II. LA PERSISTANCE DE POINTS DE DÉSACCORD SUR LESQUELS LE SÉNAT ENTEND À NOUVEAU REVENIR POUR PRÉSERVER LA LIBERTÉ D'EXPRESSION
A. DES DÉSACCORDS PERSISTANTS SUR DES QUESTIONS DE PRINCIPE ET L'EFFICACITÉ DE CERTAINS DISPOSITIFS
1. Le rétablissement par l'Assemblée nationale du délit de « non-retrait » des contenus haineux dans une version encore remaniée
L'Assemblée nationale a rétabli en nouvelle lecture la création d'un nouveau délit de « non-retrait » en 24 heures des contenus haineux signalés aux grandes plateformes ( article 1 er ).
Les députés ont à nouveau apporté plusieurs modifications à ce dispositif pourtant déjà largement amendé par eux en première lecture.
Ils ont d'abord procédé à des ajustements significatifs du champ des acteurs et des types de contenus haineux concernés par l'obligation de retrait :
- en réintégrant les moteurs de recherche (le Sénat n'ayant conservé que les réseaux sociaux) ;
- en conservant l'ajout du négationnisme proposé par le Sénat en première lecture (art. 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse), mais en excluant désormais les infractions de traite des êtres humains (art. 225-4-1 du code pénal), de proxénétisme (art. 225-5 et 225-6 du même code), ainsi que l'exposition des mineurs à des messages violents, incitant au terrorisme, ou à des jeux dangereux (art. 227-24 du même code), seule l' exposition des mineurs à des messages pornographiques étant conservée.
Ils ont également introduit plusieurs corrections au mécanisme pénal envisagé.
La peine de prison a été supprimée , au profit du seul prononcé d'une amende, dont le montant serait désormais fixé à 250 000 euros (sans quintuplement pour les personnes morales) car, selon la rapporteure Laetitia Avia, « l'utilité [de l'emprisonnement] n'est pas avérée s'agissant de personnes morales ».
Le critère d'intentionnalité du délit de « non-retrait » de contenu haineux a été précisé - et l'infraction serait désormais explicitement constituée même en cas de simple négligence (« en l'absence d'examen proportionné et nécessaire du contenu notifié »).
Par le jeu d'un renvoi, a été rappelée la possibilité de recours a posteriori devant un juge (par la voie du référé prévu par LCEN ou du référé conservatoire civil de droit commun).
Enfin, les contenus notifiés comme illicites devront être conservés pendant la durée de la prescription pour faciliter les enquêtes.
2. L'introduction inopinée d'une nouvelle sanction pénale en cas de non-retrait en une heure des contenus terroristes et pédopornographiques
Les députés ont introduit en séance, à l'initiative du Gouvernement, une nouvelle obligation pour tout hébergeur ou éditeur, quelle que soit l'importance de son activité, de retirer en une heure les contenus à caractère terroriste ou pédopornographique notifiés par l'administration , sous peine de lourdes sanctions pénales (un an d'emprisonnement et 250.000 euros d'amende, portés au quintuple pour les personnes morales).