C. UNE INDÉPENDANCE FONCTIONNELLE À PRÉSERVER
Afin de tenir compte de la nature particulière des institutions financées par le programme 164, le législateur a assorti les règles budgétaires issues de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de dérogations pour ce même programme et lui a ainsi réservé une « indépendance fonctionnelle » dans la gestion de ses crédits.
1. Une indépendance dont le législateur a voulu tenir compte lors de la mise en oeuvre de la LOLF
Compte tenu de leurs fonctions particulières de contrôle des finances publiques, les juridictions financières bénéficient d'une autonomie de gestion vouée à assurer leur bon fonctionnement. Les normes internationales reconnaissent ainsi aux Institutions supérieures de contrôle (ISC), dont la Cour des comptes fait partie , une indépendance fonctionnelle qui s'entend comme le fait de « disposer des ressources humaines, matérielles et financières nécessaires et raisonnables » et implique que « les pouvoirs exécutifs ne doivent pas contrôler ni encadrer l'accès à ces ressources. Les ISC gèrent leur propre budget et peuvent l'affecter de la manière qu'elles jugent appropriée. Le Parlement est chargé de veiller à ce que les ISC disposent des ressources nécessaires pour remplir leur mandat. Les ISC ont le droit de faire appel directement au Parlement lorsque les ressources fournies sont insuffisantes pour leur permettre de remplir leur mandat ». 24 ( * )
Cette indépendance s'est notamment traduite par la sortie des juridictions financières de l'enveloppe budgétaire du ministère de l'économie et des finances en 2005 , pour prendre par ailleurs en compte la nouvelle mission de certification des comptes de l'État, avec le rattachement des crédits de la Cour dans la mission « Conseil et contrôle de l'État », placée auprès des services du Premier ministre 25 ( * ) .
2. Une dérogation aux règles de gestion budgétaire fragilisée
Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF en 2006, la Cour des comptes bénéficie également d'une levée systématique en début d'année de la mise en réserve des crédits votés en loi de finances initiale . Cette dérogation n'a cependant pas fait l'objet d'une insertion dans la LOLF, le Premier ministre de l'époque, ayant déclaré devant la Cour des comptes qu'elle « bénéficiera d'une exonération de mise en réserve » et que « ce compromis rend inutile toute modification de la loi organique » 26 ( * ) . Par parallélisme, cette dérogation avait été accordée au programme 165 de la même mission.
Le programme 164 devrait toujours en bénéficier en 2019 , mais la préoccupation réitérée du Gouvernement de maîtrise des dépenses et la fin de l'exonération du programme 165 de la mise en réserve depuis 2018 interrogent sur la pérennité de cette dérogation.
Il faut enfin rappeler que cette exonération de la mise en réserve n'exclut pas la possibilité de gel ou d'annulation de crédits : 1,55 million d'euros ont ainsi été annulés en 2017 sur le programme 164.
* 24 Déclaration de Mexico sur l'indépendance des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques, principe n° 8 de l'INTOSAI. Ces principes ont été repris par l'Assemblée générale de l'ONU dans sa résolution A/66/209 du 21 décembre 2011.
* 25 Comme le rappelait notre ancien collègue Roland du Luard, « les moyens du certificateur ne peuvent dépendre du bon vouloir du certifié » , « bien que l'étroite dépendance de la Cour vis-à-vis du ministère chargé des finances ne lui avait jamais porté préjudice », dans son rapport d'information sur « La mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire », 13 juillet 2005.
* 26 Discours de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur les nouvelles missions de la Cour des comptes en matière de procédure budgétaire, données par la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et le projet de création d'une mission budgétaire spécifique « Conseil et contrôle des pouvoirs publics ».