B. L'ADAPTATION DU DROIT DU SOL À MAYOTTE
Le projet de loi initial passait sous silence la situation du département de Mayotte, pourtant soumis à une très forte pression migratoire : en 2016, 74 % des enfants nés à Mayotte sont de mère étrangère, le plus souvent comorienne ; 41 % des résidents à Mayotte sont de nationalité étrangère, dont la moitié en situation irrégulière. Votre rapporteur a pu apprécier l'ampleur des difficultés rencontrées lorsqu'il a entendu les représentants de la préfecture de Mayotte le 22 mai dernier.
Comme l'a souligné notre collègue Philippe Bas, président de votre commission des lois, en première lecture : « il y a urgence à agir » , Mayotte étant « un département en grande souffrance », notamment en ce qui concerne la qualité de ses services publics et la sécurité de ses habitants 7 ( * ) .
Dès lors, votre commission a simplifié les procédures « étrangers malades » à Mayotte (article 35) 8 ( * ) et a prolongé jusqu'en mai 2024 une expérimentation relative à l'organisation de la rétention dans ce même département (article 38) 9 ( * ) .
Surtout, des amendements de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, adoptés en séance avec le soutien de votre commission, tendent à adapter le droit du sol dans ce seul département d'outre-mer : un enfant né à Mayotte obtiendrait la nationalité française dès lors que l'un de ses parents réside régulièrement en France depuis au moins trois mois. Pour garantir la bonne application de cette mesure, l'officier de l'état civil devrait préciser, sur l'acte de naissance de l'enfant né à Mayotte, si l'un de ses deux parents respecte cette condition (articles 9 ter et 9 quater ) .
Saisi d'une proposition de loi identique par le président du Sénat 10 ( * ) , le Conseil d'État a considéré que ces dispositions n'étaient contraires ni à la Constitution ni aux engagements internationaux de la France. En outre, elles apportent une « adaptation limitée, adaptée et proportionnée à la situation particulière de Mayotte et présentent un lien direct avec les caractéristiques et contraintes qui les justifient » 11 ( * ) .
De surcroît, les articles 9 ter et 9 quater ont un lien indirect avec le projet de loi initial . En premier lieu, ils peuvent être mis en relation avec l'article 30, qui modifie le code civil pour sécuriser les procédures de reconnaissance de filiation. En deuxième lieu, ils sont motivés par les particularités de la situation migratoire à Mayotte (voir supra ). En dernier lieu, leur mise en oeuvre est conditionnée à la régularité du séjour des parents ; or, la réforme du droit au séjour constitue l'un des principaux axes du projet de loi.
En nouvelle lecture, nos collègues députés ont adopté plusieurs amendements de leur rapporteure et du Gouvernement pour préciser, sans les remettre en cause, les articles 9 ter et 9 quater .
Ils ont notamment introduit une mesure transitoire pour les enfants nés à Mayotte avant l'entrée en vigueur de la loi : les parents devraient démontrer qu'ils ont résidé régulièrement à Mayotte au moins cinq ans avant la déclaration ou l'acquisition de la nationalité française de leur enfant 12 ( * ) . De même, les députés ont souhaité que la mention de la situation régulière des parents soit apposée sur l'acte de naissance de l'enfant à la demande des parents (non de l'administration) et sur présentation par ces derniers de justificatifs pertinents.
Aussi, votre rapporteur se réjouit-il que le Sénat, rejoint par l'Assemblée nationale, ait pu apporter une réponse concrète aux difficultés migratoires rencontrées par le département de Mayotte .
* 7 Compte rendu intégral de la séance du Sénat du 21 juin 2018.
* 8 Pour faire face à la pénurie de médecins à Mayotte, les dossiers « étrangers malades » seraient désormais instruits par des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), sans qu'il soit nécessaire de faire appel à un médecin mahorais.
* 9 Cette expérimentation permet notamment de réunir, dans le département de Mayotte et par dérogation au droit applicable en métropole, les locaux affectés à la rétention administrative et ceux dédiés au maintien en zone d'attente.
* 10 Saisine du Conseil d'État autorisée, avec l'accord de l'auteur de la proposition de loi, par le dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution.
* 11 Conseil d'État, avis n° 394925 du 5 juin 2018.
* 12 L'administration n'étant, avant l'entrée en vigueur de la loi, pas en mesure de statuer sur la régularité du séjour des parents au moment de la naissance de l'enfant (il y a plus d'une dizaine d'années).