EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Suppression de la modulation du montant des allocations
familiales selon les ressources du foyer
Cet article propose de supprimer la modulation du montant des allocations familiales selon les ressources de la famille introduite à compter du 1 er juillet 2015.
La commission a adopté cet article avec modification.
I - Le dispositif proposé : revenir sur la modulation des allocations familiales selon les ressources du foyer
A. L'introduction récente d'une modulation des allocations familiales en fonction des revenus
L es allocations familiales constituent la plus importante des prestations familiales versées par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Pour l'année 2020, les dépenses d'allocations familiales s'élevaient à 12,7 Mds € soit 41 % des dépenses de prestations légales de la branche famille. Elles étaient versées à près de 5,1 millions de familles. Cet effectif qui dépend de la démographie n'a connu qu'une légère augmentation cette dernière décennie (+ 0,4 % en moyenne annuelle entre 2010 et 2020).
1. Les modalités d'attribution et de calcul de l'allocation
a) Les conditions d'octroi
Ouvertes dès le deuxième enfant au titre de l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale, les allocations familiales sont versées à la personne qui assume la charge effective et permanente de l'enfant 1 ( * ) . Dans les départements et régions d'outre-mer, les allocations familiales sont versées dès le premier enfant à charge (voir encadré ci-dessous).
Les allocations familiales sont dues pour les enfants âgés de moins de vingt ans 2 ( * ) . Toutefois, pour les familles de trois enfants minimum, une allocation forfaitaire est accordée pour chaque enfant lorsqu'un des enfants à charge atteint la limite d'âge afin de compenser la perte d'une partie des allocations familiales. Enfin, aux termes de l'article L. 521-3 du code de la sécurité sociale, les allocations familiales sont majorées d'une somme pour chaque enfant âgé de plus de 14 ans , à l'exception du plus âgé.
Le montant des allocations est déterminé en proportion de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) , laquelle est revalorisée par instruction ministérielle chaque 1 er avril suivant l'inflation constatée 3 ( * ) . Le taux plein qui s'y applique est de 32 % pour le deuxième enfant puis 41 % pour chaque enfant à compter du troisième enfant 4 ( * ) . Les montants équivalents sont ainsi de 132,08 € pour deux enfants, 301,30 € pour trois enfants et 470,53 € pour quatre depuis le 1 er avril 2021 5 ( * ) .
Les allocations familiales dans les départements et régions d'outre-mer
Pour les départements et régions d'outre-mer (DROM) de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin 6 ( * ) , les allocations familiales sont accordées dès le premier enfant. Le montant de base pour un seul enfant est assez faible (24,39 €) et n'est pas modulé selon les ressources du foyer familial (voir tableau ci-dessous). Le seuil de non-versement des prestations familiales étant de 15 euros, une modulation de ce montant aurait équivalu à une mise sous condition de ressources. Une majoration est toutefois accordée lorsque l'enfant atteint 11 ans puis 16 ans. Les montants accordés pour deux enfants et plus sont les mêmes que dans l'Hexagone.
Pour le département de Mayotte, l'ordonnance du 7 février 2002 7 ( * ) prévoit que les allocations familiales sont dues à partir d'un enfant à charge. Aucune modulation du montant n'est prévue selon les ressources du foyer quel que soit le nombre d'enfants. De même, aucune majoration liée à l'âge n'est accordée. En revanche, l'ordonnance prévoit une convergence annuelle des montants des allocations familiales à compter de 2012. Depuis 2018, le décret du 29 mars 2002 relatif aux prestations familiales à Mayotte 8 ( * ) prévoit que :
- le montant de base pour un enfant à charge est équivalent à celui des DROM de l'article 73 de la Constitution (24,39 € depuis le 1 er avril 2021) ;
- le montant pour deux enfants est égal à celui de l'Hexagone et des DROM (132,08 € depuis le 1 er avril 2021) ;
- le montant pour trois enfants n'est que de 198,44 € depuis le 1 er avril 2021 ;
- chaque enfant à compter du quatrième n'ouvre droit qu'à une somme supplémentaire de 19,20 € contre 170,07 € pour les familles de la première tranche de revenu dans l'Hexagone et les DROM.
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
b) La modulation des allocations familiales selon le revenu
Jusqu'en 2015, le montant des allocations était indépendant du revenu et ne variait que selon le nombre d'enfants à charge 9 ( * ) . L'article 85 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 10 ( * ) , à l'initiative d'un amendement de la députée Marie-Françoise CLERGEAU, alors rapporteure de la branche famille à l'Assemblée nationale, a introduit à compter du 1 er juillet 2015 une modulation selon les revenus de la personne ou du foyer ayant la charge de l'enfant 11 ( * ) :
- du montant de base des allocations familiales ;
- de l'allocation forfaitaire accordée lorsqu'un enfant à charge atteint l'âge limite de vingt ans (« forfait âge ») ;
- de la majoration octroyée lorsqu'un des enfants a plus de 14 ans hors le plus âgé.
Par combinaison des articles D. 521-1 et D. 521-3 du code de la sécurité sociale, les allocations familiales suivent désormais un barème à trois tranches de revenus 12 ( * ) délimitées par deux plafonds dont la valeur est majorée de 5 827 euros par enfant à charge. Les montants revalorisés de ces plafonds et de cette majoration sont fixés par arrêté interministériel.
Avec l'introduction de la modulation, le montant de l'allocation est ainsi divisé par deux pour les familles dont les ressources se trouvent à l'échelon intermédiaire et par quatre pour les plus hauts revenus . Les bénéficiaires dont les revenus sont inférieurs au premier plafond voient le montant de leurs allocations inchangé.
Le tableau ci-dessous présente les montants de l'allocation, depuis le 1 er avril 2021, selon le nombre d'enfants et le barème de ressources en vigueur depuis le 1 er janvier 2022 13 ( * ) .
Nombre d'enfants à charge |
Ressources |
Montant de base |
Majoration (si le 2 e enfant a plus de 14 ans) |
Forfait âge (par enfant de moins de 20 ans) |
|
En euros |
En proportion de la BMAF |
||||
2 enfants |
X = 70 074 € |
132,08 |
32 % |
+ 66,04 € |
/ |
70 074 € < X = 93 399 € |
66,04 |
16 % |
+ 33,02 € |
/ |
|
X > 93 399 € |
33,02 |
8 % |
+ 16,51 € |
/ |
|
3 enfants |
X = 75 913 € |
301,30 |
73 % |
+ 66,04 € |
83,93 € |
75 913 € < X = 99 238 € |
150,65 |
36,5 % |
+ 33,02 € |
41,97 € |
|
X > 99 238 € |
75,33 |
18,25 % |
+ 16,51 € |
20,99 € |
|
4 enfants |
X = 81 752 € |
470,53 |
114 % |
+ 66,04 € |
83,93 € |
81 752 € < X = 105 077 € |
235,27 |
57 % |
+ 33,02 € |
41,97 € |
|
X > 105 077 € |
117,63 |
28,5 % |
+ 16,51 € |
20,99 € |
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
En outre, le dernier alinéa de l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale prévoit un mécanisme de lissage afin d'éviter les effets de seuils induits par les plafonds. Un complément dégressif est versé au bénéficiaire dont les ressources dépassent de peu le montant du plafond 14 ( * ) .
B. Le dispositif proposé : la suppression des conditions de ressources pour le calcul du montant
? Le 1° du I du présent article vise à revenir à la rédaction de l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale antérieure au 1 er juillet 2015.
La suppression des troisième, cinquième et sixième alinéas abroge la modulation selon les ressources des allocations familiales, de l'allocation forfaitaire et de la majoration ainsi que le mécanisme de lissage du barème de ressources (voir supra ).
Il est également proposé de supprimer le quatrième alinéa de l'article L. 521-1 qui dispose que le montant des allocations familiales varie selon le nombre d'enfants à charge. Cette précision a été introduite par la LFSS pour 2015. Toutefois, la modulation du montant selon le nombre d'enfants préexistait à la réforme de 2015 sans fondement législatif.
? Comme mentionné supra , pour les départements d'outre-mer, le second alinéa de l'article L. 755-12 du code de la sécurité sociale prévoit que, lorsque la famille n'a qu'un seul enfant à charge, la modulation des allocations familiales selon les ressources du foyer et, naturellement, selon le nombre d'enfants ne s'applique pas. Par coordination, le 2° du I du présent article de la proposition de loi propose de supprimer ce second alinéa de l'article L. 755-12 afin de tirer les conséquences de la suppression de la modulation des allocations familiales au 1° .
Le II prévoit une entrée en vigueur du présent article au 1 er juillet 2022.
II - La position de la commission
A. La modulation selon les ressources du foyer : un dévoiement des allocations familiales
1. L'objectif d'économies budgétaires poursuivi par la modulation des allocations familiales
L'introduction de plafonds de ressources dans la détermination des montants des allocations familiales répondait à un double but. D'une part, il s'agissait de redresser le solde de la branche famille lequel était déficitaire de 2,7 Mds d'euros en 2014. D'autre part, dans un souci de justice sociale, et selon les termes de la députée Marie-Françoise Clergeau, l'amendement proposant cette mesure visait à « concentrer l'effort de solidarité sur les familles les plus aisées » 15 ( * ) .
Comme le rappelle la direction de la sécurité sociale (DSS) entendue en audition par le rapporteur, l'objectif que constituait le redressement des comptes de la branche famille a été rempli. L'économie générée par cette mesure a été estimée à 380 millions d'euros du 1 er juillet 2015 au 1 er décembre 2015 puis 760 millions d'euros pour 2016 , première année pleine d'application de la réforme. Cette réforme a toutefois été menée au détriment des familles et s'est ajoutée à des mesures similaires prises lors de la XIV e législature comme la réduction du plafond du quotient familial. De même, depuis 2017, la politique familiale n'a pas su soutenir avec ambition les familles comme en témoigne la sous-revalorisation de la BMAF en 2019 et en 2020.
Il en résulte une diminution constante de la part de richesse nationale investie sous forme de prestations familiales depuis 2015 (voir graphique infra ).
Évolution de la dépense de prestations familiales de 2000 à 2019 exprimée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) 16 ( * )
Source : Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge 17 ( * )
2. La remise en cause du principe d'universalité des allocations familiales a parachevé la mue de la politique familiale en politique de soutien aux familles les plus précaires
a) Le caractère universel des allocations familiales affaibli par la modulation des montants selon les revenus
Si le décret-loi du 12 novembre 1938 créa les premières allocations familiales décorrélées du salaire et de l'entreprise dont le montant croissait selon la taille de la famille, le caractère universel des allocations familiales fut introduit après la Libération par la loi du 22 août 1946 18 ( * ) . Son article 2 étendit leur bénéfice aux personnes dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle ainsi qu'aux femmes seules élevant deux enfants ou plus. Ce principe d'universalité des allocations familiales fut définitivement consacré, à compter du 1 er janvier 1978, par la loi du 4 juillet 1975 19 ( * ) qui supprima toute condition d'exercice d'une activité professionnelle pour l'ouverture du droit aux prestations familiales.
Les allocations familiales constituaient donc, jusqu'en 2015, et à l'exception de quelques mois en 1998, la prestation qui réalisait le principe d'universalité qui fonde la politique familiale. Cette universalité restait certes imparfaite car les allocations familiales n'ont jamais été versées dans l'Hexagone pour un seul enfant à charge. Toutefois, dès le deuxième enfant, les ménages dans une même situation familiale recevaient un montant identique.
Ainsi que l'a rappelé la DSS et les associations familiales, la modulation des allocations familiales selon le revenu des familles n'a pas stricto sensu abrogé le caractère universel des allocations familiales. Ces dernières continuent d'être versées à toutes les familles éligibles. Il s'agit toutefois d'un universalisme altéré ou de façade tant le montant versé aux familles dont les revenus sont compris dans la troisième tranche du barème est dérisoire : 33,02 € pour deux enfants.
Plus généralement, la modulation des allocations familiales selon les revenus des ménages interroge quant à la possibilité de moduler d'autres prestations jusqu'ici universelles à l'instar des prestations d'assurance maladie. Si cet universalisme progressif ou proportionné venait à s'étendre, c'est tout notre modèle de sécurité sociale qui serait remis en cause.
b) L'introduction d'un objectif de redistribution verticale au détriment de la redistribution horizontale
La politique familiale s'est enrichie de nouveaux objectifs et ne saurait désormais répondre au seul enjeu de soutien à la natalité. La nécessité d'aider particulièrement les familles les plus vulnérables explique la création de prestations sous condition de ressources ou modulées selon les revenus du ménage depuis les années 1970.
Le rapporteur dresse néanmoins le constat que, depuis la LFSS pour 2014, toutes les prestations versées aux familles par la branche sont placées sous condition de ressources, modulées selon les revenus des familles ou bien ciblées sur un public spécifique, à l'exception de la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PrePare) dont les conditions peu appropriées d'octroi et les montants faibles peuvent toutefois expliquer le faible taux de recours.
Prestations |
Conditions d'octroi |
Nombres de bénéficiaires en 2020 (en milliers) 20 ( * ) |
|
PAJE |
Prime à la naissance ou à l'adoption |
Sous condition de ressources |
45 |
Allocation de base |
Sous condition de ressources |
1 555 |
|
PrePare |
Sous certaines conditions de partage du congé et de cessation au moins partielle de l'activité |
255 |
|
Complément de libre choix du mode de garde |
Modulé en fonction des revenus |
845 |
|
Allocations familiales |
Modulées en fonction des revenus à partir du 1 er juillet 2015 |
5 091 |
|
Complément familial |
Sous condition de ressources |
906 |
|
Allocation de soutien familial |
Public spécifique |
813 |
|
Allocation de rentrée scolaire |
Sous condition de ressources |
3 132 |
|
Allocation journalière de présence parentale |
Public spécifique |
10 |
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
Les réformes de la politique familiale menées en 2014-2015 ont réduit le soutien aux familles les plus aisées et accentué celui en faveur des premiers déciles de revenus ainsi que l'a explicité M. Olivier Thévenon, chercheur à l'OCDE, entendu en audition par le rapporteur. Toutefois, en réduisant les transferts en faveur des familles les plus aisées, la modulation des allocations familiales n'emporte en soi aucun bénéfice pour les familles aux revenus les plus modestes. De plus, certaines catégories de familles demeurent toujours aujourd'hui dans une situation de surexposition à la pauvreté comme les familles les plus nombreuses ainsi que les familles monoparentales, y compris celles n'ayant à charge qu'un seul enfant.
Le rapporteur estime donc que les apports de cette réforme au regard de la solidarité verticale sont loin de compenser la perte de l'objectif de redistribution horizontale assigné historiquement aux allocations familiales. La réforme des allocations familiales a en effet porté atteinte au sens même de cette prestation dont l'objectif premier est de compenser financièrement le coût de l'éducation des enfants. Cette redistribution horizontale témoigne du soutien de la collectivité en faveur des familles avec plusieurs enfants à charge. Au contraire, la modulation a fait porter sur les familles un effort de solidarité qui n'a pas été exigé des ménages aisés sans enfants .
Ce dévoiement du principe sous-tendant l'instauration des allocations familiales comporte un risque plus grand de saper l'acceptabilité de la politique familiale pour les familles concernées par la modulation . Ces dernières peuvent avoir le sentiment paradoxal de contribuer au financement - à travers notamment la contribution sociale généralisée (CSG) - d'une politique toujours universelle mais dont elles sont largement exclues.
B. La nécessité d'assurer les familles du soutien de la collectivité sur le long terme
1. Le contexte préoccupant de chute de la natalité
Auditionnée par le rapporteur, Mme Isabelle Robert-Bobée, cheffe de la division des enquêtes et études démographiques à l'Insee, a rappelé la singularité démographique de la France dans le paysage européen. Celle-ci présente le premier taux de fécondité de l'Union européenne depuis 2012, lequel a résisté à la crise économique de 2008 à la différence de celui des autres pays européens 21 ( * ) . Si cette situation peut être due en partie à l'effort public traditionnellement mis en oeuvre en faveur des familles et de la petite enfance 22 ( * ) , les politiques familiales n'expliqueraient qu'un tiers des différences de taux de fécondité entre pays, comme l'a souligné M. Olivier Thévenon. Elles jouent donc un rôle important mais leur incidence ne doit pas être surestimée.
La position de tête de la France ne doit pas occulter pour autant la dynamique défavorable de la fécondité depuis maintenant une décennie. Le taux de fécondité conjoncturel, qui oscillait autour de 2,0 sur la période 2005-2015, a diminué constamment pour atteindre 1,82 en 2020. Cette diminution de la fécondité combinée à la diminution du nombre de femmes en âge de procréer explique la chute de 80 000 naissances annuelles entre 2014 et 2020.
L'année 2021 marque toutefois une stabilisation du taux de fécondité à 1,83. En effet, si la crise sanitaire et les confinements successifs ont induit une chute importante de la natalité, celle-ci a été compensée sur toute l'année 2021 grâce à un phénomène de rattrapage. Cependant, comme l'a confirmé Mme Robert-Bobée, rares sont les démographes qui anticipent une remontée durable du taux de fécondité. Au contraire, il y a peu de chance que l'exception française en Europe d'une démographie dynamique perdure indéfiniment.
La diminution de la fécondité en France trouve son origine dans des causes multifactorielles. Toutefois, une même tendance en Europe existe et s'explique structurellement par le report général des naissances à un âge plus avancé des femmes comme le montre le graphique ci-dessous. Cette baisse de la fécondité avant 35 ans s'accompagne d'une remontée des taux de fécondité de 35 à 40 ans voire même après 40 ans depuis récemment. Ce report des naissances n'est toutefois pas complet en raison, notamment, de projets de parentalité qui ne peuvent finalement se réaliser. Cette compensation imparfaite explique en partie que les taux de fécondité ne se stabilisent pas en Europe.
Évolution de l'âge moyen des femmes lors de la naissance de leur premier enfant dans différents pays de l'Europe du Sud
Source : Insee (données Eurostat)
2. Un nouveau souffle nécessaire à la politique familiale
Si aucune étude académique n'a pu à ce jour mettre en lumière une relation de causalité entre la modulation des allocations familiales et la baisse de la natalité en France, cette réforme, en tout état de cause, n'a pas soutenu les familles dans leur choix d'avoir des enfants dans un contexte de diminution de la natalité. Elle a au contraire envoyé un signal nuisible alors qu'il ressort des travaux du rapporteur que l e taux de fécondité pâtit des incertitudes sur l'avenir perçu par les ménages, s'agissant de leur situation, du contexte socio-économique mais aussi des politiques publiques .
La fin de la modulation selon les revenus du foyer constituerait un message souhaitable de soutien aux familles autant qu'il redonnera de la cohérence et de la lisibilité à cette prestation. Cette mesure bénéficierait à plus d'un demi-million de français dont 255 000 qui, aujourd'hui, reçoivent un montant à 50 % du taux plein et 270 100 qui ne reçoivent que 25 % de ce montant 23 ( * ) . En 2022, la branche famille devrait présenter un excédent de 1,7 Md € qui devrait se confirmer dans les années à venir. Le rapporteur estime donc que la suppression de la modulation des allocations familiale, dont le coût annuel est évalué à 830 millions d'euros par la DSS , en se fondant sur les données de 2021, serait donc soutenable pour la branche. En outre, cette proposition de loi facilitera la gestion des allocations familiales dans un contexte de réduction des ressources humaines du réseau des caisses d'allocations familiales (CAF) 24 ( * ) .
Le rapporteur a pleinement conscience que cette proposition de loi ne constitue qu'un premier pas vers une politique familiale ambitieuse et pérenne . Le développement de l'offre d'accueil de la petite enfance et une meilleure politique de conciliation de la vie professionnelle et familiale , dont il ressort des travaux du rapporteur qu'elle présente un impact non négligeable sur la fécondité, sont autant de chantiers qu'il convient d'engager. En outre, d'autres politiques comme la politique du logement ou de l'emploi, permettant d'assurer les conditions de sécurité nécessaires aux familles pour envisager leur projet parental, doivent être mobilisées.
La commission a adopté un amendement n° COM-2 du rapporteur visant à maintenir à l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale le principe selon lequel le montant des allocations familiales varie selon le nombre d'enfant. Elle a également adopté un amendement n° COM-3 du rapporteur visant remplacer l'entrée en vigueur au 1 er juillet 2022 de la proposition de loi par une entrée en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard un an après la promulgation de la loi.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 2
Gage
Cet article gage les conséquences financières de l'adoption de la présente proposition de loi sur les finances des organismes de sécurité sociale sur une augmentation de la fiscalité sur les produits du tabac.
La commission a adopté cet article sans modification.
*
Enfin, la commission a adopté l'amendement COM-4 du rapporteur apportant une modification à l'intitulé de la proposition de loi.
Les associations familiales tout comme la DSS ont rappelé aux cours des travaux du rapporteur que, dans la mesure où elles continuent à être versées à toutes les familles dès le deuxième enfant à charge, il serait imprécis d'affirmer que les allocations familiales sont dépourvues de tout caractère universel. Cette universalité ne saurait toutefois être parfaite et réelle depuis 2015 ainsi qu'il a été indiqué supra .
Dès lors, alors que l'intitulé de la proposition - redonner un caractère universel aux allocations familiales - peut porter à confusion, l'amendement du rapporteur adopté par la commission renomme le texte : proposition de loi tendant à renforcer l'universalité des allocations familiales .
* 1 Article L. 521-2 du code de la sécurité sociale.
* 2 Article L. 512-3 et R. 512-2 du code de la sécurité sociale.
* 3 Conformément à l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale.
* 4 L'article D. 521-1 du code de la sécurité sociale fixe ces taux.
* 5 Le montant de la BMAF fixé par l'instruction N° DSS/2B/2021/65 du 19 mars 2021 s'élève à 414,81 €.
* 6 Article L. 755-11 du code de la sécurité sociale.
* 7 Ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l'extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte.
* 8 L'article 7 du décret modifié par le décret n° 2017-1788 du 27 décembre 2017 relatif aux prestations familiales à Mayotte prévoit les proportions de la BMAF applicables.
* 9 La loi n°97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait placé sous condition de ressources les versements des allocations familiales. Cette disposition avait été abrogée par la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.
* 10 Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015.
* 11 Le troisième alinéa de l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale prévoit désormais que les montants des allocations familiales, de l'allocation forfaitaire et de la majoration liée à l'âge des enfants varient en fonction des ressources du ménage ou de la personne qui a la charge des enfants selon un barème défini par décret.
* 12 Il s'agit du revenu net catégoriel de l'année n-2 c'est-à-dire le revenu diminué des charges (pensions alimentaires, frais d'accueil des personnes âgées) et abattements fiscaux.
* 13 Arrêté du 16 décembre 2021 relatif aux plafonds de ressources de certaines prestations familiales.
* 14 En l'occurrence, si les revenus annuels excédent le plafond de ressource d'une somme inférieure à douze fois le montant mensuel des allocations familiales augmenté, le cas échéant, de la majoration pour âge, le bénéficiaire se voit verser chaque mois un montant égal au douzième de la différence entre le plafond majoré de cette somme et ses revenus.
* 15 JORF, compte rendu intégral de la 3e séance du vendredi 24 octobre 2014 de l'Assemblée nationale.
* 16 Le graphique distingue l'évolution selon que les allocations de logement familial (ALF), qui ne relèvent plus de la branche famille depuis 2016, sont intégrées ou non.
* 17 HCFEA, L'évolution des dépenses sociales et fiscales consacrées aux enfants à charge au titre de la politique familiale, 30 mars 2021.
* 18 Loi n° 46-1835 du 22 août 1946 fixant le régime des prestations familiales.
* 19 Loi n° 75-574 du 4 juillet 1975 tendant à la généralisation de la sécurité sociale.
* 20 Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale annexé au PLFSS 2022.
* 21 Papon S., « La fécondité en France a résisté à la crise économique de 2008, contrairement à la plupart de ses voisins », Insee focus n°240, juin 2021
* 22 En 2018, en France, selon la comptabilité retenue par l'OCDE, la part de la richesse nationale dépensée en prestations familiales (2,85 % du PIB) est plus élevée que la moyenne des pays de l'OCDE (2,12 %).
* 23 Selon les chiffres de la Cnaf au 30 juin 2020.
* 24 Selon les données de la Cnaf, 92 ETP avaient été recrutés pour la gestion de la modulation des allocations familiales selon les revenus.