C. UNE NÉCESSAIRE VIGILANCE CONCERNANT LA COUR NATIONALE DU DROIT D'ASILE DU FAIT DE L'ACCROISSEMENT DE SON ACTIVITÉ JURIDICTIONNELLE
1. Une stabilisation des moyens accordés à la CNDA en PLF 2022 malgré une activité toujours croissante
a) L'activité de la CNDA, conséquence des traitements en première instance, continue à augmenter
L'augmentation du nombre d'affaires entrantes s'inscrit dans une tendance durable depuis 2008. La Cour a ainsi triplé sa capacité de jugement en 10 ans, période pendant laquelle les affaires entrantes ont cru de 115 %.
En effet, la CNDA est confrontée année après année à un niveau soutenu du contentieux de l'asile : de 2009 à 2019, la progression du contentieux s'est élevée à près de 140 %. Après une année 2020 marquée par le confinement et une évolution des entrées non significative (- 37 %), les entrées pour 2021 devraient se situer entre 65 000 et 75 000, soit une augmentation de 10 % à 27 % par rapport à l'année 2019.
Évolution du nombre d'affaires enregistrées par la CNDA
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La CNDA ne dispose par ailleurs d'aucun pouvoir d'autorégulation de son activité juridictionnelle , celle-ci étant la conséquence mécanique, d'une part du nombre fluctuant de demandeurs d'asile qui se présentent en France selon les événements géopolitiques mondiaux et d'autre part du rythme d'activité et du taux d'admission de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dont la CNDA est juge en premier et dernier ressort et pour lequel le taux élevé de recours est généralement élevé (84,9 % en 2019).
b) Une stabilisation des crédits demandés par la CNDA en PLF 2022
L'accroissement considérable du contentieux de l'asile a par le passé entraîné une augmentation régulière du plafond d'emplois du programme 165 afin de faire face au nombre de requêtes déposées devant la CNDA .
Toutefois, les crédits accordés à la CNDA se stabilisent progressivement. En PLF 2022, l'action 7 - Cour nationale du droit d'asile augmenterait de 1,8 % seulement, soit 46,15 millions d'euros contre 45,3 millions en 2021.
La CNDA a bénéficié de 90 % des créations d'emplois du programme 165 entre 2015 et 2020. L'effectif de la CNDA dépasse depuis 2019 l'ensemble des effectifs des 8 cours administratives d'appel réunies. Toutefois, aucune création d'emploi de magistrat ou d'agent n'a été accordée en 2021 à la CNDA, et ce sera de nouveau le cas en 2022 . Cependant, suite aux difficultés de recrutement liés à la crise sanitaire en 2020, la CNDA a bénéficié d'un report de 45 ETP qui ont permis, dès le début 2021 , de combler les postes encore vacants.
La CNDA peut désormais traiter environ 90 000 affaires par an , ce qui suppose que le nombre d'affaires réglées par an par rapporteur et par agent de greffe évolue aux alentours de 265 pour les rapporteurs et 290 pour les agents de greffe.
2. Un effort de limitation des délais de jugement devant être encouragé et poursuivi
a) Plusieurs réformes ont tenté de limiter les délais de jugement
Conséquence mécanique de l'accroissement des recours devant la juridiction, le délai moyen de jugement était en progression constante au cours de la dernière décennie. Il décroît toutefois nettement grâce à diverses mesures mises en place depuis 2015.
Le principal enjeu de la Cour réside toujours dans la poursuite de la mise en oeuvre de la réforme du droit d'asile résultant des lois n° 2015-925 du 29 juillet 2015 2 ( * ) et n° 2018-778 du 10 septembre 2018 3 ( * ) . Celle-ci a instauré des délais de jugement selon le type de procédure, qui ne doivent pas dépasser cinq mois pour les procédures ordinaires et cinq semaines pour les procédures accélérées .
Avant la crise sanitaire, les moyens accrus de la Cour lui avaient permis de rendre plus de décisions que de recours enregistrés. Au-delà de ce taux de couverture positif (112 %) , la Cour a fait porter ses efforts sur le jugement des affaires dont l'ancienneté dépassait un an, affaires relevant majoritairement d'un jugement en audience collégiale.
L'amélioration des conditions matérielles du traitement des dossiers est prévue par la poursuite du développement d'un logiciel d'aide à l'enrôlement qui permettra de rationaliser la convocation de tous les acteurs participant aux audiences et de réduire les renvois d'audience.
Enfin, un récent décret 4 ( * ) , entré en vigueur le 1 er avril 2021, permet l'utilisation de l'application Télérecours, à titre facultatif, par les avocats plaidant devant la Cour nationale du droit d'asile. Si les avocats se saisissent de cet outil, l'application devrait permettre de poursuivre l'amélioration de l'efficience des procédures.
b) Un impact de la crise sanitaire sur le stock d'affaires qui n'est pas encore résorbé
Contrairement aux juridictions administratives de droit commun, le premier confinement a entraîné un arrêt total de la CNDA qui n'a pu reprendre une activité complète qu'à partir du mois d'août. Les assesseurs siégeant aux côtés des magistrats étant fréquemment des personnes vulnérables car le plus souvent des magistrats ou juristes à la retraite ou non situées en région parisienne, ils ne pouvaient être de retour dès mai 2020 et pendant le deuxième confinement. La reprise à l'été 2020 a donc été orientée vers les formations à juge unique , c'est-à-dire vers les procédures accélérées. En outre, la grève des avocats contre la réforme des retraites avait empêché la CNDA de tenir audience au début 2020.
En conséquence, les délais moyens de jugement en 2020 sont fortement supérieurs à ceux constatés en 2019 , mettant fin à la dynamique de réduction en cours.
Concernant les procédures ordinaires, le délai moyen de jugement était de neuf mois et vingt jours en 2019, contre quinze mois en 2010. Les délais moyens constatés pour 2020 sont de onze mois pour les procédures ordinaires et vingt semaines pour les procédures accélérées, soit respectivement six mois et quinze semaines de plus par rapport à la prévision pour 2020.
c) Malgré une nette amélioration, des délais qui demeurent importants en 2021
Le délai moyen constaté était de 12 mois et 27 jours en 2010. À la fin de l'année 2019, il était de 9 mois et 20 jours pour les procédures normales , de 3 mois et 29 jours pour les procédures accélérées. Malgré cela, le stock d'affaires a continué à progresser (29 495 dossiers fin 2019 contre 36 868 fin 2018).
Cependant, malgré la hausse continue et importante des entrées, les délais de jugement sont toujours en deçà de ce qu'a pu connaître la Cour par le passé (8 mois et 8 jours fin 2020).
Les objectifs pour 2021 sont de retrouver les délais constatés fin 2019 pour les procédures normales (9 mois et 20 jours), et de conserver celui atteint pour les procédures accélérées (16 semaines).
Le rapporteur spécial espère que ces prévisions seront réalistes, et insiste sur la nécessité d'un retour à une trajectoire de déstockage telle que mise en place avant la crise sanitaire.
* 2 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.
* 3 Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
* 4 Décret n° 2021-274 du 11 mars 2021 relatif à l'utilisation des téléprocédures devant la Cour nationale du droit d'asile.