CHAPITRE II
Reconnaître et sécuriser les droits des enfants
nés d'assistance médicale à la procréation
Article 3
Droit des personnes nées d'une assistance médicale
à la procréation avec tiers donneur d'accéder à
certaines données
non identifiantes et à l'identité du
donneur à leur majorité
Cet article propose de créer au bénéfice des personnes nées d'une AMP avec don de gamètes ou d'embryons un droit d'accéder, à leur majorité, à certaines données dites non identifiantes et à l'identité de leur donneur, le consentement de celui-ci étant recueilli préalablement au don et de manière irrévocable. Soucieuse du respect de la vie privée, la commission a souhaité que le donneur soit consulté au moment de la demande de communication de son identité et puisse s'y opposer. Par ailleurs, elle a préféré confier les missions relatives à l'exercice de ce droit d'accès au Conseil national de l'accès aux origines personnelles (CNAOP), plutôt que de créer une nouvelle structure. Elle a par ailleurs ouvert la possibilité aux personnes déjà nées d'AMP avec tiers donneur de saisir le CNAOP pour qu'il contacte et sollicite le consentement des donneurs concernés.
I - Le dispositif proposé : créer un droit d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du donneur égal pour tous
1. L'état du droit : un principe d'anonymat opposable aux enfants nés d'un don de gamètes ou d'embryons
Depuis l'encadrement de l'assistance médicale à la procréation (AMP) par la loi du 29 juillet 1994, les dons de gamètes et d'embryons sont soumis au même principe d'anonymat que les autres dons d'éléments ou de produits du corps humain, la loi consacrant ainsi la pratique des centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains (CECOS).
Dans ce cadre - et c'est une particularité par rapport aux autres dons -, l'anonymat est opposable non seulement au couple receveur du don qui bénéficie de l'AMP, mais également à l'enfant conçu grâce à ce don .
Le principe d'anonymat est inscrit dans le code civil, à l'article 16-8, et dans le code de la santé publique, à l'article L. 1211-5 42 ( * ) . Ces dispositions législatives ont été validées par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision du 27 juillet 1994, a jugé que « l'interdiction de donner les moyens aux enfants ainsi conçus de connaître l'identité des donneurs ne saurait être regardée comme portant atteinte à la protection de la santé telle qu'elle est garantie par ce Préambule » 43 ( * ) . Le principe d'anonymat a été conservé lors de la révision de la loi relative à la bioéthique en 2011 , malgré la proposition initiale du Gouvernement d'intégrer un titre V intitulé « Accès à des données non identifiantes et à l'identité du donneur de gamètes » dans le projet de loi.
Par décision du 28 décembre 2017 44 ( * ) , le Conseil d'État a précisé que l'anonymat était opposable à toutes les demandes de communication d'informations présentées postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 1994 , y compris à celles qui se rapportaient à un don effectué antérieurement.
Dans cette même décision, il a considéré que le refus d'un CECOS de communiquer des documents relatifs au donneur de gamètes à l'origine de la conception du demandeur ne portait pas une atteinte excessive aux droits et libertés protégés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelant que « plusieurs considérations d'intérêt général ont conduit le législateur à interdire la divulgation de toute information sur les données personnelles d'un donneur de gamètes puis à écarter toute modification de cette règle de l'anonymat, notamment la sauvegarde de l'équilibre des familles et le risque majeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation , le risque d'une baisse substantielle des dons de gamètes , ainsi que celui d'une remise en cause de l'éthique qui s'attache à toute démarche de don d'éléments ou de produits du corps ».
Le principe d'anonymat connaît à ce jour une seule exception instituée dès 1994 afin de permettre l'accès aux informations médicales .
L'accès aux informations médicales non identifiantes
Les donneurs sont sélectionnés selon des critères médicaux d'acceptabilité après avoir passé une consultation médicale et des examens biologiques. Les candidats au don doivent ainsi présenter un bon état de santé général, un examen clinique et des résultats de marqueurs infectieux satisfaisants et n'avoir aucun signe connu de transmission de pathologies liés à des antécédents personnels ou familiaux graves 45 ( * ) . Près d' une personne sur deux est écartée du don pour motif médical . Compte tenu de cette sélection, les enfants issus d'un don ont moins de risques de développer des pathologies héréditaires que les autres enfants.
Nonobstant ces précautions préalables au don, le législateur a souhaité ménager un accès aux informations médicales du donneur dans l'intérêt de l'enfant.
En application de l'article L. 1244-6 du code de la santé publique, un médecin peut ainsi accéder aux informations médicales non identifiantes du donneur en cas de nécessité thérapeutique concernant un enfant conçu à partir de gamètes issus de son don. Le même dispositif est prévu à l'article L. 2141-6 en cas de don d'embryons. Ces informations sont transmises de médecin à médecin et l'anonymat est respecté, tant vis-à-vis de l'enfant issu du don que de ses parents.
La jurisprudence a apprécié la nécessité thérapeutique comme comprenant les actions à des fins de prévention, ce qui permet à un couple de personnes issues l'une et l'autre de dons de gamètes de prévenir tout éventuel risque de consanguinité en faisant interroger leurs centres d'AMP par leur médecin 46 ( * ) .
Par ailleurs, depuis la deuxième loi relative à la bioéthique du 7 juillet 2011, un donneur peut autoriser son médecin prescripteur à communiquer au CECOS où il a procédé à ses dons les résultats d'un test génétique « lorsqu'est diagnostiquée une anomalie génétique grave dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prévention ». Un médecin du centre porte alors à la connaissance des personnes issues de son don qu'une information médicale est susceptible de les concerner et les invite à se rendre à une consultation de génétique.
Le mécanisme d'accès aux informations médicales serait renforcé dans le cadre du présent projet de loi : la nécessité « thérapeutique » serait remplacée par la notion plus large de nécessité « médicale » (alinéa 2 de l'article 3) et la possibilité pour un donneur d'informer les personnes conçues grâce à son don des résultats d'un test génétique détectant une anomalie grave est transformée en obligation (article 9).
2. Les demandes exprimées par certaines personnes issues d'un don pour connaître leur donneur
En 1994, lorsque la règle de l'anonymat du don de gamètes et d'embryons a été inscrite dans la loi, la possibilité que les enfants issus de ces dons expriment le besoin de connaître l'identité de leurs donneurs avait déjà été évoquée. Ainsi Jean Chérioux, rapporteur au Sénat, écrivait-il : « si l'on perçoit bien en effet les fondements du principe d'anonymat, qui évite des contestations en matière de filiation et des problèmes découlant pour l'enfant de la présence de deux « pères », et si l'on comprend qu'en l'absence d'anonymat, le don de gamètes serait probablement découragé, il n'est pas possible de méconnaître l'importance chez l'enfant des quêtes identitaires , fréquentes en particulier au moment de l'adolescence et de la post-adolescence, et l'impérieux besoin qui est le sien de se situer dans l'histoire familiale » 47 ( * ) .
Aujourd'hui les demandes d'accès aux origines, anticipées en 1994, existent bel et bien et sont largement relayées auprès des médias par les associations Origines, PMAnonymes, Dons de gamètes solidaires ou encore le Collectif pour le droit aux origines dont les représentants ont été entendus par le rapporteur. Certains enfants nés grâce à des dons de gamètes portent leur combat pour « humaniser leur mode de conception » devant la justice 48 ( * ) ou utilisent les tests génétiques à visée généalogique, malgré leur interdiction actuelle en France 49 ( * ) , pour retrouver leur géniteur.
La médiatisation de ces initiatives ne doit pas masquer le fait que la grande majorité des 70 000 personnes issues de don ne s'expriment pas , tandis que d'autres ne sont pas favorables à la levée de l'anonymat.
Le rapporteur a ainsi entendu des représentants de l'Association des enfants du don (ADEDD) qui se sont déclarés opposés à titre personnel à un accès aux origines qui pourrait changer la nature altruiste du don et conduire à une démarche plus commerciale des donneurs. À leurs yeux, l'anonymat total est structurant pour l'enfant et ses parents, qui n'ont pas à faire de place au donneur sur le plan symbolique. Ils mettent également en garde contre le « faux Graal » que constitue la quête du donneur qui apparaît à certains comme le moyen d'apaiser leurs souffrances, alors qu'un travail sur soi pourrait être plus bénéfique.
Un consensus existe désormais sur la nécessité de révéler à l'enfant son mode de conception dès que possible, pour éviter une découverte tardive qui peut se révéler traumatisante car révélatrice d'un mensonge. Les CECOS eux-mêmes plaident pour une annonce concertée par les parents à un jeune âge 50 ( * ) .
Mais la question de « l'accès aux origines » reste plus discutée , le terme « origines » étant lui-même contesté car « les origines d'un enfant ne se trouvent pas dans un matériel génétique, mais bien plutôt dans son histoire, qui lui est racontée par ses parents. Même si sa vie découle de ce capital génétique, celui-ci ne résume ni son histoire ni ses origines » 51 ( * ) .
Ce débat est éminemment complexe et conduit à s'interroger sur les places respectives que la société veut reconnaître à la parentalité sociale et à la paternité biologique, et sur l'équilibre à instituer entre l'aspiration de l'enfant à connaître l'identité de son géniteur et le respect de la vie privée du donneur et de sa famille. L'ouverture envisagée de l'AMP aux couples de femmes ou aux femmes non mariées ajoute une interrogation supplémentaire sur le lien que pourrait souhaiter nouer avec le géniteur un enfant qui n'a pas de filiation paternelle établie 52 ( * ) .
3. Le mécanisme choisi par le Gouvernement : un accès garanti, à partir de 18 ans, aux données non identifiantes et à l'identité des donneurs
a) Les deux options envisagées par le Gouvernement
Aucune norme constitutionnelle ou conventionnelle n'impose à ce jour la mise en place d'un dispositif d'accès à des informations sur le donneur ou la donneuse de gamètes ou à son identité.
La Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt Odièvre 53 ( * ) , rendu en matière d'accouchement sous X, a précisé que l'article 8 de la Convention protège un droit à l'identité et à l'épanouissement personnel de l'individu au titre duquel figurent « l'établissement des détails de son identité d'être humain et l'intérêt vital, protégé par la convention, à obtenir des informations nécessaires à la découverte de la vérité concernant un aspect important de son identité personnelle, soit par exemple l'identité de ses géniteurs ». Toutefois, la Cour n'a pas, en l'état de sa jurisprudence 54 ( * ) , consacré le droit d'une personne conçue grâce à un don de gamètes d'accéder à des informations sur le donneur, mais reconnu une marge d'appréciation aux États.
En matière de droit aux origines des personnes conçues grâce à un don de gamètes, les pays européens ont adopté diverses solutions selon l'équilibre qu'ils ont choisi d'établir entre les droits des parents, des donneurs et des enfants. Un certain nombre d'entre eux ont souhaité permettre l'accès d'un enfant aux données identifiantes de son donneur, comme la Suède - dès 1985 -, la Suisse, l'Autriche, la Norvège ou les Pays-Bas. D'autres ont fait le choix d'autoriser un accès partiel - Islande, Belgique ou Danemark - et d'autres encore, de maintenir l'anonymat comme l'Espagne, la Pologne ou la Grèce.
Le Gouvernement a soumis au Conseil d'État deux versions alternatives de l'article 3 de son projet de loi. L'une prévoyait que tout donneur consent, avant même de procéder au don, à ce que l'enfant accède, à sa majorité, s'il le demande, à des données non identifiantes comme à son identité. L'autre, proche des dispositions du projet de loi déposé en 2010, conditionnait l'accès de l'enfant à l'identité du donneur au consentement de ce dernier au moment de la demande de l'enfant devenu majeur. C'est la première alternative qui a été présentée par le Gouvernement à l'Assemblée nationale.
b) Le choix d'un consentement irrévocable du tiers donneur à communiquer ses données non identifiantes et son identité dès le don
Le Gouvernement a souhaité conditionner le don de gamètes et d'embryons à l'acceptation préalable du tiers donneur 55 ( * ) à la communication de ses données non identifiantes, ainsi que de son identité , aux personnes issues de ses dons qui en exprimeraient la volonté à partir de leur majorité. Les enfants issus de dons pourraient ainsi tous avoir accès au même degré d'informations , sans dépendre de la volonté de leur donneur.
L'anonymat du don serait maintenu à l'égard des parents, qui ne pourraient choisir leur donneur « sur catalogue » comme certaines sociétés privées étrangères le proposent 56 ( * ) . Cet anonymat deviendrait toutefois provisoire , d'une durée minimum de 18 ans, et pourrait être levé à la majorité de l'enfant.
Deux types d'informations deviendraient alors accessibles s'il le souhaite 57 ( * ) :
- l'identité du donneur : celle-ci, non définie par le projet de loi, consisterait a priori en ses nom, prénoms, date et lieu de naissance 58 ( * ) ;
- ses données dites non identifiantes , qui seraient définies par l'article L. 2143-3 du code de la santé publique et précisées par décret en Conseil d'État. Il s'agirait de : l'âge ; l'état général tel que décrit au moment du don ; les caractéristiques physiques ; la situation familiale et professionnelle ; le pays de naissance ; les motivations du don. Le choix du qualificatif « non identifiantes » - qui se comprend par opposition à l'identité du donneur - a été critiqué par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dans son avis du 11 juillet 2019 59 ( * ) . La Commission a relevé que la transmission de ces données pouvait engendrer des risques possibles de ré-identification des donneurs. Il conviendrait donc qu'ils en soient informés.
Toutes ces données seraient recueillies par le médecin du CECOS au moment du consentement au don et il reviendrait à ce dernier d'apprécier le caractère identifiant ou non d'une information. En cas de doute, il pourrait solliciter l'avis de la commission ad hoc mise en place pour traiter les demandes d'accès.
c) La création d'un registre national des donneurs de gamètes et d'embryons et d'une commission ad hoc
À ce jour, les données relatives aux donneurs sont conservées localement par les vingt-neuf centres CECOS et il n'y a aucune centralisation au niveau national, ce qui ne permet pas un suivi satisfaisant du respect de l'article L. 1244-4 du code de la santé publique, qui limite le recours aux gamètes d'un même donneur à la naissance de dix enfants.
Le projet de loi prévoit de créer une base unique de données relatives aux tiers donneurs, à leurs dons et aux personnes nées à la suite de ces dons, dont le traitement serait confié à l'Agence de la biomédecine qui possède déjà une expérience en la matière puisque qu'elle gère d'autres fichiers 60 ( * ) . Dans ce cadre, elle assurerait la mise en réseau des CECOS qui sont ses interlocuteurs traditionnels et élaborerait un système d'information garantissant la qualité et la sécurité des données recueillies.
Une commission ad hoc , placée auprès du ministre de la santé, serait constituée pour servir d'interface entre l'Agence de la biomédecine et les personnes conçues par AMP avec donneur qui voudraient exercer leur droit d'accès aux origines.
Source : Commission spéciale du Sénat
Cette commission aurait une composition assez proche de celle du Conseil national d'accès aux origines personnelles (CNAOP) régi par l'article L. 147-1 du code de l'action sociale et des familles 61 ( * ) : magistrat de l'ordre administratif, membre de la juridiction administrative, représentants des ministères de la justice et des ministères de l'action sociale et de la santé, personnalités qualifiées et représentants d'associations.
d) Un dispositif transitoire qui suscite de nombreuses inquiétudes
La mise en place du nouveau système serait progressive et le Gouvernement a prévu trois phases :
- une première phase d'environ un an 62 ( * ) pendant laquelle seraient créées la base de données auprès de l'Agence de la biomédecine et la commission ad hoc ;
- une deuxième phase, dont la durée serait déterminée par décret , pendant laquelle seraient recrutés des donneurs autorisant l'accès à leurs données personnelles qui constitueraient de nouveaux stocks de gamètes et d'embryons , les AMP avec donneurs continuant à être opérées avec les stocks collectés antérieurement sous le régime de l'anonymat ;
- une troisième phase, pendant laquelle ne seraient plus utilisés que les gamètes et embryons de donneurs ayant accepté de donner accès à leur identité et leurs données non identifiantes, les éventuels stocks constitués sous l'ancien régime de l'anonymat restants étant alors détruits .
Cette période transitoire, qui pourrait aboutir à la destruction de stocks, crée des inquiétudes parmi les professionnels et les associations qui craignent une éventuelle pénurie de gamètes en raison des nombreuses incertitudes qui existent quant au comportement des donneurs face à la levée de l'anonymat 63 ( * ) et aux conséquences de la concomitance de cette mesure avec l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées 64 ( * ) .
Selon le Planning familial, les conséquences pourraient être, au-delà d'une pénurie de gamètes si ces mesures ne s'accompagnent pas de campagnes efficaces sur le don, « un risque de "suppression du don altruiste mais protégé" et à long terme une dérive vers l'indemnisation des donneurs/euses comme dans d'autres pays d'Europe » 65 ( * ) . La question financière a été directement évoquée par le professeur Israël Nisand dans une tribune intitulée « Indemniser le don de gamètes: et si on en débattait sans tabou? » 66 ( * ) .
La Fédération française des CECOS a indiqué : « à l'heure actuelle, il n'est pas possible d'apprécier de manière fiable la durée de la période de transition qui sera nécessaire pour recevoir les nouveaux candidats au don, en nombre suffisant pour répondre à l'ensemble des demandes, couples infertiles, couples de femmes et femmes non mariées, dans des délais comparables aux délais actuellement proposés pour les couples infertiles, à savoir un délai moyen national de 12 mois » 67 ( * ) .
Sa présidente a par ailleurs évoqué la situation des pays ayant modifié les conditions du don et leur recours aux importations pour pallier la baisse des dons : « (...) le nombre de dons n'est pas plus important qu'avant la modification de la loi. En effet, il est très compliqué de recruter les donneurs et ces pays importent des paillettes . Nous ne souhaitons pas rencontrer cette situation. Il serait regrettable d'aboutir à un système faisant appel à des structures qui ne respectent pas les mêmes règles éthiques » 68 ( * ) .
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, auditionné par la commission, a reconnu qu'il n'y avait pas « d'éléments de comparaison avec d'autres pays » compte tenu de la concomitance de l'ouverture de l'AMP à toutes les femmes et de la possibilité d'accéder à ses origines. Pour autant, il a écarté tout choix du Gouvernement d'importer des gamètes 69 ( * ) .
II - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale : un dispositif retouché à la marge
L'Assemblée nationale n'a pas modifié l'économie globale de l'article 3 du projet de loi.
En commission , les députés ont adopté divers amendements apportant des précisions rédactionnelles, notamment :
- pour prévenir tout risque de « double guichet » en inscrivant dans la loi que la personne qui ne consent pas à la communication de ses données non identifiantes et de son identité est exclue du don 70 ( * ) ;
- pour conforter l'absence de contrôle d'opportunité de la commission ad hoc sur les demandes d'accès qui ne « statuerait » plus sur les demandes d'accès, mais serait désormais « chargée d'y faire droit » 71 ( * ) .
Un amendement prévoyant la remise par le Gouvernement d'un rapport d'évaluation au Parlement en 2025 72 ( * ) a également été adopté.
En séance , les députés ont ajouté :
• la possibilité d'une réactualisation des données non identifiantes par le donneur 73 ( * ) ;
• la possibilité pour le donneur d'interroger la commission ad hoc pour prendre connaissance du nombre d'enfants nés grâce à son don avec la précision de leur sexe et de leur année de naissance 74 ( * ) .
Ils ont également précisé que les anciens donneurs pourront consentir à ce que leurs gamètes ou embryons en cours de conservation continuent à être utilisés dans le cadre du nouveau régime, dès lors qu'ils se manifestent auprès des CECOS pour exprimer leur consentement à se soumettre aux nouvelles règles 75 ( * ) . Ce consentement pourrait être donné avant le jour fixé par décret de « basculement » dans le nouveau régime, ce qui éviterait la destruction des gamètes ou embryons donnés.
III - La position de la commission : solliciter l'accord exprès du donneur au moment de la demande d'accès à l'identité, confier au CNAOP les missions relatives au nouveau droit d'accès et traiter les cas des personnes déjà nées d'AMP avec tiers donneur
1. Subordonner l'accès à l'identité du donneur à un accord de celui-ci au moment où l'enfant en fait la demande
Le rapporteur a considéré que l'article 3 tel que proposé par le Gouvernement ne respectait pas suffisamment les droits des donneurs . Tout d'abord, le temps écoulé entre le consentement, qui serait exprimé au moment du don, et la communication des données, qui aurait lieu au minimum 18 ans après, semble problématique. Le CCNE lui-même l'a relevé 76 ( * ) , de même que la présidente de la Fédération française des CECOS lors de son audition du 20 novembre 2019. Par ailleurs, même si le droit d'accès à l'identité du tiers donneur n'est pas un « droit de rencontre », selon le Gouvernement, ses conséquences sur la vie du donneur et son entourage demeurent incertaines.
Le Conseil d'État, dans son avis du 18 juillet 2019, a considéré qu'un système à deux vitesses, distinguant la communication des données non identifiantes de celle de l'identité du donneur, ménagerait un plus juste équilibre des intérêts en présence : ceux de l'enfant qui pourrait en tout état de cause avoir accès à des informations non identifiantes sur le donneur et à son identité si celui-ci y consent ; ceux du donneur « en lui permettant d'exprimer son consentement ou son refus dans un contexte plus propice à une décision éclairée , celui né de sa vie privée et familiale telle qu'elle est constituée au moment où se fait la demande d'accès aux origines » ; enfin l'intérêt général en prévenant une éventuelle baisse des dons liés à la levée de l'anonymat.
À l'initiative du rapporteur, la commission a souhaité permettre au donneur d'accepter ou de refuser l'accès à son identité au moment de la demande exprimée par la personne issue de son don, comme cela avait été envisagé par le Gouvernement dans l'article 3 bis de son avant-projet.
La commission a adopté l'amendement COM-264 à cette fin.
2. S'appuyer sur le Conseil National pour l'accès aux origines personnelles
Le Conseil d'État dans son étude de 2018 77 ( * ) envisageait de faire reposer l'accès aux origines des personnes issues de dons de gamètes sur le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) qui existe depuis près de 18 ans et a acquis une expérience forte en matière d'accès aux origines et d'accompagnement. De nombreux juristes se sont également déclarés en faveur de cette solution 78 ( * ) . Elle a été écartée par le Gouvernement semble-t-il devant la réticence du CNAOP lui-même qui, par la voix de sa présidente, a mis en avant le fait que le CNAOP ne travaillait pas avec des partenaires médicaux, mais avec le réseau des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance, et que les publics concernés et leurs histoires étaient très différents.
À l'initiative de son rapporteur, la commission a fait le choix de passer outre ces réticences et de confier les missions relatives à l'accès aux données non identifiantes et à l'identité du donneur au CNAOP plutôt que de créer une commission ad hoc distincte. Les moyens supplémentaires prévus pour cette commission seraient affectés au CNAOP pour l'aider à développer ses nouvelles compétences 79 ( * ) , tout en utilisant son expérience développée auprès des personnes adoptées et des pupilles de l'État. Une formation distincte adaptée aux nouvelles missions serait constituée au sein du CNAOP.
Afin de faciliter l'accomplissement de ces nouvelles missions, la commission a conféré une habilitation législative au CNAOP pour qu'il puisse utiliser le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques (code NIR) du donneur. Le décret n° 2019-341 du 19 avril 2019 relatif à la mise en oeuvre de traitements comportant l'usage du numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques ou nécessitant la consultation de ce répertoire pourrait ainsi être mis à jour, dans le respect du Règlement général sur la protection des données (RGPD).
La commission a adopté l'amendement COM-239 en conséquence.
3. Mieux régler la situation passée et la situation transitoire
La commission a constaté que le projet de loi ne règle en rien la situation des enfants déjà nés et les demandes portées par les associations telles Origines et PMAnonyme.
Pour y remédier, elle a adopté deux amendements identiques COM-265 et COM-252 de son rapporteur et de son président, afin de confier au CNAOP la mission de recontacter les anciens donneurs en cas de demandes d'accès provenant de personnes nées de dons sous l'ancien régime d'anonymat, et de les interroger sur leur volonté ou non de communiquer leurs informations personnelles, sans attendre qu'ils se manifestent spontanément. Le CNAOP pourrait contacter les CECOS qui seraient tenus de lui communiquer les données nécessaires en application du dispositif déjà prévu au E du VII de l'article 3 du projet de loi.
À l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-242 afin de respecter l'accord donné par le conjoint 80 ( * ) du donneur au moment du don, qui suppose que son accord soit également recueilli au moment de la levée de l'anonymat 81 ( * ) .
La commission a également adopté sur proposition de son rapporteur :
- l'amendement COM-234 pour permettre aux donneurs de gamètes ou aux personnes issues d'un don de mettre à jour les données médicales non identifiantes accessibles dans le cadre de l'article L. 1244-6 du code de la santé publique ;
- l'amendement COM-236 pour supprimer les données relatives à l'état général du donneur parmi les données non identifiantes - l'état général crée une confusion avec les données médicales du donneur - et préciser que la rédaction des motivations se ferait en concertation avec le médecin du CECOS 82 ( * ) ;
- l'amendement COM-237 pour préciser la durée maximale de conservation des données et prévoir que la CNIL serait consultée sur différents projets de décret en Conseil d'État dont celui fixant la date de conservation des données du fichier tenu par l'Agence de la biomédecine ;
- l'amendement COM-238 pour supprimer toute possibilité pour le donneur d' obtenir des informations sur les enfants issus de ses dons afin de ne pas porter atteinte à la nature purement altruiste de celui-ci ;
- l'amendement COM-241 supprimant la demande de rapport au Gouvernement, les rapports de l'Agence de la biomédecine ou du CNAOP étant suffisants à l'information du Parlement ;
- ainsi que cinq amendements rédactionnels et de coordination COM-232, COM-233, COM-235, COM-240 et COM-243.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 4
Établissement de la filiation des enfants nés du
recours
à une assistance médicale à la
procréation
avec tiers donneur par un couple de femmes
Cet article vise, en conséquence de l'ouverture aux couples de femmes de l'assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur, à établir la filiation des enfants qui en seraient issus par des modalités spécifiques. Malgré la proposition du rapporteur d'établir la filiation de la mère d'intention par la voie d'une procédure d'adoption rénovée, la commission a adopté cet article sans modification.
I. La situation actuelle : les modalités d'établissement de la filiation des enfants nés d'une AMP sont calquées sur le modèle de la procréation charnelle, qui ne permettent pas d'établir de double filiation maternelle
La filiation désigne traditionnellement le lien de parenté unissant l'enfant à son père (filiation paternelle) ou à sa mère (filiation maternelle) 83 ( * ) . Ce modèle, fondé depuis 1804 sur la procréation charnelle, gouverne tant le titre VII « De la filiation » que le titre VIII « De la filiation adoptive » du code civil.
Il a évolué depuis 2013 avec l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe et de leur accès à la filiation adoptive conjointe. Il est désormais remis en question par l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes prévue à l'article 1 er du projet de loi.
1. Le régime actuel d'établissement de la filiation pour les couples ayant recours à une AMP est calqué sur le modèle de la procréation charnelle
Lorsqu'un couple a recours une AMP, qu'il y ait tiers donneur ou non, l'établissement de la filiation de l'enfant qui en est issu se fait depuis 1994 84 ( * ) selon les modes classiques d'établissement de la filiation, en s'inscrivant dans le modèle de la « vraisemblance biologique ».
En l'état du droit, la filiation d'un enfant s'établit légalement, hors actions contentieuses, « par l'effet de la loi, par la reconnaissance volontaire ou par la possession d'état constatée par un acte de notoriété », en vertu de l'article 310-1 du code civil.
Lorsque la filiation est établie par l'effet de la loi, il correspond, à l'égard de la mère, à la règle de l'article 311-25 du code civil qui dispose que la filiation découle de « la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant » et, à l'égard du père, à la présomption de paternité de l'article 312 du même code, selon laquelle l'enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari 85 ( * ) .
S'il n'est pas marié avec la mère, le père doit reconnaître l'enfant avant ou après la naissance, par acte reçu par l'officier de l'état civil ou par tout autre acte authentique (article 316 dudit code) 86 ( * ) .
Enfin, l'établissement de la filiation peut aussi résulter d'un acte de notoriété constant les règles de la possession d'état 87 ( * ) , lorsque l'assistance médicale à la procréation se fait sans recours à un tiers donneur et que l'enfant n'a pas été reconnu.
En cas de conflit 88 ( * ) , l'article 332 du code civil précise que la contestation de la maternité n'est possible qu' « en rapportant la preuve que la mère n'a pas accouché de l'enfant ». L'article 325 du même code permet également à l'enfant de faire établir sa filiation par une action en recherche de maternité, par laquelle il « est tenu de prouver qu'il est celui dont la mère prétendue a accouché ».
Ainsi, la mère de l'enfant est toujours la femme qui accouche, conformément à l'adage latin mater semper certa est, selon lequel la mère est toujours certaine. Comme l'indiquaient notre collègue Yves Détraigne et notre ancienne collègue Catherine Tasca dans leur rapport d'information sur le recours à l'assistance médicale à la procréation et à la gestation pour autrui : « l'utilisation de techniques d'assistance médicale à la procréation n'a, dès lors, jamais suscité de difficultés juridiques particulières concernant l'établissement du lien de filiation de l'enfant à l'égard de sa mère, y compris dans l'hypothèse d'un don d'ovocyte » 89 ( * ) .
Toutefois, en application de l'article 332, « la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père ». Or, en vertu de l'article 310-3 du code civil, la filiation « se prouve et se conteste par tous moyens » et essentiellement par la preuve biologique, grâce au recours à des tests génétiques, autorisés dans le cadre d'une procédure judiciaire.
Dès lors, lorsque le couple qui a recours à une AMP fait appel à un tiers donneur, une action en contestation de la filiation paternelle aboutirait nécessairement. Pour que l'absence de caractère biologique ne fragilise le lien de filiation ainsi institué, le législateur de 1994 l'a soumis à des règles spécifiques aux articles 311-19 et 311-20 du code civil 90 ( * ) .
L'article 311-20 du code civil dispose ainsi que les couples « doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement au notaire 91 ( * ) , qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation ». Il résulte de ce consentement que la filiation établie à la suite d'une AMP avec tiers donneur, contrairement au droit commun de la filiation, « interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation, à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été privé d'effet ».
Le consentement peut être privé d'effet dans plusieurs hypothèses, lorsqu'elles surviennent avant la réalisation de l'AMP :
- le décès de l'un des membres du couple ;
- et l'introduction d'une demande de divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie.
Le consentement est également privé d'effet dans une autre hypothèse, celle dans laquelle « l'homme ou la femme le révoque, par écrit et avant la réalisation de la procréation médicalement assistée, auprès du médecin chargé de mettre en oeuvre cette assistance ».
À l'exception de ces hypothèses, celui qui, après avoir consenti à l'AMP, ne reconnaît pas l'enfant qui en est issu, engage sa responsabilité envers la mère et envers l'enfant. En outre, sa paternité est judiciairement déclarée 92 ( * ) . La parenté est donc imposée au couple demandeur qui, une fois l'AMP réalisée, ne peut plus revenir en arrière à l'exception éventuelle, pour la mère, de l'accouchement sous le secret.
Contrairement à certaines affirmations, comme l'a précisé la garde des sceaux lors du débat à l'Assemblée nationale 93 ( * ) , ce n'est pas le consentement donné chez le notaire qui fonde aujourd'hui la filiation des enfants nés d'une AMP avec tiers donneur, mais bien les modalités de droit commun précédemment exposées (désignation de la mère dans la déclaration de naissance, présomption de paternité ou reconnaissance). Ce consentement n'a pour effet, comme le souligne l'étude d'impact sur le projet de loi, que de « sceller » la filiation paternelle ultérieure 94 ( * ) .
Ces dispositions n'ont donné lieu à aucune difficulté de mise en oeuvre dont la Cour de cassation aurait été saisie, comme l'ont indiqué Rachel Le Cotty et Domitille Duval-Arnould, respectivement conseillère référendaire et conseillère à la première chambre civile, lorsqu'elles ont été entendues par le rapporteur.
Enfin, afin d'éviter toute confusion entre l'établissement de la filiation à l'égard du couple qui a eu recours à une AMP et la filiation biologique de l'enfant, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation et aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l'encontre du donneur (article 311-19 du code civil). Cette interdiction a été déclarée conforme à la Constitution en 1994 95 ( * ) . La Cour européenne des droits de l'homme n'a, quant à elle, jamais eu à juger cette question. Elle a plusieurs fois jugé que le droit de connaître ses origines, ainsi que le droit de voir établir sa filiation sont des éléments constitutifs du droit au respect de la vie privée et familiale, mais elle ne confond pas les deux 96 ( * ) .
D'après les magistrates de la Cour de cassation précitées, l'interdiction d'établir un lien de filiation avec l'auteur du don ne semble pas, en l'état du droit, inconventionnelle. Sa levée exclurait, en pratique, toute possibilité d'un don de gamètes.
2. L'établissement d'une double filiation maternelle est aujourd'hui impossible sauf en matière d'adoption
• La double filiation de même sexe n'est aujourd'hui possible que par la voie de l'adoption
Les couples de même sexe sont exclus de l'application des dispositions du titre VII du code civil par les articles 6-1 et 320.
L'ouverture de l'adoption, en la forme simple et plénière, aux époux de même sexe par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, a fait entrer pour la première fois dans notre droit la possibilité d'une double filiation monosexuée maternelle ou paternelle.
Saisi du projet de loi, le Conseil constitutionnel a écarté la consécration d'un droit pour l'enfant à une filiation hétérosexuée. Il a considéré qu' « en tout état de cause, doit être écarté le grief tiré de la méconnaissance d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de "caractère bilinéaire de la filiation fondé sur l'altérité sexuelle" ; qu'il en va de même du grief tiré de la méconnaissance d'un principe constitutionnel garantissant le droit de tout enfant de voir sa filiation concurremment établie à l'égard d'un père et d'une mère » 97 ( * ) .
Le législateur a toutefois explicitement réservé cette double filiation maternelle ou paternelle à la filiation adoptive. L'article 6-1 du code civil créé par la loi de 2013 à l'initiative du Sénat dispose en effet que « le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l'exclusion de ceux prévus au titre VII du livre I er du présent code, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe. »
Ce faisant, comme l'a rappelé la Cour de cassation dans un avis rendu par sa première chambre civile le 7 mars 2018, « les modes d'établissement du lien de filiation prévus au titre VII du livre I er du code civil, tels que la reconnaissance ou la présomption de paternité, ou encore la possession d'état, n'ont donc pas été ouverts aux époux de même sexe, a fortiori aux concubins de même sexe » 98 ( * ) .
Or, l'article 320 du code civil qui dispose que, « tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait », s'oppose à ce que deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles soient établies à l'égard d'un même enfant.
Deux personnes de même sexe ne pourraient demander à bénéficier cumulativement de l'une des règles de la présomption de maternité ou de paternité, qui distribuent la filiation selon le sexe de l'auteur. De même, la filiation d'un enfant ne pourrait être établie sur le fondement de la reconnaissance volontaire, à l'égard de deux personnes de même sexe, car il y aurait contradiction au sens de l'article 320 du code civil : la première reconnaissance effectué par un homme ou une femme interdit à toute personne du même sexe d'en effectuer une à son tour.
La possession d'état n'est pas non plus possible car elle a bien un fondement de vraisemblance biologique. Elle fait foi jusqu'à la preuve du contraire (article 317 du code civil), qui est, soit la preuve de l'absence d'accouchement s'agissant de la mère, soit la preuve ADN pour le père. Elle doit en outre être « continue, paisible, publique et non équivoque » (article 311-2 du code civil). Or, la double filiation de même sexe est équivoque dans la mesure où il est impossible de savoir si la seconde filiation de même sexe ne vient pas en contradiction des droits d'une autre personne.
• En l'absence d'ouverture de l'AMP aux couples de femmes, il n'existe pas de règle de droit en France organisant spécifiquement la filiation des enfants dans ces situations
Deux situations doivent cependant être distinguées, selon que les enfants éventuellement conçus par une AMP à l'étranger par des françaises y naissent également ou naissent en France.
S'ils naissent en France, comme l'indiquaient nos collègues Yves Détraigne et Catherine Tasca dans leur rapport précité, l'adoption par les couples de même sexe a permis, dans les faits, « à des enfants issus d'une AMP avec donneur, pratiquée à l'étranger (en Belgique et en Espagne notamment), de faire l'objet d'une demande d'adoption de la part de l'épouse de leur mère » 99 ( * ) .
Après que plusieurs tribunaux se sont placés sur le terrain de la fraude à la loi 100 ( * ) pour faire obstacle à l'adoption de l'enfant par l'épouse de la mère, la Cour de cassation a, dans deux avis du 22 septembre 2014 rendus en assemblée plénière, estimé que « le recours à l'assistance médicale à la procréation, sous la forme d'une insémination artificielle avec donneur anonyme à l'étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l'adoption par l'épouse de la mère de l'enfant né de cette procréation dès lors que les conditions légales de l'adoption sont réunies et qu'elle est conforme à l'intérêt de l'enfant » 101 ( * ) . Toutefois, comme le relevaient nos collègues sénateurs, « à moins de le révéler », ce qui semble être le cas des affaires ayant donné lieu à ces jurisprudences, « le recours à une telle pratique est indécelable » 102 ( * ) .
Cette interprétation de la Cour de cassation a, sans conteste, eu pour effet de faciliter l'adoption de l'enfant de l'épouse de la mère. Entre les mois de septembre 2014 et de mai 2019, sur 2 964 requêtes en adoption de l'enfant de la conjointe au sein des couples de même sexe, seuls 35 refus de prononcer l'adoption ont été enregistrés 103 ( * ) .
Si l'enfant issu de l'AMP avec donneur naît à l'étranger, l'enfant dispose d'un acte de naissance établi dans le pays de naissance. La filiation est établie à l'égard de la mère qui accouche ; la seconde filiation maternelle est établie ou non en fonction de la loi du pays de naissance de l'enfant.
Dans tous les cas, un acte de naissance établi à l'étranger peut être transcrit 104 ( * ) sur les registres de l'état civil français si l'un des parents est français, dans les conditions prévues par l'article 47 du code civil 105 ( * ) . D'une part, le fait d'avoir eu recours à une technique interdite en France n'y fait pas obstacle. D'autre part, la transcription n'est possible que si l'acte a été rédigé dans les formes requises par l'État de naissance, s'il est exempt de fraude et si les mentions qu'il énonce correspondent à la réalité. À cet égard, la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises et, notamment, dans un arrêt du 5 juillet 2017 106 ( * ) que, « concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de ce texte, est la réalité de l'accouchement », ce qui fait obstacle à la transcription d'une seconde filiation maternelle.
Toutefois, elle vient de rendre une décision le 18 décembre 2019 dans laquelle elle juge que « ni la circonstance que l'enfant soit né d'une assistance médicale à la procréation ni celle que [l'acte de naissance] désigne la mère ayant accouché et une autre femme en qualité de mère ou de parent ne constituent un obstacle à sa transcription sur les registres français de l'état civil » , dès lors l'acte est probant au sens de l'article 47 du code civil, c'est-à-dire régulier, exempt de fraude et conforme au droit de l'État dans lequel il a été établi 107 ( * ) .
Un acte de naissance étranger désignant la mère ayant accouché et une autre femme comme « mère » ou « parent » pourrait donc être transcrit sur les registres de l'état civil français 108 ( * ) .
La décision rappelle toutefois qu'une action aux fins de transcription de l'acte de naissance étranger d'un enfant n'est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation même si, dans les faits, il est peu probable que la filiation soit contestée.
II. Le dispositif proposé : la création d'un mode d'établissement de la filiation spécifique aux couples de femmes ayant recours à une AMP avec donneur
Le Gouvernement estime que l'ouverture de l'AMP aux femmes non mariées n'implique aucun aménagement particulier du droit de la filiation, les modes classiques d'établissement de la filiation permettant de répondre à l'ensemble des situations envisageables. Il semble en effet logique de laisser vacante la seconde filiation pour permettre son éventuel établissement ultérieur.
L'autorisation de l'AMP aux couples de femmes conduit en revanche à s'interroger sur le droit de la filiation applicable à l'enfant qui en est issu, lequel pourrait évoluer selon plusieurs scénarii .
En effet, le principe d'égalité en matière de filiation exige que tous les enfants et tous les parents disposent des mêmes droits et obligations les uns envers les autres quel que soit le mode d'établissement de la filiation, mais il n'exige pas qu'il y ait une similitude dans la façon d'établir la filiation.
1. Les deux options écartées par le Gouvernement
• Le refus de l'extension aux couples de femmes de l'établissement de la filiation sur le modèle de la procréation charnelle
Plusieurs juristes - notamment Lisa Carayon, maîtresse de conférences à l'Université Paris 13 - Paris Nord, Marie Mesnil, maîtresse de conférences en droit privé à l'Université de Rennes et Victor Deschamps, maître de conférences en droit privé, Université Paris 2 Panthéon-Assas -ainsi que certaines associations de parents homoparentaux entendus par la commission, ont suggéré l'extension aux couples de femmes des règles applicables aux couples de même sexe mariés ou non mariés : la femme qui accouche serait mère par l'accouchement et son épouse par la présomption de co-maternité. Hors mariage, la compagne de la mère pourrait reconnaître l'enfant, avant ou après la naissance de celui-ci.
Or, cela apparaît en contradiction avec les fondements des modes d'établissement classiques de la filiation qui reposent sur la vraisemblance, le sens de la présomption et de la reconnaissance étant de refléter une vérité biologique. Par la reconnaissance de l'article 316 du code civil, le père déclare que l'enfant est issu de sa relation charnelle avec la mère et par le jeu de la présomption de l'article 312 du même code, la filiation se déduit de la preuve du mariage, cadre dans lequel s'inscrit la procréation charnelle. Comme l'indiquait le Conseil d'État en 2018 dans son étude préalable à la révision de la loi de bioéthique, ce système « conduirait à une remise en cause des principes fondateurs du droit de la filiation fixés par le titre VII du livre 1 er du code civil qui régit l'ensemble des situations » 109 ( * ) .
Cela conduirait inévitablement à fonder l'ensemble du système de filiation sur la responsabilité et l'engagement dans le projet parental plutôt que sur la seule vraisemblance procréative. Or, dans les modes classiques d'établissement de la filiation, la volonté est toujours encadrée par la vraisemblance biologique voire la vérité biologique en cas de contestation.
Le Gouvernement n'a donc pas fait ce choix, reprenant à son compte les arguments du Conseil d'État, comme l'a rappelé la garde des Sceaux lors des débats à l'Assemblée nationale 110 ( * ) .
• Le refus de modifier le droit en vigueur pour les couples de sexe différent ayant recours à une AMP avec donneur
L'article 4 du projet de loi ne modifie pas les conditions actuelles d'établissement de la filiation pour les couples de sexe différent qui ont recours à une AMP avec donneur 111 ( * ) . Seul l'article 311-20 du code civil serait modifié pour étendre les modalités de recueil chez le notaire du consentement à une AMP avec donneur à la femme non mariée 112 ( * ) .
Créer un mode d'établissement de la filiation sur le fondement de la volonté identique pour tous les couples ayant recours à une AMP avec donneur aurait des répercussions importantes pour les couples hétérosexuels qui ont recours à un tiers donneur, dont l'enfant bénéficie aujourd'hui d'une filiation fondée sur la vraisemblance biologique.
En effet, le mode d'établissement de la filiation apparaît sur l'acte de naissance. Or, l'admission d'une filiation d'intention vient nécessairement signaler qu'il y a eu recours à un tiers donneur, ce qui a une incidence différente qu'il s'agisse d'un couple de sexe différent ou d'un couple de femmes.
Si l'intervention du tiers donneur relève de l'évidence s'agissant d'un couple de femmes, elle ne l'est pas s'agissant de la femme seule ; quant au couple hétérosexuel, l'intervention d'un tiers donneur est l'indice d'une infertilité, voire d'une pathologie.
Cette solution présente donc un risque d'atteinte à la vie privée voire d'atteinte au secret médical, puisqu'elle viendrait signaler le caractère infertile du couple.
Or, rien ne vient juridiquement justifier ce changement pour ces couples, dès lors que les couples de femmes ne sont pas placés dans la même situation que les couples hétérosexuels au regard de la procréation.
Cette solution préserve ainsi la liberté des parents de choisir ou non de révéler le mode de conception de l'enfant même si cela est fortement conseillé 113 ( * ) et évite également la révélation à des tiers, v ia une mention dans l'acte de naissance, des conditions de sa conception et d'une infertilité du couple. Elle permet enfin de ne pas distinguer, au sein des couples hétérosexuels, les modalités d'établissement de la filiation.
Défendue par une partie de la doctrine et notamment les professeurs Anne-Marie Leroyer, professeur à l'Université de Paris 1 et Hugues Fulchiron, professeur de droit privé à l'Université Jean Moulin Lyon 3, auteurs du rapport publié en 2014 avec la sociologue Irène Théry qui le préconisait, au nom de l'égalité d'accès à leurs origines pour tous les enfants 114 ( * ) , cette option n'a pas été retenue par le Gouvernement qui a préféré ne pas troubler la paix des familles.
2. Le choix du Gouvernement : l'établissement d'une double filiation maternelle ab initio et l'admission d'une filiation d'intention
Dans son projet de loi initial, le Gouvernement fait le choix d'autoriser l'établissement d'une double filiation maternelle ab initio en créant un titre ad hoc dans le code civil (titre VII bis ) et qui n'est ni la filiation adoptive, ni la filiation charnelle.
L'article 4 instituerait un nouveau mode d'établissement de la filiation par « déclaration anticipée de volonté » pour les seuls couples de femmes ayant recours à la procréation médicalement assistée. Ces dispositions constitueraient un nouveau titre VII bis composé de quatre nouveaux articles (articles 342-9 à 342-12 du code civil) et intitulé « De la filiation par déclaration anticipée de volonté », au sein du livre I er du code civil.
La création d'un régime spécifique d'établissement de la filiation pour les couples de femmes ne pose pas de problème constitutionnel d'égalité ou de difficulté d'ordre conventionnel, les couples de femmes n'étant pas dans la même situation que les couples hétérosexuels au regard de la procréation.
Les modalités d'établissement de la
filiation
des enfants issus d'une AMP avec donneur dans les pays
étrangers
Si les dix États membres de l'Union européenne qui ont ouvert l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes ont retenu comme principes communs que la femme qui accouche est la mère de l'enfant et que le nombre de filiations pour un même enfant est limité à deux, ils privilégient des modes d'établissement de la filiation différents pour la mère d'intention.
Dans certains pays, comme les Pays-Bas, la Suède et la Finlande, le lien de filiation avec la conjointe, la partenaire ou la concubine de la mère est établi par adoption.
En Belgique et en Autriche, la filiation est établie par extension aux couples de femmes du régime de droit commun prévu pour les couples de sexes différents.
Au Danemark et à Malte, l'établissement de la filiation est en revanche fondé sur le consentement exprès à l'assistance médicale à la procréation.
Dans d'autres pays, des systèmes mixtes ont été mis en place. En Espagne, l'épouse de la mère doit faire une déclaration de consentement à devenir parent et, pour les couples de femmes non mariées, seule la voie de l'adoption permet à la compagne de la mère d'établir sa filiation. Au Portugal, la filiation est établie par présomption si le couple est marié ou si le concubin présente le consentement conjoint à l'assistance médicale à la procréation qui a été donné avant le début de la procédure de procréation. Au Royaume-Uni, la présomption de parenté est étendue aux femmes unies par un partenariat enregistré pour devenir les parents légaux de l'enfant ; s'agissant de deux concubines, le lien de filiation est établi avec la compagne de la mère aux termes d'une convention passée entre elles, à défaut, cette dernière peut solliciter auprès du juge l'exercice de l'autorité parentale ou engager une procédure d'adoption.
Source : étude d'impact du projet de loi, p. 185
En premier lieu, les couples de femmes devraient, comme les autres couples ou la femme non mariée, consentir à l'AMP avec donneur devant notaire et, en même temps, déclarer conjointement leur volonté de devenir les parents de l'enfant issu de l'AMP, déclaration irrévocable à compter de la réalisation de l'AMP.
La filiation serait « établie à l'égard de la femme qui accouche et de l'autre femme » de manière indivisible, par leur désignation dans la déclaration anticipée de volonté, remise à l'officier de l'état civil par l'une de ses auteurs lors de la déclaration de naissance de l'enfant 115 ( * ) .
L'officier de l'état civil en porterait mention sur l'acte de naissance. La déclaration de volonté apparaîtrait donc sur l'acte de naissance de l'enfant et sur la copie intégrale, à l'instar des autres modes d'établissement de la filiation mais non sur l'extrait d'acte de naissance.
La filiation ainsi établie serait assortie du principe d'interdiction d'en établir une avec le donneur et d'exercer une action en responsabilité à son égard, par renvoi de l'article 311-19 du code civil.
Le consentement donné par le couple et la déclaration anticipée de volonté de devenir parent, qui sont des actes établis en la forme authentique par le notaire, auraient les mêmes effets que ceux prévus à l'actuel article 311-20 : ils interdiraient toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation, à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement ou la déclaration ont été privés d'effet. Les effets de la déclaration anticipée de volonté cesseraient également concomitamment à ceux du consentement. À cet égard, les représentants du Conseil supérieur du notariat (CSN) ont regretté que le projet de loi autorise la rétractation du consentement devant le médecin ou le notaire, alors que le premier est le mieux à même de faire cesser la démarche de l'AMP.
Comme dans le droit en vigueur, le consentement au don devant le notaire serait donc une condition sine qua non d'accès à l'AMP avec tiers donneur. S'agissant des couples de femmes, le consentement serait, en outre, la condition pour effectuer une déclaration anticipée de volonté par laquelle les deux femmes établissent leur filiation par anticipation, celle-ci ne devenant effective qu'au moment de la naissance de l'enfant.
L'innovation majeure du texte est donc de permettre l'établissement d'une double filiation maternelle ab initio et d'admettre une filiation d'intention.
Un dispositif similaire à celui de la paternité judiciairement déclarée serait également prévu. Si la déclaration anticipée de volonté n'a pas été remise et que la filiation n'est par conséquent établie qu'à l'égard de la femme qui a accouché, la déclaration anticipée de volonté pourrait alors être « communiquée au procureur de la République à la demande de l'enfant majeur, de son représentant légal s'il est mineur ou de toute personne ayant intérêt à agir en justice ». La mention de cette déclaration serait portée en marge de l'acte de naissance.
Lors des débats à l'Assemblée nationale, la garde des sceaux relevait qu'il s'agit de « cas très particuliers et relativement rares », vraisemblablement des « cas de fraude ou de séparation d'un couple » 116 ( * ) .
Dans cette hypothèse, une filiation paternelle aura même pu être mentionnée sur l'acte de naissance de l'enfant. Dès lors, la mère d'intention ne pourrait faire reconnaître sa maternité qu'après avoir contesté la filiation paternelle, en établissant que l'enfant est bien issu de l'AMP.
De plus, celle des deux femmes qui après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, ferait obstacle à la remise de la déclaration anticipée de volonté à l'officier de l'état civil engagerait sa responsabilité, comme le père, aujourd'hui, qui ne reconnaît pas l'enfant issu de l'AMP.
L'article 4 prévoit également des règles de choix et de dévolution du nom, selon des modalités comparables à ce qui est prévu au titre VII ainsi que pour la filiation adoptive au titre VIII du livre I er du code civil : choix du nom de famille au moment de la déclaration de naissance, par les deux parents désignés dans la déclaration anticipée de volonté qui opteraient soit pour le port du nom de l'un d'entre eux, soit pour celui de leurs deux noms accolés dans l'ordre qu'ils souhaitent, mais dans la limite d'un nom par parent. A défaut d'accord, l'officier de l'état civil retiendrait le nom de chacun des parents dans l'ordre alphabétique.
Enfin, s'agissant des effets de la filiation, ils seraient les mêmes pour tous les enfants, comme le prévoit déjà le droit en vigueur aux articles 310 117 ( * ) et 358 118 ( * ) du code civil. Le projet de loi prévoit toutefois de substituer à ces dispositions un nouvel article 6-2 placé en tête du code civil dans le titre préliminaire, selon lequel tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs, sous réserve des dispositions relatives à l'adoption simple et qu'ils entrent dans la famille de leurs parents.
Tous les modes d'établissement de la filiation produiraient donc les mêmes effets, comme aujourd'hui.
S'agissant du champ d'application territorial de l'article 4 du projet de loi, elles s'appliqueraient de plein droit en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, ainsi qu'à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, et à Saint-Pierre et Miquelon. Les dispositions relatives à l'état des personnes sont applicables de plein droit à Wallis-et-Futuna mais nécessiteraient une adaptation eu égard à l'absence de notaires. Elles s'appliqueraient également de plein droit en Polynésie Française sans qu'il soit besoin d'une mention expresse.
En revanche ces dispositions ne seraient pas applicables en Nouvelle-Calédonie 119 ( * ) .
L'article 4 du projet de loi n'exclut pas, non plus, son application aux enfants nés d'une AMP réalisée à l'étranger, dès lors que le couple aurait préalablement fait un consentement à l'AMP et une reconnaissance conjointe devant notaire en France. En l'absence de reconnaissance conjointe, la femme qui n'a pas accouché devra, comme aujourd'hui, adopter l'enfant de sa conjointe - ce qui suppose qu'elles soient mariées.
Enfin, il faut préciser que les conséquences du recours à une AMP en violation des conditions légales - cas de l'AMP dite « artisanale » ou « amicale » sont complètement différentes s'agissant de la filiation de l'enfant qui en est issu. Les éventuels engagements pris par la femme de ne jamais agir pour faire établir le lien de filiation à l'égard du donneur complaisant ou de ce dernier de ne jamais reconnaître l'enfant ou faire établir sa filiation, sont dépourvus de toute valeur juridique car l'article 323 du code civil dispose, en vertu du principe de l'indisponibilité de l'état des personnes, que « les actions relatives à la filiation ne peuvent faire l'objet de renonciation ».
L'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules ne changerait rien à ces hypothèses dans lesquelles la filiation demeurerait établie et contestable selon les règles classiques du titre VII du livre I er du code civil.
3. Le choix de l'Assemblée nationale : approuver l'esprit du texte initial et opérer des modifications symboliques pour répondre aux revendications d'égalité
Le texte de l'article 4 résultant des travaux de l'Assemblée nationale est issu de deux amendements identiques du Gouvernement et de la rapporteur, notre collègue députée Coralie Dubost, adoptés en commission, dont l'économie générale n'a pas été modifié en séance publique.
Tout en maintenant l'établissement de la filiation par des modalités spécifiques pour les couples de femmes ayant recours à une AMP avec donneur, l'article 4 adopté par l'Assemblée nationale présente deux modifications substantielles par rapport au texte initial, justifiées selon les auteurs des amendements afin que « les distinctions opérées entre les différents modes d'établissement de la filiation n'apparaissent pas comme enfermant dans une catégorie juridique à part les couples de femmes qui auraient recours à l'AMP » 120 ( * ) .
En premier lieu, là où le texte initial créait un nouveau titre VII bis au sein du livre I er du code civil, propre à l'établissement de la filiation des enfants nés de couples de femmes ayant eu recours à une AMP avec tiers donneur, l'article 4 complèterait le titre VII qui établit la filiation sur la base de la vraisemblance biologique d'un nouveau chapitre consacré au recours à l'AMP avec tiers donneur pour tous les couples, de femmes ou de sexe différent.
En second lieu, la « déclaration anticipée de volonté » a été supprimée du dispositif ; la mention de « la femme qui accouche » aussi.
Pour les couples de femmes, la filiation serait établie, « à l'égard de chacune d'elles, par la reconnaissance qu'elles ont faite conjointement devant le notaire lors du recueil du consentement ». Cette « reconnaissance », terme emprunté à la reconnaissance volontaire de l'article 316 du code civil, serait remise à l'officier de l'état civil lors de la déclaration de naissance de l'enfant. L'acte de naissance de l'enfant porterait alors la mention selon laquelle il a été reconnu par ses deux mères.
En l'état du texte adopté par l'Assemblée nationale, les incidences de l'intégration des nouvelles dispositions au sein du titre VII en lieu et place de la création d'un titre VII bis sont plus symboliques que juridiques. Le droit resterait inchangé pour les couples de sexe différent. Les effets juridiques de la « déclaration anticipée de volonté » et de la « reconnaissance conjointe » devant le notaire sont exactement les mêmes.
D'ailleurs, dans les deux cas, la filiation de la femme qui accouche - même mentionnée - serait établie de manière indivisible, comme à l'égard de l'autre femme, par sa désignation l'acte authentique, déclaration anticipée de volonté ou reconnaissance conjointe, remis à l'officier de l'état civil lors de la déclaration de naissance de l'enfant. Interrogée sur ce point par le rapporteur, les services de la Chancellerie ont expliqué que : « l'établissement simultané de la filiation pour les deux femmes était une demande de la part des associations que nous avions entendues tout au long des travaux préparatoires. Il était alors souhaité une parfaite égalité entre les deux femmes et que l'une ne soit pas mère avant ou "davantage" ou "plus sûrement" que l'autre. Ce nouveau mode d'établissement de la filiation permet de consacrer le projet parental du couple en fondant la filiation sur l'intention déclarée conjointement et formalisée par un acte authentique. »
La reconnaissance conjointe apparaîtrait donc sur l'acte de naissance et sur la copie intégrale.
Interrogés sur le risque de confusion relevé par plusieurs juristes entendus par la commission entre la reconnaissance de l'article 316 du code civil - aveu de filiation biologique - et la reconnaissance conjointe créée par le projet de loi, la Chancellerie a indiqué à la rapporteur que « la ressemblance dans les termes était voulue et assumée pour réduire au maximum la différence entre les couples hétérosexuels et les couples de femmes dans l'établissement de la filiation ».
Si les deux termes n'auront pas le même objet juridique, le législateur pourrait cependant, s'agissant d'actes différents n'ayant pas la même portée, recourir à des termes distincts.
III. La position de la commission : approuver le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, malgré la proposition du rapporteur d'établir la filiation de la mère d'intention par la voie d'une procédure d'adoption rénovée
Aux termes des travaux de la commission, il est clair que l'article 4 du projet de loi tend à établir la filiation d'un enfant sur le fondement de la volonté à l'égard d'un couple de femmes ayant recours à une assistance médicale à la procréation (AMP) avec donneur.
Or, selon l'analyse du rapporteur, l'introduction d'un critère de volonté pure risque, à terme, de rendre le critère de la vraisemblance biologique caduque et de fragiliser tout le système français de filiation. Le projet de loi vise donc à prendre en compte le désir d'enfant des couples de femmes, alors qu'elles ne sont pas, au regard de la procréation, dans la même situation que les couples de sexe différent.
Or, le rôle du législateur est de garantir la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, récemment érigé au rang d'exigence constitutionnelle 121 ( * ) .
Considérant que cette réforme ne le permettrait pas, le rapporteur a proposé à la commission un amendement COM-253 de suppression de l'article 4 du projet de loi, en cohérence avec l' amendement COM-167 de suppression de l'article 1 er .
Pour le rapporteur, les écueils de cette réforme de la filiation sont de deux ordres.
En premier lieu, l'établissement obligatoire d'une double filiation maternelle aurait pour effet de priver délibérément un enfant de filiation paternelle, ce qui n'est pas, selon certains pédopsychiatres, sans conséquences pour le développement et l'équilibre de l'enfant 122 ( * ) . Certes, les avis sont divergents sur ce point 123 ( * ) , les études françaises manquent et le caractère scientifique des études étrangères est contesté 124 ( * ) . Toutefois, dans le même temps, le projet de loi tend à permettre aux enfants nés d'un don de connaître leurs origines biologiques : preuve en est donc que le père de l'enfant ne peut pas être éludé.
Cette réalité est d'ailleurs flagrante en droit de la famille où le législateur n'a cessé de renforcer le rôle du père, que ce soit à l'issu de la grossesse de la mère (création du congé de paternité et du congé parental) ou pour l'éducation de l'enfant, que les parents soient en couple ou se séparent (partage de l'autorité parentale et résidence alternée notamment).
Outre l'intérêt de l'enfant, insuffisamment pris en compte, cette réforme imposerait en second lieu une remise en cause de l'ensemble du système français de filiation : il s'agirait d'assumer de fonder la filiation sur la seule volonté.
Tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, l'article 4 établirait la filiation de l'enfant sur ce fondement pour les deux femmes, même celle qui accouche, au mépris du principe selon lequel la mère est toujours certaine en raison de l'accouchement ( mater semper certa est ). Mentionnée dans le projet de loi initial, la « femme qui accouche » n'apparaît plus dans la version adoptée par l'Assemblée nationale.
Ce mode indivisible d'établissement de la filiation a été unanimement critiqué lors des auditions.
Comme l'a relevé Astrid Marais, professeur de droit privé à l'Université de Paris 8 entendu par la rapporteur, cette solution « nie l'accouchement en faisant reposer la filiation de l'enfant sur la seule volonté du couple » 125 ( * ) .
La femme qui accoucherait au sein d'un couple de femmes serait ainsi la seule pour laquelle la filiation ne serait pas établie selon le principe mater semper certa est , alors qu'il n'est nullement nécessaire que le mode d'établissement de la filiation soit identique et simultané pour les deux femmes. En 2018, le Conseil d'État indiquait d'ailleurs que, « s'agissant de la femme qui accouche, il conviendrait de maintenir la règle selon laquelle la mère est toujours certaine (mater certa est) en n'imposant pas à cette dernière de présenter cette déclaration à l'officier de l'état civil pour obtenir l'établissement de son lien de filiation à l'égard de l'enfant, le simple fait qu'elle ait donné naissance à l'enfant devant demeurer suffisant pour l'établir » 126 ( * ) .
Ce choix aurait en outre, de l'avis notamment de Jean-René Binet, professeur de droit privé à l'Université de Rennes et des représentantes de la première chambre civile de la Cour de cassation, comme conséquence que la femme ne pourrait plus accoucher dans le secret, en l'absence d'accord de la femme qui n'accouche pas, en raison de l'indivisibilité des filiations et de l'engagement pris de remettre la reconnaissance conjointe à l'officier de l'état civil 127 ( * ) .
Au final, le rapporteur estime que la reconnaissance d'une filiation d'intention sans aucune vraisemblance biologique reviendrait à admettre une forme de filiation contractuelle qui pourrait, à terme, supplanter le mode de filiation actuel et remettre en cause les principes de la parentalité.
En effet, s'il est possible d'établir la filiation sur le fondement de la seule volonté, la limitation à deux du nombre de filiations possibles - hors adoption - à l'égard d'un enfant pourrait être réinterrogée, puisqu'elle découle directement des possibilités de la procréation charnelle.
La consécration d'une parentalité d'intention ne manque pas, non plus, de renvoyer à la question de la gestation pour autrui (GPA) qui fait, dans les pays où elle est permise, l'objet d'un contrat et dans laquelle l'un des parents, voire les deux, le sont par la seule volonté. La reconnaissance légale d'une parentalité d'intention pour les enfants nés d'une GPA s'inscrit dans la continuité de celle des enfants nés d'une AMP demandée par un couple de femmes. Or, il ne peut exister, selon le rapporteur, de « GPA éthique ». Il s'agit toujours et avant tout d'une forme de réification de l'enfant que la France doit continuer à prohiber.
La commission spéciale étant majoritairement favorable à l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes 128 ( * ) , le rapporteur a toutefois jugé plus cohérent de retirer son amendement COM-253 de suppression de l'article 4, pour soumettre uniquement à la commission son amendement COM-254 rect bis proposant d'établir la filiation de la mère d'intention par la voie d'une procédure d'adoption rénovée.
Selon le rapporteur, l'adoption est en effet la seule possibilité de notre droit d'établir un lien de filiation par la seule volonté. Elle est régie par le titre VIII du livre I er du code civil. L'adoption étant une filiation élective, elle est nécessairement établie par jugement, afin de vérifier que ses conditions légales sont remplies et qu'elle est conforme à l'intérêt de l'enfant.
Cette conception rejoint le sens des observations de plusieurs juristes entendus lors des auditions, notamment Aline Cheynet de Beaupré, professeur de droit privé à l'Université d'Orléans, Aude Mirkovic, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l'Université d'Évry et Claire Neirinck, professeur émérite de droit privé et de sciences criminelles de l'Université de Toulouse 1 - Capitole.
Afin d'atteindre cet objectif, le dispositif proposé par le rapporteur avait trois objets.
En premier lieu, il insérait un nouvel article au sein du titre VII du livre I er du code civil pour interdire explicitement l'établissement de deux filiations maternelles ou paternelles à l'égard d'un même enfant.
En second lieu, il créait un nouveau titre VII bis au sein du même livre I er du code civil, regroupant les dispositions applicables à la filiation en cas de recours à une AMP avec donneur, sans rien modifier ni pour les couples de sexe différent, ni pour la femme qui accouche quelle que soit sa situation conjugale.
Pour sécuriser l'établissement de la filiation de l'enfant issu d'une AMP lorsque cette technique a été demandée par un couple de femmes, l'amendement proposait que le consentement à une AMP avec donneur vaille, pour la mère qui accouche, consentement à l'adoption de l'enfant issu de l'AMP par l'autre membre du couple. Le second membre du couple se serait engagé à faire une demande d'adoption de l'enfant, sans quoi sa responsabilité aurait pu être engagée, ainsi que l'adoption prononcée à la requête de la mère de l'enfant.
En troisième lieu, l'amendement modifiait les conditions requises pour l'adoption - qu'elle soit demandée en la forme simple ou plénière - afin de permettre l'adoption de l'enfant issu d'une AMP par la mère d'intention. L'article 1 er du projet de loi propose en effet que tous les couples de femmes puissent recourir à une AMP quelle que soit leur situation conjugale.
L'amendement rendait donc l'adoption possible pour les couples liés par un pacte civil de solidarité (PACS) ou en concubinage, alors qu'elle est aujourd'hui réservée aux époux 129 ( * ) . Il permettait aussi, pour l'adoption individuelle, l'adoption de l'enfant du partenaire de PACS ou du concubin, sur le même modèle que l'adoption de l'enfant du conjoint. Dans cette situation, qui correspondrait à celle de la mère d'intention au sein d'un couple de femmes recourant à une AMP, l'adoptant bénéficie d'une procédure simplifiée : aucune condition d'âge ni agrément ne sont exigés.
À cet égard, l'amendement proposait de simplifier encore davantage la procédure lorsque l'enfant était issu d'une AMP avec donneur. La condition d'accueil au foyer de l'adoptant de six mois n'était pas exigée et le tribunal de grande instance aurait eu un mois pour rendre son jugement, contre six pour les autres procédures d'adoption.
Compte tenu de la diligence de l'adoptant, la filiation adoptive aurait pu être établie, lorsque l'enfant est issu d'une procédure d'AMP avec donneur, le jour même de sa naissance, puisque l'adoption produit ses effets à compter du jour du dépôt de la requête.
La solution proposée avait le mérite de ne pas modifier les fondements de la filiation et d'utiliser les règles existantes conformément à la réalité. Au terme d'un débat nourri entre ses membres, la commission n'a pas retenu le dispositif proposé et a préféré en rester à la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.
La commission a adopté cet article sans modification.
Article 4 bis
(nouveau)
Interdiction de la transcription totale d'un acte de naissance
ou d'un jugement étranger établissant la filiation d'un
enfant
né d'une gestation pour autrui lorsqu'il mentionne le parent
d'intention
Cet article introduit en commission propose d'interdire la transcription totale de l'acte de naissance ou du jugement étranger établissant la filiation d'un enfant né d'une gestation pour le compte d'autrui (GPA) lorsqu'il mentionne comme mère une autre femme que celle qui a accouché ou deux pères.
Introduit en commission par l'adoption d'un amendement COM-99 rect. ter à l'initiative de notre collègue Bruno Retailleau et avec l'avis favorable du rapporteur, l'article 4 bis tend à interdire la transcription totale de l'acte de naissance ou du jugement étranger établissant la filiation d'un enfant né d'une gestation pour le compte d'autrui (GPA) sur les registres de l'état civil français concernant le parent d'intention.
Il précise que ces dispositions ne font pas obstacle à la transcription partielle de l'acte ou du jugement qui établit la filiation, c'est-à-dire la transcription de l'acte pour le père biologique, ni à l'établissement ultérieur du lien de filiation avec le parent d'intention par la voie de l'adoption.
Cet article vise, afin de donner une portée pleine et entière à l'interdiction de la GPA, prohibée en France par l'article 16-7 du code civil 130 ( * ) depuis la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et sanctionnée par les articles 227-12 et 227-13 du code pénal, à faire obstacle aux dernières jurisprudences de la Cour de cassation rendues en la matière.
Alors qu'en 2013, la Cour de cassation jugeait que la fraude à la loi faisait obstacle à la transcription, même partielle, d'un acte de naissance étranger d'un enfant conçu par GPA 131 ( * ) , elle a progressivement infléchi sa jurisprudence sous l'influence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et autorisé la transcription partielle de l'acte de naissance en ce qui concerne le père biologique de l'enfant.
La Cour de cassation a également jugé, dans quatre arrêts rendus le 5 juillet 2017 132 ( * ) , que le refus de la transcription totale d'un acte de naissance étranger en ce qui concerne le parent d'intention ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée de l'enfant, dès lors que la voie de l'adoption était ouverte au parent concerné et permettait de créer, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant, un lien de filiation entre l'enfant et l'épouse ou l'époux de son père.
Consultée par la Cour de cassation sur un cas de recours à la GPA par deux époux de sexe différent, la Cour européenne des droits de l'homme a, dans un avis publié le 10 avril 2019 133 ( * ) , jugé que cette solution était conforme à la Convention européenne des droits d'homme et des libertés fondamentales.
Elle a en effet rappelé que, si le droit au respect de la vie privée de l'enfant, au sens de l'article 8 la Convention précitée, requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance d'un lien de filiation entre l'enfant et la mère d'intention, désignée dans l'acte de naissance légalement établi à l'étranger comme étant « la mère légale », il ne requiert pas que cette reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de l'état civil de l'acte de naissance. Elle peut donc se faire par une autre voie, telle l'adoption de l'enfant par la mère d'intention.
Elle exige toutefois que, selon l'appréciation des circonstances de chaque cas, le mécanisme effectif permettant la reconnaissance de la filiation existe au moment où le lien entre l'enfant et la mère d'intention s'est concrétisé, ce à quoi peut répondre la procédure d'adoption, dès lors que ses modalités permettent une décision rapide, afin d'éviter que l'enfant soit maintenu longtemps dans l'incertitude juridique quant à ce lien.
En droite ligne de cet avis, la CEDH a jugé le 19 novembre 2019 134 ( * ) que la procédure française de l'adoption de l'enfant du conjoint garantissait l'effectivité et la célérité nécessaires. Dans les cas d'espèce, les enfants nés du recours à une GPA à l'étranger par des époux hétérosexuels avaient respectivement sept et trois ans au moment où ils auraient pu être adoptés 135 ( * ) , soit bien après la concrétisation du lien entre eux et leur mère d'intention.
Pourtant, la CEDH juge que « dans les circonstances de la cause, ce n'est pas imposer aux enfants concernés un fardeau excessif que d'attendre des requérants qu'ils engagent maintenant une procédure d'adoption » 136 ( * ) afin de concrétiser le lien de filiation, constatant qu'une décision judiciaire d'adoption de l'enfant du conjoint est obtenue, en moyenne, en un peu plus de 4 mois.
La Cour de cassation, dans deux arrêts du 18 décembre 2019 137 ( * ) , semble être allée plus loin en jugeant que le recours à une GPA légalement réalisée à l'étranger ne faisait pas obstacle à la transcription totale de l'acte de naissance désignant le père biologique et son époux, dès lors que l'acte est probant au sens de l'article 47 du code civil 138 ( * ) c'est-à-dire régulier, exempt de fraude et conforme au droit de l'État dans lequel il a été établi. La Cour de cassation a considéré que sa jurisprudence du 5 juillet 2017 ne pouvait trouver application « lorsque l'introduction d'une procédure d'adoption s'avère impossible ou inadaptée à la situation des intéressés », alors que dans l'un des deux cas d'espèce, les requérants sont mariés et que le parent d'intention peut recourir à l'adoption de l'enfant du conjoint.
Une telle transcription avait également été admise, dans les mêmes conditions s'agissant du caractère probant de l'acte, dans le cas d'un couple hétérosexuel marié 139 ( * ) mais il semblait à l'époque que le jugement était d'espèce puisque cette solution était présentée comme la seule possible, « s'agissant d'un contentieux qui perdure depuis plus de quinze ans, en l'absence d'autre voie permettant de reconnaître la filiation dans des conditions qui ne porteraient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée » des enfants alors âgés de plus de 18 ans.
Cela revient toutefois à faire perdre toute consistance à la prohibition de la GPA en France. Dans ces conditions, la commission a donc estimé qu'il serait justifié de cantonner par la loi la transcription d'un acte de naissance d'un enfant issu d'une GPA à l'étranger à la transcription de la filiation biologique.
Le rapporteur observe toutefois que, pour garantir les conditions exigées par la CEDH d'effectivité et de célérité de l'établissement du lien de filiation avec le parent d'intention, le législateur devrait au moins probablement modifier les conditions requises de l'adoption pour permettre à tous les couples d'adopter, quelle que soit leur situation conjugale (époux, partenaires d'un pacte civil de solidarité ou concubins).
La commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.
* 42 Ce principe général est décliné pour le don d'embryons à l'article L. 2141-6 du code de la santé publique.
* 43 Décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994 relative à la loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.
* 44 Conseil d'Etat, 28 décembre 2017, n°396571, 10 ème - 9 ème chambres réunies.
* 45 Art. R. 1211-25 du code de la santé publique et arrêté du 30 juin 2017 modifiant l'arrêté du 11 avril 2008 modifié relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d'assistance médicale à la procréation.
* 46 Conseil d'État, 12 novembre 2015, n° 372121.
* 47 Rapport n° 236 (1993-1994) de M. Jean Chérioux, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 12 janvier 1994.
* 48 Selon les termes de Mme Audrey Kermalvezen, co-fondatrice de l'association Origines.
* 49 La commission a adopté un article 10 bis qui vise à les autoriser.
* 50 Voir la brochure « Mon histoire à moi » :
https://www.cecos.org/wp-content/uploads/2019/08/mon_histoire_a_moi.pdf
* 51 Voir l'audition de Marie-Claude Picardat, ancienne co-présidente de l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) le 19 décembre 2019 : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191216/cs_bioethique.html#toc4.
* 52 Pr Jean-François Mattei, vice-président de l'Académie nationale de médecine : « Si l'enfant devenu jeune adulte retrouve l'identité de son donneur-géniteur, personne ne sait comment ce lien biologique masculin direct pourrait être investi ».
* 53 Arrêt Odièvre c. France du 13 février 2003, Req.° 42326/98.
* 54 Deux contentieux sont en cours contre la France devant la CEDH.
* 55 La notion de tiers donneur, définie dans le cadre du projet de loi, à l'article L. 2143-1 comprend les couples, en cas de dons d'embryons.
* 56 Voir les sites de la société danoise Cryos International ou de la société espagnole IVI.
* 57 Ou à 16 ans en cas d'émancipation en application de l'article 413-6 du code civil.
* 58 Et non son adresse, puisqu'il n'y a pas de « droit à la rencontre ».
* 59 Délibération n°2019-097 du 11 juillet 2019.
* 60 Par exemple, le registre des donneurs volontaires de moelle osseuse, la liste nationale d'attente de greffe ou le registre national des refus.
* 61 Créé par la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat.
* 62 Entre la promulgation de la loi et le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la loi.
* 63 Selon une étude effectuée par l'équipe de recherche du Professeur Louis Bujan du CECOS de Toulouse, environ 50 % des candidats actuels au don de gamètes accepteraient de donner sous le régime envisagé par le présent projet de loi. Cela signifie que la moitié des donneurs serait à renouveler.
* 64 « Gare à la pénurie de gamètes » Tribune de Mme Marie-Xavière Catto, Maître de conférences à l'Université Paris 1, Le Monde du 5 août 2019.
* 65 Réponses au questionnaire du Planning familial.
* 66 Tribune de M. Israël Nisand et Mmes Maud Nisand et Brigitte Letombe publiée dans le Figaro le 2 décembre 2019.
* 67 Réponses au questionnaire de la Fédération française des CECOS.
* 68 Audition du 20 novembre 2019
http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191118/cs_bioethique.html#toc2
* 69 Audition du 18 décembre 2019 :
http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191216/cs_bioethique.html#toc2
* 70 Amendement n° 380 de M. Jean François Mbaye.
* 71 Amendement n° 2296 de la rapporteure, Mme Coralie Dubost.
* 72 Amendement n° 1986 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.
* 73 Amendement n° 2330 des députés du groupe La République en marche.
* 74 Amendements n° 1585 de M. Jean-Louis Touraine et 2007 de M. Bruno Fuchs.
* 75 Amendement n° 2541 de la rapporteure, Mme Coralie Dubost.
* 76 Réponse au CCNE au questionnaire : « Une difficulté réside dans la temporalité entre le consentement du donneur et le moment où les enfants feront leur demande : le donneur accepte que 18 ans après son don, son identité soit communiquée aux enfants issus de son don, si ces derniers le souhaitent. La projection dans un temps aussi long peut être problématique. Le donneur peut avoir lui-même évolué sur la question, avoir éventuellement changé d'avis ou posé des difficultés dans sa vie présente .
* 77 « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? », Conseil d'État, section du rapport et des études, étude adoptée en assemblée générale le 28 juin 2018.
* 78 Table ronde du 28 novembre 2019 avec Mme Marie Mesnil, MM. Hugues Fulchiron et Jean-René Binet : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191125/cs_bioethique.html#toc4.
* 79 Ni le CNAOP, ni la commission ad hoc envisagée n'ont de personnalité juridique distincte de l'État, ce qui permet un transfert des missions dans le respect de l'article 40 de la Constitution.
* 80 Ou concubin ou pacsé.
* 81 Voir l'étude du Conseil d'Etat du 28 juin 2018 « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? » et les réponses au questionnaire de Mme Marie Mesnil, maîtresse de conférences en droit privé à l'Université de Rennes 1.
* 82 Mme Catherine Jousselme, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, a estimé « important de prévoir un accompagnant des donneurs dans la rédaction ».
* 83 Vocabulaire juridique , Gérard Cornu, Association Henri Capitant, quadrige, douzième édition mise à jour en 2018.
* 84 Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain.
* 85 Pater is est quem nuptiæ demonstrant, le père est celui que le mariage désigne.
* 86 La mère peut aussi reconnaître l'enfant avant ou après la naissance. Si, lors de l'accouchement, la mère a demandé que le secret de son admission et son identité soit préservés, elle peut, dans les deux mois suivant la naissance de l'enfant, reconnaître l'enfant et demander qu'il lui soit remis (articles 316 et 351 du code civil).
* 87 L'article 311-1 du code civil dispose que « la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir (...) » et l'article 311-2 du même code qu'elle « doit être continue, paisible, publique et non équivoque ».
* 88 Deux types d'actions judiciaires sont possibles : les actions en établissement de la filiation (recherche en paternité ou maternité) et les actions en contestation de la filiation.
* 89 Défendre les principes, veiller à l'intérêt des enfants - Quelle réponse apporter au contournement du droit français par le recours à l'AMP et à la GPA à l'étranger ? Rapport d'information n° 409 (2015-2016) de M. Yves Détraigne et Mme Catherine Tasca fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 février 2016, p. 21. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-409-notice.html
* 90 La Cour de cassation a d'ailleurs rappelé que ces textes ne régissent que les procréations médicalement assistées avec donneur, dans un arrêt n° 229 du 16 mars 2016 de sa première chambre civile (15-13.247).
* 91 Cet acte donne lieu à la perception d'un émolument fixe de 76,92 euros pour le notaire (article A. 444-84 du code de commerce). Il est en revanche exonéré de frais d'enregistrement (article 847 bis du code général des impôts).
* 92 Il faut noter que la possession d'état ne pourrait pas être utilisée dans le cadre d'une AMP avec tiers donneur, car le couple est contraint de reconnaître l'enfant.
* 93 « L'article 311-20 (...) n'a pas pour objet d'établir la filiation ; il fait du consentement à l'AMP la condition sine qua non pour qu'ensuite celle-ci puisse avoir lieu. C'est donc un article sur le consentement, pas sur le mode d'établissement de la filiation. Certes, il vient ensuite sécuriser la filiation, mais il ne l'établit pas. Ce qui établit la filiation, ce sont évidemment les règles normales du titre VII, telles qu'elles sont déjà prévues », Nicole Belloubet, compte rendu des débats à l'Assemblée nationale, deuxième séance publique du mercredi 2 octobre 2019.
* 94 Étude d'impact, projet de loi relatif à la bioéthique, 23 juillet 2019, p. 181.
Ce document est consultable à l'adresse suivante :
http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/bioethique_2?etape=15-AN1-DEPOT
* 95 « (...) aucune disposition ni aucun principe à valeur constitutionnelle ne prohibe les interdictions prescrites par le législateur d'établir un lien de filiation entre l'enfant issu de la procréation et l'auteur du don et d'exercer une action en responsabilité à l'encontre de celui-ci », Conseil constitutionnel, décision n° 93-343/344 DC du 27 juillet 1994 sur la loi relative au respect du corps humain et la loi relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, considérant n° 17.
* 96 Voir commentaire de l'article 3 du projet de loi.
* 97 Conseil constitutionnel, décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013 sur la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, considérant 56.
* 98 Cour de cassation, avis n° 15003 du 7 mars 2018, première chambre civile (demande d'avis n° F 17-70.039).
* 99 Ibid. rapport précité , p. 24.
* 100 La fraude à la loi se caractérise par un acte régulier en soi, accompli dans l'intention d'obtenir ce que la loi française prohibe, par des moyens détournés et formellement légaux, en France ou à l'étranger.
* 101 Cour de cassation, assemblée plénière, avis n° 15011 du 22 septembre 2014 (demande n° 1470006).
* 102 Ibid. supra, p. 24 .
* 103 Bilan de la dépêche de la Direction des affaires civiles et du sceau du 14 février 2019 sollicitant auprès des Procureurs généraux des éléments chiffrés relatifs aux procédures d'adoption depuis le mois de septembre 2014, Ministère de la justice, étude d'impact du projet de loi, p. 182.
* 104 La transcription n'est pas obligatoire. Un acte d'état civil étranger produit des effets relatifs en France. Dans la vie quotidienne, les effets sont plein et entiers (décisions à prendre pour l'enfant, représentation légale de l'enfant ne posent en général pas de difficulté). En revanche, certains droits découlant de l'établissement et de la reconnaissance de la filiation sont fermés (la succession par exemple).
* 105 « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »
* 106 Cour de cassation, première chambre civile, arrêt n° 824 du 5 juillet 2017 n° (15-28.597).
* 107 Cour de cassation, première chambre civile, 18 novembre 2019, n°s 18-50.007 et 18-14.751, considérant 8 : « en présence d'une action aux fins de transcription de l'acte de naissance étranger d'un enfant, ni la circonstance que l'enfant soit né d'une assistance médicale à la procréation ni celle que cet acte désigne la mère ayant accouché et une autre femme en qualité de mère ou de parent ne constituent un obstacle à sa transcription sur les registres français de l'état civil, lorsque l'acte est probant au sens de l'article 47 du code civil ».
* 108 Voir commentaire de l'article 4 bis .
* 109 Révision de la loi de bioéthique, quelles options pour demain ? Conseil d'État, étude à la demande du Premier ministre, adoptée en assemblée générale le 28 juin 2018, p. 61. Cette étude est consultable à l'adresse suivante :
* 110 Voir par exemple les réponses de Nicole Belloubet lors de la première séance publique du 3 octobre 2019 à l'Assemblée nationale.
* 111 Comme l'ont indiqué les services de la Chancellerie lors de leur audition par le rapporteur.
* 112 Voir commentaire de l'article 1 er sur les raisons du choix des termes de « femme non mariée ».
* 113 Voir commentaire de l'article 3.
* 114 Filiation, origines, parentalité, Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle. Rapport du groupe de travail Filiation, origines, parentalité, remis en 2014 aux ministres des affaires sociales et de la santé et au ministre délégué chargé de la famille, Irène Théry, présidente et Anne-Marie Leroyer, rapporteur.
* 115 Article 55 du code civil.
* 116 Voir le compte rendu des débats à l'Assemblée nationale, troisième séance publique du jeudi 3 octobre 2019.
* 117 « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d'eux. »
* 118 « L'adopté a, dans la famille de l'adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu'un enfant dont la filiation est établie en application du titre VII du présent livre. »
* 119 La loi de pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012 relative au transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences de l'État en matière de droit civil, de règles concernant l'état civil et de droit commerciale a transféré le droit civil et les règles concernant l'état civil à la Nouvelle-Calédonie.
* 120 Objet de l'amendement n° 2266, dont le texte est consultable à l'adresse suivante :
http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2187/CSBIOETH/2266
* 121 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019.
* 122 Comme l'ont montré les auditions des docteurs Flavigny et Lévy-Soussan.
* 123 Comme l'a montré l'audition du docteur Jousselme.
* 124 Comme le montrent les travaux de l'Académie de médecine et l'audition du docteur Lévy-Soussan.
* 125 Sexe, mensonge et quiproquo. À propos de la filiation d'un enfant procréé par un couple de même sexe , Astrid Marais, La Semaine Juridique Edition Générale n°48, 25 novembre 2019.
* 126 Étude précitée, p. 61.
* 127 En pratique, si un accouchement dans le secret intervenait au sein d'un couple de femmes, la mère n'ayant pas accouché pourrait remettre la reconnaissance conjointe au procureur de la République pour qu'il la communique à l'officier de l'état civil et que celui-ci la porte en marge de l'acte de naissance de l'enfant. Une fois l'enfant identifié par la seconde femme, la filiation pourrait alors être établie.
* 128 Voir commentaire de l'article 1 er .
* 129 Comme le propose le récent rapport sur l'adoption remis par nos collègues respectivement sénatrice et députée, Corinne Imbert et Monique Limon, au Gouvernement (octobre 2019).
* 130 « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle ». Cet interdit est, aux termes de l'article 16-9 du code civil, d'ordre public.
* 131 Cour de cassation, première chambre civile, arrêts du 13 septembre 2013, pourvois n° 12-18315 et 12-30138 : « la naissance est l'aboutissement, en fraude à la loi française, d'un processus d'ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d'autrui, convention qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public ».
* 132 Cour de cassation, première chambre civile, arrêts du 5 juillet 2017, pourvois n° 15-28.597, 16-16.901, 16-50.025 et 16-16.455.
* 133 Cour européenne des droits de l'homme, grande chambre, avis consultatif relatif à la reconnaissance en droit interne d'un lien de filiation entre un enfant né d'une gestation pour autrui pratiquée à l'étranger et la mère d'intention, 10 avril 2019, demandé par la Cour de cassation française (demande n° P16-2018-001).
* 134 Cour européenne des droits de l'homme, cinquième section, 19 novembre 2019, requêtes n os 1462/18 et 17348/18, C. contre la France et E. contre la France.
* 135 L'adoption de l'enfant du conjoint n'est possible de manière certaine en France lorsque l'enfant est issu d'une GPA que depuis les arrêts de la Cour de cassation précités du 5 juillet 2017.
* 136 Ibid. considérant 43.
* 137 Cour de cassation, première chambre civile, arrêts 18 décembre 2019, pourvois n° 18-12.327 et 18-11.815.
* 138 « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »
* 139 Cour de cassation, assemblée plénière, 4 octobre 2019, pourvoi n° 10-19.053.