B. DES ADAPTATIONS TECHNIQUES POUR UNE MEILLEURE PROTECTION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE LEURS GROUPEMENTS
1. La reprise des exclusions prévues par le CRPA
Afin de définir le champ d'application des dispositions introduites dans le CGCT, la commission a repris la liste des exclusions prévues à l'article L. 123-1 du CRPA qui vise notamment les « sanctions requises pour la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne » ou les « sanctions prononcées en cas de méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement » . Ces exclusions sont essentiellement dictées par le respect de normes internationales ou le maintien de l'ordre public. Elles trouvent donc à s'appliquer au droit à l'erreur des collectivités territoriales et de leurs groupements.
2. Une supplétivité de la mesure conditionnée à la protection équivalente des collectivités et de leurs groupements
La suppression du renvoi au CRPA a conduit la commission à réintroduire dans sa nouvelle rédaction la supplétivité des dispositions de la proposition de loi 30 ( * ) afin qu'elles ne viennent pas faire obstacle aux droits à l'erreur spéciaux qui bénéficient déjà aux collectivités et à leurs groupements en matière fiscale et sociale. Là où le CRPA prévoit que ses dispositions ne s'appliquent qu' « en l'absence de dispositions spéciales applicables » 31 ( * ) , la commission a souhaité donner un sens encore plus protecteur à la présente proposition de loi en prévoyant que le droit spécial ne s'appliquera que s'il a « pour objet ou pour effet d'assurer une protection équivalente » à celle conférée par le nouveau droit à l'erreur créé au sein du CGCT .
3. La suppression de la notion de « première fois » inapplicable aux collectivités territoriales et la simplification de la notion de mauvaise foi
Alors que l'article L. 123-1 du CRPA ne s'applique qu'à une personne « ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation », la commission a souhaité supprimer cette notion de première fois. Elle trouve difficilement à s'appliquer à une personne morale de droit public réputée « immortelle » et poserait des problèmes d'interprétation en cas de fusion ou de création de nouvelles collectivités. L'absence de sanction resterait néanmoins subordonnée à l'absence de fraude ou de manquement délibéré de la part de la collectivité ou du groupement en cause.
Enfin, la commission a préféré ne pas reprendre la notion de mauvaise foi mentionnée à l'article L. 123-1 du CRPA mais directement introduire la définition détaillée qui en est donnée à l'article L. 123-2 du même code : « Est de mauvaise foi, au sens du présent titre, toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation » .
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La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
EXAMEN EN COMMISSION
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M. Philippe Bas , président . - Nous examinons la proposition de loi visant à créer un droit à l'erreur des collectivités locales dans leurs relations avec les administrations et les organismes de sécurité sociale, présentée par Hervé Maurey, Sylvie Vermeillet, et plusieurs de leurs collègues. Le groupe Union Centriste (UC) s'est saisi avec opportunité de ce sujet porteur pour les maires. La commission des lois a désigné Philippe Bonnecarrère sur ce texte.
M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Monsieur le président, ce sens de l'opportunité que vous prêtez au groupe Union Centriste répond au vôtre, puisque vous avez choisi d'examiner en ce début d'année une proposition de loi visant à créer un droit à l'erreur pour les collectivités territoriales, ce qui est une façon de nous rappeler que nous sommes perfectibles et de nous inviter à commettre le moins d'erreurs possible cette année.
Il nous faut nous interroger sur le droit à l'erreur pour les collectivités territoriales, si d'aventure celles-ci en commettaient. Je précise que, en tant que tel, le droit à l'erreur n'existe pas en droit positif, même si, dans la pratique, l'expression est couramment utilisée ; en revanche, il existe un droit à régulariser en cas d'erreur déjà ouvert à l'ensemble des particuliers et entreprises.
Sur cette question, je proposerai le vade-mecum suivant : pas plus, pas moins et pas d'impunité. En effet, il ne s'agit pas de donner aux collectivités plus de droits que n'en ont nos concitoyens ; pour autant, il s'agit de ne pas leur en donner moins.
À quoi correspond le droit à l'erreur ? Il a beaucoup été évoqué en 2018, lors de l'examen de la loi pour un État au service d'une société de confiance, dite loi ESSoC. Il a fait l'objet d'une généralisation à tous les usagers. Ce principe est désormais inscrit aux articles L. 123-1 et L. 123-2 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), sous réserve qu'il n'y ait pas de mauvaise foi et que la situation soit régularisée à l'initiative de l'intéressé ou sur invitation de l'administration. La mauvaise foi, notion qui fait l'objet d'une définition, doit être prouvée par l'administration.
Il s'agit donc d'une mesure favorable aux usagers. Pour autant, les dispositions du code des relations entre le public et l'administration ne trouvent pas application lorsqu'existent des dispositions spéciales, notamment en matière fiscale et sociale.
La question qui se pose pour les collectivités locales est la suivante : si un droit à l'erreur est prévu pour M. Tout-le-Monde, ce M. Tout-le-Monde ne pourrait-il pas être une commune et la commune ne pourrait-elle pas bénéficier de ce droit à l'erreur ?
Lorsque cette question a été posée en séance publique, au moment de l'examen de la loi ESSoC, la réponse du Gouvernement a été négative. C'est pourquoi les différents amendements visant à étendre ce droit aux collectivités locales ont été soit directement rejetés par le Sénat, soit écartés par l'Assemblée nationale lorsqu'ils avaient été adoptés au Sénat. Voilà qui a achevé de nous convaincre qu'il y avait un problème sur ce sujet.
En effet, la réponse du Gouvernement n'avait pas été d'une extrême précision : elle consistait à dire que les collectivités étaient d'abord des administrations, des collectivités publiques soumises à un droit dérogatoire ; elles ne pouvaient donc être concernées. Cette justification a renforcé l'idée de nos collègues du groupe UC et de notre collègue du groupe du RDSE de prendre l'initiative de rédiger plusieurs amendements et une proposition de loi en ce sens. Nous sommes en effet dans une situation paradoxale : si les collectivités territoriales sont un élément de l'administration prise dans son sens général, de plus en plus, elles sont des usagers, notamment en matière fiscale et sociale. À ce titre, elles paient de la TVA, et l'impôt sur les sociétés, de même qu'elles font des déclarations à l'Urssaf, lorsqu'elles emploient des agents contractuels.
Pour les amoureux du droit public, cela ne manque pas d'intérêt : alors que, pendant un siècle et demi, les collectivités ont aspiré à un statut dérogatoire, comme l'ensemble de l'administration française, nous assistons aujourd'hui à un retour du balancier, les collectivités demandant à être traitées comme M. Tout-le-Monde et à bénéficier du droit commun.
Pour autant, les collectivités sont-elles victimes d'un traitement discriminatoire lorsqu'elles commettent des erreurs ? La réponse est négative, je l'ai vérifié auprès du monde social ou de l'administration fiscale. Cela s'explique par le fait qu'il existe des textes spéciaux et des dispositions particulières en matière fiscale et sociale prévoyant des modalités de régularisation. La loi ESSoC les a élargies et a, en outre, prévu des conditions d'extension des modalités de régularisation jusqu'au moment du contrôle fiscal. Elles bénéficient également des mêmes modalités de régularisation pour l'Urssaf et les organismes sociaux. Un décret a été publié en ce sens le 11 octobre 2019, réécrivant certains articles de la partie réglementaire du code de la sécurité sociale afin de développer les modalités de régularisation. Ainsi, lorsqu'un cotisant régularise dans les délais, il ne se voit pas infliger de majoration ou d'indemnités de retard. L'Urssaf comme l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) font application de ce décret aux collectivités locales sans réserve.
Par ailleurs, dans certaines dispositions que nous avons adoptées en fin d'année dernière et qui ont été promulguées in extremis , vous avez créé un rescrit préfectoral, qui permet de réduire les risques d'erreur pour les collectivités territoriales.
Du point de vue pratique, il est donc difficile de dire que les collectivités territoriales ne bénéficient pas d'un droit à l'erreur ; celui-ci leur est appliqué en matière sociale et fiscale, quand elles sont des usagers.
Toutefois, la vie est aussi faite de symboles et le Sénat, comme représentant des territoires, peut prêter attention à l'idée d'inscrire dans la loi ce droit à l'erreur, même si les collectivités en bénéficient déjà dans les faits.
Selon que vous serez attachés aux symboles ou que vous vous souviendrez de Portalis exigeant que la loi ne soit pas trop bavarde, vous ferez votre choix. Quant à moi, je vous suggère de retenir la valeur des symboles.
Si vous le faites, il vous faudra alors éviter de prêter le flanc au reproche, émis par le Gouvernement lors des discussions précédentes, de créer une confusion dans le CRPA entre la forme administrative d'une collectivité et son statut d'usager. Je vous propose d'oublier le CRPA et de prévoir un droit à l'erreur autonome pour les collectivités territoriales inscrit dans leur propre code : le code général des collectivités territoriales (CGCT).
En outre, je propose de nous garder de ne considérer que les seules communes et de décider qu'une telle mesure a vocation à concerner toutes les collectivités territoriales et leurs groupements, départements, régions, etc. Les départements, en particulier, ont eu la courtoisie de nous dire que cela pouvait être intéressant, notamment pour les plus modestes d'entre eux, qui ne disposent pas toujours de service juridique d'envergure.
Ensuite, je vous propose de ne pas faire de bêtise, c'est-à-dire d'éviter de priver les collectivités territoriales, du fait d'une rédaction générale, de mesures existantes qui leur sont favorables. Nous pourrions faire cela par voie d'amendement selon deux axes, d'une part, en décidant que ne devront être applicables aux collectivités territoriales que les dispositions spéciales offrant une protection au moins équivalente aux dispositions générales que nous créons ; d'autre part en reprenant les exceptions existantes dans le CRPA, qui concernent notamment les sanctions en matière de droit de l'Union européenne ainsi que de méconnaissance des règles en matière de santé publique ou de sécurité des personnes. Si vous me permettez cette expression diplomatique, le premier axe revient à appliquer aux collectivités territoriales une « clause de la nation la plus favorisée ».
Enfin, dans le CRPA, ces mesures s'appliquent quand M. et Mme Tout-le-Monde commettent une erreur « pour la première fois ». Cette notion nous paraît compliquée à appliquer aux collectivités territoriales, car il nous semble difficile, malgré le principe de continuité, de les rendre comptables de ce qui aura été fait parfois des années auparavant. En outre, dans le cas des communes nouvelles, par exemple, nous ne voyons pas comment leur opposer les actes de chacune des communes qui les précédaient. Nous avons donc choisi de supprimer purement et simplement cette notion en ce qui concerne les collectivités.
Pour terminer, il me revient d'expliciter le champ d'application de la proposition de loi pour permettre le dépôt d'amendements de séance ne contrevenant pas à l'article 45 de la Constitution. Le champ de cette proposition de loi se limite donc aux relations entre, d'un côté, les collectivités et leurs groupements et, de l'autre, les administrations de l'État, ses établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif.
M. Jean-Pierre Sueur . - C'est énorme !
M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - En effet !
M. Jean-Pierre Sueur . - Il faut donc maintenant que chaque rapporteur définisse le champ de son texte ? Il me semble pourtant que celui-ci est défini par le texte lui-même et son objet. Cet exercice me semble redondant, et ne vise qu'à fournir une sorte de paratonnerre contre les amendements qui ne seraient pas reçus. Nous devrions avoir une vision plus ouverte de ces dispositions et ne pas nous rendre victimes de cette interprétation.
M. Philippe Bas , président . - Notre rapporteur met ainsi en oeuvre une procédure qui est appliquée avec constance depuis l'année dernière à l'initiative du président du Sénat après délibération de la Conférence des Présidents, dans lequel tous les groupes sont représentés, et qui consiste à ouvrir autant qu'il est possible le dépôt d'amendements en explicitant le champ au sein duquel ceux-ci seront recevables. La présentation faite par notre rapporteur montre d'ailleurs à quel point ce champ est vaste.
M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Il s'agit en effet d'expliciter et non de définir. Imaginez le bonheur complet du rapporteur : il représente déjà le Sénat et la Nation, et, par cet exercice, il reçoit de surcroît une petite parcelle d'onction constitutionnelle !
M. Jean-Pierre Sueur . - La Conférence des Présidents a délibéré et je continue à penser ce que je pense.
M. Jean-Yves Leconte . - Sur ce sujet, il me semble que la commission et son rapporteur disposent également d'une sorte de droit à l'erreur.
Dans le cadre du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, le cadrage de la commission des lois a empêché le dépôt de certains amendements concernant les Français de l'étranger. Ceux-ci ont pourtant pu être déposés par nos collègues à l'Assemblée nationale et y être défendus, sans qu'un débat parlementaire complet soit possible à leur endroit.
Il est logique de se préoccuper du respect de la Constitution, mais la manière dont on le fait empêche parfois des débats, en commission comme en séance, alors même que ceux-ci ont lieu à l'Assemblée nationale. Cela me semble poser problème. Dans le cas que j'ai à l'esprit, cette situation a été évoquée jusqu'en commission mixte paritaire : des amendements déposés à l'Assemblée nationale ont prospéré et ont conduit à changer la loi, alors que nous n'avons pas pu en débattre ici. Il me semble important de veiller à éviter cette situation, car il n'est pas exclu que le Conseil constitutionnel soit un jour saisi de l'impossibilité faite à une chambre de débattre d'un sujet alors que l'autre aura pu le faire.
M. Alain Richard . - Cela ne saurait se produire car il ne peut y avoir de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dans cette circonstance. Le respect de la procédure législative ne fait pas partie des « droits et libertés que la Constitution garantit » visés à l'article 61-1 de la Constitution.
M. Jean-Yves Leconte . - Le texte peut-être soumis au Conseil constitutionnel avant sa promulgation !
M. Philippe Bas , président . - Jean-Yves Leconte fait allusion à un amendement concernant les Français de l'étranger qu'il avait déposé sur le projet de loi Engagement et proximité, et dont il regrette que le champ d'application du texte n'ait pas permis d'en admettre la recevabilité, alors même que l'Assemblée nationale a pu en débattre.
Mon cher collègue, l'une des deux assemblées a sans doute été laxiste, et ce n'est pas la nôtre. Sur ce point, notre interprétation de l'article 45 est parfaitement conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Le texte en question est d'ailleurs entré au Sénat avec 28 articles et en est ressorti avec 120 articles. Quelques-uns d'entre eux provenaient d'amendements du Gouvernement, mais il a tout de même bien fallu que vous exerciez un large droit d'amendement pour parvenir à ce résultat. Peut-être même avons-nous été trop souples... Je vous rappelle que nos concitoyens et nos maires se plaignent d'un afflux de normes. Ne confondons pas la loi et un arrêté préfectoral. Le désir de faire avancer la réforme nous tient tous à coeur, mais il nous faut tenir compte de l'intérêt d'une législation maîtrisée. Il ne s'agit pas de nous plier aux injonctions du Conseil constitutionnel, mais de respecter la Constitution, laquelle a raison de nous indiquer que le débat parlementaire doit être organisé.
Le droit d'amendement s'exprime très largement et un amendement concernant les délégués consulaires n'a pas sa place dans un texte sur les collectivités locales, l'article 45 ne nous laisse pas de marge de manoeuvre à ce sujet. Ce que fait l'Assemblée nationale la regarde, nous avons, quant à nous, la réputation d'être une assemblée respectueuse des principes fondamentaux de notre droit : n'y renonçons pas.
M. Jean Louis Masson . - Sur le fond, je suis d'accord avec vous, monsieur le président, mais tout dépend de l'interprétation qui est faite. Nous avions ainsi décidé que la question de savoir s'il devait ou non y avoir une photo sur un bulletin de vote relevait de la loi, alors que l'article 45 a été opposé à un amendement relatif à l'utilisation des trois couleurs bleu-blanc-rouge sur les circulaires électorales. À ce sujet, un décret récent a d'ailleurs repris mot pour mot l'amendement que j'avais déposé. Quant à moi, je ne vois pas la différence entre ces dispositions au regard de l'article 45.
Le vrai problème dans cette enceinte, c'est que l'article 45 a divers usages : parfois, il est pratique de « zapper » ainsi une proposition, d'autres fois, on souhaite rendre service à l'auteur d'un amendement. Une clarification me semble donc nécessaire, même si, sur le fond, vous avez raison. Dans le cas d'espèce, je partage l'avis du rapporteur, mais je ne peux pas m'associer à l'utilisation de l'article 45 pour se débarrasser d'un amendement, alors qu'on en accepte d'autres du même type.
M. Philippe Bas , président. - En matière de recevabilité, le travail accompli par nos rapporteurs, avec l'assistance de nos administrateurs, consiste généralement à admettre le plus grand nombre possible d'amendements. Au reste, mon cher collègue, je pense que votre amendement pouvait poser problème au niveau de la recevabilité au titre de l'article 41 relatif au domaine de la loi comme de l'article 45 de la Constitution.
Il me semble que, professions de foi et bulletins de vote ne sont pas toujours traités de la même façon par notre droit : le bulletin de vote est assorti de garanties importantes, d'ordre législatif. Quoi qu'il en soit, je me réjouis que vous ayez réussi à faire avancer votre proposition par la voie réglementaire - ce qui prouve bien que, lorsqu'un amendement est déclaré irrecevable, la question de fond peut néanmoins être traitée dans de bonnes conditions.
Mais revenons à notre débat. Cette proposition de loi est une initiative politique qui paraît très opportune, au moins sur le plan symbolique. Notre rapporteur l'a éclairée avec une objectivité et une impartialité dignes d'éloges.
On parle souvent, de nos jours, de signaux faibles : il s'agit, en l'occurrence, d'un signal fort, que le groupe Union Centriste, l'ensemble de la majorité sénatoriale et tous ceux qui voudront s'y associer sont invités à adresser à nos élus, lesquels ont bien besoin qu'on leur témoigne du soutien. Ce signal fort s'adresserait aussi aux administrations, en vue de traiter avec égards, face à la multiplication des normes, les responsables de collectivités territoriales. Ceux-ci ont besoin d'être aidés plutôt que censurés !
Mme Brigitte Lherbier . - Je tiens seulement à apporter une nuance à la proposition présentée. Bien entendu, il peut être tout à fait normal que des situations soient régularisées dans l'esprit du droit à l'erreur. Néanmoins, placer des collectivités territoriales sur le même plan que des personnes privées me heurte quelque peu. S'il faut soutenir les petites communes, je crains que, s'agissant des grands services juridiques et financiers des régions ou des départements, cela ne conduise à en déresponsabiliser les hauts fonctionnaires.
M. Jérôme Durain . - Je félicite à mon tour le rapporteur, dont le travail est très documenté sur le plan théorique comme sur les conséquences pratiques du dispositif proposé.
Lors du débat sur la loi ESSoC, nous étions résolument favorables à l'extension du droit à l'erreur à l'ensemble des collectivités territoriales. Un amendement de la rapporteure de ce texte visait à distinguer deux catégories de collectivités. Nous étions, nous, pour une extension maximale, considérant qu'un principe de droit commun devait s'appliquer à tous. Notre position est inchangée.
À l'époque, le Gouvernement avait argué d'un risque de dilution du principe, qui devait être réservé aux particuliers. Nous continuons de réfuter cette conception. De même, nous estimons que l'idée de la première fois n'aurait pas de sens appliquée aux collectivités territoriales et nous ne considérons pas que le rescrit rendrait le droit à l'erreur inutile.
Nous sommes donc très favorables à l'extension de ce droit à l'ensemble des catégories de collectivités. Les explications du rapporteur sur la clause de la collectivité la plus favorisée sont également de bon sens, de même que l'autonomisation du principe dans le code général des collectivités territoriales.
Nous avons débattu, entre nous, de l'expression « droit à l'erreur », qui vise en fait un droit à la rectification d'erreur. Pour le particulier, il s'agit d'une corde de rappel, d'une forme de bienveillance de l'administration. S'agissant de collectivités territoriales, veillons à ce que ce principe ne soit pas compris comme un privilège, comme un droit à la distraction, à la négligence ou à l'incompétence, voire un blanc-seing à la phobie administrative. Nous reviendrons en séance sur cette question sémantique, qui n'est pas anodine.
M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur. - Monsieur le président, vous avez parfaitement résumé l'esprit de ce texte : que les collectivités territoriales soient traitées avec égards.
Madame Lherbier, la question que vous soulevez a déjà été débattue dans le cadre de l'examen de la loi ESSoC. Le Sénat s'était prononcé contre l'instauration d'un seuil. Notre collègue Pierre-Yves Collombat, défenseur reconnu des communes rurales, avait insisté à juste raison sur l'universalité du principe. D'ailleurs, s'agissant des entreprises, aucun seuil d'effectif ou de chiffre d'affaires n'a été prévu pour qu'elles bénéficient du droit à l'erreur.
Monsieur Durain, je vous remercie pour votre soutien à la proposition de loi. S'agissant de son interprétation par l'opinion publique, j'ai commencé mon propos liminaire en insistant sur ce principe : pas plus de droits pour les collectivités territoriales que pour M. ou Mme Tout-le-Monde, mais pas moins. Pas d'impunité, donc, mais la garantie pour les collectivités de ne pas être traitées plus défavorablement que les autres usagers en cas d'erreur.
Au reste, les dispositions reprises du code des relations entre le public et l'administration garantissent l'absence d'impunité : la régularisation ne sera pas possible en cas de fraude ou de méconnaissance délibérée de la règle, et les règles préservant directement la santé publique ou la sécurité des personnes, des biens ou de l'environnement seront exclues du champ du dispositif.
M. Philippe Bas , président. - L'amendement COM-1 , tendant à rédiger l'article unique de la proposition de loi, est présenté par M. le rapporteur.
L'amendement COM-1 est adopté.
En conséquence, la proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article unique
|
|||
M. BONNECARRÈRE, rapporteur |
1 |
Réécriture de l'article unique |
Adopté |
* 30 Cette supplétivité est mentionnée à l'article L. 100-1 du CRPA à la lumière duquel l'article L. 123-1 du même code doit être lu.
* 31 Article L. 100-1 du CRPA.