TITRE III

MIEUX ACCOMPAGNER CERTAINS PUBLICS, NOTAMMENT VULNÉRABLES, ET LUTTER CONTRE LA DÉSINSERTION PROFESSIONNELLE

Article 14
Création d'une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle au sein des SPSTI

Cet article vise à doter tous les services de prévention et de santé au travail interentreprises d'une cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle.

La commission a modifié cet article afin de prévoir des garanties sur la composition et la coordination de cette cellule. Elle a également introduit la possibilité de mutualiser la cellule entre plusieurs SPSTI et supprimé la notion superfétatoire de plan de retour au travail.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I - Le dispositif proposé

A. Un thème mobilisant de multiples intervenants, parmi lesquels les SST

La prévention de la désinsertion professionnelle (PDP), qui n'a pas de définition légale, a une acception proche de celle du maintien en emploi . Il s'agit des actions qui ont pour objectif de permettre à des personnes dont les problèmes de santé ou le handicap restreignent l'aptitude professionnelle de rester en activité ou de la reprendre, soit par maintien dans l'emploi, soit par changement d'activité ou d'emploi. En outre, le terme de prévention de la désinsertion professionnelle prend en compte la nécessaire continuité entre les différents niveaux de prévention (primaire, secondaire et tertiaire).

Selon l'IGAS, entre 1 et 2 millions de salariés sont, à un moment donné, exposés à court ou moyen terme au risque de désinsertion professionnelle 122 ( * ) .

Dans le prolongement des orientations du Conseil d'orientation des conditions de travail (COCT), le troisième plan santé au travail (PST 3) consacre à ce sujet un objectif opérationnel à part entière intitulé « Prévenir la désinsertion professionnelle et maintenir en emploi » décliné en quatre actions :

- améliorer la lisibilité et l'accessibilité aux droits pour les travailleurs en risque de désinsertion professionnelle ;

- mettre en place une offre régionale coordonnée d'accompagnement des travailleurs et des entreprises ;

- élaborer des solutions permettant le maintien en emploi des travailleurs atteints de maladies chroniques évolutives ;

- développer, mobiliser et diffuser les connaissances et les outils concourant au maintien en emploi.

Ce plan a conduit à la mise en oeuvre de mesures telles que la cartographie du maintien en emploi conçue par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et ses partenaires de la convention multipartite pour l'emploi des personnes en situation de handicap. Des actions visant à mieux connaître le risque de désinsertion professionnelle et ses causes ont également été engagées.

La prévention de la désinsertion professionnelle fait partie, depuis 2011 123 ( * ) , des objectifs de la mission de conseil aux employeurs, aux salariés et à leurs représentants des services de santé au travail (SST) énumérés à l'article L. 4622-2 du code du travail. Cette mission est généralement déclinée dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) que les SST doivent conclure avec la DREETS et la CARSAT.

Il s'agit également d'une priorité affichée des branches AT-MP et maladie . Les COG maladie et AT-MP contiennent ainsi des engagements tendant à renforcer les relations avec les SST à des fins de repérage des salariés en risque de désinsertion professionnelle. Dans ce cadre, la CNAM a lancé en février 2020, dans cinq territoires, une expérimentation reposant sur le triptyque services sociaux de l'assurance maladie, services médicaux et SST, visant à identifier très précocement les personnes à haut risque de désinsertion professionnelle. Les caisses locales de sécurité sociale (CARSAT et CPAM) disposent en outre de cellules PDP avec des organisations variables.

Enfin, l'AGEFIPH et les acteurs de l'emploi des personnes handicapées, notamment les organismes de prestation spécialisée (OPS), sont naturellement des acteurs essentiels en matière de prévention de la désinsertion professionnelle.

B. L'appel à la mobilisation d'une équipe dédiée au sein des SST

Dans son rapport précité de 2017 dédié à la prévention de la désinsertion professionnelle, l'IGAS faisait le constat que si les SST sont « en première ligne pour apporter un service de proximité, tant au salarié qu'à l'employeur », « leur degré d'implication et les moyens dont ils disposent pour accompagner les processus de maintien en emploi restent très hétérogènes ». Le rapport recommandait ainsi de « soutenir, par le biais des agréments ou des contrats d'objectifs, le développement dans les services de santé au travail d'équipes pluridisciplinaires de prévention de la désinsertion professionnelle et les échanges de pratiques entre elles . »

De même la Haute autorité de santé (HAS) recommandait-elle en février 2019 « que les services de santé au travail mettent en oeuvre une organisation dédiée spécifiquement au maintien en emploi avec le soutien de leur direction pour que les moyens humains et matériels adéquats puissent être alloués. » 124 ( * )

L'ANI du 9 décembre 2020 a suivi ces recommandations en prévoyant la mise en place, au sein des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI), de cellules de prévention de la désinsertion professionnelle visant à mieux articuler leur action en matière de PDP avec celle des autres acteurs locaux . Il s'agit de permettre aux cellules PDP d'apporter aux situations individuelles des solutions personnalisées et de proximité en privilégiant le maintien au poste avec son aménagement. Dès lors qu'une situation de désinsertion professionnelle serait repérée, un plan de retour au travail pourrait être formalisé entre l'employeur, le salarié et la cellule , permettant l'analyse et l'identification du risque de désinsertion professionnelle afin de mettre en oeuvre des mesures identifiées ciblant le milieu de travail et les conditions de travail. À défaut, il serait recherché toute forme de reclassement interne ou externe.

L'ANI précise que l'activité des cellules PDP doit permettre de tirer des enseignements en matière de prévention dans une approche individuelle et collective pour alimenter la politique de prévention des entreprises. Ainsi, le médecin du travail pourrait être amené à constater, « sur la base d'un certain nombre d'éléments », la nécessité d'une démarche collective de prévention de la désinsertion professionnelle et à proposer au chef d'entreprise des mesures d'accompagnement adaptées.

Il est prévu que les cellules PDP s'engagent par convention avec les structures territoriales de maintien dans l'emploi afin de s'intégrer dans les réseaux déjà existants.

L'ANI prévoit enfin que les comités régionaux de prévention et de santé au travail (CRPST), créés par l'article 26 de la proposition de loi, seront destinataires des « éléments quantitatifs » qui leur permettront de procéder au suivi et à l'évaluation périodique des actions de PDP engagées.

C. La création d'une cellule pluridisciplinaire dédiée dans les SPSTI

L'article 14 de la proposition de loi prévoit, dans un nouvel article L. 4622-8-1 du code du travail, la création d'une cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle dans chaque SPSTI . Celle-ci serait chargée :

- de proposer des actions de sensibilisation ;

- d'identifier les situations individuelles ;

- de proposer, en lien avec l'employeur et le salarié, un plan de retour au travail comprenant notamment des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail favorisant le retour au travail.

Il est précisé que cette cellule PDP effectuera ses missions en collaboration avec :

- les professionnels de santé en charge des soins ;

- les services médicaux de l'assurance maladie, notamment dans le cadre de leurs actions de prévention, d'éducation et d'information sanitaires et de leur action sanitaire et sociale destinées en priorité aux populations exposées au risque de précarité ainsi que dans le cadre du contrôle médical ;

- les organismes en charge de l'insertion professionnelle.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. Les modifications apportées en commission

À l'Assemblée nationale, la commission des affaires sociales a étendu, à l'initiative du député Thierry Michels et des membres du groupe La République en Marche, la liste des organismes avec lesquels la cellule PDP sera appelée à collaborer. Sont ainsi mentionnés :

- l'ensemble des organismes locaux et régionaux d'assurance maladie et le service social de la CARSAT ;

- les acteurs chargés de l'emploi accompagné ;

- les acteurs de la compensation du handicap et ceux de la préorientation et de la réadaptation professionnelle.

La commission a par ailleurs adopté quatre amendements rédactionnels des rapporteures.

B. Les modifications apportées en séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté deux nouveaux amendements rédactionnels des rapporteures.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

A. L'ajout de garanties sur la composition de la cellule

Le manque de coordination des acteurs est la principale faille de la prévention de la désertion professionnelle, ce qui amène un grand nombre de personnes à être licenciées pour inaptitude sans avoir été accompagnées. Ainsi, un nombre trop peu élevé de signalements sont actuellement adressés aux Cap emploi pour que leur intervention soit efficace. Pour les entreprises relevant d'un SPSTI, les cellules PDP pourraient permettre d'assurer le lien qui fait actuellement défaut.

Une proposition en ce sens figurait dans le rapport de Stéphane Artano et Pascale Gruny de 2019 125 ( * ) . Il semble pertinent d'inscrire cette obligation dans la loi afin de prévenir les disparités territoriales.

Si le texte prévoit que la cellule PDP doit être pluridisciplinaire, il ne fixe toutefois aucune exigence quant à sa composition , ce qui laisse courir un risque de disparités territoriales et entre secteurs professionnels. Il semble en effet difficile de figer cette composition dans la loi tant les situations locales et les moyens à la disposition des services peuvent différer. Le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) conclu entre l'autorité administrative, la CARSAT et le SPSTI pourrait en revanche être le bon vecteur pour fixer ces exigences.

Par ailleurs, les rapporteurs considèrent que le rôle du médecin du travail est essentiel. Celui-ci doit être au coeur du dispositif et en coordonner l'action.

La commission a donc adopté un amendement COM-151 prévoyant :

- que le CPOM fixe des exigences minimales quant à la composition de la cellule PDP ;

- que l'animation et la coordination de cette cellule doit incomber à un médecin du travail .

B. La possibilité de mutualiser la cellule entre plusieurs SPSTI

Reste que la pénurie de médecins du travail ne permettra peut-être pas à ces cellules de se saisir de toutes les situations de désinsertion professionnelle.

L'accord national interprofessionnel (ANI) du 9 décembre 2020 prévoit la possibilité de mutualiser la cellule entre plusieurs SPSTI opérant dans le même secteur géographique. Cette disposition, absente du texte adopté par l'Assemblée nationale, semble pertinente pour les services n'ayant pas la masse critique pour avoir les moyens de mettre en place ce dispositif. Sur la proposition des rapporteurs, la commission a introduit la possibilité de mutualiser, sur autorisation de l'autorité administrative, la cellule PDP entre plusieurs SPSTI agréés dans la même région (amendement COM-153).

C. La suppression de dispositions redondantes

Enfin, le « plan de retour au travail » introduit par l'article 14 reproduit inutilement des dispositions déjà prévues à l'article L. 4624-3 du code du travail concernant les mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail, ou encore des mesures d'aménagement du temps de travail pouvant être proposées par le médecin du travail, et qui pourront le cas échéant être proposées par la cellule PDP. La commission a adopté un amendement COM-152 renvoyant plus simplement aux dispositions existantes pour définir les missions de la cellule.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 14 bis
Amélioration du partage d'informations entre les organismes d'assurance maladie et les SPST

Cet article, inséré en commission par l'Assemblée nationale, vise à faciliter les échanges d'informations entre les organismes d'assurance maladie et les services de prévention et de santé au travail (SPST) à des fins de prévention de la désinsertion professionnelle.

La commission a modifié cet article de manière à prévoir des avis du Conseil d'État et de la CNIL sur le décret précisant le contenu des informations transmises, et à étendre aux SPST autonomes l'obligation de remontée d'informations aux organismes de sécurité sociale.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

A. Une nécessaire coordination entre les acteurs de la PDP

De multiples acteurs interviennent en matière de prévention de la désinsertion professionnelle (PDP). En particulier, les organismes régionaux ou locaux de sécurité sociale disposent, avec des modalités d'organisation différentes selon les territoires, de leurs « cellules PDP » qui devraient laisser la place à des plateformes de PDP. Pour leur part, les services de santé au travail (SST) se voient confier par la proposition de loi un rôle renforcé dans ce domaine ( cf . article 14). Les acteurs compétents en matière d'emploi des personnes handicapées sont par ailleurs naturellement présents sur ce sujet.

Cette dispersion des acteurs et la complexité du sujet appellent une fluidification des relations et une coordination améliorée entre leurs équipes chargées de la PDP.

Issu d'un amendement déposé par la députée Catherine Fabre (La République en Marche) et adopté en commission à l'Assemblée nationale, l'article 14 bis prévoit des échanges d'informations réciproques entre les organismes de sécurité sociale et les SPST à des fins de prévention de la désinsertion professionnelle. Son III fixe au 1 er janvier 2024 l'entrée en vigueur de ses dispositions.

B. La transmission des arrêts de travail aux SPST

Le I rend possible, dans un nouvel article L. 315-4 du code de la sécurité sociale, une transmission de l'organisme de sécurité sociale au service de prévention et de santé au travail (SPST) d'informations relatives aux arrêts de travail d'un salarié dans deux cas :

- lorsque ces arrêts de travail remplissent des conditions fixées par décret ;

- lorsqu'ils font apparaître un risque de désinsertion professionnelle.

Les conditions de cette transmission, qui serait soumise à l'accord du salarié concerné , seraient fixées par décret. Ce décret précisera le contenu des informations transmises ainsi que les conditions dans lesquelles cette transmission, réalisée de façon dématérialisée, sera effectuée.

Le cas échéant, elle se déroulera selon les modalités définies au II de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, qui dispose qu'« un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge, à condition qu'ils participent tous à sa prise en charge et que ces informations soient strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social. »

C. L'information des organismes de sécurité sociale par la cellule PDP

Le II prévoit réciproquement, dans un nouvel article L. 4622-8-2 du code du travail, que la cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle (cellule PDP) , créée dans chaque SPSTI par l'article 14 de la proposition de loi, informe les organismes de sécurité sociale lorsqu'elle accompagne des travailleurs qui ont fait l'objet de la transmission d'informations prévue au I. Sous réserve de l'accord du travailleur, elle transmet des informations relatives au poste et aux conditions de travail de l'intéressé.

Les services devant recevoir ces informations sont :

- le service du contrôle médical ;

- les organismes locaux et régionaux d'assurance maladie ;

- le service social de la CARSAT.

Les modalités de cette information doivent être définies par décret.

D. Les modifications apportées en séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels à l'initiative des rapporteures.

II - La position de la commission

L'absence de visibilité des SST sur les arrêts de travail des salariés en risque de désinsertion professionnelle, notamment lorsqu'ils sont répétés, est un frein à l'action en faveur de leur maintien en emploi. Dans cette perspective, les rapporteurs reconnaissent l'intérêt des dispositions du I.

Les échanges d'informations prévus dans cet article permettent en effet de donner corps au rôle pivot qu'entend donner la proposition de loi aux SPST en matière de prévention de la désinsertion professionnelle.

Toutefois, il importe que ces échanges de données personnelles soient dûment encadrés. Sur la proposition des rapporteurs, la commission a donc souhaité que le décret précisant le contenu des informations transmises soit pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) (amendement COM-154). Un amendement COM-29 de notre collègue Philippe Mouiller a par ailleurs précisé qu'il s'agirait d'un décret en Conseil d'État.

La commission a par ailleurs relevé une asymétrie dans les obligations prévues par cet article : l'information des organismes de sécurité sociale, qui relève de la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle instituée par l'article 14, ne concerne donc que les SPSTI et non les SPST autonomes. Elle a donc adopté, à l'initiative des rapporteurs, un amendement COM-155 étendant cette obligation d'information à l'ensemble des SPST , dès lors qu'ils accompagnent un travailleur présentant un risque identifié de désinsertion professionnelle.

Elle a enfin adopté un amendement COM-191 des rapporteurs visant à garantir l' applicabilité de cet article à Saint-Pierre-et-Miquelon .

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 14 ter
Rôle du référent handicap en matière de prévention de la désinsertion professionnelle des personnes en situation de handicap

Cet article, inséré en commission par l'Assemblée nationale, vise à associer le référent handicap aux actions de maintien en emploi des personnes en situation de handicap.

La commission a précisé les dispositions de cet article en prévoyant explicitement la participation du référent handicap au rendez-vous de liaison à la demande du travailleur concerné et en le soumettant en conséquence à une obligation de discrétion.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale : faire du référent handicap un acteur de la prévention de la désinsertion professionnelle

A. Le référent handicap, un nouvel acteur au rôle peu encadré

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel 126 ( * ) a rendu obligatoire la désignation, dans toutes les entreprises employant au moins 250 salariés, d'un référent « chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les personnes en situation de handicap » 127 ( * ) .

Si les textes ne précisent pas davantage la définition de cette fonction, celle-ci recouvre généralement, selon l'AGEFIPH 128 ( * ) , quatre dimensions :

- un « tiers de confiance » qui informe, oriente et accompagne les personnes en situation de handicap ;

- une « interface » chargée de faire le lien entre les différents acteurs internes et externes à l'entreprise ;

- un « pilote de projets », chargé de contribuer à la construction d'un plan d'actions, voire d'une politique handicap de l'entreprise ;

- un « ambassadeur » de l'emploi des personnes handicapées.

En tout état de cause, la loi ne confie actuellement au référent handicap aucun rôle particulier en matière de prévention de la désinsertion professionnelle .

Afin de professionnaliser ce nouvel acteur et d'accompagner les entreprises dans la mise en place de cette fonction, l'AGEFIPH a créé un réseau des référents handicap et, depuis 2020, une Université du réseau des référents handicap (UFRR) consistant en un séminaire annuel de deux jours de formation et d'échanges.

B. De nouvelles attributions en matière de prévention de la désinsertion professionnelle

L'article 14 ter est issu d'un amendement déposé par la députée Caroline Janvier (groupe La République en Marche) et adopté en commission à l'Assemblée nationale.

Il complète l'article L. 5213-6-1 du code du travail pour préciser le rôle du référent handicap en matière de prévention de la désinsertion professionnelle et de maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap.

En premier lieu, il prévoit que le référent « peut être chargé de faire le lien » avec le service de prévention et de santé au travail (SPST) « dans l'objectif de contribuer au maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap et de prévenir la désinsertion professionnelle . »

En second lieu, il précise que le référent « peut être associé » au rendez-vous de préreprise, que la proposition de loi élève au niveau législatif ( cf . article 18) ainsi qu'aux échanges visant à proposer des mesures individuelles à l'issue de la visite de mi-carrière introduite à l'article 16.

C. Les modifications apportées en séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté à l'initiative des rapporteures un amendement de cohérence rédactionnelle remplaçant la dénomination « rendez-vous de préreprise » par celle de « rendez-vous de liaison ».

II - La position de la commission : recentrer et préciser l'intervention du référent handicap

Il ressort des auditions menées par les rapporteurs que le rôle du référent handicap et ses moyens varient fortement selon les entreprises , en fonction notamment du profil des personnes désignées, du temps laissé par l'employeur pour qu'elles puissent se consacrer à cette mission, de la formation dont elles peuvent bénéficier ainsi que de l'engagement de la direction et de l'encadrement de l'entreprise sur le sujet. En outre, on peut relever une asymétrie entre ce dispositif, qui ne concerne que sur les entreprises d'au moins 250 salariés, et l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) qui s'impose à tous les employeurs occupant 20 salariés et plus.

Les rapporteurs considèrent cependant que les attributions introduites par cet article sont insuffisamment précises et que ces dispositions n'apportent, en l'état, aucune possibilité nouvelle aux référents handicap.

Sur leur proposition, la commission a donc supprimé la possibilité pour le référent handicap d'« être chargé de faire le lien » avec le SPST , cette disposition étant trop peu prescriptive et n'ajoutant rien au rôle d'interface que le référent peut actuellement jouer.

La commission a ainsi recentré et précisé l'intervention du référent handicap en matière de PDP en prévoyant plus explicitement sa participation au rendez-vous de liaison en cas d'arrêt de travail prolongé ainsi qu'aux échanges visant à proposer des mesures individuelles à la demande du travailleur concerné . En conséquence, il serait soumis à une obligation de discrétion à l'égard des informations personnelles qu'il pourrait être amené à connaître dans ce cadre (amendement COM-156).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 15
Intégration des données issues des dossiers médicaux en santé au travail dans le système national de données de santé

Cet article vise à permettre le recours aux pratiques médicales à distance pour permettre le suivi individuel du travailleur.

La commission a rappelé que les plateformes de téléconsultation utilisées dans le cadre de la médecine du travail devront respecter les exigences d'interopérabilité et de sécurité applicables à la télémédecine. Elle a également ouvert la possibilité, avec l'accord du travailleur, d'associer à la téléconsultation son médecin traitant ou un professionnel médical de son choix.

I - Le dispositif proposé : la possibilité pour la médecine du travail d'effectuer une partie du suivi individuel du travailleur à distance

A. La télémédecine, une pratique réservée aux professionnels médicaux en pleine expansion depuis la crise sanitaire liée à la covid-19

Reconnue au niveau législatif par la loi « HPST » du 21 juillet 2009 129 ( * ) , la télémédecine est définie par l'article L. 6316-1 du code de la santé publique comme « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication » qui « met en rapport un professionnel médical avec un ou plusieurs professionnels de santé, entre eux ou avec le patient et, le cas échéant, d'autres professionnels apportant leurs soins au patient. » Elle a vocation à :

- permettre d'établir un diagnostic ;

- d'assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique ;

- de requérir un avis spécialisé ;

- de préparer une décision thérapeutique ;

- de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes ;

- d'effectuer une surveillance de l'état des patients.

Aux termes de l'article R. 6316-1 du code de la santé publique, la télémédecine comprend cinq types d'actes :

- la téléconsultation qui met en relation à distance un professionnel médical avec un patient auprès duquel peut être présent, le cas échéant, un professionnel de santé ou psychologue ;

- la téléexpertise qui permet à un professionnel médical de solliciter à distance l'avis d'un ou de plusieurs professionnels médicaux en raison de leurs compétences ;

- la télésurveillance médicale qui permet à un professionnel d'interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d'un patient ;

- la téléassistance médicale qui permet à un professionnel médical d'assister un autre professionnel de santé dans la réalisation d'un acte ;

- la réponse médicale apportée dans le cadre des centres de réception et de régulation des appels des services de l'aide médicale urgente (SAMU) ou de la régulation téléphonique de l'activité de permanence des soins ambulatoires.

Par définition, la télémédecine doit mettre en relation le patient avec au moins un professionnel médical, c'est-à-dire un médecin, une sage-femme ou un chirurgien-dentiste. Le déploiement de la télémédecine a été rendu possible depuis le 15 septembre 2018, par la signature de l'avenant n° 6 à la convention médicale les 13 et 14 juin 2018. Le recours à la télémédecine s'est considérablement intensifié à la faveur de la crise sanitaire liée à la covid-19, de même que le télésoin qui met en relation le patient avec un professionnel de santé non médical, c'est-à-dire un pharmacien ou un auxiliaire médical (infirmier, masseur-kinésithérapeute, ergothérapeute, psychomotricien...).

Par une instruction en date du 17 mars 2020, les ministères du travail et de l'agriculture ont ainsi autorisé les services de santé au travail à recourir aux téléconsultations afin d'assurer les visites qui doivent être maintenues pendant le confinement « en accord avec le salarié lorsque cela est possible au regard des nécessités de l'examen et en fonction du rapport bénéfice/risque et des moyens du service. » Le ministère du travail a rappelé, en outre, sur son site Internet que les téléconsultations doivent s'opérer selon des modalités conformes aux recommandations de la HAS.

B. La pérennisation du recours aux téléconsultations pour assurer le suivi individuel du travailleur

Dans l'ANI du 9 décembre 2020, les partenaires sociaux ont estimé que, « dans le cadre de [la] digitalisation des SPSTI, la mise en place d'une téléexpertise pour répondre aux exigences de certaines professions, à certaines situations géographiques et à la survenue de crises épidémiques, apparaît comme une alternative nouvelle nécessitant un encadrement de ses modalités d'exécution afin de pouvoir se développer sur l'ensemble du territoire. » Ils invitent, en outre, à favoriser de « nouvelles articulations » entre médecine du travail et médecine de ville, notamment au travers du médecin praticien correspondant et de la télémédecine.

Afin d'accompagner le recours aux téléconsultations dans le cadre de la médecine du travail, l'article 15 de la proposition de loi modifie l'article L. 4624-1 du code du travail afin de :

- reconnaître la possibilité aux professionnels de santé au travail chargés du suivi individuel de l'état de santé du travailleur - c'est-à-dire le médecin du travail, le collaborateur médecin, l'interne en médecine du travail et l'infirmier en santé au travail - de recourir, pour l'exercice de leurs missions à des pratiques médicales à distance relevant de la télémédecine, dans des conditions qui seront précisées par décret ( ) ;

- préciser que le professionnel de santé peut recourir aux pratiques médicales à distance en tenant compte de l'état physique et psychique du travailleur. L'examen médical devra être réalisé en présence du travailleur dans les cas où le professionnel de santé considère que l'état de santé du travailleur ou les risques professionnels auxquels celui-ci est exposé nécessitent un examen physique ( ).

Enfin, le de l'article 15 de la proposition de loi supprime le dernier alinéa de l'article L. 4624-1 du code du travail, prévoyant que le rapport annuel d'activité établi par le médecin du travail pour les entreprises dont il a la charge doit comporter des données présentées par sexe. La suppression de cette disposition tient compte du fait qu'il est déjà prévu, à l'article 10 de la proposition de loi, que les services de prévention et de santé au travail devront communiquer à leurs adhérents et rendre publics leurs rapports annuels d'activité qui devront comprendre des données relatives à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Dans son avis sur la proposition de loi, le Conseil d'État a estimé que le renvoi aux pratiques médicales à distance de la télémédecine ne s'impose pas « dès lors que la définition des actes de télémédecine est peu adaptée aux visites et examens réalisés dans le cadre de la médecine du travail » et qu'il pourrait s'avérer « trop restrictif car il exclut les visites et examens réalisés par des infirmiers en santé au travail. »

Afin de tenir compte de ces observations, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de ses rapporteures modifiant l'article 15 de la proposition de loi afin de prévoir que l'ensemble des professionnels de santé chargés du suivi individuel de l'état de santé du travailleur « peuvent recourir à des pratiques médicales ou de soins à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication ». Il est précisé que le consentement du travailleur devra être recueilli préalablement et que la mise en oeuvre de ces pratiques devra garantir le respect de la confidentialité des échanges entre le professionnel de santé et le travailleur. La définition des modalités d'application de ces dispositions est renvoyée à un décret en Conseil d'État.

En séance, les députés ont adopté un amendement rédactionnel des rapporteures de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.

III - La position de la commission : renforcer la sécurité du recours aux téléconsultations dans le cadre du suivi individuel du travailleur

La commission des affaires sociales du Sénat est favorable au développement de la téléconsultation dans le cadre de la médecine du travail, pour autant que les plateformes utilisées par les SPST respectent les mêmes exigences minimales en termes de sécurité que celles applicables aux plateformes de télémédecine, notamment lorsqu'il s'agit de permettre, via ces plateformes, l'échange entre le travailleur et le professionnel de santé du SPST de documents sensibles tels que des résultats d'examens ou des attestations comprenant des informations sur l'état de santé du travailleur.

Dans ces conditions, elle a adopté un amendement COM-157 de ses rapporteurs visant à préciser que les services de prévention et de santé au travail et les professionnels de santé chargés du suivi individuel de l'état de santé du travail s'assurent que l'usage de ces technologies est conforme aux référentiels d'interopérabilité et de sécurité mentionnés à l'article L. 1110-4-1 du code de la santé publique. Les plateformes de téléconsultation utilisées devront ainsi respecter la politique générale de sécurité des systèmes d'information en santé et disposer de la certification « hébergeur de données de santé ».

Par ailleurs, dans leur rapport d'information sur la santé au travail d'octobre 2019 130 ( * ) , les rapporteurs de la commission des affaires sociales du Sénat avaient proposé de « permettre également des téléconsultations entre le médecin du travail et le médecin traitant afin notamment que les éventuelles contraintes du parcours de soins du patient soient prises en compte dans l'aménagement de ses conditions de travail. » La participation du médecin traitant ou d'un autre spécialiste, notamment en cas d'affection chronique
- oncologue, cardiologue, néphrologue, psychiatre... -, aux échanges entre le médecin du travail et le travailleur peut en effet être de nature à mieux concilier la continuité des soins et le maintien dans l'emploi du travailleur.

Par conséquent, la commission a adopté, à l'initiative de ses rapporteurs, un amendement COM-158 ouvrant la possibilité pour le professionnel de santé du SPST recourant à une téléconsultation de proposer au travailleur, lorsqu'il estime que son état de santé ou les risques professionnels auxquels il est exposé le justifient, d'associer à la téléconsultation le médecin traitant du travailleur ou un autre professionnel médical choisi par le travailleur. Si le travailleur accepte cette proposition, le médecin traitant ou le professionnel médical choisi par le travailleur pourra participer à distance à la téléconsultation ou être présent auprès du travailleur. Cette mobilisation du médecin traitant ou spécialiste s'inscrirait pleinement dans la logique du paiement au forfait 131 ( * ) qui a pour but, dans le suivi en particulier de personnes souffrant de pathologies chroniques, de valoriser les efforts de prévention et de coordination des parcours de soins.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 16
Création d'une visite médicale de mi-carrière

Cet article propose la création d'une visite médicale de mi-carrière. Afin de ne pas créer une nouvelle visite obligatoire tout en atteignant l'objectif poursuivi par la création d'une visite de mi-carrière, la commission a transformé cette visite en un renforcement de la visite d'information et de prévention après l'âge de 45 ans.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I - Le dispositif proposé : la création d'une nouvelle visite médicale obligatoire

Le présent article crée un nouvel article L. 4624-2-2 au sein du code du travail, aux termes duquel les travailleurs bénéficient d'une visite médicale de mi-carrière .

Cette visite doit être organisée au cours de l'année du quarante-cinquième anniversaire du travailleur, sauf lorsqu'un accord de branche prévoit une échéance différente.

Il est précisé que cette visite peut être organisée conjointement avec une autre visite médicale lorsque le travailleur doit être examiné par le médecin du travail dans les deux ans précédant l'échéance.

La rédaction proposée fixe trois objectifs à cette visite :

- établir un état des lieux de l'adéquation entre le poste de travail et l'état de santé du salarié , en tenant compte des expositions à des facteurs de risques professionnels auxquels il a été soumis ;

- évaluer les risques de désinsertion professionnelle , en prenant en compte l'évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours professionnel, de son âge et de son état de santé ;

- sensibiliser le travailleur sur les enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des risques professionnels.

Les dispositions de l'article L. 4624-3, aux termes desquelles le médecin du travail peut proposer des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail sont reprises. Un décret en Conseil d'État doit préciser les modalités d'application de cet article 132 ( * ) .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre plusieurs amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté au stade de la commission, un amendement de M. Thierry Michels, supprimé ensuite en séance publique par un amendement du même auteur, qui permettait au référent handicap de transmettre ses observations au médecin du travail en amont de la visite de mi-carrière.

En séance publique, outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a également adopté un amendement de M. Stéphane Viry aux termes duquel la visite de mi-carrière peut être réalisée par un infirmier de santé au travail exerçant en pratique avancée. Dans ce cas, l'infirmier ne peut de lui-même proposer les mesures mentionnées à l'article L. 4624-3 mais peut orienter « sans délai » le travailleur vers le médecin du travail .

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

A. Une proposition qui semble irréaliste

1. Les règles en vigueur avant la loi « Travail »

Avant le 1 er janvier 2017, les règles relatives au suivi médical des salariés étaient principalement de nature règlementaire .

Ainsi, l'article R. 4624-10, dans sa rédaction antérieure à cette date, prévoyait un examen médical de tout salarié par le médecin du travail avant son embauche ou au plus tard avant la fin de sa période d'essai. Cet examen visait notamment à s'assurer de l'aptitude du salarié à son poste.

Par ailleurs, l'article R. 4624-16 prévoyait des examens périodiques ou moins tous les vingt-quatre mois.

En outre, en cas d'arrêt de travail long, des visites de pré-reprise et de reprise sont prévues respectivement aux articles R. 4624-29 et art. R. 4624-31, toujours en vigueur.

Enfin, indépendamment des visites médicales obligatoires, le travailleur peut bénéficier d'examens par la médecine du travail à sa propre initiative ou à celle de son employeur ou du médecin du travail (art. R. 4624-34 toujours en vigueur).

2. Les évolutions apportées par la loi « Travail »

La loi « Travail » du 8 août 2016 133 ( * ) a impulsé une réforme tendant à moderniser ces règles .

Ainsi que le soulignaient les rapporteurs de ce texte au Sénat, les moyens humains de la médecine du travail ne permettaient pas d'assurer l'ensemble des visites obligatoires , alors même que ces visites apparaissaient en décalage avec les besoins des salariés et réduisaient le temps médical disponible pour d'autres actions , notamment de prévention.

Ainsi la loi du 8 août 2016 a créé la visite d'information et de prévention (VIP).

En conséquence, le décret du 27 décembre 2016 134 ( * ) a supprimé les dispositions relatives à l'examen d'aptitude préalable à l'embauche (sauf s'agissant des salariés particulièrement exposés) ainsi que les visites périodiques.

Pour les travailleurs qui occupent des postes présentant des risques particuliers , la VIP est remplacée par un examen médical d'aptitude , qui est réalisé avant l'embauche et renouvelé périodiquement (art. L. 4624-2).

La visite d'information et de prévention

Prévue à l'article L. 4624-1 du code du travail, la VIP est effectuée après l'embauche 135 ( * ) et peut être assurée par le médecin du travail mais également, sous son autorité, par un collaborateur médecin, par un interne en médecine du travail ou par un infirmier. Les modalités et la périodicité de la VIP doivent prendre en compte les conditions de travail, l'état de santé et l'âge du travailleur ainsi que les risques auquel il est exposé. L'article R. 4624-16 précise toutefois que la périodicité ne peut excéder 5 ans.

3. Une proposition qui va à rebours des réformes récentes

La création d'une visite de mi-carrière proposée par le présent article s'inscrit à rebours de la logique suivie par la loi de 2016 en créant une nouvelle visite médicale obligatoire, qui devrait obligatoirement être réalisée par un médecin du travail ou par un infirmier en pratique avancée.

Selon l'organisme Présanse, entendu par les rapporteurs, cette visite devrait concerner 4 % des effectifs salariés chaque année et représenterait une charge de travail équivalent à celle de 200 médecins du travail. Par ailleurs, si la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale permet à des infirmiers en pratique avancée (IPA) d'organiser ces visites, il convient de noter qu'il n'existe à ce jour aucun IPA en santé au travail.

Si les rapporteures de l'Assemblée nationale estiment dans leur rapport être « convaincues » que les mesures prévues par la proposition de loi « ne manqueront pas de produire leurs effets », et que les SPST seront donc en mesure de faire face à cette nouvelle exigence, cet optimisme peut sembler excessif.

Il est en effet à craindre que, dans le meilleur des cas, cette nouvelle visite obligatoire soit perçue, par les professionnels de la santé au travail comme par nombre de salariés, comme une formalité chronophage empiétant sur la capacité de la médecine du travail à mettre en oeuvre des actions de prévention mieux ciblées. On peut surtout s'attendre, compte tenu de la ressource médicale, à ce que cette obligation reste bien souvent lettre morte.

Le risque est donc de réinstaller une situation à laquelle la loi de 2016 avait cherché à remédier.

4. Un ciblage imparfait

Réaliser une photographie de l'état de santé du salarié à 45 ans - ou à l'âge déterminé par la branche - pourra dans certains cas permettre de d'identifier des risques de désinsertion professionnelle. Dans bien des cas, en revanche, cette visite interviendra trop tôt. En effet, un grand nombre de salariés sont, fort heureusement, en parfaite santé à l'âge de 45 ans.

Par ailleurs, la nouvelle visite médicale obligatoire qui est proposée ne bénéficiera pas aux travailleurs qui, pour une raison ou pour un autre, ne sont pas en situation d'emploi salarié l'année de leur 45 ème anniversaire. Or, les travailleurs qui connaissent des ruptures dans la seconde partie de leur parcours professionnels sont bien souvent parmi ceux qui connaissent le plus de risques de désinsertion professionnelle ou de problèmes de santé liés au travail.

5. Une proposition alternative

Les rapporteurs partagent le souhait manifesté par les partenaires sociaux de mieux détecter les difficultés de santé afin de pouvoir agir en amont.

Visite de mi-carrière : les stipulations de l'ANI

Les auteurs de la proposition de loi la présentent comme la stricte transposition au niveau législatif des stipulations de l'accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020.

S'agissant du suivi des salariés au mitan de leur carrière, l'accord se borne à stipuler que « la mise en oeuvre de la [prévention de la désinsertion professionnelle] exige une approche anticipatrice qui conduit à adapter les outils existants », notamment en mettant en oeuvre une « visite de mi-carrière » pour repérer une inadéquation entre le poste de travail et l'état de santé ».

Il semble donc que le législateur peut, sans remettre en cause l'esprit de l'ANI, introduire des dispositions plus opérationnelles que celles adoptées par l'Assemblée nationale.

Sur leur proposition, la commission a adopté un dispositif alternatif ( amendement COM-159 ) qui s'inscrit dans la continuité de la réforme de 2016 en intégrant le suivi des travailleurs en seconde partie de carrière au cadre existant .

La rédaction adoptée par la commission complète les dispositions relatives à la visite d'information et de prévention afin que, pour les salariés âgés d'au moins 45 ans , cette visite vise également à apprécier l'adéquation entre son poste de travail et son état de santé en tenant compte des facteurs de risques professionnels auquel il est exposé, à évaluer les risques de désinsertion professionnelle et à le sensibiliser sur les enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des risques professionnels.

Pour les travailleurs exposés à des risques particuliers, l'amendement adopté par la commission prévoit que l'examen d'aptitude renouvelé tous les deux ans sera l'occasion, lorsque le travailleur est âgé d'au moins 45 ans, d'aborder les mêmes sujets. Il prévoit enfin que l'entretien professionnel réalisé tous les six ans entre l'employeur et le salarié pour faire un état des lieux sur son parcours soit aussi l'occasion d'aborder ces questions de santé au travail lorsque le salarié est âgé d'au moins 45 ans.

Cette solution présente, aux yeux des rapporteurs, plusieurs avantages : elle s'intègre au cadre existant ; elle vise, en se raccrochant à la VIP, un panel de professionnels plus large pour assurer ces missions ; elle permet un suivi régulier du salarié, dont les difficultés n'apparaissent pas forcément autour de 45 ans ; elle concernera les travailleurs qui ne sont pas en situation d'emploi salarié à l'âge de 45 ans.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 17
Suivi médical des travailleurs non-salariés et des travailleurs d'entreprises extérieures intervenant dans l'entreprise

Cet article permet l'affiliation des travailleurs indépendants à des services de prévention et de santé au travail. Il permet par ailleurs au SPST d'une entreprise de suivre l'ensemble des travailleurs intervenant sur son site. La commission a ajouté à cet article la possibilité, pour le chef d'entreprise, de bénéficier de l'offre du SSTI auquel adhère son entreprise, sans augmentation du montant de la cotisation due.

La commission a adopté cet article ainsi modifié

I - Le dispositif proposé

A. Suivi des intérimaires par le SPST de l'entreprise utilisatrice

Aux termes de l'article L. 1251-22 du code du travail, les obligations en matière de santé au travail incombent, s'agissant des salariés intérimaires, aux entreprises de travail temporaire qui les emploient.

Le du présent article complète cet article afin de prévoir que les salariés intérimaires « peuvent » être suivis par le service de prévention et de santé au travail (SPST) 136 ( * ) de l'entreprise utilisatrice, lorsqu'elle dispose de son propre service. Ce suivi s'exerce alors dans le cadre d'une convention conclue avec l'entreprise de travail temporaire.

B. Affiliation volontaire des travailleurs non-salariés au SPST de leur choix

En l'état actuel du droit, les travailleurs non-salariés, dont les chefs d'entreprise, ne bénéficient pas des dispositions relatives à la santé au travail, prévues au bénéfice des salariés, et ne sont pas suivis par les services de santé au travail.

Le du présent article complète les dispositions du code du travail relatives aux services de santé au travail en insérant un nouvel article L. 4621-3 aux termes duquel les travailleurs indépendants « peuvent » s'affilier au SPST de leur choix. Ils bénéficient alors d'une offre spécifique de services en matière de prévention, de suivi individuel et de prévention de la désinsertion professionnelle.

C. Suivi des travailleurs extérieurs intervenant sur le site de l'entreprise

Le du présent article crée un nouvel article L. 4622-5-1 au sein du code du travail tendant à permettre au SPST d'une entreprise de suivre l'ensemble des travailleurs intervenant sur son site. Cela inclut les travailleurs non-salariés, dont le chef d'entreprise, ainsi que les salariés d'entreprises extérieures, prestataires ou sous-traitantes par exemple. Une convention déterminera les conditions dans lesquelles s'effectuera ce suivi.

Ce même article prévoit en outre une responsabilité conjointe en matière de prévention des risques professionnels pour les salariés d'entreprises extérieures intervenant sur le site d'une entreprise disposant de son propre SPST dès lors que les salariés concernés exercent des activités dont la nature et la durée seront précisées par décret.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Au stade de l'examen en commission, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements de précision des rapporteures. Alors que le suivi de l'état de santé des travailleurs intérimaires par le SPST de l'entreprise utilisatrice pouvait, dans la rédaction initiale, faire l'objet d'une convention conclue avec l'entreprise de travail temporaire ou son SPST, la rédaction finalement adoptée supprime la mention de ce dernier.

Un amendement des rapporteures a par ailleurs modifié la rédaction proposée pour l'article L. 4621-3 afin de tenir compte des recommandations rédactionnelles du Conseil d'État. Cet amendement a également renvoyé à un décret les modalités d'application de cet article.

Les rapporteures de la proposition de loi ont en outre souhaité préciser à l'article L. 4622-5-1, conformément à une recommandation du Conseil d'État, que le suivi des travailleurs intervenant sur le site de l'entreprise, autres que ses salariés, concerne leur état de santé. Un autre amendement a précisé que la responsabilité conjointe en matière de prévention des risques professionnels correspond aux missions des SPST telles que définies à l'article L. 4622-1 autres que celle relative à la surveillance de l'état de santé des travailleurs.

En séance publique, l'Assemblée nationale n'a adopté qu'un amendement rédactionnel.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

- Un problème identifié

Le présent article vise à prendre en compte la situation de travailleurs dont le suivi de l'état de santé est particulièrement déficient . Ainsi que le soulignait le rapport d'information des rapporteurs sur la santé au travail 137 ( * ) , les travailleurs indépendants font face à un certain nombre de risques similaires à ceux auxquels sont exposés les salariés effectuant des travaux de même nature. En outre, la nature même du travail indépendant et la forte responsabilité personnelle qu'elle induit créent des risques psycho-sociaux spécifiques. Or, cette indépendance peut également conduire à une minimisation ou à un certain déni des problèmes de santé au travail.

Le même rapport soulignait par ailleurs que les travailleurs intérimaires sont souvent davantage exposés à certains risques professionnels, alors que leur suivi est rendu plus difficile par la nature de leur travail.

Enfin, dans un contexte de développement de la sous-traitance, les entreprise sous-traitantes ou prestataires peuvent avoir des difficultés à mettre en place des actions de suivi et de prévention de la santé de leurs salariés.

Le rapport d'information des rapporteurs proposait plusieurs mesures pour améliorer la prise en compte de la santé au travail de ces travailleurs. Il proposait premièrement que le chef d'entreprise soit intégré dans la population suivie par le SST dont elle dépend . S'agissant des indépendants qui n'ont pas de salarié, le rapport recommandait leur affiliation obligatoire à un SST, renvoyant à la négociation les modalités de financement de cette affiliation. Le rapport proposait par ailleurs le suivi des salariés d'entreprises sous-traitantes par le SST de l'entreprise utilisatrice, dès lors que la prestation dépasse une durée déterminée par décret. Il recommandait enfin la désignation d'un SST compétent pour l'ensemble des travailleurs intérimaires à l'échelle d'un territoire.

- L'ANI

Dans l'accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020, les partenaires sociaux ont convenu « d'accompagner les travailleurs indépendants et les dirigeants non-salariés aux fins qu'ils puissent s'engager dans une démarche volontaire de suivi de leur état de santé » et affirmé la possibilité pour les SPST d'entreprise de suivre les intérimaires intervenant au sein d'une entreprise ainsi que la nécessité d'organiser une coopération entre le SPST de l'entreprise utilisatrice et le SPST auquel adhère l'entreprise sous-traitante.

- Des réponses dont la portée est incertaine.

Les réponses proposées par le présent article risquent d'être partiellement suivies d'effets. La possibilité pour les travailleurs indépendants de s'affilier à un SPST proposant une offre de services spécifique risque ainsi de rester sans suite si la question du financement de cette affiliation n'est pas traitée. Or, il n'est pas certain qu'un nombre important de travailleurs indépendants souhaite payer une cotisation supplémentaire pour un service dont ils ne voient pas la nécessité. On peut également s'interroger sur la capacité des SPST, compte tenu de leurs ressources limitées, à développer en parallèle de leurs missions actuelles une offre de services spécifique, a fortiori si le nombre de travailleurs indépendants affiliés n'atteint pas un seuil critique.

S'agissant du suivi des travailleurs intérimaires et des travailleurs d'entreprises extérieures, le présent article se borne à affirmer une possibilité, dans le cas où l'entreprise utilisatrice dispose de son propre SPST.

Malgré ces risques, les rapporteurs considèrent que les dispositifs proposés constituent une première étape pour renforcer la santé au travail de ces travailleurs et qu'ils correspondent aux conclusions de l'ANI . Il conviendra toutefois d'accompagner les mesures proposées de dispositifs incitatifs puis d'évaluer la portée des possibilités offertes par le présent article.

Dans le prolongement des mesures ainsi proposées et conformément aux propositions de leur rapport d'information, les rapporteurs ont proposé à la commission un amendement ( COM-160 ) ouvrant la possibilité pour le chef d'entreprise de bénéficier des services du SPSTI auquel son entreprise adhère , sans qu'il soit pris en compte pour le calcul de la cotisation due par l'entreprise. La commission a adopté cet amendement.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 17 bis
Mutualisation du suivi de l'état de santé des salariés ayant plusieurs employeurs

Cet article propose de mutualiser le suivi de l'état de santé des travailleurs occupant des emplois identiques auprès d'employeurs différents.

Sur proposition des rapporteurs, la commission l'a supprimé.

I - Le dispositif proposé

Inséré en séance publique à l'Assemblée nationale sur proposition des rapporteures et de plusieurs députés de groupes différents, le présent article crée un nouvel article L. 4624-1-1 au sein du code du travail, aux termes duquel le suivi de l'état de santé des travailleurs occupant des emplois identiques auprès d'employeurs différents est mutualisé selon des modalités fixées par décret .

II - La position de la commission

Le présent article vise à répondre à une problématique réelle, mais y apporte une réponse qui, bien que relativement consensuelle, n'est pas pleinement satisfaisante.

En effet, il ne propose aucune solution mais se contente de renvoyer à un décret. Son adoption en séance publique semble traduire la difficulté à proposer un dispositif plus concret.

Au cours des débats en séance publique à l'Assemblée nationale, le ministre, tout en considérant qu'il s'agissait d'une piste prometteuse, a exprimé ses doutes sur la possibilité de répondre à cette problématique par décret 138 ( * ) .

Au demeurant, la notion d'emplois « identiques » semble peu opérante.

Les rapporteurs considèrent qu'il n'est pas de bonne méthode législative pour le Parlement, quand il ne sait comment résoudre un problème, de s'en remettre au Gouvernement, a fortiori lorsque celui-ci indique ne pas être en mesure de le faire par voie règlementaire.

Sur leur proposition, la commission a donc adopté un amendement ( COM-161 ) de suppression du présent article.

La commission a supprimé cet article.

Article 17 ter
Modalités de mise en oeuvre du suivi de l'état de santé des salariés du particulier employeur

Cet article propose de renvoyer à un décret la définition des modalités de suivi de l'état de santé des salariés de particuliers employeurs.

La commission a supprimé ce renvoi et a introduit un dispositif permettant de mutualiser pour le compte des particuliers employeurs le suivi de l'état de santé de leur salarié, par adhésion à un service de prévention et de santé au travail.

I - Le dispositif proposé

Inséré en séance publique à l'Assemblée nationale sur proposition des rapporteures, le présent article crée un nouvel article L. 4625-3 au sein du code du travail aux termes duquel les modalités de suivi de l'état de santé des salariés du particulier employeur sont déterminées par décret .

Un sous-amendement de Mme Annie Vidal a élargi l'objet de ce décret au suivi des assistants maternels .

II - La position de la commission

Selon la fédération des particuliers employeurs (Fepem), le secteur des particuliers employeurs représente 3,4 millions de particuliers employeurs et 1,4 million de salariés.

Compte tenu des spécificités de cette forme d'emploi, l'article L. 7221-2 du code du travail énumère les dispositions de ce code qui sont applicables aux salariés en question. Sont notamment concernées les dispositions relatives à la surveillance médicale.

Le code du travail permet des adaptations des règles relatives à l'organisation, au choix et au financement des services de santé au travail ainsi qu'aux modalités de surveillance de l'état de santé pour certaines catégories de travailleurs dont les conditions d'emploi présentent des spécificités. Ces adaptations ne peuvent néanmoins pas conduire à modifier la périodicité des examens médicaux prévus par le code du travail.

Elles peuvent être mises en oeuvre par décret s'agissant des catégories de travailleurs énumérées à l'article L. 4624-1, qui mentionnent notamment les salariés temporaires, ou encore les stagiaires de la formation professionnelle.

Elles peuvent en outre être prévues par un accord de branche étendu pour les catégories de travailleurs énumérées à l'article L. 4625-2, et notamment pour les salariés du particulier employeur.

C'est sur la base de cet article L. 4625-2 qu'a été conclu, le 24 novembre 2016, un accord cadre applicable aux branches des salariés du particulier employeur et des assistants maternels du particulier employeur. Cet accord a été étendu, s'agissant uniquement de la branche des salariés du particulier employeur, par un arrêté du 4 mai 2017.

Cet accord prévoit notamment la création d'un organisme de gestion national (OGN) chargé notamment de gérer, pour le compte des particuliers employeurs, le suivi individuel de l'état de santé des salariés . Aux termes de l'accord, le suivi individuel de l'état de santé des salariés du particulier employeur est assuré par des SSTI et, le cas échéant, par des médecins non spécialistes en santé au travail dans le cadre de protocoles conclus avec des SSTI. Chaque employeur adhère à un SSTI par l'intermédiaire de l'OGN.

L'accord prévoit par ailleurs que le suivi des salariés ayant plusieurs employeurs est globalisé (dans la limite de trois postes de travail) et que chaque visite prévue par le code du travail n'est exercée qu'une fois. L'OGN doit mettre à disposition des salariés un « compte santé au travail » compilant l'ensemble des données relatives à son suivi, à l'exclusion de données à caractère médical.

Les partenaires sociaux du secteur ont décidé, dans un premier temps, d'expérimenter ce dispositif afin de s'assurer de son efficience. Une expérimentation a ainsi été déployée dans le département du Cher depuis le printemps 2019 . Cette expérimentation a permis aux partenaires sociaux du secteur de tirer de premiers enseignements pour la généralisation d'une organisation de la santé au travail adaptée aux assistants maternels et salariés du particulier employeur :

- il conviendrait de rattacher automatiquement les particuliers employeurs au système de mutualisation, pour s'assurer de l'effectivité du dispositif ;

- l'information du particulier employeur sur la santé au travail des salariés devrait être améliorée ;

- le système déployé doit être à la fois adapté au secteur du particulier employeur et tenir compte des réalités territoriales (capacités des services de santé au travail selon les territoriales, possibilités de faire des téléconsultations au moins pour une partie du suivi, etc .) 139 ( * ) .

Les partenaires sociaux ont en outre franchi une étape supplémentaire dans la consolidation des droits sociaux des assistants maternels et salariés du particulier employeur en s'accordant sur la convergence des deux branches professionnelles (celle des assistants maternels et celle des autres salariés). Une convention collective unique a été signée par les partenaires sociaux le 26 mars 2021. L'article 74 de cette convention prévoit la mise en oeuvre de la surveillance médicale des salariés par la mutualisation des obligations des employeurs au sein d'une association paritaire agissant en leur nom .

Cette association, l'association paritaire nationale interbranches (APNI), assure déjà pour le secteur la mutualisation de l'organisation de la formation professionnelle et de certaines actions sociales et culturelles, compte tenu de l'éclatement des employeurs qui ne peuvent pas assurer individuellement ces missions. À compter du 1 er janvier 2022, l'APNI assurera également pour le compte des employeurs la gestion de la prévoyance des salariés 140 ( * ) , par la collecte des cotisations complémentaire et la sélection d'un organisme de prévoyance pour les salariés du secteur.

Les rapporteurs saluent les avancées réalisées pour renforcer les droits sociaux des assistants maternels et des salariés du particulier employeur, qui sont le fruit d'une concertation de l'ensemble des partenaires sociaux de ce secteur. Dans le prolongement des dispositifs mis en place et suite aux travaux d'expérimentation réalisés, il convient de donner une base légale solide au déploiement d'un système de santé au travail adapté à l'emploi par un particulier employeur .

Alors que le présent article renvoie la définition de cette organisation à un décret, les rapporteurs considèrent qu'il est préférable et plus sécurisant de fixer dans la loi les bases de cette organisation dérogatoire. La commission a donc adopté l'amendement COM-162 des rapporteurs qui prévoit que l'APNI sera chargée de mettre en oeuvre la prévention des risques et le suivi médical des salariés pour le compte des employeurs. L'APNI désignera le ou les SPST chargés d'assurer ce suivi et les employeurs y adhéreront, au moyen d'une contribution forfaitaire, par son intermédiaire. Il est précisé que les organismes de recouvrement des cotisations sociales assureront pour l'APNI la collecte de cette contribution auprès des employeurs et des informations nécessaires à la mise en oeuvre de cette nouvelle mission. Les guichets uniques utilisés par les particuliers employeurs (Cesu et Pajemploi) et gérés par les Urssaf, pourront ainsi intégrer la collecte de cette contribution et des données nécessaires afin de maintenir une organisation simple de la gestion des démarches liées à l'emploi d'un salarié par un particulier.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 18
Aménagement des modalités de l'organisation du retour des travailleurs à leur poste après une absence de longue durée

Cet article propose de permettre au salarié en arrêt de travail de solliciter un rendez-vous de liaison et fait remonter au niveau législatif les dispositions règlementaires relatives aux visites médicales de pré-reprise et de reprise.

La commission a adopté cet article en apportant des modifications aux modalités d'organisation du rendez-vous de liaison.

I - Le dispositif proposé

A. Des visites visant à faciliter la reprise du travail après un arrêt

Les différentes visites médicales dont bénéficient les salariés ayant connu un arrêt de travail sont aujourd'hui prévues par des dispositions de nature règlementaire du code du travail.

1. La visite de pré-reprise

L'article R. 4624-29 prévoit une visite de pré-reprise , organisée par le médecin du travail, à l'initiative du médecin traitant, du médecin conseil de l'assurance maladie ou du travailleur lui-même. Cette visite est obligatoire pour tout arrêt de travail d'au moins trois mois .

Au cours de l'examen de pré-reprise, le médecin du travail peut recommander des aménagements et adaptations du poste de travail, formuler des préconisations de reclassement ou recommander des formations professionnelles. Sauf opposition du travailleur, il informe l'employeur et le médecin conseil de ses recommandations.

2. L'examen de reprise

L'article R. 4624-31 prévoit ainsi un examen de reprise du travail à l'issue d'un congé de maternité, d'une absence pour cause de maladie professionnelle ou d'une absence d'au moins 30 jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non-professionnel.

Cet examen est réalisé par le médecin du travail. Il appartient à l'employeur de saisir le service de santé au travail dès qu'il a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail ou au plus tard dans les huit jours qui suivent la reprise du travail.

B. Une évolution des visites obligatoires

Le présent article tend à faire remonter au niveau législatif, sans évolution notable du droit applicable, les dispositions relatives aux visites dont bénéficient les travailleurs après un arrêt de travail. Il propose en outre de créer un entretien professionnel de pré-reprise.

1. Création d'un entretien de pré-reprise

a) Arrêts de travail de droit commun

Le présent article tend tout d'abord à créer un entretien de pré-reprise entre le salarié absent pour cause d'incapacité et son employeur.

Le crée un nouvel article au sein du code du travail, initialement numéroté L. 1226-1-2 141 ( * ) , qui, sans remettre en cause la suspension du contrat de travail du salarié, permet l'organisation d'un rendez-vous de pré-reprise entre le travailleur, l'employeur et, initialement de manière facultative, le service de prévention et de santé au travail (SPST) lorsque l'absence du salarié résultant d'une maladie ou d'un accident dépasse une durée fixée par décret . Les salariés pouvant bénéficier de cet entretien sont définis par renvoi au premier alinéa de l'article L. 1226-1, qui prévoit une indemnité complémentaire versée par l'employeur aux salariés ayant une année d'ancienneté.

Dans le cadre de cet entretien, le salarié est informé qu'il peut bénéficier d'actions de prévention de la désinsertion professionnelle, d'un examen de pré-reprise et de mesures d'aménagement du poste et du temps de travail.

b) Arrêts de travail résultant d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle

Dans la rédaction initiale, un insérait des dispositions similaires dans un nouvel article L. 1226-7-1, applicable aux salariés dont l'arrêt de travail résulte d'un accident du travail autre qu'un accident de trajet ou d'une maladie professionnelle

2. Aménagement des visites de reprise et de pré-reprise

Le fait remonter au niveau législatif les dispositions relatives aux visites médicales de reprise et de pré-reprise . Il crée à cet effet deux nouveaux articles L. 4624-2-2 et L. 4624-2-3 à la suite des dispositions relatives au suivi de l'état de santé des travailleurs par la médecine du travail (art. L. 4624-1).

Le nouvel article L. 4624-2-2 prévoit que, après un congé de maternité ou une absence pour cause d'accident ou de maladie répondant à des conditions fixées par décret, le travailleur bénéficie d'un examen de reprise . Dans la rédaction initiale, cet examen pouvait être réalisé par un professionnel de santé au travail. Le délai dans lequel cet examen doit être organisé doit être fixé par décret.

Le nouvel article L. 4624-2-3 prévoit, pour toute absence pour incapacité résultant d'une maladie ou d'un accident, le travailleur peut bénéficier d'un examen de pré-reprise . Cet examen est réalisé par le médecin du travail et est organisé, dans la rédaction initiale, à l'initiative du travailleur, de l'employeur, des services de l'assurance maladie ou du médecin du travail. Il peut être organisé dès lors que le retour du travailleur à son poste est envisagé et a notamment pour objet d'étudier les mesures d'adaptation du poste de travail.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. Entretien de liaison

Au stade de l'examen en commission, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de Mme Valérie Six tendant à renommer l'entretien de pré-reprise pour retenir plutôt la notion d'entretien « de liaison ».

Elle a également adopté un amendement des rapporteures, identique à un amendement de Mme Six tendant à rendre impérative la présence du SPST à cet entretien . Un amendement des rapporteures a en outre précisé que l'entretien est organisé à l'initiative du salarié , l'employeur pouvant l'informer de cette faculté.

Dans la mesure où les salariés pouvant bénéficier d'un entretien de liaison sont, aux termes du proposé, tous ceux qui, ayant un an d'ancienneté, sont absents pour cause de maladie ou d'accident quelle qu'en soit l'origine, l'article L. 1226-7-1 initialement proposé pour couvrir les arrêts résultant d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle était superfétatoire. Un amendement des rapporteures adopté en commission l'a donc supprimé.

B. Visite de reprise

Un amendement des rapporteures a restreint au seul médecin du travail la possibilité de réaliser l'examen de reprise , conformément à une recommandation du Conseil d'État qui observait que cet examen peut déboucher sur un avis d'inaptitude que seul un médecin peut émettre.

C. Visite de pré-reprise

Un amendement des rapporteures a précisé que la visite de pré-reprise peut également être organisée à l'initiative du médecin traitant, comme c'est le cas aujourd'hui (art. R. 4624-29). À l'inverse, un autre amendement des rapporteures a supprimé la possibilité pour l'employeur d'être à l'initiative de cet examen, tout en l'obligeant à informer le salarié de sa faculté de le solliciter.

L'Assemblée nationale a en outre adopté six amendements rédactionnels des rapporteures en commission et un en séance.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

Les dispositifs faisant l'objet du présent article, qui permettent d'anticiper le retour du salarié à l'issue de longs congés et l'adaptation de son poste de travail, sont essentiels pour la prévention de la désinsertion professionnelle.

A. Visite de pré-reprise et visite de reprise

En ce qui concerne les visites de reprise et de pré-reprise, les dispositions proposées ne modifient pas substantiellement le droit existant. Les rapporteurs notent toutefois que le délai dans lequel doit intervenir l'examen de reprise et la durée d'absence ouvrant le bénéfice de l'examen de pré-reprise seront fixés par décret. Ce renvoi au décret permettrait de prévoir des délais et durées plus courts pour l'organisation de ces visites, comme le recommande les professionnels de la prévention de la désinsertion professionnelle, ce qui rejoint les orientations des rapporteurs émises dans le cadre de leur rapport d'information de 2019.

B. Entretien de liaison

En ouvrant pour le salarié en arrêt de travail la possibilité de bénéficier d'un rendez-vous avec son employeur, le présent article semble avoir une portée assez limitée, formalisant un entretien qui peut déjà être réalisé aujourd'hui. Il donne néanmoins une meilleure visibilité et un cadre aux échanges pouvant se tenir entre l'employeur et le salarié avant son éventuelle reprise du travail, même s'il ne prévoit qu'une information du salarié sur les mesures dont il peut bénéficier.

Outre l'adoption d'un amendement de coordination des rapporteurs ( COM-164 ) la commission a souhaité apporter deux modifications à cet entretien de liaison, à l'initiative des rapporteurs (amendement COM-163 ). Elle a, d'une part, supprimé la présence obligatoire du service de prévention et de santé au travail lors de ce rendez-vous , considérant que cette présence risquait de placer ce service dans une situation délicate au regard de l'employeur et du salarié, notamment au regard du secret médical. Elle a, d'autre part, réintroduit la possibilité que ce rendez-vous soit organisé à l'initiative de l'employeur , qui doit préparer au mieux l'éventuel retour du salarié dans l'entreprise et l'informer des mesures dont il peut bénéficier. Ainsi que le recommandait le Conseil d'État dans son avis sur la proposition de loi, il est toutefois précisé, pour la protection du salarié, qu'aucune conséquence ne pourra être tirée du refus du salarié de se rendre à ce rendez-vous.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 18 bis
Encadrement et extension du contrat de rééducation professionnelle en entreprise et de l'essai encadré

Cet article propose de compléter les missions des caisses d'assurance maladie par la prévention de la désinsertion professionnelle et d'inscrire dans la loi les essais encadrés et les contrats de rééducation professionnelle en entreprise.

La commission a adopté cet article en y apportant quelques précisions.

I - Le dispositif proposé

Inséré en séance publique à l'Assemblée nationale sur proposition de Mme Catherine Fabre, le présent article attribue aux caisses d'assurance maladie une mission de prévention de la désinsertion professionnelle et inscrit dans la loi les dispositifs de l'essai encadré et du contrat de rééducation professionnelle en entreprise (CRPE), en élargissant les personnes pouvant y prétendre.

A. Action des caisses de sécurité sociale en matière de prévention de la désinsertion professionnelle

L'article L. 221-1 du code de la sécurité sociale (CSS) définit les missions de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam). Il lui revient notamment (3°) de « promouvoir une action de prévention, d'éducation et d'information de nature à améliorer l'état de santé de ses ressortissants » et de coordonner l'action des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) et des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM).

L'article L. 262-1 confère aux CPAM et aux Carsat la mission d'exercer une action de prévention, d'éducation et d'information sanitaire ainsi qu'une action sanitaire et sociale. Ces actions sont destinées en priorité « aux populations exposées au risque de précarité ».

Le du I du présent article complète l'article L. 221-1, et confie à la Cnam la mission de « promouvoir la prévention de la désinsertion professionnelle afin de favoriser le maintien dans l'emploi de ses ressortissants dont l'état de santé est dégradé » et de coordonner l'action des organismes locaux et régionaux et celle du service social des Carsat.

Le du même I complète l'article L. 262-1 et prévoit que les organismes régionaux et locaux d'assurance maladie et le service social des Carsat mettent en oeuvre « des actions de promotion et d'accompagnement de la prévention de la désinsertion professionnelle afin de favoriser le maintien dans l'emploi de leurs ressortissants dont l'état de santé est dégradé ». Il est précisé que ces actions des caisses locales sont organisées compte tenu de la coordination assurée par la Cnam et qu'elles se font « en lien, en tant que de besoin, avec les acteurs de la compensation du handicap et les acteurs de la préorientation et de la réadaptation professionnelle ».

B. Inscription dans la loi de l'essai encadré et du contrat de rééducation professionnelle en entreprise et élargissement du public éligible

L'article L. 323-3-1 du code de la sécurité sociale permet au salarié en arrêt maladie indemnisé de bénéficier d'actions de formation professionnelle ou d'actions d'évaluation, d'accompagnement, d'information et de conseil. Ces formations peuvent être suivies après avis du médecin-conseil et avec l'accord de la caisse primaire, qui y participe. Elles doivent être compatibles avec la durée prévisionnelle de l'arrêt de travail.

C'est sur le fondement de cet article du code de la sécurité sociale qu'ont été déployés les essais encadrés et les contrats de rééducation professionnelle en entreprise (CRPE).

Le CRPE , géré par l'assurance maladie permet aux assurés déclarés inaptes et reconnus travailleurs handicapés, à l'issue de leur arrêt de travail, de se réaccoutumer à leur ancien métier ou de se former à un nouveau métier. Si l'article L. 5213-3 du code du travail mentionne la possibilité pour les travailleurs handicapés de bénéficier d'une rééducation professionnelle, les modalités du CRPE ne sont pas aujourd'hui précisées dans la loi. Leur mise en oeuvre par l'assurance maladie prend la forme d'un CDD d'une durée maximale de 18 mois qui peut être exécuté dans l'entreprise ou dans une autre entreprise, assorti d'un accompagnement et co-financé par l'employeur et l'assurance maladie 142 ( * ) .

L'essai encadré , également géré par l'assurance maladie, est un dispositif permettant au salarié de tester la compatibilité d'un poste de travail avec ses capacités. Il permet ainsi d'évaluer l'adéquation du salarié à son ancien poste de travail ou à un nouveau poste en fonction d'aménagements possibles ainsi que d'évaluer les possibilités d'un reclassement professionnel. Cet essai, effectué dans l'entreprise ou dans une autre entreprise, est d'une durée maximale de 14 jours et il est soumis à l'avis de trois médecins ainsi qu'à une visite d'aptitude à l'essai encadré 143 ( * ) .

Le 3° du I du présent article modifie l'article L. 323-3-1, afin de mentionner explicitement l'essai encadré et le CRPE. Les modifications proposées visent plus précisément :

- au a , à préciser la mention des caisses primaires afin de viser également les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) là où elles existent ;

- au b , à modifier les règles d'information du médecin du travail afin que cette responsabilité incombe à la caisse et non plus à l'employeur ;

- au c , à compléter l'article afin d'énumérer, de manière non-limitative, les actions d'accompagnement auxquelles les caisses peuvent participer. Sont ainsi mentionnés « l'essai encadré », dont les modalités devront être organisées par décret et « la convention de rééducation professionnelle », dont il est précisé qu'elle donne lieu au versement d'indemnités selon des modalités définies par décret en Conseil d'État. Il est précisé que ces actions se font « en lien avec les acteurs de la compensation du handicap et les acteurs de la réadaptation selon les territoires ».

Le II du présent article propose d'inscrire explicitement dans la loi les modalités du contrat de rééducation professionnelle en entreprise et de l'ouvrir aux travailleurs déclarés inaptes même s'ils ne sont pas reconnus travailleurs handicapés.

Le du II crée un article L. 5213-3-1 du code du travail définissant la convention de rééducation professionnelle en entreprise . Aux termes du I de ce nouvel article du code, cette convention est conclue entre l'employeur, le salarié et la caisse d'assurance maladie (CPAM ou CGSS). Elle détermine « les modalités d'exécution de la rééducation professionnelle » ainsi que le montant et les conditions de versement de l'indemnité journalière d'assurance maladie.

La rééducation professionnelle peut être assurée par l'employeur (II de l'article L. 5213-3-1 proposé). Dans ce cas elle fait l'objet d'un avenant au contrat de travail, dont il est précisé qu'il ne peut modifier la rémunération. Dans le cas contraire, elle est effectuée selon les modalités prévues à l'article L. 8241-2 qui encadrent le prêt de main d'oeuvre, afin de prévoir les cas où le CRPE est effectué dans une autre entreprise.

Si, à l'issue d'une rééducation professionnelle, un salarié démissionne afin d'être embauché par une autre entreprise, il peut continuer à bénéficier des indemnités journalières de l'assurance maladie (III de l'article proposé) Enfin, il est précisé que, lorsque l'entreprise qui a assuré la rééducation professionnelle embauche le salarié dans un emploi similaire, la durée de la mise en situation est déduite de la période d'essai. Aux termes du IV de l'article proposé, un décret en Conseil d'État devra définir ses modalités d'application.

Les et du II portent sur les personnes éligibles au CRPE. Le 1° crée un nouvel article L. 1226-1-4 au sein du code du travail qui prévoit que les travailleurs déclarés inaptes ou pour lesquels le médecin du travail a identifié un risque d'inaptitude peuvent bénéficier du CRPE. Le 3° modifie l'article L. 5213-3 du code du travail afin de préciser que les travailleurs handicapés déclarés inaptes peuvent bénéficier du CRPE.

Enfin, par coordination, le du II propose d'apporter un ajout à l'article L. 4622-8-1, créé par l'article 14 de la présente proposition de loi. Cette modification vise à ajouter, parmi les missions de la cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle, la participation de cette cellule à l'accompagnement vers les dispositifs de prévention de la désinsertion professionnelle.

II - La position de la commission

Les rapporteurs soutiennent les dispositifs de l'essai encadré et du contrat de rééducation professionnelle en entreprise comme des outils utiles à la prévention de la désinsertion professionnels des travailleurs handicapés et inaptes.

S'ils se sont interrogés sur l'utilité de la mesure proposée, qui vise à inscrire dans la loi des dispositifs déjà existants, ils ont néanmoins considéré que le présent article permettait, en ce qui concerne l'essai encadré et le CRPE :

- de contribuer à mieux informer les employeurs et les salariés sur l'existence de ces dispositifs, qui sont aujourd'hui peu utilisés ;

- d'ouvrir ces dispositifs aux travailleurs inaptes qui ne sont pas reconnus comme travailleurs handicapés ;

- de mieux encadrer ces dispositifs lorsqu'ils sont réalisés au sein d'une entreprise différente de celle qui emploie le salarié.

Pour ces raisons, ils soutiennent les modifications proposées par le présent article.

S'agissant de l'inscription dans la loi des missions des caisses d'assurance maladie en faveur de la prévention de la désinsertion professionnelle , les rapporteurs considèrent que leur portée est relativement limitée, ces actions pouvant être menées sans cette mention expresse, notamment sur la base des objectifs définis par convention entre l'État et la Cnam. Ils ont toutefois considéré que cette mesure pouvait clarifier les missions des caisses et contribuer à harmoniser les pratiques des caisses locales, tant dans l'hexagone que dans les outre-mer. La commission a en outre adopté deux amendements identiques de M. Milon et Mme Deseyne précisant que les actions de ces caisses pourront s'effectuer, en tant que de besoin, avec le concours « d'intervenants extérieurs qualifiés » (amendements COM-4 et COM-7 )

La commission a également adopté trois amendements de coordination des rapporteurs (COM-195, COM-190 et COM-192), dont l'un vise à ce que l'ensemble des missions des cellules pluridisciplinaires de prévention de la désinsertion professionnelle soient définies à l'article 14 de la présente proposition de loi.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 18 ter
Ouverture au médecin du travail des mesures d'accompagnement humain de maintien en emploi

Cet article propose de compléter la liste des mesures que le médecin du travail peut proposer, afin de mentionner des mesures d'accompagnement humain de maintien dans l'emploi.

La commission a supprimé cet article.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 4624-3 du code du travail permet, de manière générale, au médecin du travail de proposer des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées notamment par l'âge ou l'état de santé du travailleur

Inséré en séance publique à l'Assemblée nationale sur proposition de M. Thierry Michels, le présent article ajoute la possibilité pour le médecin du travail de proposer des mesures d'accompagnement humain de maintien dans l'emploi .

II - La position de la commission

Les rapporteurs se sont interrogés sur la portée normative du présent article, le médecin du travail pouvant déjà proposer au salarié les mesures ajoutées. Ces mesures d'accompagnement humain de maintien dans l'emploi semblent en outre assez logiques à proposer au salarié qui en a besoin, sans qu'il soit nécessaire de les inscrire dans la loi, qui mentionne déjà un large ensemble de mesures pouvant être proposées par le médecin du travail. Pour ces raisons, les rapporteurs ont proposé, par un amendement COM-165 , de supprimer cet article.

La commission a supprimé cet article.

Article 19
Suppression de la condition d'ancienneté pour bénéficier d'un projet de transition professionnelle au bénéfice des salariés en risque de désinsertion professionnelle

Cet article propose de faciliter l'accès à un projet de transition professionnelle financé par le compte personnel de formation pour les salariés ayant connu un long arrêt de travail.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel 144 ( * ) a transformé le congé individuel de formation (CIF) en modalité particulière d'utilisation du compte personnel de formation ( CPF ), dans le cadre d'un projet de transition professionnelle (art. L. 6323-17-1 du code du travail).

A. Les exceptions à la condition d'ancienneté pour bénéficier d'un projet de transition professionnelle

L'article L. 6323-17-2 du code du travail définit les conditions pour bénéficier d'un projet de transition professionnelle. Il précise notamment que le salarié doit justifier d'une ancienneté minimale dans l'entreprise définie par décret.

L'article D. 6323-9 du code du travail prévoit deux conditions d'ancienneté alternatives :

- soit 24 mois, consécutifs ou non, en tant que salarié dont 12 mois dans l'entreprise ;

- soit 24 mois, consécutifs ou non, en tant que salarié au cours des 5 dernières années, dont 4 mois, consécutifs ou non, en CDD au cours des 12 derniers mois.

Cette ancienneté n'est toutefois pas requise pour les salariés bénéficiant de l'obligation d'emploi en faveur des travailleurs handicapés (OETH) ni pour les salariés qui ont changé d'emploi à la suite d'un licenciement pour motif économique ou pour inaptitude n'ayant pas suivi de formation entre leur licenciement et leur réemploi.

B. La création d'une nouvelle exception

Le présent article complète l'article L. 6323-17-2 afin de lever la condition d'ancienneté pour certains salariés ayant connu un arrêt de travail.

Il mentionne les salariés qui, dans les 24 mois précédant leur demande, ont connu une absence au travail résultant d'une maladie professionnelle ainsi que ceux qui ont connu une absence supérieure à une durée fixée par décret résultant d'un accident du travail ou d'une maladie ou d'un accident non-professionnel.

La rédaction initialement proposée précisait en outre que ces salariés sont prioritaires pour bénéficier d'un projet de transition professionnelle.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Un amendement des rapporteures a supprimé la mention d'une priorité pour le bénéfice d'un projet de transition professionnelle, au motif que la suppression de la condition d'ancienneté suffit à faire des salariés concernés un public prioritaire.

III - La position de la commission

La prévention de la désinsertion professionnelle constitue un axe de travail capital et le présent article apporte une proposition qui, si elle peut être pertinente, ne saurait avoir qu'une portée limitée.

En effet, le présent article propose d'exonérer de condition d'ancienneté les salariés qui ont connu un arrêt de travail relativement long au cours des 24 derniers mois. Or, par hypothèse, ces salariés ont été titulaires d'un contrat de travail salarié pendant au moins une certaine fraction de la période considérée. Nombre d'entre eux remplissent donc déjà la condition prévue par l'article D. 6323-9, à savoir 24 mois en tant que salarié dont 12 mois dans l'entreprise. Une certaine ancienneté en tant que salarié est encore plus probable pour les salariés arrêtés pour maladie professionnelle.

Interrogés par les rapporteurs, les services du ministère du travail ont confirmé que pour une très grande majorité des salariés, le critère d'ancienneté ne constituait pas un obstacle au bénéfice d'un projet de transition professionnelle pris en charge par le CPF . Ils ont toutefois précisé que certains salariés pouvaient ne pas remplir cette condition lorsqu'ils sont titulaires de contrats de travail courts (par exemple les intermittents ou les pigistes). Le ministère du travail précise en outre que la durée minimale d'absence fixée par décret pourrait être de trois mois.

Si le public éligible est donc relativement limité, les rapporteurs considèrent que la mesure proposée pourra toutefois permettre d'ouvrir les projets de transition professionnelle à des catégories de salariés remplissant difficilement la condition d'ancienneté du fait d'une absence de travail et de la brièveté de leur contrat.

La commission a adopté cet article sans modification.


* 122 P. Aballea, M.-A. du Mesnil du Buisson, « La prévention de la désinsertion professionnelle des salariés malades ou handicapés », rapport IGAS, décembre 2017.

* 123 Loi n° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l'organisation de la médecine du travail.

* 124 Santé et maintien en emploi : prévention de la désinsertion professionnelle des travailleurs. Recommandation de bonne pratique, HAS, février 2019.

* 125 « Pour un service universel de santé au travail », rapport d'information n° 10 (2019-2020) de M. Stéphane Artano et Mme Pascale Gruny, fait au nom de la commission des affaires sociales, 2 octobre 2019.

* 126 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 127 Art. L. 5213-6-1 du code du travail.

* 128 Association de gestion du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées.

* 129 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

* 130 Pour un service universel de santé au travail , rapport d'information n° 10 (2019-2020) de M. Stéphane Artano et Mme Pascale Gruny, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, déposé le 2 octobre 2019.

* 131 Dont le forfait patientèle du médecin traitant, le forfait structure pour le médecin traitant et certains spécialistes et la rémunération sur objectifs de santé publique comprenant des indicateurs de participation à une collaboration pluridisciplinaire.

* 132 Une renvoi spécifique à un décret était prévu dans la rédaction initiale et a été supprimé par l'Assemblée nationale. L'article L. 4624-10 prévoit déjà que les conditions d'application du chapitre dans lequel s'insèrent les dispositions proposées par le présent article sont précisées par un décret en Conseil d'État.

* 133 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 134 Décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail.

* 135 L'article R. 4624-10 précise que cette visite est effectuée dans un délai de trois mois à compter de la prise de poste.

* 136 L'article 1 er de la proposition de loi prévoit la transformation des services de santé au travail (SST) en services de prévention et de santé au travail (SPST).

* 137 « Pour un service universel de santé au travail », rapport d'information de M. Stéphane ARTANO et Mme Pascale GRUNY, fait au nom de la commission des affaires sociales, 2 octobre 2019.

* 138 En séance publique, M. Laurent Pietraszewski s'est ainsi interrogé : « l'amendement de la rapporteure renvoie les modalités d'application à un décret, mais permettra-t-il de répondre à toutes les questions opérationnelles qui se poseront ? » Avant de répondre lui-même à cette question : « Ayant moi aussi pris connaissance de ce dossier, j'en doute. À terme, nous serons obligés de repasser par la loi ».

* 139 D'après les informations transmises aux rapporteurs par la Fepem.

* 140 En vertu de la loi n° 2021-725 du 8 juin 2021 visant à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs.

* 141 Il existe déjà un article L. 1226-1-2 au sein du code du travail.

* 142 Selon les informations transmises aux rapporteurs par les services du ministère du travail.

* 143 Selon les informations transmises aux rapporteurs par les services du ministère du travail.

* 144 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

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