II. UN PLAN DE RELANCE BIENVENU POUR LA POLICE ET LA GENDARMERIE NATIONALES, SOUFFRANT TOUTEFOIS D'UNE GRANDE OPACITÉ ET QUI DOIT S'INSCRIRE DANS LA DURÉE POUR ÊTRE PLEINEMENT EFFICACE
A. LA DIFFICILE PRISE EN COMPTE DU PLAN DE RELANCE
1. L'absence de vision consolidée des dépenses dédiées aux deux forces
Le gouvernement a fait le choix de rassembler l'ensemble des crédits du plan de relance au sein d'une mission budgétaire ad hoc . Les crédits de ce plan affectés à la police et à la gendarmerie nationales ne sont donc pas inclus dans les chiffres présentés supra , qui ne retracent que ceux inscrits au sein de la mission « Sécurités » dans le projet de loi de finances pour 2021.
Une vision consolidée des crédits effectivement mis à disposition de la police et de la gendarmerie nationales en 2021 est donc rendue particulièrement difficile, puisque les documents budgétaires n'indiquent pas clairement l'affectation des crédits prévus par la mission « Plan de relance ». À titre d'exemple, le projet annuel de performance (PAP) de cette mission comprend une ligne relative au verdissement du parc automobile de l'État (180 millions d'euros en AE, 79 millions d'euros en CP en 2021), concernant « les flottes de la police, de la gendarmerie, des douanes mais également de la pénitentiaire », qui ne précise pas les modalités de cette répartition. De nombreuses dépenses, notamment dans le domaine de l'investissement immobilier, souffrent du même type d'imprécision, puisque les crédits seront alloués aux différents responsables de programmes sous la forme d'appel à projets en cours de gestion ou pendant l'examen du présent projet de loi de finances par le Parlement.
Les dépenses inscrites de la mission « Plan de relance » touchant totalement ou en partie la police et la gendarmerie nationales Les dépenses suivantes, inscrites dans le projet annuel de performance (PAP) de la mission « Plan de relance », sont susceptibles d'entrainer une augmentation des crédits mis à disposition des forces de sécurité intérieure : - renforcement des moyens aériens de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile : 41,6 millions d'euros en CP 12 ( * ) ; - le PAP prévoit le maintien en condition opérationnelle des hélicoptères et des avions 13 ( * ) de la gendarmerie nationale (34 millions d'euros) en AE/CP ; - verdissement du parc automobile de l'État (180 millions d'euros en AE, 79 millions d'euros en CP en 2021, concernant également la direction générale des douanes et des droits indirects et la direction de l'administration pénitentiaire) ; - ajustement calibrage NEO (passage de 60 à 100 000 terminaux en extension année pleine) : 3,7 millions d'euros en AE et en CP (police et gendarmerie nationales) ; - remise à niveau des écoles de la police nationale (8,8 millions d'euros en AE et en CP) : Les écoles de la police nationale, notamment les sites d'Oissel et de Nîmes connaissent un état de vétusté important et nécessitent donc des travaux d'entretien ; - investissements immobiliers (101,2 M€ en AE et 101,5 M€ en CP) : rénovation de l'immobilier des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur, déploiement des « Espaces France services » des sous-préfectures dans le but de réaliser de la médiation envers les populations fragiles, et les divers projets d'investissements immobiliers prévus par la police et la gendarmerie nationales. Là encore, le montant des crédits dédiés aux deux forces n'est pas précisé. Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires |
2. Le renvoi de dépenses opérationnelles et traditionnelles dans le plan de relance
L'examen des documents budgétaires révèle un risque de substitution de certaines dépenses relevant du fonctionnement régulier des forces de sécurité intérieure en dépenses labellisées « Plan de relance », ce qui semble avant tout traduire la volonté de « gonfler » son ampleur.
Ce phénomène concerne tout particulièrement les dépenses d'équipement. Ainsi, aucune AE n'est prévue en matière d'achat d'armes au sein du programme « Gendarmerie nationale », ces dernières étant ouvertes dans la mission « Plan de relance ». Le montant des CP inscrits au sein du programme « Gendarmerie nationale » ne permettra par exemple de couvrir que les engagements des deux dernières années (pistolet automatique Glock 26, Glock 19, pistolet mitrailleur HK UMP, HK G36 KA3, HK417, désignateur laser, monoculaire de vision nocturne pour Tikka, pistolets à impulsion électriques, batterie XPPM).
Les dépenses suivantes, prévues par le projet annuel de performance de la mission « Plan de relance », apparaissent comme relevant des dépenses courantes des forces de sécurité intérieure :
- achat d'armes (0 millions d'euros en AE et 1,1 million d'euros en CP) : ces crédits permettront notamment l'acquisition de tasers ;
- achat d'habillement (3,2 millions d'euros en AE et 41,6 millions d'euros en CP) : le plan de relance permettra de financer l'achat de gilets tactiques ;
- une dotation complémentaire prévue dans le plan de relance sera destinée à l'acquisition de caméras-piétons. En outre, le plan de relance comporte des dépenses relatives à l'acquisition de postes informatiques et périphériques.
En matière immobilière, le plan de relance prévoit des crédits d'investissement immobilier (en matière de rénovation énergétique notamment), mais également des crédits destinés à la gestion du parc immobilier (34,3 millions d'euros en AE et en CP) de l'ensemble du ministère d'intérieur. Il s'agit de divers travaux d'entretien du parc immobilier qui relèvent là encore davantage de dépenses courantes que de l'effort de relance.
* 12 Dans le cadre du Plan de relance, 200 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP pour le programme 152 « Gendarmerie nationale » ont été ouverts par anticipation en loi de finances rectificative.
* 13 Citation du projet annuel de performance de la mission « Plan de relance » particulièrement étonnante puisque la gendarmerie nationale ne dispose pas d'avions.