125 points PMI.
Source : calcul en variante réalisé à la demande du rapporteur spécial par les services du ministère
La contribution de l'État aux rentes mutualistes (752 euros par bénéficiaire en 2022) apporte aux bénéficiaires un quasi-doublement de la valeur de la retraite du combattant qu'ils perçoivent.
Il convient de considérer que ce doublement touche un nombre des bénéficiaires limité par rapport aux prestataires de la retraite du combattant.
Dans ces conditions, le rapporteur spécial est conduit à s'interroger sur les facteurs expliquant le faible recours à la faculté ouverte aux ayants droit de se constituer un complément de retraite disposant d'un soutien élevé de l'État.
À ce stade, le rapporteur spécial se limitera à relever que cette sous-utilisation conduit à des économies significatives.
Le ministère avance à ce propos un chiffre de 41 millions d'euros sur la base du ratio des militaires âgés de 50 ans et plus en activité (soit 4,5 % des personnels potentiels non entrés dans le dispositif).
3. Les crédits affectés à l'action liens armées-jeunesse connaissent une hausse non significative du fait d'un financement de la JDC et du SMV à plus de 75 % par la mission défense
Le budget 2023 de l'action 08 « Liens armées-jeunesse » du programme 169 s'établit à 24,56 millions d'euros en AE et 24,52 millions d'euros en CP, en hausse de 4 % par rapport à 2022.
Il se compose de deux unités opérationnelles respectivement dédiées à la journée défense et citoyenneté (JDC) et au service militaire volontaire (SMV).
L'augmentation des crédits bénéficie à la JDC, dont la dotation augmente de 820 000 euros en CP. Les moyens du SMV s'accroissent eux d'environ 110 000 euros en CP. Ces augmentations sont cependant négligeables au regard du coût réel des dispositifs.
L'action reste ainsi principalement consacrée au financement de la JDC, qui absorbe plus de 80 % de ses dotations.
Les crédits de l'action 08 font l'objet d'abondements massifs en provenance de la mission « Défense », de collectivités territoriales ou de fonds de concours. Les crédits effectivement dépensés pour la JDC et le SMV s'établissent à plus de 150 millions d'euros (dont 112,7 millions d'euros pour la JDC), montant à comparer aux 24,5 millions d'euros effectivement apparents dans les crédits de la mission. Le rapporteur regrette cette situation qui conduit à une mauvaise lisibilité des documents budgétaires. Il salue cependant la comptabilité analytique tenue par le ministère des armées permettant de retracer le coût effectif des dispositifs.
a) Le service militaire volontaire, 3 millions d'euros inscrits au budget de la mission mais, au total, plus de 40 millions d'euros de crédits
Le Service Militaire Volontaire (SMV) est une action du ministère de la défense nationale visant à accueillir des jeunes dans une structure d'accompagnement de type militaire et ayant pour objet de favoriser leur intégration dans le monde du travail. Des jeunes de 18 à 25 ans se trouvent placés en internat sous statut militaire dans des établissements de formation avec encadrement militaire où sont dispensées des formations professionnelles.
Pérennisé à compter du 1er janvier 2019 par la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, ce dernier vise un objectif d'accueil de 1 300 « volontaires stagiaires » (ci-après volontaires), qui s'inscrit en baisse par rapport à l'objectif d'accueil initial pour 2022 qui s'élevait à 1 500 volontaires.
Le budget de la mission prévoyait pour le SMV 3,23 millions d'euros en 2022 et 3,33 millions d'euros en 2023. Cependant, les dépenses réelles pour l'organisation, après prise en compte des dépenses occasionnées sur le budget de la mission « Défense »10(*), s'élevaient à 53 millions d'euros en 2022. Les réponses au questionnaire budgétaire transmises pour 2023 sont moins précises et complètes que celles qui avait jusqu'alors transmises au rapporteur spécial et n'indiquent notamment plus le coût lié à la masse salariale mise à disposition par le ministère des armées, qui s'élevait à 35 millions d'euros.
Au titre des informations qui lui ont été transmises, le rapporteur spécial constate que 3,3 millions d'euros sont prévus au programme 169, que 30 millions d'euros sont attendus au titre de fonds de concours - information enfin inscrite dans le PAP, ce qu'il faut saluer - et qu'une aide indirecte à la formation d'une valeur de 7 millions d'euros est attendue.
Le dispositif est donc doté, a minima, de 40 millions d'euros pour 2023. Cette estimation est cependant incomplète. Les réponses au questionnaire budgétaire précisent que les données consolidées pour 2021 donnaient une exécution budgétaire à 52 millions d'euros au total, pour 1 230 volontaires stagiaires.
Les réponses au questionnaire budgétaire 2022 estimaient les participations de collectivités territoriales à 4,16 millions d'euros11(*), dont 2 millions d'euros de la région Grand Est et 0,8 million d'euros de la région Nouvelle Aquitaine. Les réponses 2023 confirment la continuation des financements par la région Grand Est et Nouvelle Aquitaine pour des sommes équivalentes mais ne précisent plus les participations des autres collectivités. Une connaissance exacte du coût du SMV devrait également prendre en compte les dépenses de formation éventuellement réalisées par des acteurs privés.
Outre un manque de lisibilité regrettable du budget du SMV, doit être souligné un coût par volontaire élevé, estimé à 42 000 euros par volontaire et par an depuis 2020. Ce coût est largement supérieur à celui des formations de droit commun, les formations les plus onéreuses (classes préparatoires aux grandes écoles), s'élevaient en 2017 à 15 760 euros par an, mais encore à celui de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi des écoles de la deuxième chance (EPIDE) qui est du même ordre.
Ce coût est à mettre en rapport avec les résultats du SMV. Le « taux d'insertion professionnelle » des volontaires s'élève à 82 % (en 2021). Il recouvre cependant des situations très diverses et pas toutes équivalentes à une intégration sur le marché du travail. D'un point de vue plus spécifique aux armées, en 2021, seuls 25 volontaires avaient rejoint les armées soit 2,6 % de la promotion insérée.
Enfin, le rapporteur spécial plaiderait pour une meilleure équité territoriale dans le déploiement du SMV. Sur le plan organisationnel, ce dernier se compose d'un état-major implanté à Arcueil et de six régiments et centres localisés dans cinq régions. L'ouverture d'une antenne à Marseille est à ce titre une avancée qu'il convient de saluer, puisqu'elle ouvre un accès au SMV dans une nouvelle zone géographique. Étant précisé que l'outre-mer dispose quant à lui d'un dispositif alternatif, le service militaire adapté (SMA) dont le budget ne relève pas de la présente mission, le SMV n'est présent que dans 5 (6 après l'ouverture de l'antenne de Marseille) des 13 régions métropolitaines. Aussi certains jeunes peuvent avoir des difficultés à y accéder.
Le rapporteur spécial observe que le coût du SMV semble très élevé au vu de l'étendue assez modeste des jeunes qui le suivent. Il recommande de procéder à son évaluation.
b) La journée JDC : la première programmation entièrement « normale » suite aux adaptations rendues nécessaires par la crise sanitaire
(1) Des crédits pour 2023 établis sur l'hypothèse d'un retour à la normale de la JDC et toujours principalement issus de la mission défense
La journée « défense et citoyenneté » (JDC) est une obligation à laquelle chaque Français doit déférer avant ses 18 ans. Elle succède au service militaire et prend, dans son format normal, la forme d'une journée de présentation ayant vocation à diffuser l'esprit de défense auprès des jeunes. Elle est mise en oeuvre par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ). Un certificat de participation est remis en fin de journée et ce dernier est obligatoire pour l'inscription aux examens et concours soumis au contrôle de l'autorité publique. Un jeune qui n'aurait pas suivi la JDC a toujours la possibilité de régulariser sa situation jusqu'à 25 ans.
Les crédits affectés à cette dernière dans le cadre du programme 169 s'élevaient à 20,37 millions d'euros en AE et 20,36 millions d'euros en CP dans la LFI 2022. 21,22 millions d'euros en AE et 21,19 millions d'euros en CP sont prévus pour 2022. Les crédits connaissent ainsi une légère hausse.
Cette première observation faite, il faut souligner que ces chiffres ne sont pas significatifs, tant en ce qui concerne l'évolution que le volume des crédits attribués à la JDC.
En ce qui concerne les évolutions, une revalorisation durable est intervenue à compter du 1er septembre 2020. L'indemnité pour le transport des jeunes, fixée depuis 1998 à 8 euros, a été revalorisée à 10 ou 20 euros selon que le jeune soit à moins ou plus de 20 km du site de la JDC. Le surcoût en année pleine est estimé à 2,2 millions d'euros. Le rapporteur spécial avait approuvé cette mesure d'équité. Il lui apparaît toutefois possible de mieux réaliser le rapprochement entre l'indemnité et les conditions réelles subies par les jeunes en évaluant les coûts effectivement supportés dans les zones moins bien desservies.
L'année 2023 représente également la première année de retour complet à la normale pour l'organisation de la JDC suite aux adaptations qui avaient été rendues nécessaires par la crise sanitaire. Les JDC en format demi-journée ont continué jusqu'au 1er septembre 2022.
Le coût par participant pour 2023 est estimé à 140,43 euros, en phase avec la cible de 140 euros fixée par le ministère. Le coût total de la JDC 2023 devrait ainsi s'élever à 112,7 millions d'euros.
Évolution des coûts complets de la JDC entre 2010 et 2021
En millions d'euros |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 (LFI) |
2023 (PLF) |
Alimentation |
5,2 |
6,2 |
6,2 |
6,4 |
5,8 |
5,9 |
5,4 |
7,2 |
3,2 |
0,3 |
6,6 |
6,7 |
Transport des jeunes |
4,2 |
4,8 |
4,8 |
5,6 |
4,7 |
5,1 |
5,5 |
5,4 |
5,0 |
3,2 |
9,3 |
9,8 |
Formation secourisme + sécurité routière |
6,2 |
4,8 |
4,4 |
4,6 |
0,1 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Fonctionnement des sites (location de locaux civils) |
0,2 |
0,2 |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
0,2 |
0,4 |
0,2 |
0,1 |
0,4 |
0,4 |
Autres charges |
2,9 |
2,1 |
3 |
2 |
3 |
2,3 |
2,4 |
2,8 |
2,3 |
2,1 |
3,1 |
3,1 |
Total dépenses réalisées sur le BOP P 167 « Liens Armée-Jeunesse » |
18,7 |
18,1 |
18,7 |
18,9 |
13,9 |
13,6 |
13,5 |
15,7 |
10,7 |
5,7 |
19,4 |
20 |
T2 : Masse salariale (programme 212) et CAS Pension* |
93 |
86,7 |
83,9 |
84,2 |
83,7 |
86 |
83,8 |
85,4 |
80,5 |
81,3 |
86,9 |
86,9 |
T3 : Autres charges de fonctionnement (programme 178) |
0 |
4 |
4 |
4 |
4 |
4 |
3,9 |
3,9 |
3,9 |
3,9 |
3,9 |
3,9 |
T5 : Infrastructures et SIAG (programme 212) |
5,1 |
5,1 |
5,1 |
4,1 |
3,1 |
3 |
3,4 |
2,6 |
1,8 |
1,9 |
1,9 |
1,9 |
Total dépenses estimées hors BOP « Liens Armée-Jeunesse » |
98,1 |
95,8 |
93 |
92,3 |
90,8 |
93 |
91,1 |
91,9 |
86,2 |
87,1 |
92,7 |
92,7 |
Total dépenses JDC en millions d'euros |
116,8 |
113,9 |
111,7 |
111,2 |
104,6 |
106,6 |
104,6 |
107,6 |
96,9 |
92,8 |
112 |
112,7 |
Nombre de jeunes présents |
748 593 |
763 842 |
783 266 |
795 293 |
774 785 |
786 515 |
770 245 |
793 534 |
614 690 |
919 185 |
788 962 |
802 567 |
Coût complet par jeune en euros (Total dépenses JDC/nombre de jeunes présents) |
156,90 |
149,10 |
142,61 |
139,82 |
135,01 |
135,53 |
135,82 |
135,66 |
157,60 |
100,96 |
142,01 |
140,43 |
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial
Le rapporteur spécial tient à saluer le développement, bienvenu, par le ministère des Armées d'une comptabilité analytique des coûts de la JDC, même si cette dernière reste perfectible. Il est également regrettable que celle-ci n'apparaisse pas dans les rapports budgétaires, dans la mesure où cette dernière contribuerait grandement à la lisibilité des crédits affectés à la JDC.
Le coût moyen, après avoir été stable aux alentours de 135 euros par participant a profondément évolué en 2020-2021. Les prévisions d'exécution se situaient à 140,19 euros et 139,68 euros par participant respectivement. Cependant, l'exécution a été remise en cause par la crise sanitaire. La réalisation 2020 s'établit ainsi à 157,60 euros par participant. Bien que des économies par participant aient été réalisées suite à des moindres dépenses en encadrement, transports et repas, le maintien des coûts fixes à niveau stable auxquels s'ajoute une diminution significative du nombre de participants a au final entraîné un surcoût par participant par rapport à la situation pré-covid. A contrario, le coût par participant en 2021 a finalement été réévalué à 107 euros. Cette réduction drastique du coût par jeune s'explique d'une part par la mise en oeuvre de la JDC dématérialisée et d'autre part par la réalisation d'économies d'échelles du fait du rattrapage de la JDC par un nombre important de jeunes dans des conditions adaptées.
La cible de coût pour 2023 est, elle, fixée à 140,43 euros par participant dans le cadre d'une hypothèse de retour à la normale et devrait représenter le coût moyen pour les prochaines années. L'augmentation de coût par rapport à la période pré-covid correspondant au surcoût entraîné par la revalorisation de l'indemnité de transport en année pleine.
Une actualisation des supports et des méthodes pédagogiques doit également être mise en oeuvre dès le 1er septembre 2022.
Il est par ailleurs envisagé le maintien de la JDC dématérialisée comme modalité de droit commun pour les Français de l'étranger, ainsi que comme modalité de réalisation de la JDC pour ceux qui en sont actuellement dispensés, notamment les personnes en situation de handicap. Le rapporteur spécial salue une évolution qui permettrait à certaines personnes ne pouvant pas actuellement réaliser la JDC d'y participer.
(2) La JDC, une action clé de la lutte contre le décrochage scolaire et la marginalisation qui mérite d'être mieux suivie
Une des missions attribuées à la JDC est la détection de la marginalisation et de l'illettrisme de certains jeunes. La JDC apparaît particulièrement pertinente pour cette mission puisqu'il s'agit d'un point de passage obligé pour tous les jeunes d'une tranche d'âge, y compris en situation de déscolarisation.
La DSNJ intervient ainsi en aval du dispositif de repérage des « décrochés scolaires » en informant les appelés identifiés lors de la JDC, afin de contribuer à ce que « tout jeune de seize à dix-huit ans sorti sans diplôme du système de formation initiale et sans emploi soit effectivement inscrit dans un parcours de formation, d'accompagnement ou d'exercice d'une activité d'intérêt général lui permettant de préparer son entrée dans la vie active ». Le dispositif tel qu'il fonctionne actuellement n'est pas à la mesure des enjeux. On rappelle que de 100 000 à 150 000 jeunes sont réputés « sortir » chaque année du système scolaire sans la sanction d'un titre de formation.
Source : réponse au questionnaire budgétaire, session 2017
Rien n'indique qu'une amélioration soit intervenue depuis.
En 2021, les informations relatives à 36 917 jeunes (24 435 jeunes en 2020, chiffre qui s'explique principalement par les difficultés d'organisation de la JDC liées à la crise sanitaire), dont 3 121 en outre-mer, repérés en situation de décrochage scolaire, ont ainsi été transmises aux coordonnateurs locaux.
De plus, environ 3 % de chaque classe d'âge ne participe pas à la JDC, soit plus de 20 000 jeunes par année de naissance. Cette situation est en partie due à des erreurs de recensement et à l'efficacité des renouvellements de convocation. Le rapporteur spécial plaide pour un redressement actif du taux d'assiduité à la JDC, afin qu'elle puisse exercer pleinement son rôle de détection des jeunes en difficulté.
Par ailleurs les modalités alternatives d'organisation de la JDC créées pour cause de crise sanitaire et en particulier sa version dématérialisée interrogent sur la capacité que la JDC a eue à exercer ce rôle de détection. À ce titre, M. le général de corps d'armée Menaouine, directeur du service national et de la jeunesse, soulignait que le risque existe, lorsqu'il est renoncé à une rencontre physique obligatoire, que beaucoup de jeunes victimes de la fracture numérique passent « sous les radars » et que l'opportunité d'agir pour eux soit perdue. Or, 550 000 jeunes ont réalisé leur JDC en ligne lors de la crise sanitaire.
(3) Le SNU, un dispositif ayant vocation à remplacer la JDC et dont l'articulation avec cette dernière est actuellement incertaine
Le service national universel a été créé en 2019 et a vocation, après son extension, à se substituer à la JDC. Ce dernier a une ambition sans commune mesure avec la JDC. Le SNU prévoit notamment une « Journée Défense et Mémoire » (JDM), qui a vocation à remplacer l'actuelle JDC, avec une prise en compte plus forte des enjeux de mémoire et de résilience.
Les modalités d'un éventuel remplacement de la JDC par le SNU restent floues, de même que celles de l'articulation entre SNU et SMV. Pour l'instant, ces différents dispositifs existent les uns à côté des autres. Les effectifs du SNU augmentent mais restent trop faibles pour remplacer la JDC.
La JDM ne dispose actuellement pas de financement propre mais est animée par des agents militaires ou des intervenants civils formés par les agents de l'ONACVG et utilisant des ressources pédagogiques mises à disposition par l'ONACVG. Une partie de son coût, bien que mineure, est ainsi indirectement supportée par le programme 169.
4. La politique de mémoire, des crédits en légère hausse pour limiter les effets de l'inflation
La définition et la conduite de la politique de mémoire sont assurées par les services de la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA). La mise en oeuvre nationale du volet commémoration est directement réalisée par la DMCA et sa mise en oeuvre locale est déléguée à l'ONACVG. La mise en oeuvre de la politique de la pierre relève entièrement de l'ONACVG.
Cette politique, qui recouvre un spectre assez large d'actions, fait l'objet d'un financement budgétaire pouvant s'avérer très variable d'une année sur l'autre, ce dernier dépendant directement de l'actualité mémorielle.
Les crédits de l'action « mémoire » étaient stables la période 2021-2022, en étant légèrement supérieurs à 17,5 millions d'euros (17,85 millions en 2022, en AE = CP). L'année 2023 connaît une hausse significative, les crédits prévus s'établissant à 20,9 millions d'euros, soit une hausse de 17,2 %. Cette hausse s'explique principalement par une augmentation des dotations de l'ONACVG pour l'entretien des nécropoles nationales et des Hauts lieux de la mémoire nationale afin de compenser les surcoûts entraînés par l'inflation.
L'action « mémoire » est divisée en deux « opérations stratégiques (OS) » : l'OS « Mémoire » et l'OS « Sépultures de guerre et lieux de mémoire ». Pour 2023, 7,3 millions d'euros sont consacrés à l'OS mémoire et 13,6 millions d'euros à l'OS sépultures. Les crédits de l'OS mémoire connaissent une légère augmentation (6,9 millions d'euros pour la LFI 2022). L'OS Sépultures étant l'OS contenant les travaux d'entretien du patrimoine mémoriel combattant de l'État, concentre les crédits supplémentaires prévus pour l'année 2023 (10,95 millions d'euros pour la LFI 2022).
a) L'OS sépultures de guerre et lieux de mémoire, des crédits dédiés à l'entretien connaissant une hausse significative mais insuffisante
L'OS sépultures de guerre et lieux de mémoire correspond principalement à des opérations de rénovation et d'entretien, dont l'ONAC-VG a la charge, depuis que l'édification du monument d'hommage aux soldats morts pour la France lors des OPEX est achevée. Quelque 800 000 euros de l'OS sont dédiés au développement de partenariats avec les territoires dans le cadre du tourisme de mémoire, montant inchangé par rapport à 2022. Des travaux d'entretien sur le monument OPEX sont cependant nécessaires dès 2023.
Outre l'entretien courant des nécropoles et carrés militaires, l'ONACVG a lancé un programme de rénovation des hauts lieux de la mémoire nationale évalué initialement à 8 millions d'euros sur 4 ans.
13,6 millions d'euros sont consacrés à cet OS en 2023, une augmentation significative par rapport à 2022 (10,95 millions d'euros, soit + 24 %).
Cependant, malgré l'effort budgétaire consenti pour compenser les surcoûts liés à l'inflation, tant la DMCA que l'ONACVG estiment que le respect de l'enveloppe budgétaire prévue entraînera inévitablement des retards dans la réalisation des travaux.
Le rapporteur spécial tient ici à saluer la contribution des bénévoles de toutes provenances, qui apportent un concours précieux et particulièrement estimable à la nécessaire conservation de ces hauts lieux de mémoire.
Au demeurant, il tient à rappeler l'implication forte des bénévoles des associations et de leurs porte-drapeaux dans la tenue des actions mémorielles. Il appelle à toute action permettant à ces associations de forger des liens avec les jeunes générations afin de rendre possible une continuité de cet engagement dans le temps.
Le rapporteur spécial souhaite également que soient mieux favorisés les projets permettant aux collectivités territoriales de mettre en avant leur mémoire et l'histoire combattante. Les crédits prévus (0,8 million d'euros) ne semblent pas correspondre à ce que pourrait être une politique ambitieuse d'inscription de ce patrimoine dans nos territoires.
b) L'OS Mémoire, des crédits stables dans l'attente d'une année 2024
La programmation mémorielle pour l'année 2023 portera sur :
- Le 80ème anniversaire de la seconde guerre mondiale ;
- Le 70ème anniversaire de la fin de la guerre en Corée ;
- Le 40ème anniversaire de l'attentat du Drakkar au Liban ;
Pour 2023 7,3 millions d'euros sont prévus pour cet OS, soit une légère hausse par rapport à 2022 (+ 400 000 euros).
En plus de ces commémorations ponctuelles, des cérémonies nationales sont tenues chaque année. Leur nombre a significativement augmenté ces dernières années. Il n'y avait que 6 journées commémoratives nationales en 1993, contre 17 aujourd'hui. A par exemple été rajoutée une journée commémorative pour les victimes du terrorisme le 11 mars.
Chronique du coût des cérémonies nationales
(en euros, estimations pour 2020)
Cérémonie |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
19 mars, journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc |
52 000 |
4 800 |
41 040 |
98 007 |
Dernier dimanche d'avril, journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation |
14 000 |
1 125 |
92 405 |
101 546 |
8 mai, commémoration de la victoire de 1945 |
112 000 |
3 900 |
2 800 |
116 500 |
Deuxième dimanche de mai, fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme |
0 |
0 |
0 |
0 |
27 mai, journée nationale de la Résistance |
0 |
0 |
0 |
0 |
8 juin, journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » en Indochine |
86 000 |
0 |
0 |
0 |
18 juin, journée nationale commémorative de l'appel du général de Gaulle le 18 juin 1940 à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l'ennemi |
54 000 |
13 000 |
91 496 |
132 431 |
Le 16 juillet (si c'est un dimanche) ou le dimanche qui suit le 16, journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux « Justes » de France |
86 000 |
72 610 |
138 024 |
144 087 |
25 septembre, journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives |
46 000 |
89 916 |
90 000 |
90 000 |
11 novembre, commémoration de l'armistice de 1918 et hommage à tous les morts pour la France |
120 000 |
12 426 |
100 000 |
100 000 |
5 décembre, journée nationale d'hommage aux « morts pour la France », aux rapatriés d'Afrique du Nord, aux personnes disparues, aux populations civiles victimes de massacres ou d'exactions et aux victimes civiles de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie |
39 000 |
0 |
60 000 |
60 000 |
Cérémonie d'hommage à Jean Moulin célébrée traditionnellement le 17 juin |
13 000 |
0 |
9 451 |
12 417 |
* cérémonie internationale du 11 novembre 2018 organisée principalement par le GIP Mission du centenaire.
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial
5. Les opérateurs du programme, soumis à une budgétisation qui suscite l'inquiétude quant à la soutenabilité de leurs comptes
Le programme 169 compte trois opérateurs :
- l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) ;
- l'Institution nationale des Invalides (INI) ;
- le Conseil national des communes « Compagnon de la libération ».
L'ONACVG est l'opérateur principal du programme 169. Il a la charge de mettre en oeuvre les politiques de reconnaissance et réparation en faveur des anciens combattants et la mise en oeuvre des volets local et immobilier de la politique de mémoire.
L'INI prend en charge les blessés militaires, soit pour une réhabilitation, soit pour un accueil comme pensionnaire en cas de grand handicap.
Le Conseil national des communes « Compagnon de la libération » a « pour mission d'assurer les traditions des Compagnons de la Libération, d'en conserver la mémoire, de gérer le musée, d'organiser les cérémonies commémoratives de l'appel du 18 juin et de la mort du Général de Gaulle, de participer à l'aide morale et matérielle apportée aux veuves et enfants de Compagnons de la Libération ainsi qu'aux médaillés de la Résistance et à leurs familles. L'Ordre de la Libération développe l'esprit de défense à travers l'exemple de l'engagement des Compagnons de la Libération. »12(*).
a) L'évolution des crédits et des plafonds d'emploi des opérateurs de la mission
(1) Des crédits en très forte augmentation en raison de l'inflation et du renforcement des actions en faveur des harkis, autres supplétifs et rapatriés
L'année 2023 est marquée par des évolutions significatives des dotations.
L'ONACVG en particulier voit ses crédits attribués au titre du programme 169 augmenter de 89,2 millions d'euros, soit une hausse de 82,5 % par rapport à 2022.
Une petite partie de cette augmentation est due, à hauteur de 3,5 millions d'euros, aux conséquences de l'inflation. 2,27 millions d'euros viennent abonder les crédits dédiés à l'entretien et la rénovation des nécropoles nationales et Hauts lieux de la mémoire nationale et 1,25 million d'euros viennent compenser la hausse du point d'indice des fonctionnaires.
2,9 millions sont attribués à l'ONACVG pour le transfert de l'armée de terre à l'Office de la mission « ATHOS » d'accompagnement des traumatisés psychiques après leur départ de l'institution militaire.
Le reste de l'augmentation est dû au renforcement des politiques en faveur des harkis, autres supplétifs et rapatriés : 60 millions d'euros pour le dispositif d'indemnisation du droit à réparation et reconnaissance de la loi n° 2022-229 du 23 février 202213(*) et 19 millions du fait du doublement de l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère à destination des harkis et de leurs veuves.
Les crédits qui lui sont transférés depuis le programme 158 sont eux en légère baisse, de 1,2 million d'euros (- 1,3 %), du fait de la diminution du nombre des crédirentiers bénéficiant des dispositifs dont les crédits sont transférés.
L'INI voit ses AE chuter, ces dernières étant en baisse de 7,1 millions d'euros alors que ses CP restent équivalents à ceux de 2022 à 20,4 millions d'euros.
Ces fluctuations sont dues à la mise en oeuvre du schéma directeur d'infrastructure de l'Institution, qui a lancé en 2021 des travaux de renouvellement globaux de ses locaux.
Par ailleurs la stabilité des CP cache une augmentation de la subvention pour charges de service public (SCSP, + 720 000 euros, soit + 5,5 %) qui s'établit à 13,7 millions d'euros en 2023 et le remplacement d'une dotation en fonds propres de 7,5 millions d'euros par une subvention pour charges d'investissement de 6,7 millions d'euros.
En plus des crédits du programme 169, l'INI reçoit une dotation annuelle de fonctionnement de 14 millions d'euros allouée par le ministère de la santé et de la prévention et génère 14 millions d'euros de recettes propres, portant ainsi le montant des crédits disponibles pour son fonctionnement courant à 41,7 millions d'euros.
Les crédits fléchés pour financer le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » restent quasi-identiques à ceux de 2022 (+ 30 000 euros du fait de la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires) à 1,7 million d'euros.
(2) L'évolution des plafonds d'emplois
Les opérateurs du programme ont connu de fortes baisses d'ETPT au cours des dernières années. Une diminution de 92 ETPT est constatée en exécution de 2019 à 2021. A cette baisse s'ajoute une baisse de 28 ETPT entre les autorisations budgétaire de 2021 et de 2022.
A contrario, l'année 2023 marque une stabilisation du plafond d'emplois autorisés avec une légère baisse de 4 ETPT.
Évolution des emplois ouverts aux deux
principaux opérateurs du programme
(2014-2022)
2019 |
2020 |
2021 |
PLF 2022 |
PLF 2023 |
|
INI |
416 |
407 |
399 |
425 |
424 |
dont sous plafond |
409 |
398 |
392 |
411 |
410 |
ONAC-VG |
877 |
836 |
798 |
805 |
802 |
dont sous plafond |
853 |
814 |
778 |
778 |
775 |
Total |
1 293 |
1 270 |
1 197 |
1 230 |
1 226 |
dont sous plafond |
1 262 |
1 212 |
1 170 |
1 189 |
1 185 |
Source : la commission des finances, d'après les documents budgétaires
Il faut souligner que l'augmentation faciale d'ETPT entre 2021 et 2022 n'est pas la conséquence d'une augmentation du nombre d'ETPT. Les données d'exécution, qui correspondent aux données qui sont constatées en fin d'année, sont inférieures aux autorisations en PLF : il y a en pratique moins d'agents au sein des opérateurs que ce que les prévisions budgétaires prévoient. Ainsi, le passage du nombre d'agents qui travaillent effectivement au sein des opérateurs en 2021 au nombre d'agents autorisés en loi de finances pour les années 2022 et 2023 donne l'impression d'une augmentation du nombre d'agents. Il n'y a pas eu d'augmentation du nombre d'agent et les données d'exécution 2022 devraient confirmer une trajectoire baissière lorsqu'elles seront disponibles.
Le rapporteur spécial regrette cet état de fait et appelle à une évaluation plus réaliste des effectifs en loi de finances afin de garantir une information sincère du Parlement.
b) L'ONAC-VG, un acteur incontournable pour la mise en oeuvre des crédits de la mission en cours de restructuration
(1) L'ONACVG, un acteur essentiel à tous les pans de la mission « Anciens combattants »
L'ONACVG est un établissement public sous tutelle du ministère des armées. Il a pour mission de servir au mieux les intérêts de ses ressortissants. Ces derniers recouvrent des situations très différentes, pouvant appartenir à 19 catégories différentes. Il s'agit pour l'essentiel d'anciens combattants, de prisonniers de guerre, de victimes civiles et de leurs ayants cause. Aux catégories historiques doivent malheureusement désormais s'ajouter les victimes de terrorisme.
L'ONACVG dispose d'une gouvernance collégiale particulière puisqu'il est géré conjointement par l'autorité de tutelle, représentée notamment par la secrétaire d'Etat chargée de la mémoire et des anciens combattants qui dirige le conseil d'administration, et par les associations d'anciens combattants et mémorielles, de manière paritaire. Cette forme de gouvernance donne ainsi directement voix aux ressortissants de l'ONACVG pour les décisions qui les concernent. La directrice générale de l'office dirige, jusqu'au 1er janvier 2023, le collège du Bleuet de France et l'ONACVG dispose de conseils départementaux, présidés par le préfet du département et dans lesquels sont représentées les associations d'anciens combattants, chargées d'émettre un avis sur les demandes qui leur sont adressées.
L'office dispose enfin d'un maillage territorial important puisqu'avec 104 services déconcentrés, il est présent dans chaque département, en outre-mer, en Algérie et au Maroc. Le service de Tunisie a été fermé en 2020. Ce maillage se justifie par la mission d'accueil par l'ONACVG de ses ressortissants ainsi que par la nécessité de maintenir des liens forts avec les associations d'anciens combattants locales, ce tissu associatif comprenant près de 8 000 associations, dont 7 500 locales.
La réalisation d'un nombre assez important de missions, parfois assez disparates, est confiée à l'office. Il est ainsi responsable :
- de la mise en oeuvre des mécanismes de reconnaissance et de réparation en faveur de ses ressortissants (attribution de la carte du combattant, réversion de la retraite du combattant et de la PMI, attribution de titres tels que « Mort pour la France », etc...) ;
- du soutien au monde combattant, notamment en apportant un soutien moral et matériel à ses ressortissants et en subventionnant ses associations ;
- de la reconnaissance des pupilles de la Nation et de la République et de leur suivi ;
- de l'exercice de missions de mémoire : entretien des sépultures militaires (carrés militaires, cimetières, nécropoles et monuments aux morts) et hauts lieux de la mémoire nationale ainsi que la mise en oeuvre locale du versant commémoratif de la politique de mémoire ;
- de la mise en oeuvre des droits des rapatriés et des membres des forces supplétives d'Afrique, ainsi que leurs descendants. L'ONACVG est le guichet unique pour toutes les actions publiques les concernant ;
- l'Office gère actuellement l'oeuvre nationale du Bleuet de France directement. Le Bleuet doit cependant être séparé de l'Office et prendre la forme d'un fonds de dotation au 1er janvier 2023 ;
- Il se voit également transférer les crédits du programme 158 pour la mise en oeuvre effective des indemnisations.
De manière générale, l'ONACVG est également un acteur de référence pour le volet mémoire de toute action de lien entre la Nation et ses armées. Il est ainsi amené à intervenir lors de la JDC ou du SNU, dans des concours scolaires comme le concours national de la résistance et de la déportation, ainsi que dans d'autres actions plus ponctuelles comme l'action « Aux sports jeunes citoyens ! ».
Enfin, l'ONACVG est en phase de restructuration dans le cadre de son COP 2020-2025. Ce dernier, sans changer fondamentalement les missions de l'ONACVG, vise à obtenir une meilleure exécution de ses missions tout en réduisant les coûts via un recours accru à la dématérialisation.
(2) Des crédits en augmentation mais qui ne couvrent pas encore l'intégralité des dépenses de l'ONACVG
L'ONACVG est dans une trajectoire de réduction de ses coûts. Le COP 2020-2025 prévoyait ainsi que les dépenses en AE de l'ONACVG passent de 123,4 millions d'euros en 2021 à 113,1 millions d'euros en 2025, dépenses d'intervention incluses. Une fois corrigée des 7 millions d'euros liés à l'action en faveur des enfants de harkis qui doit cesser au 31 décembre 2022, la baisse des crédits s'établit aux alentours de 3 millions d'euros14(*). Cet objectif de réduction des dépenses a été remis en cause par l'attribution de la mission ATHOS à l'Office, la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et le renforcement des actions envers les harkis, autres supplétifs et rapatriés.
Les crédits transférés à l'Office au titre du programme 169 s'élèvent ainsi à 197,2 millions d'euros pour 2023, ce qui correspond à une augmentation de 82,5 % par rapport à 2022 (+ 89,2 millions d'euros).
Par ailleurs, cette programmation budgétaire s'établit sur une hypothèse d'un coût du dispositif d'aide sociale aux enfants de harkis, qui sera forclos au 31 décembre 2022, de 1,9 million d'euros. Or, au regard du nombre de dossiers restant à traiter et de l'appel d'air créé par l'effet conjugué de l'introduction du dispositif de reconnaissance et réparation au titre du séjour dans des camps et hameaux de forestages et de l'échéance du dispositif de solidarité, l'Office estime le coût de ce dispositif à 10 millions d'euros sur 2023. Aussi si cette estimation est correcte, 8 millions d'euros devront être dégagés en cours d'exécution. Une utilisation de la trésorerie fléchée de l'ONACVG à hauteur d'un million d'euros est également envisagée pour abonder la dotation budgétaire.
Le fonds de roulement de l'ONACVG a été fortement mis à contribution au cours des quatre dernières années, comme l'indique le tableau ci-dessous. L'ONACVG indique qu'elle atteint en 2022 le niveau plancher de trésorerie pour son fonctionnement normal. Le rapporteur spécial appelle à ce que ce niveau soit maintenu par les prochains PLF. La même remarque s'applique pour la trésorerie non-fléchée de l'Office, 5 millions d'euros correspondant à 1 mois de fonctionnement courant et au niveau plancher nécessaire en cas de retard de versement de la subvention pour charges de service public.
Évolution du fonds de roulement de l'ONAC-VG (2017-2022)
Source : ministère des armées, en réponse au questionnaire budgétaire
Source : ONACVG
(3) Une restructuration visant à réduire les coûts de fonctionnement de l'ONAC-VG par une réduction des effectifs et un plus grand recours au numérique
Comme indiqué, le COP 2020-2025 vise à entraîner une restructuration de l'ONAC-VG. Ce dernier lui attribue ainsi 5 missions :
- assurer le meilleur service aux ressortissants ;
- ancrer la politique de mémoire et de citoyenneté dans les territoires ;
- renforcer l'accompagnement des combattants dans la durée ;
- porter une nouvelle ambition pour le Bleuet de France ;
- poursuivre la modernisation de l'Office.
Le point saillant de ces attributions est la poursuite de la modernisation de l'Office, qui porte des conséquences directes sur les quatre points précédents.
Dans le cadre de sa « nouvelle ambition », l'oeuvre nationale du Bleuet de France va être transformée au 1er janvier 2023 en fonds de dotation afin de se mettre en régularité avec les règles de gestion publique suite à des critiques adressées par la Cour des comptes15(*).
L'oeuvre a également fait l'objet d'une dématérialisation partielle par la mise en place d'une boutique en ligne et d'une concession de licence de marque à la société Arborescence afin de le rendre plus rentable. Arborescence reverse une partie de son chiffre d'affaires issu de cette concession de marque à l'ONACVG. Les conséquences budgétaires de cette concession sont actuellement minimes : Les revenus constatés pour l'Office s'élèvent à 60 630 euros entre le 27 juillet 2020 et le 31 décembre 2021.
La modernisation de l'office doit ensuite permettre de concilier meilleur service et moindres coûts, notamment grâce à un plus grand recours à la numérisation qui permet de centraliser le traitement des demandes de cartes dans les services du département de reconnaissance et de réparation de Caen et le déploiement de nouveaux outils de gestion. La plus grande partie du déploiement du matériel et des nouvelles solutions informatiques a désormais été réalisée. En conséquence, la grande majorité des dossiers traités par l'Office sont traités par le Département de la reconnaissance et de la réparation, situé à Caen.
Des gains d'efficacité significatifs ont été réalisés grâce à la dématérialisation : le délai moyen de traitement des dossiers qui s'inscrivait à 145 jours en 2020 est descendu à 91 jours en 2021, soit 54 jours de moins en moyenne et 44 jours de moins que la cible du PAP de 135 jours. La cible est fixée à 130 jours en 2022 mais elle paraît peu adaptée au regard des gains d'efficacité constatés en 2021. Le rapporteur salue vivement ces résultats.
Suite à la réduction des effectifs de l'ONACVG, quelque 400 ETPT restent répartis sur les 104 antennes locales de l'office. L'ONACVG estime ces effectifs suffisants pour la mise en oeuvre de ses missions. Cependant, il souligne quelques difficultés ponctuelles à reclasser certains agents dont le poste est supprimé et qui doivent continuer à être payés par l'ONACVG. Cette réduction aura également eu pour conséquence la relocalisation des antennes de l'ONACVG dans des locaux d'autres administrations, notamment des préfectures. Elle a également pour conséquence un nombre très réduit d'agents dans chaque antenne locale, ce qui peut provoquer des difficultés en cas d'absences. Le niveau actuel des emplois réparti sur le réseau territorial de l'ONACVG ne pourra pas faire l'objet de nouvelles réductions sans suppression d'antenne ou dégradation significative du service.
c) L'Institution Nationale des Invalides, un acteur unique et irremplaçable pour la prise en charge des invalides de guerre
L'Institution Nationale des Invalides est un établissement public administratif placé sous la tutelle de la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Elle est chargée de trois missions :
- accueillir les invalides bénéficiaires des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- dispenser des soins en hospitalisation ou en consultation aux malades et aux blessés en vue de leur réadaptation fonctionnelle, professionnelle et sociale ;
- participer aux études et à la recherche sur l'appareillage des handicapés.
Plusieurs remarques doivent être formulées sur les crédits affectés à l'INI.
Les ressources de l'INI proviennent de différentes sources :
- 14 millions d'euros de revenus propres par ans ;
- une dotation annuelle de fonctionnement (DAF) de 14 millions d'euros allouée par le ministère de la santé et de la prévention pour financer la part des dépenses prises en charge par le régime d'assurance maladie ;
- de crédits transférés issus du programme 169, ces derniers s'élevant à 13,7 millions d'euros en AE et 20,4 millions d'euros en CP en 2023.
Les crédits transférés au titre du programme 169 recouvrent deux aspects : la subvention pour charges de service public (SCSP) et des financements pour la mise en oeuvre de la rénovation immobilière de l'institution.
La SCSP connait une légère augmentation de 720 000 euros en 2023 pour prendre en compte la revalorisation du point d'indice de la fonction publique. La DAF est également en hausse du fait de la prise en compte du Ségur de la santé. Au total, les ressources non spécifiquement dédiées au financement du schéma directeur d'infrastructure s'élèvent donc à 41,7 millions d'euros.
A ces ressources s'ajoutent, en 2023, 6,7 millions d'euros de subvention pour charges d'investissement, en provenance du programme 169.
Un nouveau COP 2022-2026 a été mis en place par l'INI. Ce dernier défini deux grands axes :
- la création d'une offre de soin en continuation et en complémentarité du service de santé des armées et prenant notamment en compte les blessures psychiques, qui n'étaient pas prises en compte jusqu'à présent ;
- la mise en oeuvre de son schéma directeur d'infrastructure (SDI) prévoyant une rénovation d'une grande partie des bâtiments que comportent les invalides, auquel doit s'ajouter la réhabilitation du bâtiment Robert de Cotte.
Le coût total du SDI est actuellement évalué à 58,2 millions d'euros, l'évaluation initiale étant de 51 millions d'euros. 12,7 millions d'euros sont financés sur des ressources propres de l'INI. Actuellement 27 millions d'euros ont été versés en CP sous forme de dotations en fonds propres sur la période 2019-202216(*) auxquels doivent s'ajouter 6,7 millions d'euros de subventions pour charges d'investissement en 2023. Les surcoûts des travaux devraient commencer à peser sur le budget de l'État en 2024. À cela doit s'ajouter le coût de la réhabilitation du bâtiment Robert de Cotte, prévue à compter de l'année 2025. Cette opération est actuellement estimée à 15 millions d'euros17(*), dont le financement reste à définir.
L'INI a été également très touchée par la crise sanitaire, du fait du caractère particulièrement vulnérable de ses pensionnaires. La politique vaccinale a permis de normaliser le fonctionnement de l'Institution, cependant cette dernière constate toujours une perte d'activité de 6 500 journées en hospitalisation complète en 2022. L'activité de l'Institution continuera par ailleurs d'être limitée au cours des années à venir du fait de la mise en oeuvre du schéma directeur d'infrastructure.
Le fonds de roulement de l'INI s'élève à 43 millions d'euros au terme de l'exécution 2021, dont 13,9 millions d'euros de trésorerie non fléchée.
L'INI est également en cours de réduction de ses effectifs. L'INI disposait ainsi de 416 ETPT dont 409 sous plafond en 201918(*) contre 399 ETPT dont 392 sous plafond en 2021. Ces valeurs, constatées en exécution, sont par ailleurs systématiquement inférieures aux autorisations budgétaires, qui s'élèvent pour 2023 à 419 ETPT dont 410 sous plafond. 5 des 9 emplois hors plafonds concernent des apprentis.
Le rapporteur tient à souligner la particularité des missions de l'INI, qui doit ainsi aider à la reconstruction de pensionnaires qui doivent être très entourés. Aussi le taux d'encadrement de l'INI, qui est certes supérieur à celui d'établissements comparables, n'apparaît pas disproportionné au regard de la mission dont l'institution a la charge.
6. De quelques situations à mieux prendre en considération
Le rapporteur spécial insiste pour que des situations mal couvertes, comme celle des forces participant aux opérations de sécurité conduites dans le cadre de la protection des Français contre les actions terroristes (les opérations intérieures - OPINT) ou celle des personnes en charge, ou l'ayant été, de grands invalides de guerre soient mieux prises en compte. Sur ce dernier point, l'article 30 de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile qui prévoit la mention honorifique « Mort pour le service de la République », pour constituer une avancée, demeure trop partielle.
B. LE PROGRAMME 158 : DES CRÉDITS S'ENGAGEANT SUR UNE TENDANCE BAISSIERE
Le programme 158 finance les réparations aux victimes de spoliations et de persécutions antisémites ou d'actes de barbarie perpétrés pendant la seconde guerre mondiale.
Il recouvre deux actions correspondant à trois indemnisations : l'action 01 « indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliation du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation » et l'action 02 « indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale », étant précisé que l'indemnisation de l'action 02 s'adresse aux orphelins des victimes d'actes de barbarie.
Les crédits affectés à ce programme s'inscrivent dans une trajectoire légèrement baissière dans leur programmation : 93,1 millions d'euros (AE=CP) pour la LFI 2021, 92,8 millions d'euros pour la LFI 2022 et 91,5 millions d'euros pour le PLF 2023. La grande majorité de ces crédits finance les rentes d'indemnisation des orphelins de victimes de violences antisémites ou d'actes de barbarie : 79,6 millions d'euros y sont consacrés pour le PLF 2023, soit 87 % des crédits du programme. La trajectoire baissière des crédits du programme s'explique essentiellement par la baisse du nombre des crédit-rentiers.
Ces crédits sont très majoritairement des crédits d'intervention (98 %) qui sont reversés à l'ONAC-VG, qui a la charge du paiement concret des indemnités. L'ONAC-VG a ainsi bénéficié d'un transfert de crédits de 89,6 millions d'euros (AE et CP) en provenance du programme 158.
19 ETPT sont rémunérés par le programme 158, tous sous plafond. Ce nombre est en augmentation de 3 ETPT par rapport à 2022. Les 3 ETPT supplémentaires correspondent cependant à des corrections techniques. Il s'agit des agents du CIVS et les 1,4 million d'euros de crédits dédiés à leur rémunération - montant stable par rapport à 2022 - sont donc imputés sur l'action 01. La CIVS compte également 25 collaborateurs qui ne sont pas sous plafond d'emploi, dont la rémunération est portée par les crédits du programme 158. Il s'agit des membres du collège délibérant, des magistrats instructeurs, du rapporteur général et du commissaire du Gouvernement.
1. L'indemnisation des orphelins, des crédits en légère baisse du fait de la réduction du nombre de crédit-rentiers
Cette réparation recouvre l'indemnisation des orphelins de victimes d'actes antisémites de l'action 01 et l'indemnisation des orphelins de victimes d'actes de barbarie commis pendant la seconde guerre mondiale de l'action 02. Ces deux types d'indemnisation sont ici regroupés car ils obéissent à des régimes identiques.
Les droits afférents aux orphelins d'actes antisémites ont été aménagés en 2000 et sont régis par le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 sur les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes antisémites. Les droits prévus par l'action 02 ont été eux aménagés en 2004 et sont régis par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004.
Les orphelins allocataires peuvent choisir entre une indemnisation en capital, s'élevant à 27 440,82 euros, et une rente viagère mensuelle, elle revalorisée de 2,5 % par an. Cette dernière valait 646,22 euros au 1er janvier 2022. Son montant prévu pour 2023 est de 662,38 euros.
Si la modalité de revalorisation déliée de toute considération de nature économique de cette rente est traditionnellement plus dynamique que l'inflation constatée, elle marque le pas face à l'inflation constatée en 2022 et celle prévue pour 2023.
Enfin, les crédirentiers bénéficient d'une exonération de l'imposition sur le revenu des indemnités qui leur sont versées. Cette exonération, tout à fait légitime, manque cependant de base légale. Afin de remédier à cette situation, le rapporteur spécial proposera un amendement au PLF visant à lister ces deux dispositifs à l'article 81 du code général des impôts.
L'instruction des dossiers est réalisée par le département reconnaissance et réparations de l'ONACVG. Les décisions accordant une mesure de réparation financière relèvent réglementairement du Premier ministre et le paiement des indemnisations est réalisé par l'ONACVG. Dans ce cadre, les crédits servant aux indemnisations sont reversés à l'ONACVG par les services du Premier ministre. Ainsi, l'immense majorité des crédits affectés au programme 158 est in fine reversée à l'ONACVG.
17 904 demandes ont été déposées depuis 200019(*) au titre de l'indemnisation des orphelins de victimes d'actes antisémites, dont seulement 16 depuis 2020. 13 661 décisions d'attribution ont été prononcées. 205 contestations ont été déposées à l'encontre des décisions de rejet. Toutes ont été rejetées par le juge administratif.
En ce qui concerne le dispositif de l'action 02, 34 773 demandes ont été déposées depuis 200420(*), dont 66 depuis 2020. 22 791 décisions d'attribution ont été prononcées. 1 044 recours ont été formés contre ces décisions, dont 492 recours portant sur une demande de revalorisation du capital ou de rétroactivité de la rente. Aucun de ces 492 recours n'a prospéré. Les 552 recours restants contestent une décision de rejet. 4 sont encore en cours et seuls 28 recours ont abouti à une annulation.
Si de nouvelles demandes au titre de ces deux dispositifs continuent d'être enregistrées, le nombre de ces dernières est particulièrement faible (une cinquantaine de demandes pour le dispositif de 2000 entre 2015 et 2020 et un peu moins de 400 pour le dispositif de 2004 sur la même période). Étant donné qu'une absence de réponse dans un délai de 4 mois vaut décision de rejet et que le nombre de nouveaux dossiers est désormais particulièrement faible, les crédits affectés à ces indemnités ont désormais vocation à baisser au rythme du nombre des crédits-rentiers.
3 861 personnes sont actuellement crédirentières du dispositif d'indemnisation des orphelins de victimes d'actes antisémites et 6 105 autres le sont du dispositif de l'action 02.
2. La nécessité d'une réforme d'équité du dispositif de l'action 02
Le rapporteur spécial estime que le dispositif d'indemnisation des orphelins de victimes d'actes de barbarie pourrait être étendu, les dispositions du décret ouvrant les droits correspondants en excluant des populations qui pourraient être assimilées. En particulier sont exclus de son bénéfice :
- les membres de la Résistance
- les membres de l'armée régulière.
- les orphelins de victimes des bombardements et des affrontements armés entre Allemands et Alliés.
La réponse au questionnaire du rapporteur spécial admet au demeurant expressément que cette position avait pu susciter un « sentiment d'iniquité ». L'instruction des dossiers essaie d'être équitable, notamment en cherchant à savoir si les conditions de la mort d'une personne combattante (résistant ou soldat) peuvent être qualifiées d'acte de barbarie, ce que le rapporteur salue. Cependant, une extension du dispositif d'indemnité aux cas mentionnés ci-dessus, qui relève du domaine réglementaire, lui semblerait préférable.
3. La réparation des spoliations antisémites, une budgétisation fonction des dossiers traités par la CIVS
Le décret n° 2018-829 du 1er octobre 2018 modifiant le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 sur la réparation des spoliations antisémites régit le régime de ces indemnités. Il institue auprès du Premier ministre la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), chargée « de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d'indemnisation appropriées ». La modification de 2018 étend les compétences de la CIVS.
Les crédits affectés à ce pan de l'action 01 sont minoritaires dans le programme. Ils s'élèvent à 10 millions d'euros (en AE = CP) pour 2023, ce qui constitue un quasi-doublement de la dotation de 2022 qui s'élevait à 6 millions d'euros d'intervention (en AE = CP) en 2022. Cette augmentation est liée à deux dossiers à très forts enjeux financiers, un à 5 millions d'euros et un à 1,9 million d'euros. Ces fluctuations sont habituelles pour les indemnités accordées par la CIVS, qui dépendent directement des enjeux financiers des dossiers devant arriver à échéance lors de l'année considérée. La dépense de l'année 2019 s'établissait ainsi à 16,8 millions d'euros et celle de 2020 s'établissait à 4,3 millions d'euros.
Les indemnités accordées peuvent être mises à la charge de l'État français ou, en application des accords de Washington passés entre le Gouvernement des États-Unis et celui de la France, le 21 mars 2001, imputées sur les fonds du Fonds social juif unifié lorsqu'il s'agit d'indemniser des avoirs bancaires spoliés.
Deux tendances de fond se dégagent cependant : la première est une baisse du nombre de recommandations annuel, constatée systématiquement depuis le pic de 2007. Moins de 1 000 recommandations sont prononcées en 2010, moins de 500 en 2013, à peine plus de 200 depuis 2018. Parallèlement, sur la même période et excepté pour une année 2019 exceptionnelle, le montant des indemnisations tend à globalement diminuer.
La CIVS a cependant connu un rebond budgétaire en 2018 du fait de l'entrée en vigueur du décret n° 2018-829 du 1er octobre 2018, qui traduit la volonté de la France de renforcer son organisation pour la restitution des biens culturels spoliés du fait du national-socialisme. Ce décret prévoit une procédure spécifique de recherche des propriétaires ou de leurs héritiers en vue de restituer, ou à défaut d'indemniser, les biens culturels ayant été spoliés pendant l'Occupation, notamment ceux conservés par les institutions publiques.
Cette faculté d'auto-saisine, que le rapporteur avait appelée dans son rapport sur la CIVS21(*), aura été mise en oeuvre 5 fois par la CIVS depuis l'entrée en vigueur du décret, dont 3 fois sur l'année 2021. Il n'est fait mention d'aucune nouvelle auto-saisine en 2022 par la CIVS. Les dossiers ainsi ouverts sont en cours d'instruction.
La CIVS se coordonne dans ce cas avec la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS) du ministère de la culture. CIVS et M2RS ont signé une convention le 1er juillet 2019 pour coordonner leur action.
Dans le cadre :
- la M2RS peut saisir la CIVS ;
- la CIVS peut confier les recherches de provenance pour les dossiers de spoliations culturelles. 48 dossiers ont ainsi été confiés au 30 juin 2022. La CIVS et la M2RS se rencontrent tous les trimestres pour un suivi partagé des cas de spoliation dont la CIVS a confié l'instruction à la M2RS ;
- la CIVS et la M2RS partagent leurs ressources d'archives et leurs travaux de recherche.
La distinction entre les deux entités relève de leurs périmètres respectifs : la CIVS est compétente pour toute spoliation antisémite sous l'occupation et la M2RS est compétente pour toute spoliation de bien culturel entre 1933 et 1945.
Si le rapporteur salue le degré élevé de coordination entre les deux entités, l'intégration importante de leurs activités respective le conduit à s'interroger sur la pertinence de l'existence de deux entités distinctes ayant en charge de missions très similaires et travaillant en partie sur les mêmes dossiers.
Une difficulté doit être mise en exergue : celle des parts réservées. La situation se présente dans le cas où, se prononçant sur une demande d'indemnisation, la CIVS constate l'existence d'une pluralité d'ayants droit sans pour autant les identifier précisément. L'hypothèse est courante étant donné que chaque génération supplémentaire augmente le nombre d'ayants droit et que les spoliations ont eu lieu il y a environ 80 ans. La Cour des comptes, dans un rapport de septembre 2011, avait ainsi relevé que sur les 30 000 dossiers examinés alors par la CIVS, une recommandation sur deux comportait des parts ainsi réservées, sans qu'un suivi attentif de ces parts ne soit mis en oeuvre.
Une première estimation les avait chiffrées à 100 millions d'euros, mais, après un audit plus systématique, impliquant la réouverture de 18 000 dossiers d'indemnisation de préjudices matériels, leur montant a été ramené à quelques 27 millions d'euros. L'écart entre les deux estimations aurait mérité davantage d'informations.
En toute hypothèse, le montant des parts réservées demeure considérable et il doit être déduit des évaluations rendant compte de l'activité d'indemnisation de la commission. Surtout, il apparaît nécessaire de trouver une issue à la difficulté ainsi constatée puisque si une légère décrue est intervenue depuis, le montant des parts réservées reste élevé. Elle correspond à des réductions sourdes qui affectent les indemnisations dues aux spoliés. Valant 27,5 millions d'euros à la fin de l'année 2016, le montant total des parts en attente de versement s'élevait à 24,99 millions d'euros au 31 décembre 2020.
Outre le travail toujours en cours de mise à jour des parts réservées, qui pourrait aboutir à une augmentation des engagements financiers de l'État et à devoir résoudre des problèmes de partage négligés dans le cadre de certaines indemnisations, la CIVS a conclu avec le Cercle des généalogistes juifs une convention visant à identifier les bénéficiaires potentiels de ses recommandations. Par ailleurs, un mécénat de compétence a été mis en oeuvre par le ministère de la culture avec des experts de la généalogie, formule qui permet au ministère d'épargner ses dotations et aux parties compétentes de réduire leur imposition.
LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME
ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE 41
Droit
à pension des victimes d'attentats commis antérieurement au
1er janvier 1982
. Le présent article prévoit l'extension des droits prévus à l'article L. 113-13 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour les victimes d'acte de terrorisme aux victimes d'actes terroristes perpétrés avant le 1er janvier 1982, qui sont actuellement exclues du dispositif.
La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : UN STATUT DE VICTIME D'ACTES TERRORISTES ASSIMILÉ À CELUI DES VICTIMES CIVILES DE GUERRE ET INAPPLICABLE AUX VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME COMMIS AVANT 1982
A. LE STATUT DES VICTIMES D'ACTES TERRORISTES
L'article L. 113-13 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) assimile les victimes d'actes de terrorisme commis après le 1er janvier 1982 aux victimes civiles de guerre. Les victimes d'acte terroriste bénéficient à ce titre des droits prévus par le CPMIVG en faveur des victimes civiles de guerre.
Les victimes d'actes terroristes bénéficient ainsi :
- de pensions d'invalidité, dont le montant dépend du degré d'invalidité, viagères si l'infirmité est incurable et réversibles à un ayant cause si le taux d'invalidité est supérieur à 85 % ;
- des droits annexes à la pension d'invalidité, prévus au livre II du CPMIVG. Ils ont par exemple accès aux emplois réservés de la fonction publique ;
- de la qualité de ressortissant de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre. Ils peuvent à ce titre prétendre au bénéfice de l'action sociale de l'Office.
B. UNE RESTRICTION TEMPORELLE ARBITRAIRE
L'article L. 113-13 du CPMIVG est issu de l'article 26 de la loi n° 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé. Ce dernier prévoyait que ses dispositions « bénéficient aux victimes d'actes de terrorisme commis depuis le 1er janvier 1982 ».
Cette limite temporelle n'a pas été modifiée depuis et les victimes d'actes de terrorisme perpétrés avant le 1er janvier 1982 ne bénéficient pas des droits prévus au CPMIVG.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE EXTENSION DU RÉGIME DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME AUX VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME COMMIS AVANT 1982
Le dispositif proposé prévoit que les victimes d'actes de terrorisme commis avant le 1er janvier 1982 puissent bénéficier des droits prévus au CPMIVG dont jouissent actuellement les victimes d'acte de terrorisme commis après le 1er janvier 1982.
Il s'agit donc d'une mesure d'équité dont les conséquences budgétaires sont au demeurant minimes puisque le coût estimé de la mesure est de 1 million d'euros.
III. LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'article 41 a été adopté dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution dans une rédaction qui bien que différente en sa forme, n'emporte aucune conséquence sur fond, aboutissant à une rédaction proposée identique de l'article L. 113-13 du CPMIVG.
IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE D'ÉQUITÉ BIENVENUE ET PEU COÛTEUSE
L'article prévoit une mesure d'équité bienvenue mettant fin à une différence de traitement arbitraire entre victimes d'actes terroristes selon la date à laquelle a été commis l'attentat dont elles sont victimes. Le coût budgétaire de la mesure est très faible.
Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 41 bis
(nouveau)
Demande de rapport sur le dénombrement et le soutien
des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre
. Le présent article prévoit la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement sur les conditions dans lesquelles l'État, au travers de son opérateur, l'Office national des combattants et victimes de guerre, assure le dénombrement et le soutien des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre.
S'agissant d'une information publique et accessible, la demande de rapport n'apparait pas nécessaire.
La commission des finances propose de supprimer cet article.
I. LES PUPILLES, UNE POPULATION PARTICULIÈRE BÉNÉFICIANT D'AIDES DE L'ETAT
Les pupilles de la Nation sont des personnes ayant été adoptées par la Nation. Cette adoption intervient notamment pour les enfants victimes d'acte de guerre ou victimes d'acte de terrorisme et pour des orphelins dont le parent est décédé du fait d'un acte de guerre ou de terrorisme. La liste exhaustive des cas pouvant entrainer une adoption par la Nation est prévue aux articles L. 411-1 à L. 411-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). À ces derniers s'ajoutent depuis 2022 les « pupille de la République », dont la qualité est liée à la mention « Mort pour le service de la République ».
L'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) est l'opérateur chargé suivi des adoptions, qu'il accompagne, et la mise en oeuvre du soutien matériel et moral de l'État envers les pupilles.
Le nombre des pupilles adoptés et le montant des aides qui leur sont dédiées sont rendus publics chaque année par l'Office dans son rapport d'activité. Le statut des pupilles est étroitement défini par le CPMIVG et le détail de la doctrine encadrant l'aide qui leur est apporté est prévu dans une circulaire du 28 juin 2017 « pupilles de la nation ».
Au global, il y a en 2022 environ 1000 pupilles, auxquels sont consacrés 4 millions d'euros. L'Office estime qu'en sus 300 personnes peuvent prétendre au statut de pupille de la République, ce qui pourrait entraîner à court terme une augmentation significative du nombre de pupille.
II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN RAPPORT SUR LE DÉNOMBREMENT ET LE SOUTIEN APPORTÉ AUX PUPILLES
Le présent article, issu de l'amendement n° II-1131 du groupe Horizons, prévoit la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement sur les conditions dans lesquelles l'État, au travers de son opérateur, l'Office national des combattants et victimes de guerre, assure le dénombrement et le soutien des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN RAPPORT QUI N'APPARAIT PAS NÉCESSAIRE
Eu égard à la qualité et à la disponibilité de l'information que l'ONACVG rend publique et tient à la disposition des parlementaires, un tel rapport n'apparaît pas nécessaire.
Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 27 octobre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Marc Laménie, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants » (et article 41).
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons le rapport spécial de notre collègue Marc Laménie sur la mission « Ancien combattants, mémoire et liens avec la Nation » du projet de loi de finances pour 2023.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » continuent de diminuer : ils sont en baisse de 161 millions d'euros en 2023, tombant ainsi à 1,9 milliard d'euros.
Deux caps symboliques sont franchis cette année : les crédits de la mission sont désormais inférieurs à 2 milliards d'euros et, pour la première fois, le montant consacré par l'État à la retraite du combattant est inférieur à celui qui est consacré à la demi-part fiscale des anciens combattants et de leurs veuves, principal crédit d'impôt en faveur des anciens combattants.
Les crédits affectés aux pensions viagères - la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidité - poursuivent leur inexorable baisse, tant en valeur absolue que rapportée à l'inflation. La revalorisation exceptionnelle, au 1er janvier 2022, du point d'indice des pensions militaires d'invalidité, dit « point PMI », n'a pas atteint son objectif de rattraper l'effet de l'inflation entre 2018 et 2021, à cause d'une hypothèse d'inflation trop faible pour 2021 - d'autant moins que le point d'indice, indexé sur les rémunérations publiques, décroche face à l'inflation depuis 2012. De la même manière, la revalorisation de droit commun de 4 % devant avoir lieu au 1er janvier 2023 est inférieure à l'inflation de l'année 2022.
Les baisses de crédits liées à ces deux pensions expliquent celle des crédits de la mission - de même, bien sûr, que la baisse démographique.
Les crédits du programme 158, qui recouvrent les indemnisations liées aux violences et spoliations antisémites et aux actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale, suivent une trajectoire similaire : de moins en moins de dossiers sont déposés à la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS) et des crédit-rentiers dont le nombre s'effrite de plus en plus pour les rentes viagères. Les conséquences budgétaires sont cependant moindres, car ce programme est plus modeste : il est doté de 91,5 millions d'euros de crédits en 2023.
Je proposerai un amendement en première partie du projet de loi de finances visant à consolider la base juridique qui fonde l'exonération d'impôt dont profitent déjà les allocations versées au titre du programme 158.
Les économies constatées sur la mission pourraient cependant réapparaître sous la forme de dépenses fiscales. L'Assemblée nationale a ainsi adopté un article additionnel 3 quinquies, conservé par le Gouvernement après l'application de l'article 49-3 de la Constitution, visant à ouvrir le bénéfice de la demi-part fiscale aux veuves dont l'époux ancien combattant est décédé entre 60 et 65 ans. Cette mesure, dont le coût est estimé à 133 millions d'euros, contrebalance presque entièrement les baisses de crédits de la mission.
Les autres pans de la mission sont généralement en hausse, sous l'effet de l'inflation, en particulier les crédits liés à la politique de mémoire, qui augmentent de 17 % à cause de la forte dimension immobilière de cette mission - celle-ci comporte l'entretien et la valorisation des carrés militaires, des nécropoles nationales et des hauts lieux de la mémoire nationale.
L'Institution nationale des Invalides (INI) est également très exposée au renchérissement des coûts immobiliers, car elle s'est engagée dans une rénovation quasi intégrale de ses locaux. Le coût total de ces travaux s'élève aujourd'hui à 73 millions d'euros.
Ayant réalisé un contrôle budgétaire sur l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), j'aborderai cet opérateur tout à l'heure, après l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants ».
Enfin, la politique de reconnaissance et de réparation envers les rapatriés a été renforcée de manière exceptionnelle au travers de deux mesures. Tout d'abord, le montant des allocations de reconnaissance et des allocations viagères dont bénéficient les harkis, les autres rapatriés et leurs veuves a été doublé par voie réglementaire. Ensuite, la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie a créé une réparation au titre du préjudice subi du fait des conditions indignes d'accueil sur le territoire national dans des camps ou des hameaux de forestage.
En conséquence, les crédits en faveur des rapatriés ont presque quadruplé entre la prévision initiale du projet de loi de finances pour 2022 et celle pour 2023. La majeure partie de cette hausse est toutefois liée à la nouvelle indemnité de réparation, qui représente 60 % des crédits de la programmation 2023 et qui a vocation à disparaître une fois les demandes traitées.
Dans cette même logique de reconnaissance et de réparation en faveur des rapatriés, je présente un amendement de crédits, très modeste, visant à indemniser 22 rapatriés qui se sont vu refuser une allocation de reconnaissance sur le fondement d'une loi depuis déclarée inconstitutionnelle. Le dispositif est désormais forclos et, mal conseillés, ces rapatriés n'avaient pas contesté la décision de refus dans les temps. Ils ne souhaitent pas se lancer dans une procédure contentieuse. Ainsi, je propose une indemnité de 4 195 euros pour ces personnes.
Je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission modifiés par l'amendement de crédits.
Enfin, un article additionnel est rattaché à la mission : l'article 41, qui tend à étendre les droits reconnus aux victimes d'un acte terroriste commis après le 1er janvier 1982 aux victimes d'actes de terrorisme commis avant cette date, dont le statut est pour l'heure moins favorable. Cette mesure d'équité est modeste sur le plan budgétaire : elle coûte 1 million d'euros.
Je vous propose d'adopter cet article sans modification.
M. Michel Canévet. - Cette mission est l'une des seules dont le montant diminue. Monsieur le rapporteur spécial, la réforme du système d'information des services des retraites de l'État entraîne une économie de 45,5 millions d'euros : des retraites étaient-elles versées indûment ? Dans le cas contraire, comment s'explique une telle économie ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - Je vous remercie pour votre profond attachement au devoir de mémoire et à la reconnaissance des anciens combattants.
La refonte du système d'information des services des retraites repousse les dépenses sur l'année 2024, d'où cette économie pour 2023. Les crédits de l'année 2024 connaîtront ainsi une moindre baisse.
Article 27
L'amendement n° II-5 est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », sous réserve de l'adoption de son amendement.
Examen de l'article rattaché
Article 41
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 41.
*
* *
Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » tels que modifiés par son amendement, de même que d'adopter, sans modification, l'article 41. Elle a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 41 bis.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Direction de la Mémoire, de la Culture et des Archives du ministère des Armées
- M. Sylvain MATTIUCCI, directeur.
Office Nationale des Anciens Combattants et Victimes de Guerre (ONAC-VG)
- Mme Véronique PEAUCELLE-DELELIS, directrice générale.
Institution nationale des Invalides
- M. Christian BLAS, directeur adjoint.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html
* 1 Diminution également constatée sur les évaluations de la dépense fiscale 2021 par les PAP 2022 et 2023.
* 2 Périmètre : actions 01, 02, 03 et 06 du programme 169.
* 3 LFI 2021
* 4 Budget 2022 rectifié tel que présenté dans le PAP « Anciens combattants » 2023
* 5 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français.
* 6 Avant le décret n° 2022-128 du 4 février 2022 modifiant les modalités de fixation de la valeur du point PMI, il était calculé selon le principe du « rapport constant », soit une révision trimestrielle et avec effet rétroactif.
* 7 Selon les modalités définies par le décret du 4 février 2022 modifiant les modalités de fixation de la valeur du point de PMI
* 8 L'article 2 du PLF 2022 retenait une hypothèse de 1,4 % d'inflation sur 2021.
* 9Actions 1, 2, 3 et 7 du programme 169
* 10 45,6 millions d'euros en 2022.
* 11 Financement de fonds de concours par les régions et financement direct de formations.
* 12 Documentation budgétaire, PAP 2023 mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation »
* 13 45 millions sont attribués à l'Office au titre de ce dispositif pour 2022, cependant la création de cette indemnisation ayant été décidée après le dépôt du PLF pour 2022, ces 45 millions n'apparaissent pas dans la programmation budgétaire initiale.
* 14 Contrat d'Objectif et de Performance de l'ONAC-VG 2020-2025, annexe 1.
* 15 Cour des comptes, rapport RD52435 du 9 juillet 2008
* 16 Somme des valeurs réalisées en 2019, 2020 et 2021 et des crédits prévus en LFI pour 2022.
* 17 19,4 millions d'euros en prenant en compte la phase d'étude. Cette dernière à cependant déjà été financée et réalisée.
* 18 RAP Anciens combattants, 2019.
* 19 Au 30 juin 2021.
* 20 Au 30 juin 2021.
* 21 Rapport d'information n° 550 (2017-2018) de M. Marc LAMÉNIE, fait au nom de la commission des finances, déposé le 6 juin 2018