Rapport n° 399 (2021-2022) de M. Olivier HENNO , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 26 janvier 2022

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N° 399

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 janvier 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi
tendant à redonner un
caractère universel aux allocations familiales ,

Par M. Olivier HENNO,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, M. Olivier Léonhardt, Mmes Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Mélanie Vogel .

Voir les numéros :

Sénat :

181 et 400 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 26 janvier 2022 sous la présidence de Catherine Deroche (Les Républicains, Maine-et-Loire), présidente, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de M. Olivier Henno sur la proposition de loi tendant à redonner un caractère universel aux allocations familiales. Elle a adopté la proposition de loi modifiée par trois amendements.

Les allocations familiales sont versées par la branche famille de la sécurité sociale, à 5,1 millions de bénéficiaires afin de compenser le coût de l'éducation de leurs enfants. Elles représentaient une dépense de 12,7 Mds d'euros en 2020. Le montant octroyé est toutefois modulé en fonction des ressources du foyer depuis le 1er juillet 2015.

Dans un contexte de baisse de la natalité, la proposition de loi vise à supprimer cette modulation qui contredit l'objectif de redistribution horizontale présent au coeur des allocations familiales.

I. LES ALLOCATIONS FAMILIALES SONT MODULÉES SELON LES REVENUS DU FOYER DEPUIS 2015

Les allocations familiales sont versées aux familles ayant la charge d'au minimum deux enfants âgés de moins de vingt ans. Leur montant varie selon le nombre d'enfants et une majoration est octroyée pour chaque enfant âgé de plus de 14 ans, à l'exception de l'aîné. Dans les départements et régions d'outre-mer, les allocations familiales sont versées dès le premier enfant.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, à l'initiative d'un amendement parlementaire à l'Assemblée nationale, a introduit à compter du 1 er juillet 2015 une modulation des allocations familiales selon les revenus de la famille . Cette modulation s'applique aux allocations familiales, à la majoration versée pour les enfants de plus de 14 ans et à l'allocation forfaitaire accordée lorsqu'un enfant à charge atteint l'âge limite de vingt ans pour les familles de plus de trois enfants.

Les allocations familiales suivent désormais un barème à trois tranches de revenu dont les plafonds sont majorés de 5 827 euros par enfant à charge (voir graphique ci-dessous). Le montant de l'allocation a été divisé par deux s'agissant des familles dont les ressources se trouvent à l'échelon intermédiaire et par quatre pour celles dont les ressources se trouvent dans la 3 e tranche.

Nombre d'enfants à charge

Ressources

Montant de base

Majoration (si le 2 e enfant a plus de 14 ans)

Forfait âge (par enfant de moins de 20 ans)

2 enfants

Inférieures ou égales à 70 074 €

132,08 €

+ 66,04 €

/

Entre 70 074 € et 93 399 € inclus

66,04 €

+ 33,02 €

/

Supérieures à 93 399 €

33,02 €

+ 16,51 €

/

3 enfants

Inférieures ou égales à 75 913 €

301,30 €

+ 66,04 €

83,93 €

Entre 75 913 € et 99 238 € inclus

150,65 €

+ 33,02 €

41,97 €

Supérieures à 99 238 €

75,33 €

+ 16,51 €

20,99 €

4 enfants

Inférieures ou égales à 81 752 €

470,53 €

+ 66,04 €

83,93 €

Entre 81 752 € et 105 077 € inclus

235,27 €

+ 33,02 €

41,97 €

Supérieures à 105 077 €

117,63 €

+ 16,51 €

20,99 €

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, montant des allocations revalorisés au 1 er avril 2021 et des plafonds au 1 er janvier 2022.

II. UN DÉVOIEMENT DU SENS ET DE L'OBJECTIF ASSIGNÉS AUX ALLOCATIONS FAMILIALES

A. UNE REMISE EN CAUSE DE L'UNIVERSALITÉ DES ALLOCATIONS FAMILIALES

Le principe d'universalité des allocations familiales, exprimé par la loi du 22 août 1946 qui étendit leur bénéfice aux personnes dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle et aux femmes seules ayant la charge d'enfants, répondait à l'objectif de redistribution horizontale et de soutien des familles à une époque où la politique familiale poursuivait une ambition nataliste. Cette universalité fut définitivement consacrée, à compter du 1 er janvier 1978, par la loi du 4 juillet 1975 qui supprima toute condition d'exercice d'une activité professionnelle pour l'ouverture du droit aux prestations familiales.

La modulation des allocations familiales selon les ressources du foyer n'a certes pas complétement abrogé cette universalité dans la mesure où toutes les familles éligibles continuent de percevoir des allocations familiales dès le deuxième enfant. Afin de tenir compte de cette réalité et de ne pas induire en erreur le débat public, la commission a adopté un amendement du rapporteur visant à intituler le texte : « proposition de loi tendant à renforcer l'universalité des allocations familiales ». Il demeure que la modulation a profondément altéré cette universalité.

Sous le régime de la modulation selon les ressources, le caractère universel des allocations familiales n'est plus que de façade tant le montant versé à certaines familles est devenu dérisoire.

En outre, la modulation des allocations familiales comporte le risque de saper l'acceptabilité de la politique familiale pour les familles concernées par la diminution du montant de la prestation . Ces dernières peuvent avoir le sentiment paradoxal de contribuer au financement d'une politique toujours universelle mais dont elles sont largement exclues.

La modulation des allocations familiales selon les revenus des ménages a pu également constituer un précédent risqué. Si ce principe de modulation venait à s'étendre à d'autres prestations jusqu'ici universelles, à l'instar des prestations d'assurance maladie, tout notre modèle de sécurité sociale serait remis en cause.

B. UNE PERTE DE SENS DES ALLOCATIONS FAMILIALES

Au-delà de la question de l'universalité, la réforme de 2014-2015 des allocations familiales a produit des effets délétères en ce qu'elle a brouillé les objectifs assignés à cette prestation. Les allocations familiales ont en effet été conçues pour porter l'ambition de redistribution horizontale de la politique familiale en accordant aux ménages une compensation financière du coût de l'éducation des enfants.

La variation du montant selon les ressources de la famille introduit une logique de redistribution verticale au sein des allocations familiales qui cessent dès lors de mettre en oeuvre un principe de solidarité horizontale. Cette substitution s'avère contestable dans la mesure où la quasi-exclusivité des autres prestations servies par la branche famille sont placées sous condition de ressources ou sont ciblées sur un public spécifique (complément familial, allocation de rentrée scolaire [ARS], prime à la naissance ou l'adoption, allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant [PAJE] etc.). Elles permettent ainsi d'aider particulièrement les familles les plus vulnérables afin de relever cet enjeu important de la politique familiale. En outre, la modulation des allocations familiales est une mesure qui, en soi, ne comporte aucun bénéfice pour les familles les plus précaires.

En abandonnant la logique de solidarité horizontale au coeur des allocations familiales, la réforme de 2014-2015 a définitivement acté la transformation de la politique familiale en une seule politique de soutien aux familles à faibles revenus.

C. UNE ÉCONOMIE BUDGÉTAIRE RÉALISÉE AU DÉTRIMENT DES FAMILLES

d'économies induites par la réforme en 2016

En diminuant les montants versés à plus de 10 % des bénéficiaires soit un demi-million de familles , la réforme des allocations de 2014-2015 a poursuivi avant tout un objectif assumé d'économies budgétaires .

Dès 2016, première année pleine d'entrée en vigueur de la réforme, 760 millions d'euros ont été économisés au détriment des familles. D'autres mesures d'économies se sont par ailleurs ajoutées à celle-ci comme la réduction de 2 000 à 1 500 euros (aujourd'hui 1592 euros) du plafonnement du quotient familial par la loi de finances pour 2014 ou bien plus récemment la sous-revalorisation des prestations familiales en 2019 et 2020.

III. SUPPRIMER LA MODULATION SELON LES RESSOURCES DE LA FAMILLE : UNE PREMIÈRE ÉTAPE INDISPENSABLE À LA RELANCE DE LA POLITIQUE FAMILIALE

A. LE CONTEXTE PRÉOCCUPANT DE LA NATALITÉ EN FRANCE

Si la politique familiale s'est enrichie de nouveaux objectifs, elle ne peut négliger pour autant le nécessaire soutien à la démographie du pays, d'autant plus que la dynamique de la natalité en France est devenue source d'inquiétudes.

Le taux de fécondité conjoncturel, qui oscillait autour de 2,0 sur la période 2005-2015, a diminué constamment pour atteindre 1,82 enfant par femme en 2020. Entre l'année 2014 et l'année 2020, une différence de 80 000 naissances annuelles est ainsi observable. Si l'année 2021 marque une stabilisation du taux de fécondité à 1,83 en raison d'un phénomène de rattrapage après la baisse des naissances induites par les confinements successifs, la probabilité d'une remontée durable du taux de fécondité est faible .

Sources : Commission des affaires sociales, d'après les données de l'Insee

B. REVENIR À DES ALLOCATIONS FAMILIALES INDÉPENDANTES DU REVENU : UN MESSAGE FORT DE SOUTIEN AUX FAMILLES

Si aucune étude n'a certes pu mettre en évidence un lien direct entre la modulation des allocations familiales et la chute de la fécondité observée, cette mesure a délivré un mauvais signal aux côtés d'autres dispositifs réduisant le soutien public aux familles. Ces dernières ont besoin d'une politique familiale pérenne et lisible.

L'article 1 er de la proposition de loi, adopté par la commission, vise à supprimer la modulation du montant des allocations familiales en fonction du revenu du foyer. Le coût budgétaire de cette mesure estimé à 830 millions d'euros apparait comme soutenable pour la branche famille qui devrait afficher un excèdent de 1,7 Mds d'euros en 2022. Cette dépense doit être considérée avant tout comme un investissement pour l'avenir tant notre modèle de protection sociale repose sur une démographie dynamique.

Cette suppression qui réaffirme l'engagement de la collectivité aux côtés des familles ne saurait bien entendu suffire. De nombreux autres chantiers de la politique familiale restent à engager comme le développement de l'offre d'accueil de la petite enfance ou la réforme des congés parentaux permettant une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Suppression de la modulation du montant des allocations familiales selon les ressources du foyer

Cet article propose de supprimer la modulation du montant des allocations familiales selon les ressources de la famille introduite à compter du 1 er juillet 2015.

La commission a adopté cet article avec modification.

I - Le dispositif proposé : revenir sur la modulation des allocations familiales selon les ressources du foyer

A. L'introduction récente d'une modulation des allocations familiales en fonction des revenus

L es allocations familiales constituent la plus importante des prestations familiales versées par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Pour l'année 2020, les dépenses d'allocations familiales s'élevaient à 12,7 Mds € soit 41 % des dépenses de prestations légales de la branche famille. Elles étaient versées à près de 5,1 millions de familles. Cet effectif qui dépend de la démographie n'a connu qu'une légère augmentation cette dernière décennie (+ 0,4 % en moyenne annuelle entre 2010 et 2020).

1. Les modalités d'attribution et de calcul de l'allocation

a) Les conditions d'octroi

Ouvertes dès le deuxième enfant au titre de l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale, les allocations familiales sont versées à la personne qui assume la charge effective et permanente de l'enfant 1 ( * ) . Dans les départements et régions d'outre-mer, les allocations familiales sont versées dès le premier enfant à charge (voir encadré ci-dessous).

Les allocations familiales sont dues pour les enfants âgés de moins de vingt ans 2 ( * ) . Toutefois, pour les familles de trois enfants minimum, une allocation forfaitaire est accordée pour chaque enfant lorsqu'un des enfants à charge atteint la limite d'âge afin de compenser la perte d'une partie des allocations familiales. Enfin, aux termes de l'article L. 521-3 du code de la sécurité sociale, les allocations familiales sont majorées d'une somme pour chaque enfant âgé de plus de 14 ans , à l'exception du plus âgé.

Le montant des allocations est déterminé en proportion de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) , laquelle est revalorisée par instruction ministérielle chaque 1 er avril suivant l'inflation constatée 3 ( * ) . Le taux plein qui s'y applique est de 32 % pour le deuxième enfant puis 41 % pour chaque enfant à compter du troisième enfant 4 ( * ) . Les montants équivalents sont ainsi de 132,08 € pour deux enfants, 301,30 € pour trois enfants et 470,53 € pour quatre depuis le 1 er avril 2021 5 ( * ) .

Les allocations familiales dans les départements et régions d'outre-mer

Pour les départements et régions d'outre-mer (DROM) de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin 6 ( * ) , les allocations familiales sont accordées dès le premier enfant. Le montant de base pour un seul enfant est assez faible (24,39 €) et n'est pas modulé selon les ressources du foyer familial (voir tableau ci-dessous). Le seuil de non-versement des prestations familiales étant de 15 euros, une modulation de ce montant aurait équivalu à une mise sous condition de ressources. Une majoration est toutefois accordée lorsque l'enfant atteint 11 ans puis 16 ans. Les montants accordés pour deux enfants et plus sont les mêmes que dans l'Hexagone.

Pour le département de Mayotte, l'ordonnance du 7 février 2002 7 ( * ) prévoit que les allocations familiales sont dues à partir d'un enfant à charge. Aucune modulation du montant n'est prévue selon les ressources du foyer quel que soit le nombre d'enfants. De même, aucune majoration liée à l'âge n'est accordée. En revanche, l'ordonnance prévoit une convergence annuelle des montants des allocations familiales à compter de 2012. Depuis 2018, le décret du 29 mars 2002 relatif aux prestations familiales à Mayotte 8 ( * ) prévoit que :

- le montant de base pour un enfant à charge est équivalent à celui des DROM de l'article 73 de la Constitution (24,39 € depuis le 1 er avril 2021) ;

- le montant pour deux enfants est égal à celui de l'Hexagone et des DROM (132,08 € depuis le 1 er avril 2021) ;

- le montant pour trois enfants n'est que de 198,44 € depuis le 1 er avril 2021 ;

- chaque enfant à compter du quatrième n'ouvre droit qu'à une somme supplémentaire de 19,20 € contre 170,07 € pour les familles de la première tranche de revenu dans l'Hexagone et les DROM.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

b) La modulation des allocations familiales selon le revenu

Jusqu'en 2015, le montant des allocations était indépendant du revenu et ne variait que selon le nombre d'enfants à charge 9 ( * ) . L'article 85 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 10 ( * ) , à l'initiative d'un amendement de la députée Marie-Françoise  CLERGEAU, alors rapporteure de la branche famille à l'Assemblée nationale, a introduit à compter du 1 er juillet 2015 une modulation selon les revenus de la personne ou du foyer ayant la charge de l'enfant 11 ( * ) :

- du montant de base des allocations familiales ;

- de l'allocation forfaitaire accordée lorsqu'un enfant à charge atteint l'âge limite de vingt ans (« forfait âge ») ;

- de la majoration octroyée lorsqu'un des enfants a plus de 14 ans hors le plus âgé.

Par combinaison des articles D. 521-1 et D. 521-3 du code de la sécurité sociale, les allocations familiales suivent désormais un barème à trois tranches de revenus 12 ( * ) délimitées par deux plafonds dont la valeur est majorée de 5 827 euros par enfant à charge. Les montants revalorisés de ces plafonds et de cette majoration sont fixés par arrêté interministériel.

Avec l'introduction de la modulation, le montant de l'allocation est ainsi divisé par deux pour les familles dont les ressources se trouvent à l'échelon intermédiaire et par quatre pour les plus hauts revenus . Les bénéficiaires dont les revenus sont inférieurs au premier plafond voient le montant de leurs allocations inchangé.

Le tableau ci-dessous présente les montants de l'allocation, depuis le 1 er avril 2021, selon le nombre d'enfants et le barème de ressources en vigueur depuis le 1 er janvier 2022 13 ( * ) .

Nombre d'enfants à charge

Ressources

Montant de base

Majoration (si le 2 e enfant a plus de 14 ans)

Forfait âge (par enfant de moins de 20 ans)

En euros

En proportion de la BMAF

2 enfants

X = 70 074 €

132,08

32 %

+ 66,04 €

/

70 074 € < X = 93 399 €

66,04

16 %

+ 33,02 €

/

X > 93 399 €

33,02

8 %

+ 16,51 €

/

3 enfants

X = 75 913 €

301,30

73 %

+ 66,04 €

83,93 €

75 913 € < X = 99 238 €

150,65

36,5 %

+ 33,02 €

41,97 €

X > 99 238 €

75,33

18,25 %

+ 16,51 €

20,99 €

4 enfants

X = 81 752 €

470,53

114 %

+ 66,04 €

83,93 €

81 752 € < X = 105 077 €

235,27

57 %

+ 33,02 €

41,97 €

X > 105 077 €

117,63

28,5 %

+ 16,51 €

20,99 €

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

En outre, le dernier alinéa de l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale prévoit un mécanisme de lissage afin d'éviter les effets de seuils induits par les plafonds. Un complément dégressif est versé au bénéficiaire dont les ressources dépassent de peu le montant du plafond 14 ( * ) .

B. Le dispositif proposé : la suppression des conditions de ressources pour le calcul du montant

? Le du I du présent article vise à revenir à la rédaction de l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale antérieure au 1 er juillet 2015.

La suppression des troisième, cinquième et sixième alinéas abroge la modulation selon les ressources des allocations familiales, de l'allocation forfaitaire et de la majoration ainsi que le mécanisme de lissage du barème de ressources (voir supra ).

Il est également proposé de supprimer le quatrième alinéa de l'article L. 521-1 qui dispose que le montant des allocations familiales varie selon le nombre d'enfants à charge. Cette précision a été introduite par la LFSS pour 2015. Toutefois, la modulation du montant selon le nombre d'enfants préexistait à la réforme de 2015 sans fondement législatif.

? Comme mentionné supra , pour les départements d'outre-mer, le second alinéa de l'article L. 755-12 du code de la sécurité sociale prévoit que, lorsque la famille n'a qu'un seul enfant à charge, la modulation des allocations familiales selon les ressources du foyer et, naturellement, selon le nombre d'enfants ne s'applique pas. Par coordination, le du I du présent article de la proposition de loi propose de supprimer ce second alinéa de l'article L. 755-12 afin de tirer les conséquences de la suppression de la modulation des allocations familiales au .

Le II prévoit une entrée en vigueur du présent article au 1 er juillet 2022.

II - La position de la commission

A. La modulation selon les ressources du foyer : un dévoiement des allocations familiales

1. L'objectif d'économies budgétaires poursuivi par la modulation des allocations familiales

L'introduction de plafonds de ressources dans la détermination des montants des allocations familiales répondait à un double but. D'une part, il s'agissait de redresser le solde de la branche famille lequel était déficitaire de 2,7 Mds d'euros en 2014. D'autre part, dans un souci de justice sociale, et selon les termes de la députée Marie-Françoise Clergeau, l'amendement proposant cette mesure visait à « concentrer l'effort de solidarité sur les familles les plus aisées » 15 ( * ) .

Comme le rappelle la direction de la sécurité sociale (DSS) entendue en audition par le rapporteur, l'objectif que constituait le redressement des comptes de la branche famille a été rempli. L'économie générée par cette mesure a été estimée à 380 millions d'euros du 1 er juillet 2015 au 1 er décembre 2015 puis 760 millions d'euros pour 2016 , première année pleine d'application de la réforme. Cette réforme a toutefois été menée au détriment des familles et s'est ajoutée à des mesures similaires prises lors de la XIV e législature comme la réduction du plafond du quotient familial. De même, depuis 2017, la politique familiale n'a pas su soutenir avec ambition les familles comme en témoigne la sous-revalorisation de la BMAF en 2019 et en 2020.

Il en résulte une diminution constante de la part de richesse nationale investie sous forme de prestations familiales depuis 2015 (voir graphique infra ).

Évolution de la dépense de prestations familiales de 2000 à 2019 exprimée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) 16 ( * )

Source : Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge 17 ( * )

2. La remise en cause du principe d'universalité des allocations familiales a parachevé la mue de la politique familiale en politique de soutien aux familles les plus précaires

a) Le caractère universel des allocations familiales affaibli par la modulation des montants selon les revenus

Si le décret-loi du 12 novembre 1938 créa les premières allocations familiales décorrélées du salaire et de l'entreprise dont le montant croissait selon la taille de la famille, le caractère universel des allocations familiales fut introduit après la Libération par la loi du 22 août 1946 18 ( * ) . Son article 2 étendit leur bénéfice aux personnes dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle ainsi qu'aux femmes seules élevant deux enfants ou plus. Ce principe d'universalité des allocations familiales fut définitivement consacré, à compter du 1 er janvier 1978, par la loi du 4 juillet 1975 19 ( * ) qui supprima toute condition d'exercice d'une activité professionnelle pour l'ouverture du droit aux prestations familiales.

Les allocations familiales constituaient donc, jusqu'en 2015, et à l'exception de quelques mois en 1998, la prestation qui réalisait le principe d'universalité qui fonde la politique familiale. Cette universalité restait certes imparfaite car les allocations familiales n'ont jamais été versées dans l'Hexagone pour un seul enfant à charge. Toutefois, dès le deuxième enfant, les ménages dans une même situation familiale recevaient un montant identique.

Ainsi que l'a rappelé la DSS et les associations familiales, la modulation des allocations familiales selon le revenu des familles n'a pas stricto sensu abrogé le caractère universel des allocations familiales. Ces dernières continuent d'être versées à toutes les familles éligibles. Il s'agit toutefois d'un universalisme altéré ou de façade tant le montant versé aux familles dont les revenus sont compris dans la troisième tranche du barème est dérisoire : 33,02 € pour deux enfants.

Plus généralement, la modulation des allocations familiales selon les revenus des ménages interroge quant à la possibilité de moduler d'autres prestations jusqu'ici universelles à l'instar des prestations d'assurance maladie. Si cet universalisme progressif ou proportionné venait à s'étendre, c'est tout notre modèle de sécurité sociale qui serait remis en cause.

b) L'introduction d'un objectif de redistribution verticale au détriment de la redistribution horizontale

La politique familiale s'est enrichie de nouveaux objectifs et ne saurait désormais répondre au seul enjeu de soutien à la natalité. La nécessité d'aider particulièrement les familles les plus vulnérables explique la création de prestations sous condition de ressources ou modulées selon les revenus du ménage depuis les années 1970.

Le rapporteur dresse néanmoins le constat que, depuis la LFSS pour 2014, toutes les prestations versées aux familles par la branche sont placées sous condition de ressources, modulées selon les revenus des familles ou bien ciblées sur un public spécifique, à l'exception de la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PrePare) dont les conditions peu appropriées d'octroi et les montants faibles peuvent toutefois expliquer le faible taux de recours.

Prestations

Conditions d'octroi

Nombres de bénéficiaires en 2020 (en milliers) 20 ( * )

PAJE

Prime à la naissance ou à l'adoption

Sous condition de ressources

45

Allocation de base

Sous condition de ressources

1 555

PrePare

Sous certaines conditions de partage du congé et de cessation au moins partielle de l'activité

255

Complément de libre choix du mode de garde

Modulé en fonction des revenus

845

Allocations familiales

Modulées en fonction des revenus à partir du 1 er juillet 2015

5 091

Complément familial

Sous condition de ressources

906

Allocation de soutien familial

Public spécifique

813

Allocation de rentrée scolaire

Sous condition de ressources

3 132

Allocation journalière de présence parentale

Public spécifique

10

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Les réformes de la politique familiale menées en 2014-2015 ont réduit le soutien aux familles les plus aisées et accentué celui en faveur des premiers déciles de revenus ainsi que l'a explicité M. Olivier Thévenon, chercheur à l'OCDE, entendu en audition par le rapporteur. Toutefois, en réduisant les transferts en faveur des familles les plus aisées, la modulation des allocations familiales n'emporte en soi aucun bénéfice pour les familles aux revenus les plus modestes. De plus, certaines catégories de familles demeurent toujours aujourd'hui dans une situation de surexposition à la pauvreté comme les familles les plus nombreuses ainsi que les familles monoparentales, y compris celles n'ayant à charge qu'un seul enfant.

Le rapporteur estime donc que les apports de cette réforme au regard de la solidarité verticale sont loin de compenser la perte de l'objectif de redistribution horizontale assigné historiquement aux allocations familiales. La réforme des allocations familiales a en effet porté atteinte au sens même de cette prestation dont l'objectif premier est de compenser financièrement le coût de l'éducation des enfants. Cette redistribution horizontale témoigne du soutien de la collectivité en faveur des familles avec plusieurs enfants à charge. Au contraire, la modulation a fait porter sur les familles un effort de solidarité qui n'a pas été exigé des ménages aisés sans enfants .

Ce dévoiement du principe sous-tendant l'instauration des allocations familiales comporte un risque plus grand de saper l'acceptabilité de la politique familiale pour les familles concernées par la modulation . Ces dernières peuvent avoir le sentiment paradoxal de contribuer au financement - à travers notamment la contribution sociale généralisée (CSG) - d'une politique toujours universelle mais dont elles sont largement exclues.

B. La nécessité d'assurer les familles du soutien de la collectivité sur le long terme

1. Le contexte préoccupant de chute de la natalité

Auditionnée par le rapporteur, Mme Isabelle Robert-Bobée, cheffe de la division des enquêtes et études démographiques à l'Insee, a rappelé la singularité démographique de la France dans le paysage européen. Celle-ci présente le premier taux de fécondité de l'Union européenne depuis 2012, lequel a résisté à la crise économique de 2008 à la différence de celui des autres pays européens 21 ( * ) . Si cette situation peut être due en partie à l'effort public traditionnellement mis en oeuvre en faveur des familles et de la petite enfance 22 ( * ) , les politiques familiales n'expliqueraient qu'un tiers des différences de taux de fécondité entre pays, comme l'a souligné M.  Olivier Thévenon. Elles jouent donc un rôle important mais leur incidence ne doit pas être surestimée.

La position de tête de la France ne doit pas occulter pour autant la dynamique défavorable de la fécondité depuis maintenant une décennie. Le taux de fécondité conjoncturel, qui oscillait autour de 2,0 sur la période 2005-2015, a diminué constamment pour atteindre 1,82 en 2020. Cette diminution de la fécondité combinée à la diminution du nombre de femmes en âge de procréer explique la chute de 80 000 naissances annuelles entre 2014 et 2020.

L'année 2021 marque toutefois une stabilisation du taux de fécondité à 1,83. En effet, si la crise sanitaire et les confinements successifs ont induit une chute importante de la natalité, celle-ci a été compensée sur toute l'année 2021 grâce à un phénomène de rattrapage. Cependant, comme l'a confirmé Mme Robert-Bobée, rares sont les démographes qui anticipent une remontée durable du taux de fécondité. Au contraire, il y a peu de chance que l'exception française en Europe d'une démographie dynamique perdure indéfiniment.

La diminution de la fécondité en France trouve son origine dans des causes multifactorielles. Toutefois, une même tendance en Europe existe et s'explique structurellement par le report général des naissances à un âge plus avancé des femmes comme le montre le graphique ci-dessous. Cette baisse de la fécondité avant 35 ans s'accompagne d'une remontée des taux de fécondité de 35 à 40 ans voire même après 40 ans depuis récemment. Ce report des naissances n'est toutefois pas complet en raison, notamment, de projets de parentalité qui ne peuvent finalement se réaliser. Cette compensation imparfaite explique en partie que les taux de fécondité ne se stabilisent pas en Europe.

Évolution de l'âge moyen des femmes lors de la naissance de leur premier enfant dans différents pays de l'Europe du Sud

Source : Insee (données Eurostat)

2. Un nouveau souffle nécessaire à la politique familiale

Si aucune étude académique n'a pu à ce jour mettre en lumière une relation de causalité entre la modulation des allocations familiales et la baisse de la natalité en France, cette réforme, en tout état de cause, n'a pas soutenu les familles dans leur choix d'avoir des enfants dans un contexte de diminution de la natalité. Elle a au contraire envoyé un signal nuisible alors qu'il ressort des travaux du rapporteur que l e taux de fécondité pâtit des incertitudes sur l'avenir perçu par les ménages, s'agissant de leur situation, du contexte socio-économique mais aussi des politiques publiques .

La fin de la modulation selon les revenus du foyer constituerait un message souhaitable de soutien aux familles autant qu'il redonnera de la cohérence et de la lisibilité à cette prestation. Cette mesure bénéficierait à plus d'un demi-million de français dont 255 000 qui, aujourd'hui, reçoivent un montant à 50 % du taux plein et 270 100 qui ne reçoivent que 25 % de ce montant 23 ( * ) . En 2022, la branche famille devrait présenter un excédent de 1,7 Md € qui devrait se confirmer dans les années à venir. Le rapporteur estime donc que la suppression de la modulation des allocations familiale, dont le coût annuel est évalué à 830 millions d'euros par la DSS , en se fondant sur les données de 2021, serait donc soutenable pour la branche. En outre, cette proposition de loi facilitera la gestion des allocations familiales dans un contexte de réduction des ressources humaines du réseau des caisses d'allocations familiales (CAF) 24 ( * ) .

Le rapporteur a pleinement conscience que cette proposition de loi ne constitue qu'un premier pas vers une politique familiale ambitieuse et pérenne . Le développement de l'offre d'accueil de la petite enfance et une meilleure politique de conciliation de la vie professionnelle et familiale , dont il ressort des travaux du rapporteur qu'elle présente un impact non négligeable sur la fécondité, sont autant de chantiers qu'il convient d'engager. En outre, d'autres politiques comme la politique du logement ou de l'emploi, permettant d'assurer les conditions de sécurité nécessaires aux familles pour envisager leur projet parental, doivent être mobilisées.

La commission a adopté un amendement n° COM-2 du rapporteur visant à maintenir à l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale le principe selon lequel le montant des allocations familiales varie selon le nombre d'enfant. Elle a également adopté un amendement n° COM-3 du rapporteur visant remplacer l'entrée en vigueur au 1 er juillet 2022 de la proposition de loi par une entrée en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard un an après la promulgation de la loi.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2
Gage

Cet article gage les conséquences financières de l'adoption de la présente proposition de loi sur les finances des organismes de sécurité sociale sur une augmentation de la fiscalité sur les produits du tabac.

La commission a adopté cet article sans modification.

*

Enfin, la commission a adopté l'amendement COM-4 du rapporteur apportant une modification à l'intitulé de la proposition de loi.

Les associations familiales tout comme la DSS ont rappelé aux cours des travaux du rapporteur que, dans la mesure où elles continuent à être versées à toutes les familles dès le deuxième enfant à charge, il serait imprécis d'affirmer que les allocations familiales sont dépourvues de tout caractère universel. Cette universalité ne saurait toutefois être parfaite et réelle depuis 2015 ainsi qu'il a été indiqué supra .

Dès lors, alors que l'intitulé de la proposition - redonner un caractère universel aux allocations familiales - peut porter à confusion, l'amendement du rapporteur adopté par la commission renomme le texte : proposition de loi tendant à renforcer l'universalité des allocations familiales .

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le mercredi 26 janvier 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport de M. Olivier Henno, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 181, 2021-2022) tendant à redonner un caractère universel aux allocations familiales.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous examinons maintenant le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi tendant à redonner un caractère universel aux allocations familiales.

M. Olivier Henno , auteur de la proposition de loi, rapporteur . - Le groupe Union Centriste a inscrit à l'ordre du jour de son espace réservé du 2 février la proposition de loi tendant à redonner aux allocations familiales un caractère universel.

Ce texte, que j'ai déposé avec plusieurs de mes collègues, vise à supprimer la modulation des allocations familiales selon le revenu de la famille, en vigueur depuis six ans.

Avant toute chose, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.

Je considère qu'il comprend des dispositions relatives aux conditions d'attribution des allocations familiales et aux modalités de détermination et de versement du montant de ces allocations. En revanche, j'estime que des amendements relatifs aux conditions d'attribution, de calcul et de versement des prestations familiales et sociales hors celles concernant les allocations familiales, aux aides fiscales destinées à favoriser les familles, aux congés parentaux et à l'organisation des modes d'accueil de la petite enfance ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé. De tels amendements seraient donc déclarés irrecevables par notre commission en application de l'article 45 de la Constitution.

Les allocations familiales constituent la prestation historique de la branche famille. Alors que les conséquences démographiques de la Première Guerre mondiale avaient rendu indispensable une politique nataliste, la loi Landry du 11 mars 1932 obligea le versement d'allocations familiales par les entreprises, puis le décret-loi du 12 novembre 1938 les rendit indépendantes de l'entreprise et du salaire de l'employé. Le caractère universel des allocations familiales fut affirmé une première fois après la Libération par la loi du 22 août 1946, puis définitivement consacré par la loi du 4 juillet 1975 qui supprima toute condition d'activité professionnelle pour l'ouverture des droits aux prestations familiales.

Les allocations familiales ne constituent plus aujourd'hui la moitié des dépenses de la sécurité sociale, comme ce fut le cas après la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, en représentant 12,7 milliards d'euros en 2020, soit 41 % des dépenses de prestations légales de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), elles demeurent une prestation majeure versée à près de 5,1 millions de familles.

Leurs conditions d'attribution nous sont bien familières. Les allocations sont versées à partir du deuxième enfant aux personnes ayant la charge d'enfants de moins de 20 ans, à l'exception des départements et régions d'outre-mer dans lesquels les allocations familiales sont ouvertes dès le premier enfant. Les montants à taux plein sont de 132 euros pour deux enfants à charge, 301 euros pour trois enfants et 470 euros pour quatre.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, au travers d'un amendement parlementaire à l'Assemblée nationale, a introduit à compter du 1 er juillet 2015 une modulation des allocations familiales selon les revenus de la famille. Cette modulation concerne tant le montant des allocations familiales que celui de la majoration versée pour les enfants de plus de 14 ans et enfin celui de l'allocation forfaitaire accordée lorsqu'un enfant à charge atteint l'âge limite de 20 ans.

Les allocations familiales suivent désormais un barème à trois tranches de revenu. Le montant de l'allocation est ainsi divisé par deux pour les familles dont les ressources se trouvent à l'échelon intermédiaire - soit 255 000 foyers en 2020 - et par quatre pour les plus hauts revenus - soit 270 000 foyers. Un mécanisme de lissage permet d'éviter les effets de seuil pour les familles dont les ressources dépassent de très peu le montant d'un plafond. Toutefois, cette modulation ne prend pas en compte les événements récents pouvant affecter les ressources des ménages puisque les revenus nets retenus sont, jusqu'à présent, ceux de l'année n-2.

La modulation des allocations familiales selon les revenus des familles n'a donc pas stricto sensu abrogé le caractère universel des allocations familiales. Ces dernières continuent d'être versées à toutes les familles éligibles. Afin de ne pas induire en erreur le débat sur cette question fondamentale, je vous proposerai d'ailleurs un amendement visant à rectifier en ce sens l'intitulé de la proposition de loi.

Il est tout de même évident que la réforme de 2014-2015 a altéré l'universalité qui fondait les allocations familiales. Ce caractère universel n'est plus que de façade, tant le montant pouvant être versé à certaines familles est dérisoire. Il s'agit par exemple d'une somme de 33 euros pour deux enfants à charge dans la mesure où les ressources du foyer se situent dans la troisième tranche du barème.

Il ne s'agit pas là seulement d'une entorse à un principe historique. Cette modulation, je le crois, a dévoyé le sens des allocations familiales, emportant avec elle des conséquences nuisibles. Les allocations familiales ont été conçues pour soutenir l'ambition de redistribution horizontale de la politique familiale. Un foyer reçoit une prestation qui doit objectivement compenser une partie du coût de l'éducation de ses enfants, témoignant ainsi de la solidarité de la collectivité pour les familles.

Au contraire, l'introduction d'une logique de redistribution verticale au sein des allocations familiales a brouillé les objectifs assignés à cette prestation. En réduisant à peau de chagrin la redistribution horizontale opérée, la modulation du montant a consacré définitivement la mue de la politique familiale en une seule politique de soutien aux familles les plus précaires.

Il ne s'agit pas là de nier les nouveaux enjeux que la politique familiale doit relever. Depuis les années 1970, la nécessité d'aider particulièrement les familles les plus vulnérables explique la création de prestations sous condition de ressources ou modulées selon les revenus du ménage. Complément familial, allocation de rentrée scolaire (ARS), prime à la naissance ou l'adoption, allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) : nombreuses sont les prestations qui ciblent les familles aux revenus les plus modestes ou les publics spécifiques.

Néanmoins, la modulation des allocations familiales n'a pas répondu à l'enjeu d'aider les familles les plus fragiles puisque cette mesure en soi ne comporte aucun bénéfice pour ces foyers. En diminuant le montant versé à plus de 10 % des bénéficiaires, elle a poursuivi avant tout un objectif assumé d'économies budgétaires. Dès 2016, première année pleine d'entrée en vigueur de la réforme, 760 millions d'euros ont été économisés au détriment des familles. D'autres mesures d'économies se sont d'ailleurs ajoutées à celles-ci comme la réduction du plafond du quotient familial ou bien, plus récemment, la sous-revalorisation des prestations familiales en 2019 et 2020.

Le dévoiement de la raison d'être des allocations familiales comporte, je le crois, un risque non négligeable de miner l'acceptabilité de la politique familiale pour les familles concernées par la modulation. Ces dernières peuvent avoir le sentiment paradoxal de contribuer au financement - au travers, notamment, de la contribution sociale généralisée (CSG) - d'une politique toujours universelle, mais dont elles sont largement exclues.

Plus généralement, la modulation des allocations familiales selon les revenus des ménages soulève des interrogations quant à la possibilité de moduler d'autres prestations jusqu'à présent universelles à l'instar des prestations d'assurance maladie. Si cet universalisme progressif venait à s'étendre, tout notre modèle de sécurité sociale pourrait être remis en cause.

Cette proposition de loi, qui entend supprimer la modulation des allocations familiales selon les ressources du foyer, s'inscrit aussi dans le contexte préoccupant de la natalité que connaît notre pays.

L'exception démographique en Europe que constitue encore la France ne doit pas occulter la dynamique défavorable de la fécondité. Le taux de fécondité conjoncturel, qui oscillait autour de 2 sur la période 2005-2015, a diminué constamment pour atteindre 1,82 enfant par femme en 2020. Ce déclin combiné à la diminution du nombre de femmes en âge de procréer provoque une chute de 80 000 naissances annuelles entre 2014 et 2020. Si l'année 2021 marque une stabilisation du taux de fécondité à 1,83 en raison d'un phénomène de rattrapage suivant la baisse des naissances induites par la crise sanitaire et les confinements successifs, l'Insee nous a confirmé que les chances d'une remontée durable du taux de fécondité étaient faibles.

Certes, aucune étude n'a pu mettre en évidence un lien entre la modulation des allocations familiales et la chute de la fécondité observée depuis quelques années. L'impact d'une mesure isolée de la politique familiale est, en tout état de cause, difficile à mesurer et les seules considérations financières ne suffisent pas à déterminer le choix des familles dans leur projet de parentalité.

Toutefois, je suis convaincu que cette mesure est un mauvais signal quant à une réorientation de la politique familiale. Il convient au contraire, dans cette période de chute de la natalité, d'assurer les familles du soutien de la collectivité pour dissiper les doutes et les inquiétudes qu'elles peuvent avoir.

Pour toutes ces raisons, l'article 1 er de cette proposition de loi, que je vous propose d'adopter, vise à supprimer la modulation des allocations familiales selon le revenu de la famille. Cette mesure, dont le coût budgétaire est estimé à 830 millions euros, est soutenable pour la branche famille, qui, en 2022, devrait être excédentaire de plus de 1,7 milliard d'euros. Comme toutes les dépenses en faveur de la famille, il convient de la considérer avant tout comme un investissement pour l'avenir.

Je vous proposerai d'adopter à cet article un amendement prévoyant l'entrée en vigueur de cette suppression à une date fixée par décret dans un délai d'un an suivant la promulgation de la loi. L'article 2 constitue le gage de la proposition de loi afin d'en assurer la recevabilité.

Par cette proposition de loi, je vous propose donc de soutenir les familles et de réaffirmer l'engagement de la société à leurs côtés. De nombreux chantiers restent, bien entendu, à engager, qu'il s'agisse de développer davantage l'offre d'accueil de la petite enfance ou de favoriser une meilleure conciliation de la vie professionnelle et familiale au moyen de congés parentaux adéquats. En outre, si nous souhaitons relancer notre natalité, d'autres politiques comme la politique du logement ou de l'emploi, permettant de sécuriser l'avenir des familles avant la réalisation de leur projet de parentalité, doivent être mobilisées.

Revenir sur la modulation selon le revenu des allocations familiales ne constitue donc qu'une première étape, mais une étape indispensable pour amorcer le second souffle dont la politique familiale a tant besoin.

Mme Laurence Rossignol . - Le rapporteur a raison de dire que l'objectif de la réforme instaurant la modulation des allocations familiales était purement budgétaire. Elle est intervenue en effet dans un contexte marqué par un relatif consensus sur la question de la réduction des dépenses publiques, notamment sociales, à l'oeuvre depuis quinze ans au sein des gouvernements successifs.

La modulation des allocations familiales est apparue à ce titre comme la réforme d'économie la plus indolore et la moins injuste. La réduction aux trois quarts des allocations familiales concerne ainsi la tranche des ménages présentant un revenu supérieur à 8 000 euros, et leur réduction à 50 % la tranche des ménages dont le revenu est supérieur à 6 000 euros. Au total, 10 % des bénéficiaires des allocations familiales ont vu leurs allocations familiales baisser.

Par ailleurs, si le maintien d'une allocation de 33 euros pour un ménage ayant deux enfants et disposant de 8 000 euros de revenu peut paraître un peu ridicule, une allocation de 120 euros représente également une somme négligeable dans son budget

La suppression de la modulation des allocations familiales n'émane pas en réalité d'une demande des familles. Cette réforme a été globalement soutenue dans les enquêtes d'opinion. En revanche, sa suppression est une demande forte de l'Union nationale des associations familiales (UNAF), qui s'est toujours inquiétée des conséquences philosophiques qu'elle pouvait entraîner sur la politique familiale.

Je souhaite revenir sur l'idée selon laquelle cette réforme porterait atteinte à l'acceptabilité de la politique familiale, au motif que toutes les familles ne recevraient pas des allocations d'un même montant alors que toutes cotisent. Toutes les autres prestations sous condition de ressources fonctionnent de cette façon.

De plus, les ménages aisés aspirent davantage à une politique familiale qui soit une véritable politique d'aide à l'accueil des jeunes enfants plutôt qu'une politique de prestations financières. Tous les ménages bénéficient ainsi du complément de libre choix du mode de garde (CMG) et des aides des caisses d'allocations familiales (CAF) à la création de places d'accueil de jeunes enfants, qui constituent, à mon sens, le facteur le plus important de justice et d'équilibre entre les différents cotisants.

Ensuite, il n'y a pas de lien entre la modulation des allocations familiales et la baisse de la natalité, laquelle touche l'ensemble des pays développés. En réalité, ce qui compte, ce sont les facilités pour les parents d'accueillir un enfant, c'est la conciliation avec la vie professionnelle, ce sont les modes de garde - et les enquêtes montrent que le choix des parents d'avoir ou non un enfant n'est pas fonction de cette modulation.

Par comparaison, l'allocation au premier enfant représente un véritable enjeu. De même, nous devrions avancer sur l'extension du complément de mode de garde au-delà de 6 ans, surtout pour les familles monoparentales.

Vous l'aurez compris, nous ne voterons pas cette proposition de loi.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Au Sénat, nous nous sommes déjà déclarés favorables au caractère universel des allocations familiales, et je remercie Olivier Henno pour sa proposition, que je voterai. J'ai récemment lu un livre de Léon Régent, qui propose l'instauration d'une allocation au premier enfant, en soulignant en particulier les avantages de simplification pour l'accès aux autres prestations, nombreuses, qui relèvent de la branche famille : qu'en pensez-vous ? Cette allocation au premier enfant améliorerait aussi la justice distributive, à laquelle la modulation prétend répondre. Je crois que nous devrions examiner une telle piste - mais en tout état de cause, cette proposition de loi mérite des compléments.

Mme Laurence Cohen . - Le groupe CRCE s'est opposé à la modulation des allocations familiales, nous y avons dénoncé une remise en cause de l'universalité de la protection sociale. Nous pensons donc que ce texte va dans le bon sens. Les allocations familiales ont un effet de redistribution horizontale, sans considération du milieu social ni des ressources. C'est pourquoi nous avions critiqué la réforme conduite par Laurence Rossignol, qui a divisé les familles entre elles et confondu l'objectif d'une aide ciblée sur les enfants avec celui de l'aide sociale via la redistribution des ressources.

Cependant, ce texte supprime la modulation à partir du troisième enfant. Il semble que l'allocation n'est alors pas la même selon l'ordre des enfants : n'est-ce pas contraire à la philosophie que notre rapporteur nous a présentée ?

Sur le financement, ensuite, on se souvient que la suppression de la part patronale de la branche famille, entraînant un manque à gagner de 50 milliards d'euros par an, a nécessité la mise en place d'une compensation via la CSG et une part de TVA. Comment le rétablissement de l'universalité des allocations familiales sera-t-il financé ? En attendant des réponses à ces questions, notre groupe s'abstiendra, et nous nous positionnerons en fonction des réponses que le rapporteur nous donnera.

Mme Corinne Féret . - Je redis que notre groupe ne soutiendra pas ce texte. D'abord, aucune étude ne démontre que la modulation des allocations familiales ait une incidence sur la natalité. Celle-ci évolue en fonction de facteurs très nombreux et bien plus massifs, avec, par exemple, le recul de l'âge auquel les femmes ont leur premier enfant, les modes de garde, la répartition des tâches familiales, la garantie de retrouver son emploi après une grossesse, ou encore de trouver un logement adéquat quand la famille s'agrandit. C'est sur tous ces plans qu'il nous faut conduire une politique active pour aviver le désir d'enfant, informer des facilités de garde, des droits à conserver son emploi, en développant un véritable service public de la petite enfance, ou encore en encourageant une meilleure répartition des tâches dans le couple. Il nous faut également aider les familles qui en ont le plus besoin : tel est l'objet de l'allocation de rentrée scolaire, par exemple, qui cible les familles aux revenus les plus modestes.

Je m'étonne de que votre intervention ait affirmé, que la modulation des allocations familiales conduirait à s'interroger sur la possibilité de moduler d'autres prestations qui sont universelles, remettant ainsi en cause notre modèle social : il n'en a pas du tout été question dans la réforme ayant entraîné la modulation. Ce commentaire est tout à fait hors sujet et je ne comprends pas qu'il figure dans votre rapport.

Enfin, dès lors que vous passez par une proposition de loi, vous ne produisez pas d'étude d'impact, alors qu'il faut chiffrer une telle mesure. Pour le dire autrement, une telle décision mérite un travail plus approfondi.

M. Philippe Mouiller . - Je félicite le rapporteur pour son travail, et remercie l'auteur de ce texte d'avoir remis ce sujet sur le métier. Notre famille politique est très favorable à l'universalité des allocations familiales. Nous avons combattu la modulation parce qu'elle exclut des familles plutôt que de se centrer sur l'enfant - nous pensons, nous, que le principe général des politiques familiales, c'est de se focaliser sur l'enfant.

J'entends les remarques sur l'absence de lien entre les allocations familiales modulées pour une partie des familles et l'évolution de la natalité . Cependant, nous constatons que la natalité diminue depuis que cette modulation a été introduite. Si les facteurs expliquant cette évolution de la natalité sont nombreux, nous pensons que les allocations familiales ont un impact, même difficile à mesurer, mais un impact certain.

M. Olivier Henno , rapporteur . - Comme vous le savez, les propositions de loi ne sont pas concernées par une obligation d'étude d'impact. Le coût du rétablissement de l'universalité est toutefois évalué autour de 830 millions d'euros par la direction de la sécurité sociale. Je rappelle d'ailleurs que la modulation des allocations familiales avait été portée par un amendement au PLFSS pour 2015 qui n'était donc pas accompagné d'une étude d'impact. Vous évoquez le seuil de 8 000 euros, Mme Rossignol, mais cela concerne le second plafond du barème de ressources. Le premier plafond à partir duquel les allocations sont modulées à 50 % est fixé à environ 5 800 euros pour deux enfants à charge. En réalité, nous ne faisons que revenir sur la modulation d'une seule allocation de la branche famille pour la remettre dans le giron de l'universalité. De nombreuses autres prestations demeurent modulées selon les revenus ou placées sous condition de ressources.

Ensuite, je suis convaincu que ce texte aura un impact sur la natalité, certes difficile à mesurer, mais l'incidence existe. C'est une motivation supplémentaire de ce texte.

Le versement des allocations familiales dès le premier enfant existe seulement outre-mer, cette proposition de loi n'a pas vocation à l'étendre à l'Hexagone. Elle n'a pas non plus vocation à écrire une nouvelle politique familiale. Nous nous contentons de corriger ce qui nous semble être une erreur en revenant à la situation antérieure à 2015. Cela ne nous empêche pas de penser, comme d'autres ici, qu'il faille refonder la politique familiale : les modes de garde, l'allocation au premier enfant, tous les sujets devront être sur la table. Ils relèveront d'un prochain projet de financement de la sécurité sociale, et non de cette proposition de loi.

Vous avez raison de poser la question, Mme Cohen, s'agissant de la variation des allocations familiales selon le nombre d'enfants. Cette variation est tout à fait pertinente et je m'apprête à vous proposer un amendement rédactionnel pour corriger l'erreur matérielle qui figure dans le texte. Quant à votre question sur le financement de la branche famille, la réponse relève effectivement de la loi de financement de la sécurité sociale. Toutefois, s'agissant du financement de cette proposition de loi, je rappelle que la branche est excédentaire et que le surcoût de dépenses serait soutenable.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Olivier Henno , rapporteur . - Avec l'amendement COM-2 , je vous propose de corriger une erreur rédactionnelle, et de maintenir inchangée la variation des allocations familiales selon le nombre d'enfants à charge.

L'amendement COM-2 est adopté.

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'amendement COM-3 vous propose que le texte entre en vigueur non pas au 1 er juillet prochain, mais à une date fixée par décret au plus tard un an après la promulgation.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 1 er

L'amendement COM-1 rectifié bis est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Intitulé de la proposition de loi

M. Olivier Henno , rapporteur . - Avec l'amendement COM-4, je vous propose par souci d'exactitude, de bien signifier, dans l'intitulé du texte, qu'il s'agit de renforcer l'universalité des allocations familiales plus que de leur redonner un caractère universel.

L'amendement COM-4 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Suppression de la modulation du montant des allocations familiales selon les ressources du foyer

M. HENNO, rapporteur

2

Maintien de la variation du montant des allocations familiales selon le nombre d'enfants à charge

Adopté

M. HENNO, rapporteur

3

Entrée en vigueur de la loi à une date fixée par décret dans un délai d'un an suivant la promulgation de la présente loi

Adopté

Article additionnel après l'article 1 er

M. SAVARY

1 rect. bis

Mise en place d'un versement sous la forme d'un titre spécial de paiement de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) et de la prime à la naissance ou à l'adoption de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE)

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Proposition de loi tendant à redonner un caractère universel aux allocations familiales

M. HENNO, rapporteur

4

Modification de l'intitulé du texte tenant compte du caractère universel des allocations familiales modulées

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

PROPOSITION DE LOI N° 181 (2021-2022) TENDANT À REDONNER UN CARACTÈRE UNIVERSEL AUX ALLOCATIONS FAMILIALES

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 25 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 26 ( * ) .
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 27 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 26 janvier 2022, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 181 (2021-2022) tendant à redonner un caractère universel aux allocations familiales.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives aux conditions d'attribution des allocations familiales et aux modalités de détermination et de versement du montant de ces allocations.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé , des amendements relatifs :

- aux conditions d'attribution, de calcul et de versement des prestations familiales et sociales hors celles relatives aux allocations familiales ;

- aux aides fiscales destinées à favoriser les familles ;

- aux congés parentaux ;

- à l'organisation des modes d'accueil de la petite enfance.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

___________

• Union nationale des associations familiales (UNAF)

Marie-Andrée Blanc, présidente

Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

• Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL)

Julien Léonard , président

• Make Mothers Matter France (MMMFrance)

Jocelyne Le Pivain , présidente

Marie Laure Gagey des Brosses , porte-parole

• Fédération nationale Familles de France

Chantal Huet , présidente

Laurent Clévenot, administrateur national et président du pôle politique familiale

• Confédération syndicale des familles (CSF)

Johan Jousseaume , secrétaire confédéral, responsable de l'éducation et la parentalité

• Union des familles laïques (UFAL)

Nicolas Pommies , membre du bureau national

• Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC)

Pierric Mallie-Arcelin , directeur général

François Marie Duthoit , responsable secteur politique familiale

• Direction de la sécurité sociale (DSS)

Marion Muscat, adjointe à la sous-directrice de l'accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail (SD2)

Anouk Canet, cheffe du bureau des prestations familiales et aides au logement

Jeanne Boiffin, chargée de mission au bureau des prestations familiales et des aides au logement

Louis Clerc, stagiaire au sein du bureau des prestations familiales et aides au logement

• Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)

Isabelle Robert-Bobée , cheffe de la division des enquêtes et études démographiques

• Olivier Thevenon, chercheur à l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

LA LOI EN CONSTRUCTION

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Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-181.html


* 1 Article L. 521-2 du code de la sécurité sociale.

* 2 Article L. 512-3 et R. 512-2 du code de la sécurité sociale.

* 3 Conformément à l'article L.  551-1 du code de la sécurité sociale.

* 4 L'article D. 521-1 du code de la sécurité sociale fixe ces taux.

* 5 Le montant de la BMAF fixé par l'instruction N° DSS/2B/2021/65 du 19 mars 2021 s'élève à 414,81 €.

* 6 Article L. 755-11 du code de la sécurité sociale.

* 7 Ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l'extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte.

* 8 L'article 7 du décret modifié par le décret n° 2017-1788 du 27 décembre 2017 relatif aux prestations familiales à Mayotte prévoit les proportions de la BMAF applicables.

* 9 La loi n°97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait placé sous condition de ressources les versements des allocations familiales. Cette disposition avait été abrogée par la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.

* 10 Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015.

* 11 Le troisième alinéa de l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale prévoit désormais que les montants des allocations familiales, de l'allocation forfaitaire et de la majoration liée à l'âge des enfants varient en fonction des ressources du ménage ou de la personne qui a la charge des enfants selon un barème défini par décret.

* 12 Il s'agit du revenu net catégoriel de l'année n-2 c'est-à-dire le revenu diminué des charges (pensions alimentaires, frais d'accueil des personnes âgées) et abattements fiscaux.

* 13 Arrêté du 16 décembre 2021 relatif aux plafonds de ressources de certaines prestations familiales.

* 14 En l'occurrence, si les revenus annuels excédent le plafond de ressource d'une somme inférieure à douze fois le montant mensuel des allocations familiales augmenté, le cas échéant, de la majoration pour âge, le bénéficiaire se voit verser chaque mois un montant égal au douzième de la différence entre le plafond majoré de cette somme et ses revenus.

* 15 JORF, compte rendu intégral de la 3e séance du vendredi 24 octobre 2014 de l'Assemblée nationale.

* 16 Le graphique distingue l'évolution selon que les allocations de logement familial (ALF), qui ne relèvent plus de la branche famille depuis 2016, sont intégrées ou non.

* 17 HCFEA, L'évolution des dépenses sociales et fiscales consacrées aux enfants à charge au titre de la politique familiale, 30 mars 2021.

* 18 Loi n° 46-1835 du 22 août 1946 fixant le régime des prestations familiales.

* 19 Loi n° 75-574 du 4 juillet 1975 tendant à la généralisation de la sécurité sociale.

* 20 Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale annexé au PLFSS 2022.

* 21 Papon S., « La fécondité en France a résisté à la crise économique de 2008, contrairement à la plupart de ses voisins », Insee focus n°240, juin 2021

* 22 En 2018, en France, selon la comptabilité retenue par l'OCDE, la part de la richesse nationale dépensée en prestations familiales (2,85 % du PIB) est plus élevée que la moyenne des pays de l'OCDE (2,12 %).

* 23 Selon les chiffres de la Cnaf au 30 juin 2020.

* 24 Selon les données de la Cnaf, 92 ETP avaient été recrutés pour la gestion de la modulation des allocations familiales selon les revenus.

* 25 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 26 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 27 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

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