N° 96
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019
Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 octobre 2018 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission spéciale (1) sur le projet de loi (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français ,
Par M. Olivier CADIC et Mme Marta de CIDRAC,
Sénateurs
Articles 3, 4, 10, 13, 24, 25, 26 et 27
examinés
selon la procédure de législation en commission,
en
application de l'article 47
ter
du Règlement
(1) Cette commission est composée de : M. René Danesi, président ; M. Olivier Cadic, Mme Marta de Cidrac, rapporteurs ; MM. Pascal Allizard, Jean-Pierre Decool, Mme Catherine Di Folco, M. Guillaume Gontard, Mme Laurence Harribey, MM. Franck Menonville, Jean-Paul Prince, André Reichardt, Alain Richard, Rachid Temal, vice-présidents ; MM. Henri Cabanel, Didier Mandelli, Jean-Marie Mizzon, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Joël Bigot, Jean Bizet, Yves Bouloux, Daniel Dubois, André Gattolin, Daniel Gremillet, Mmes Véronique Guillotin, Corinne Imbert, M. Guy Dominique Kennel, Mme Élisabeth Lamure, MM. Jean-Pierre Leleux, Didier Marie, Franck Montaugé, Pierre Ouzoulias, Cyril Pellevat, Mmes Angèle Préville, Sonia de la Provôté, Sylvie Robert, Catherine Troendlé. |
Voir les numéros :
Sénat : |
10 et 97 (2018-2019) |
La commission a examiné les articles
3
,
4
,
10
,
13
,
24
,
25
,
26
et
27
selon la procédure de législation en commission, en
application de l'article 47
ter
du Règlement.
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LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION SPÉCIALERéunie le mardi 30 octobre 2018, sous la présidence de M. René Danesi, président , après avoir entendu Mme Nathalie Loiseau, ministre chargée des affaires européennes , le mercredi 24 octobre 2013, la commission spéciale désignée en application de l'article 43 de la Constitution, a examiné le rapport de M. Olivier Cadic et Mme Marta de Cidrac, rapporteurs , et établi son texte sur le projet de loi (n° 10, 2018-2019) portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français. Dans une seconde réunion publique élargie, tenue le même jour, en présence de la ministre chargée des affaires européennes, la commission a adopté huit articles du projet de loi (art. 3, 4, 10, 11, 24, 25, 26 et 27) selon la procédure de législation en commission, dont la mise en oeuvre a été décidée par la Conférence des présidents, en application de l'article 47 ter du Règlement du Sénat, lors de sa réunion du 17 octobre 2018. Le projet de loi, déposé en premier lieu au Sénat, résulte de la sélection par le Gouvernement de certaines des sur-transpositions de nature législative recensées par la mission inter-inspections mandatée par le Premier ministre en décembre 2017. Il prévoit des réductions d'écarts de transposition de directives dans quatre secteurs : économie et finances, développement durable, agriculture et culture . Ainsi que l'ont rappelé le Président et les rapporteurs, la réduction des sur-transpositions est une demande forte et ancienne des entreprises . La délégation sénatoriale aux entreprises et la commission des affaires européennes l'ont montré à partir de cas concrets et ont demandé la suppression des écarts de transposition ou de l'absence d'exploitation de facultés ouvertes par les textes européens qui pénalisent la compétitivité des entreprises françaises. Si elle a approuvé le principe de la démarche engagée par le Gouvernement , la commission spéciale a toutefois regretté le manque d'ambition du projet de loi. Elle invite en conséquence le Gouvernement à poursuivre activement et sans tarder la démarche ainsi engagée, y compris en matière réglementaire . Les rapporteurs du projet de loi se sont attachés à mesurer les impacts potentiels des suppressions de sur-transpositions en interrogeant les autorités et les services administratifs compétents ainsi que les principales parties prenantes. Il convient en effet de tenir compte des intérêts en présence : compétitivité des entreprises et stabilité juridique, efficacité des contrôles du respect des règles justifiées par la sécurité et la santé publique ainsi que la protection du consommateur. La commission spéciale a souscrit aux suppressions de sur-transpositions proposées par le projet de loi, sous réserve des coordinations, rectifications et aménagements proposés par ses rapporteurs. La commission spéciale a adopté 21 amendements présentés par ses rapporteurs. La très grande brièveté des délais d'examen du projet de loi n'a pas permis aux rapporteurs de proposer utilement d'autres suppressions de sur-transpositions identifiées, faute d'être en mesure d'en apprécier précisément les conséquences. La commission a toutefois apporté, sur proposition du rapporteur, plusieurs compléments au chapitre Ier : 1. En matière de crédit renouvelable à la consommation , elle a supprimé l'obligation faite au prêteur de procéder à une vérification triennale complète de la solvabilité de l'emprunteur , qui constitue une sur-transposition de la directive 2008/48/CE, étant rappelé que les organismes prêteurs doivent mettre en oeuvre une détection précoce des risques d'insolvabilité et de fragilité des emprunteurs prévue par le code de la consommation (art. 1 er bis ). 2. En matière de définition de la catégorie des petites entreprises , elle a exploité une option prévue par la directive 2013/34/CE pour en relever les seuils , ce qui permet d'étendre à ces entreprises le bénéfice des mesures de confidentialité du compte de résultat et de simplification des états financiers proposées par le projet de loi au bénéfice des moyennes entreprises (art. 5). 3. Elle a également étendu aux micro-entreprises et aux petites entreprises soumises au contrôle légal des comptes le bénéfice des modalités de publication allégée du rapport des commissaires aux comptes que le projet de loi prévoit pour les moyennes entreprises. Au chapitre II, la commission a limité, en revanche, sur proposition de sa rapporteure, les exemptions aux déchets dont la dangerosité est réduite, ce qui permettra d'en confier la gestion à des établissements de l'économie sociale et solidaire spécialisés, tout en préservant l'environnement et la santé humaine (art. 15). |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français est le fruit d'une démarche d'analyse des écarts de transposition entre le droit européen et notre droit interne, annoncée par le Gouvernement il y a plus d'un an . Il est construit à partir de certaines des dispositions ainsi identifiées comme pesant inutilement sur la compétitivité et l'attractivité de la France en Europe.
La réduction des écarts de transposition est une demande forte et ancienne des entreprises à laquelle notre assemblée est particulièrement sensible. Le projet de loi constitue à cet égard une première réponse , qui s'inscrit dans une démarche plus générale qui devra être poursuivie, y compris dans le domaine réglementaire.
En raison de la grande diversité des secteurs concernés , qui relèvent des champs de compétences de cinq commissions permanentes, la Conférence des présidents, qui s'est tenue le 25 septembre 2018, a décidé de renvoyer l'examen du projet de loi à une commission spécialement constituée à cet effet en application de l'article 43 de la Constitution.
Lors de sa réunion constitutive, le 10 octobre, après le dépôt du projet de loi le 3 octobre, la commission spéciale, composée de membres issus des six commissions permanentes et de la commission des affaires européennes, a désigné comme président notre collègue René Danesi , qui s'est penché sur les conséquences des sur-transpositions pour les entreprises françaises. Les deux rapporteurs, M. Olivier Cadic , qui est notamment membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, et Mme Marta de Cidrac , membre de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, se sont réparti l'examen des quatre chapitres du projet de loi.
La commission spéciale a examiné le rapport des rapporteurs lors d'une première réunion le mardi 30 octobre. Sur la proposition des rapporteurs, elle a adopté, 21 amendements , tendant en particulier à supprimer une sur-transposition du droit européen en matière de crédit renouvelable à la consommation, à exploiter une option prévue par le droit européen pour relever les seuils de définition des petites entreprises et étendre aux micro-entreprises le bénéfice d'allègements en matière d'information comptable et pour supprimer l'obligation d'établissement d'une situation triennale d'endettement des consommateurs bénéficiant d'un crédit à la consommation renouvelable.
En revanche, pour des motifs tenant à santé et à la protection de l'environnement, la commission a réduit la portée des allégements proposés en matière d'obligation de traitement des déchets.
Dans une seconde réunion publique élargie tenue le même jour , en présence de la ministre chargée des affaires européennes, la commission spéciale a adopté huit articles du projet de loi (art. 3, 4, 10, 11, 24, 25, 26 et 27) selon la procédure de législation en commission dont la mise en oeuvre a été décidée par la Conférence des présidents, en application de l'article 47 ter du Règlement du Sénat, lors de sa réunion du 17 octobre 2018.
I. IDENTIFIER, PRÉVENIR ET RÉDUIRE LES ÉCARTS DE TRANSPOSITION : LA NÉCESSITÉ D'UNE DÉMARCHE PROACTIVE ET D'UNE VIGILANCE CONSTANTE
La sur-transposition des directives s'inscrit plus généralement dans une tendance française ancienne à la surrèglementation 1 ( * ) . Or, l'excès de normes pénalise la compétitivité et l'attractivité de notre territoire.
Une prise de conscience croissante de cet effet défavorable est intervenue aux cours des dernières années. Elle s'est traduite par certains progrès mais leur portée apparaît trop limitée.
A. LA SUR-TRANSPOSITION DES DIRECTIVES EUROPÉENNES : UNE PRATIQUE DÉNONCÉE PAR LES ENTREPRISES QU'ELLE PÉNALISE
La multiplicité des écarts de transposition et leurs conséquences préjudiciables ont été identifiées par la Commission européenne 2 ( * ) et dans plusieurs États membres où les pouvoirs publics ont mis en place des mesures de lutte contre cette dérive 3 ( * ) .
La pratique française en la matière apparaît particulièrement extensive, ce qui a pour effet de créer des distorsions de concurrence pénalisantes pour nos entreprises.
1. Une pratique particulièrement développée en France
Trop souvent, la transposition de directives en droit français, par la loi comme par le règlement, ne se contente pas d'introduire les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des objectifs fixés par le texte européen. Elle ajoute des dispositions nouvelles, que la directive n'impose pas, conserve des dispositifs antérieurs, qu'il n'y a plus lieu de maintenir, ou encore étend le champ d'application du texte européen.
Bien plus, elle n'exploite pas toujours les facultés ou exceptions ouvertes par le texte européen, qu'il s'agisse d'une directive ou d'un règlement, qui permettraient de ne pas alourdir les charges pesant sur les entreprises. Les directives établissent par exemple des seuils ou des taux définis sous forme de plafond ou de fourchettes, et la France choisit fréquemment de retenir des taux ou des seuils peu favorables aux petites et moyennes entreprises, en les soumettant à des obligations que le texte européen n'impose qu'aux grandes entreprises.
Formellement les sur-transpositions sont rarement présentées comme telles. Elles résultent en effet généralement de choix justifiés, selon le cas, par des préoccupations de protection des consommateurs, de préservation de l'environnement, de contrôle administratif ou encore de cohérence sectorielle, voire d'une mauvaise articulation avec la législation nationale préexistante.
2. Des distorsions de compétitivité pénalisantes pour les entreprises françaises
Cette situation est dénoncée depuis longtemps par nos entreprises qui supportent de ce fait des coûts et charges administratives auxquelles leurs concurrentes européennes ne sont pas soumises. Les cas de sur-transposition exposés par certaines d'entre elles dans le cadre de la consultation organisée en janvier dernier par la commission des affaires européennes du Sénat et la délégation sénatoriale aux entreprises montrent ainsi concrètement les distorsions de compétitivité qui en résultent 4 ( * ) .
Le caractère pénalisant d'un écart de transposition peut également placer les acteurs économiques en situation d'insécurité juridique lorsque les réglementations nationales sont mal articulées avec les règles européennes. En pareil cas, la mesure des conséquences de ces sur-transpositions est particulièrement difficile à évaluer.
* 1 Voir notamment le rapport publié le 30 novembre 2006 par le Conseil d'État , Pour une meilleure insertion des normes communautaires dans le droit national.
* 2 Communication au Conseil Une règlementation intelligente au sein de l'Union européenne du 8 octobre 2010 (COM (2010) 543 final) et rapport du Groupe de haut niveau de parties prenantes indépendantes sur les charges administrative « L'Europe peut mieux faire », sur les bonnes pratiques utilisées par les États membres pour rendre la mise en oeuvre de la législation de l'UE la moins lourde possible (2011).
* 3 Voir la note de législation comparée, publiée en février 2017, établie à la demande de M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat, La sur-transposition des directives européennes : Allemagne, Italie, Royaume-Uni et Suède , qui présente en particulier la méthodologie mise en oeuvre par le Royaume-Uni pour supprimer le « goldplating », disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/lc277-notice.html.
* 4 Il est rendu compte des cas ainsi signalés dans le rapport d'information n° 614 (2017-2018) La sur-transposition du droit européen en droit français : un frein pour la compétitivité des entreprises, présenté par M. René Danesi au nom de la commission des affaires européennes et de la délégation sénatoriale aux entreprises et disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2017/r17-614-notice.html.