B. UNE FORTE PRESSION FONCIÈRE DANS LES COMMUNES LITTORALES AU DÉTRIMENT DES ACTIVITÉS AGRICOLES ET CONCHYLICOLES
1. Comment résister à l'explosion des prix de l'immobilier résidentiel en zone littorale ?
Déjà très exposée à l'effet dévastateur de parasites, de microalgues ou de virus, la filière conchylicole doit également résister à la spéculation foncière dans les zones littorales , tout comme l'ensemble des productions agricoles, majoritairement l'élevage, le maraîchage et les cultures marines.
Les communes littorales sont en effet 2,4 fois plus peuplées que la moyenne métropolitaine . Cette densification entraîne une artificialisation des sols, comme le révèle un rapport du commissariat général au développement durable, de juillet 2017 : « ce ratio est identique pour le taux d'artificialisation du territoire ou la vitesse de disparition des terres agricoles ces quarante dernières années ».
Pour lutter contre ce phénomène et préserver des activités agricoles dans ces zones, la loi Littoral du 3 janvier 1986 4 ( * ) a encadré la constructibilité dans ces communes.
En raison d'une offre limitée et d'une très forte demande, les prix du foncier dans les communes littorales ont explosé . Un rapport du conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAEER) et du conseil général de l'environnement et du développement rural (CGEDD) estime que les prix des terres sur le littoral ont été multipliés par près de 2,5 entre 1997 et 2010 alors que la moyenne nationale était multipliée à hauteur de 1,5 sur la même période.
Aujourd'hui, le prix de vente d'un bâtiment à usage agricole à un non professionnel peut être jusqu'à dix fois supérieur au prix de vente à un professionnel .
Pour un exploitant agricole arrivant à la retraite, dans les conditions difficiles déjà déplorées à maintes reprises par notre assemblée, une cession foncière à un non professionnel est parfois considérée comme la seule solution et comme une rétribution à la juste valeur de plusieurs années de travail.
Ce phénomène contribue, entre autres, à une chute du nombre d'exploitations agricoles et conchylicoles dans les communes littorales.
2. Un recul très préoccupant de la surface conchylicole française et du nombre d'exploitants
1 exploitant en moins tous les 3 jours
-10 m² toutes les 3 minutes depuis 1996
- 1/5 e de la surface conchylicole
Pour la conchyliculture, les chiffres parlent d'eux-mêmes : 10m² de surface conchylicole disparaissent en France toutes les 3 minutes.
L'exercice de la conchyliculture nécessite deux types d'espaces indissociables .
D'une part, sur le domaine public maritime, les producteurs sont concessionnaires pour les productions situées sur l'estran ou en eaux profondes.
D'autre part, il nécessite des installations terrestres comprenant des bâtiments ou des bassins par exemple. Ces installations sont souvent situées sur le domaine public maritime ou sur le domaine privé, un peu en recul de la mer, au milieu d'une interface terre-mer de plus en plus convoitée.
La loi Littoral de 1986 a prévu certaines règles très strictes dont, notamment, la non constructibilité dans une bande de 100 mètres du rivage. Les bâtiments construits dans ces zones, notamment les bâtiments à usage agricole, sont donc très demandés afin d'être transformés en habitation résidentielle, le plus souvent comme résidences secondaires.
Faute de compétitivité au regard des prix proposés par les non professionnels, des jeunes professionnels ne peuvent s'installer en reprenant les exploitations de leurs aînés.
Or, une exploitation conchylicole qui se transforme en habitation secondaire, c'est un jeune exploitant qui ne peut reprendre une activité ostréicole et mytilicole.
Ce phénomène aboutit, au mieux, au démembrement des chantiers conchylicoles créant, le plus souvent, des conflits de voisinage entre nouveaux résidents d'une zone et producteurs conchylicoles historiques et, au pire, à la réduction du nombre d'exploitations conchylicoles en France.
Entre 2010 et 2016, le nombre d'entreprises conchylicoles françaises a enregistré un recul de 14 % selon les données économiques des entreprises aquacoles de l'Union européenne.
Sur une plus longue période, le nombre d'exploitants conchylicoles a été quasiment divisé par 2 depuis 1996 selon le Comité national de la conchyliculture.
Il en résulte un affaiblissement du potentiel d'activité et la disparition progressive d'une activité économique non saisonnière sur le littoral. Dans le Morbihan par exemple, en vingt ans, le potentiel conchylicole a reculé entre 10 et 20 %.
Or, la question de la transmission et de l'installation des entreprises est devenue un enjeu majeur pour la filière en raison du nombre de départs à la retraite à venir des exploitants conchylicoles dont la moyenne d'âge est proche de 48 ans.
* 4 Loi n° 86-2 du 3 janvier 1086 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.