B. RÉNOVATION DES RELATIONS FINANCIÈRES ÉTAT - SÉCURITÉ SOCIALE : UNE MISE EN oeUVRE PRÉCOCE ET CONTESTABLE

1. Les modalités décrites dans les PLF et PLFSS pour 2019

Les textes financiers de cet automne portent déjà la traduction de certains principes définis dans le rapport du Gouvernement sur la rénovation des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.

L'absence de compensation de diverses mesures de baisses de ressources de la sécurité sociale , pour un montant très significatif, a déjà été soulignée.

La démarche de suppression ou de réaffectation de quelques petites taxes affectées à la sécurité sociale a été amorcée, mais reste embryonnaire . Il est d'ailleurs à relever qu'à ce stade, la suppression de la taxe sur les farines et de la taxe sur les numéros surtaxés n'a pas été remplacée par une affectation supplémentaire de TVA, mais simplement non compensée à la sécurité sociale.

Pour ce qui concerne le cas plus spécifique de la "clarification" de l'attribution des prélèvements sociaux sur le patrimoine, il est à relever que, si la fusion des divers prélèvements hors CSG et CRDS au sein d'un unique prélèvement attribué à l'Etat devrait bien être compensé au moyen de la TVA, telle n'est pas le cas de l'exonération de CSG et de CRDS des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un autre pays de l'Union européenne, dans un Etat partie à l'Espace économique européen ou en Suisse.

Enfin, l'article 36 du projet de loi de finances propose de diminuer entre 2020 et 2022 la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale (de 1,5 milliard d'euros en 2020, 3,5 milliards d'euros en 2021 et 5 milliards d'euros à compter de 2022). Cette mesure, premier facteur d'explication de la trajectoire financière de la sécurité sociale décrite supra , ce qui semble s'inscrire dans la logique du rapport gouvernemental, sans pour autant s'attacher clairement à l'une ou l'autre de ses préconisations.

2. De la nécessité d'un cadrage politique préalable

Votre rapporteur général n'est pas opposé à ce que l'État puisse, lui aussi, bénéficier du retour à meilleure fortune de la sécurité sociale . Ce serait d'ailleurs la contrepartie logique de l'effort de solidarité accompli pendant les années difficiles et rappelé précédemment dans le présent rapport.

Pour autant, cela ne saurait se faire qu'autour de principes clairs, partagés et compatibles tant avec l'extinction totale de la dette de la sécurité sociale qu'avec le maintien à long terme de l'équilibre des comptes sociaux pour qu'aucun nouveau « trou de la sécu » ne puisse se recreuser.

Or à ce stade, les principes qui semblent guider le Gouvernement ne sont pas clairs puisque le rabotage de la part de TVA affectée que propose le projet de loi de finances ne se rattache à aucune règle expressément définie dans le rapport précité. Au contraire, cet ajustement purement budgétaire est de nature à instaurer d'emblée de la méfiance entre les deux sphères publiques en montrant à quel point il serait facile à l'avenir à un État impécunieux de "faire les poches" de la sécurité sociale dès lors que tous les prélèvements affectés seraient fondus au sein d'une TVA aisément contrôlable en loi de finances, de manière justifiée ou non.

Ces principes ne sont pas davantage partagés puisque la remise très tardive de son rapport par le Gouvernement au Parlement n'a pas permis l'organisation d'un débat approfondi sur ce sujet avant l'actuelle "session budgétaire".

Enfin, la trajectoire financière rectifiée de la sécurité sociale n'apparaît pas compatible avec le remboursement de sa dette sans même parler de l'équilibre futur de ses comptes, comme cela sera développé dans le cadre des commentaires des articles 19 et 26 du présent rapport.

En somme, aux yeux de votre rapporteur général, il est indispensable de commencer par un débat approfondi à propos des principes sur lesquels doivent reposer les relations futures entre l'État et la sécurité sociale avant de raboter de façon très significative la TVA affectée à cette dernière. L'examen du projet de loi constitutionnelle et de sa déclinaison organique relative aux textes financiers semble devoir fournir l'occasion idoine pour prendre des décisions en la matière. En tout état de cause, dans cette attente, un simple rapport gouvernemental ne saurait engager l'ensemble des pouvoirs publics ; et les mesures de rabotage qui ne s'y rattachent qu'indirectement encore moins.

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