II. UN ENSEMBLE DE MESURES DISPARATES ET DE PORTÉE INÉGALE
A. DEUX MESURES DÉJÀ EN VIGUEUR
La proposition de loi débute par deux articles relatifs à l' exercice de l'autorité parentale . L'Assemblée nationale les a supprimés, constatant que leurs dispositions avaient déjà été intégrées dans l'article 8 de la loi Pradié du 28 décembre 2019.
Elles donnent la possibilité au juge pénal de retirer l'exercice de l'autorité parentale au parent condamné pour des infractions commises sur l'autre parent ou sur un enfant et organisent la suspension de plein droit de l'autorité parentale lorsqu'un parent est poursuivi ou condamné pour un crime commis sur l'autre parent.
La commission des lois a naturellement confirmé la suppression de ces deux premiers articles de la proposition de loi.
B. L'INTERDICTION DE LA MÉDIATION PÉNALE ET FAMILIALE
La proposition de loi tend à interdire le recours à la médiation pénale , qui constitue une alternative aux poursuites, et à la médiation familiale , dans les affaires de divorce ou les procédures relatives à l'exercice de l'autorité parentale, en cas de violences au sein du couple.
Le Grenelle a mis en évidence le fait que le recours à la médiation, bien qu'il soit déjà très encadré, ne constituait pas une procédure adaptée en cas de violence au sein du couple en raison de l'inégalité entre l'agresseur et sa victime. La médiation ne peut aboutir à un résultat satisfaisant que si les deux parties se trouvent sur un pied d'égalité.
En matière civile, la médiation familiale est dès lors exclue quand des violences sont alléguées par un époux sur l'autre époux, ou sur un enfant, ou en cas « d'emprise manifeste » de l'un des époux sur son conjoint.
Cette dernière mention permet au Gouvernement de tenir son engagement d'inscrire la notion d'emprise dans le code civil. La notion d'emprise pourra être invoquée dans ce cadre très circonscrit, dans le but d'écarter le recours à la médiation familiale.
L'emprise Le rapporteur a auditionné le Dr Marie-France Hirigoyen, psychiatre, qui a beaucoup travaillé sur le concept d'emprise. Elle a accompagné de nombreuses patientes vivant sous l'emprise de leur conjoint et dispense des formations, notamment à l'École nationale de la magistrature (ENM). Le dictionnaire de l'Académie française définit l'emprise comme l'ascendant intellectuel ou moral exercé sur un individu ou un groupe. La définition proposée par le Dr Hirigoyen est proche : il s'agit pour elle d'une véritable prise de possession du psychisme de l'autre, qui aboutit à l'aliénation de la victime, dont les capacités de jugement sont altérées au point qu'elle en arrive à accepter l'inacceptable. L'emprise s'installe progressivement : la relation débute généralement par une phase de séduction, suivie par une phase de dénigrement, qui vise à casser l'estime de soi et à isoler la victime de son entourage ; elle débouche sur une forme de prise de contrôle, marquée par le harcèlement et la suspicion permanents. Un climat de peur s'installe, provoqué par l'hostilité permanente et les discours contradictoires du conjoint. Le chantage affectif, le chantage au suicide notamment, est fréquemment utilisé pour faire fléchir la victime tentée de résister. Celle-ci finit par développer des troubles psychosomatiques, de l'anxiété, des troubles du sommeil, qui l'affaiblissent encore davantage, et que le conjoint exploite en laissant entendre que les difficultés au sein du couple proviennent de ces soucis de santé et non de son propre comportement. La violence physique intervient bien après que la violence psychologique de l'emprise s'est installée. Les personnes qui cherchent à établir leur emprise présentent souvent un profil psychologique particulier, caractérisé par la paranoïa, des traits pervers ou des troubles obsessionnels. |