B. UN DROIT À L'ERREUR VENANT UTILEMENT COMPLÉTER LES DISPOSITIFS EXISTANTS EN FAVEUR DE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
1. Des droits à l'erreur « spéciaux » s'appliquant déjà aux collectivités territoriales
Les arguments développés par le Gouvernement et les députés de la majorité à l'Assemblée nationale, au cours de l'examen de la loi « ESSoC », pour priver les collectivités d'un droit général à la régularisation ne semblent pas tenir devant l'évidence des faits puisque les collectivités territoriales bénéficient déjà de droits similaires prévus par des textes spéciaux .
La direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers souligne, à juste titre, que les collectivités territoriales et leurs groupements « peuvent déjà se prévaloir du droit à la régularisation de [leurs] erreurs en matière d'impôts, applicable à tout contribuable en vertu de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales » 21 ( * ) (voir supra ). Le constat est le même en matière sociale puisque les collectivités territoriales ou leurs groupements semblent assimilés aux « employeurs » visés par les dispositions du code de la sécurité sociale lorsqu'ils sont amenés à verser des cotisations sociales. En effet, les agents non titulaires ne bénéficient d'aucun régime spécial de sécurité sociale et sont soumis de plein droit au code de la sécurité sociale.
Interrogée par le rapporteur, la direction de la sécurité sociale (DSS) 22 ( * ) a confirmé ce constat. Elle a ajouté que l'application des dispositions du décret du 11 octobre 2019 précité aux collectivités territoriales se fondait sur l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne le contrôle des URSSAF et les majorations applicables en cas de redressement. Cet article dispose que « le contrôle de l'application des dispositions du présent code par les employeurs, personnes privées ou publiques y compris les services de l'État autres que ceux mentionnés au quatrième alinéa, par les travailleurs indépendants ainsi que par toute personne qui verse des cotisations ou contributions auprès des organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général est confié à ces organismes » . Il en résulte que les dispositions réglementaires qui garantissent des droits aux employeurs ou créent des obligations pour les URSSAF s'appliquent aussi aux collectivités territoriales.
La DSS précise également que le décret du 11 octobre 2019 précité s'appliquera aux collectivités territoriales pour les pénalités qu'elles pourraient éventuellement recevoir en cas de non-transmission de la déclaration sociale nominative (DSN) créée par la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives. Le code de la sécurité sociale impose en effet cette transmission aux collectivités territoriales en tant qu'il vise « tout employeur de personnel salarié ou assimilé » 23 ( * ) . Elles bénéficieront donc du nouvel article R. 243-11 du code de la sécurité sociale qui dispose que les pénalités ne seront pas dues si la déclaration a été transmise dans les trente jours, si « aucun retard de paiement n'a été constaté au cours des vingt-quatre mois précédents » et si « le montant des majorations et pénalités qui seraient applicables est inférieur à la valeur mensuelle du plafond de la sécurité sociale » .
Qu'est-ce que la DNS ? La DSN, ou déclaration sociale nominative, est un fichier mensuel produit à partir de la paie, destiné à communiquer les informations nécessaires à la gestion de la protection sociale des salariés aux organismes et administrations concernés. Elle permet de remplacer l'ensemble des déclarations périodiques ou événementielles et diverses formalités administratives adressées jusqu'à aujourd'hui par les employeurs à une diversité d'acteurs (CPAM, URSSAF, AGIRC ARRCO, organismes complémentaires, Pôle emploi, centres des impôts, caisses régimes spéciaux, etc. ). La DSN repose sur la transmission unique, mensuelle et dématérialisée des données issues de la paie et sur des signalements d'événements. Les données transmises dans la DSN mensuelle sont donc le reflet de la situation d'un salarié au moment où la paie a été réalisée. En complément, elle relate les évènements survenus (maladie, maternité, changement d'un élément du contrat de travail, fin de contrat de travail...) dans le mois ayant eu un impact sur la paie. La DSN réduit les risques d'erreur et la charge de travail déclarative.
Source : site internet
http://www.dsn-info.fr/index.htm
mis en place par le GIP-MDS
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2. La création d'un nouveau rescrit en faveur des collectivités territoriales
S'inspirant des dispositions de la loi « ESSoC » développant les procédures de rescrits en faveur des usagers 24 ( * ) , la récente loi « Engagement et proximité » est venue consacrer un rescrit préfectoral au bénéfice des collectivités territoriales 25 ( * ) au sein du code général des collectivités territoriales (CGCT). Son nouvel article L. 1116-1 dispose que, « avant d'adopter un acte susceptible d'être déféré au tribunal administratif, les collectivités territoriales ou leurs groupements ainsi que leurs établissements publics peuvent saisir le représentant de l'État chargé de contrôler la légalité de leurs actes d'une demande de prise de position formelle relative à la mise en oeuvre d'une disposition législative ou réglementaire régissant l'exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leur exécutif » . Si l'acte pris par la collectivité est conforme à la prise de position formelle, le représentant de l'État ne peut plus le déférer au tribunal administratif, sauf changement de circonstances. Les modalités d'application de ce nouvel article doivent être fixées par un décret en Conseil d'État dont l'entrée en vigueur subordonne celle de la disposition législative, en application de l'article 1 er du code civil.
Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le juge administratif soit saisi par toute personne remplissant les conditions d'intérêt et de qualité à agir . Comme le soulignaient les rapporteurs du projet de loi, Françoise Gatel, sénatrice d'Ille-et-Vilaine (groupe Union Centriste) et Mathieu Darnaud, sénateur de l'Ardèche (groupe Les Républicains), cette procédure « s'inscrit dans le cadre d'un dialogue déjà nourri, articulé autour du contrôle de légalité des actes adoptés par les collectivités » 26 ( * ) .
Contrôle de légalité et dialogue entre État et collectivités territoriales Le contrôle de légalité des actes adoptés par les collectivités territoriales est l'occasion pour elles d'un dialogue avec le représentant de l'État se déroulant en deux temps : a) avant l'adoption de l'acte : des contacts informels entre collectivités et services des préfectures existent d'ores et déjà et peuvent apporter une première sécurisation juridique des actes des collectivités. Le conseil ainsi donné n'est cependant pas encadré et ne lie pas le préfet. Il repose essentiellement sur des liens de confiance entre le préfet et les collectivités ; b) après l'adoption de l'acte : en cas d'illégalité constatée par les services de la préfecture dans le cadre du contrôle de légalité, les lettres d'observation transmises par le préfet à la collectivité permettent de corriger certaines erreurs ou de lever des incompréhensions. |
* 21 Extrait de la contribution écrite transmise le 30 décembre 2019.
* 22 Direction de la sécurité sociale du ministère des solidarités et de la santé.
* 23 Article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale.
* 24 L'article 21 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance dite loi « ESSoC » crée une douzaine de procédures de rescrits sectoriels.
* 25 Article 74 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.
* 26 Rapport n° 12 (2019-2020) de M. Mathieu Darnaud et Mme Françoise Gatel, fait au nom de la commission des lois, déposé le 2 octobre 2019, page 173.