EXAMEN EN COMMISSION
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Mme Jacqueline Eustache-Brinio , rapporteur . - Nous sommes aujourd'hui saisis d'une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les rodéos motorisés, déposée par M. Richard Ferrand et plusieurs députés en mai dernier et adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture le 4 juillet dernier. Une proposition de loi comportant des dispositions quasiment identiques a été déposée au Sénat par notre collègue Vincent Delahaye et des sénateurs issus de plusieurs groupes politiques, ce qui témoigne d'un large consensus. Je ne doute pas que nous réussirons, au sein de notre commission, à trouver un accord sur cette problématique qui constitue à la fois un enjeu important d'ordre public et un enjeu de qualité de vie pour certains de nos concitoyens.
Les rodéos motorisés constituent, depuis quelques années, un véritable fléau dans certains quartiers : outre la nuisance sonore importante qu'ils créent pour les riverains, ils sont l'une des formes les plus nuisibles et les plus dangereuses de la délinquance routière, dont les conséquences se sont malheureusement révélées, dans plusieurs cas, dramatiques. Le phénomène, loin d'être isolé, connaît une progression inquiétante depuis quelques années : alors que les rodéos se pratiquaient à l'origine surtout dans les zones urbaines, ils s'étendent de plus en plus aux périphéries des villes, mais aussi, dans une moindre mesure, aux zones rurales.
Selon les données qui m'ont été communiquées par le ministère de l'intérieur, 8 700 rodéos ont été constatés par les forces de police sur le territoire national au cours de l'année 2017. Pour ce qui concerne la gendarmerie, 6 614 interventions pour des rodéos motorisés ont été réalisées en 2017, contre 5 335 en 2016, soit une augmentation de près de 24 % en un an.
Pour lutter contre ce phénomène en pleine expansion, notre arsenal législatif se révèle, dans la pratique, bien pauvre. Il serait erroné de dire que rien n'existe, mais les outils dont nous disposons actuellement sont soit difficiles à mettre en oeuvre, soit insuffisamment dissuasifs. Il est ainsi possible de retenir à l'encontre des auteurs de rodéos la mise en danger de la vie d'autrui. Ce délit, puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, demeure toutefois difficile à mettre en oeuvre dans la pratique : les forces de l'ordre peinent à prouver l'existence d'un risque réel et immédiat pour la sécurité d'autrui. Il est, par exemple, peu probable qu'un juge reconnaisse l'existence d'un risque qualifié pour autrui pour des runs organisés de nuit, sur un parking, alors qu'aucune personne ni aucun piéton ne circulait sur la voie publique. Or de telles pratiques n'en sont pas moins dangereuses et sont sources d'importantes nuisances. Les auteurs des rodéos sont donc, dans la majeure partie des cas, punis par de simples contraventions, par exemple pour absence de casque ou circulation à vitesse excessive. Mais ces sanctions sont peu dissuasives et ne permettent pas de réprimer les comportements à la hauteur du risque qu'ils engendrent.
Ces raisons ont conduit plusieurs de nos collègues députés et sénateurs à déposer, au cours des dernières années, des propositions de loi visant à renforcer les outils juridiques. Aucune n'a toutefois abouti à ce jour, malgré les fortes attentes des élus locaux, en particulier des maires qui sont, chaque jour, confrontés à ces comportements dangereux.
Dans la continuité de ces initiatives, la proposition de loi dont nous sommes saisis vise à apporter une réponse spécifique et efficace à la problématique des rodéos motorisés. Le dispositif prévu s'articule autour de trois volets.
En premier lieu, la proposition de loi crée un délit spécifique de participation au rodéo motorisé, qui serait sanctionné d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, si deux conditions sont réunies : d'une part, la pratique de manoeuvres délibérées et intentionnelles constituant des violations particulières en matière de sécurité ou de prudence prévues par le code de la route ; d'autre part, l'existence d'un risque pour la sécurité des usagers de la route ou d'un trouble à la tranquillité publique. Plusieurs circonstances aggravantes sont prévues lorsque les faits sont commis en réunion, sous l'empire d'un état alcoolique ou de stupéfiants ou sans être détenteur d'un permis de conduire adapté. Ce dernier point a été ajouté par l'Assemblée nationale et me semble essentiel. Les peines peuvent alors atteindre, au maximum, cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.
Tant la chancellerie que le ministère de l'intérieur ont souligné, lors des auditions, l'intérêt de créer un délit autonome : celui-ci permettra en effet de réprimer de façon expresse la participation aux rodéos, tout en prévoyant des peines appropriées, dissuasives et donc plus efficaces. En outre, le fait de réprimer les rodéos en matière correctionnelle permettra aux forces de l'ordre de bénéficier de nouveaux outils d'enquête et, en particulier, de placer les individus interpellés en garde à vue.
En second lieu, la proposition de loi vise à mieux réprimer l'organisation et la promotion des rodéos motorisés, ainsi que l'incitation directe à y participer, qui seraient punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Il s'agit de prévenir, en amont, l'organisation des rodéos motorisés.
Enfin, la proposition de loi prévoit plusieurs peines complémentaires encourues par les auteurs du délit de participation à un rodéo ainsi que par les auteurs du délit d'organisation ou d'incitation. Parmi celles-ci figurent, notamment, la confiscation obligatoire du véhicule - cette mesure répond à une forte attente des maires -, à laquelle le juge pourra certes déroger, mais uniquement par une décision motivée, ainsi que la suspension, voire l'annulation du permis de conduire. Ces peines complémentaires sont au coeur du dispositif, car elles sont de véritables leviers pour lutter contre la récidive.
Au cours des auditions que j'ai organisées, j'ai constaté parmi les acteurs concernés un large consensus sur le dispositif proposé. Jugé utile, ce dispositif devrait en effet permettre de renforcer la répression à l'encontre des individus organisant ou participant à ces rodéos et d'exercer un réel effet dissuasif grâce à des peines élevées. Les nouveaux délits créés apparaissent facilement caractérisables, ce qui est une garantie de l'opérationnalité et de l'efficacité du dispositif.
Pour ces raisons, je n'ai pas souhaité vous proposer d'amendements au texte adopté par l'Assemblée nationale. Il me semble par ailleurs indispensable que ces dispositions puissent entrer en vigueur au plus vite.
Toutefois, il serait naïf de croire que cette évolution législative, bien que nécessaire, sera suffisante pour éradiquer rapidement le phénomène. Une des difficultés rencontrées par les forces de l'ordre est en effet celle d'interpeller les individus, qui prennent généralement la fuite dans des conditions particulièrement dangereuses. Il m'a d'ailleurs été rapporté que les policiers et les gendarmes avaient pour consigne de ne pas poursuivre les individus en fuite, pour des questions de sécurité. Or, sans interpellation, l'action du législateur restera lettre morte.
C'est pourquoi cette proposition de loi devra, me semble-t-il, être accompagnée d'une véritable réflexion sur les moyens à engager pour renforcer l'interpellation des individus concernés. Je pense, notamment, au recours à la vidéoprotection, qui permet d'interpeller a posteriori les individus participant à un rodéo. Plusieurs autres mesures de nature réglementaire pourraient également être prises par le Gouvernement pour compléter ces moyens ; je pense, par exemple, à un durcissement de la réglementation concernant l'acquisition et la mise en circulation des véhicules dits non soumis à réception qui, bien que non autorisés à circuler sur la voie publique, sont généralement utilisés dans le cadre des rodéos. Nous pourrons évoquer ces pistes avec le ministre en séance publique et lui demander des engagements en la matière.
M. Philippe Bas , président . - Notre rapporteur a parfaitement analysé la question qu'elle connaît bien en raison de son expérience de maire dans la région parisienne.
Mme Agnès Canayer . - Cette proposition de loi est très attendue notamment par les maires des grandes villes urbaines. Avec les beaux jours, il n'y a pas un week-end sans que nos concitoyens réagissent vivement à des rodéos intempestifs, qui constituent une double agression à leur égard : un sentiment d'insécurité sur la voie publique assorti d'un bruit insupportable. Il s'agit là d'un véritable fléau. L'arsenal juridique actuel est bien faible : le seul moyen de réprimer ces actes est par le biais de contraventions au code de la route, peu dissuasives. À ce titre, la confiscation obligatoire de l'engin constituera une bonne réponse.
Vous avez raison de soulever ce point, madame le rapporteur : demeurera la question de la mise en oeuvre de ce texte. Les forces de police et de gendarmerie lors des interpellations, de mettre en danger autrui et sont donc dépourvues de moyens pour arrêter les jeunes en flagrant délit.
M. François Pillet . - Nous allons vraisemblablement nous accorder sur ce texte à la suite du rapport très clair et très précis de notre collègue. La vie de nos concitoyens est effectivement affectée par ce phénomène, source de nuisances sonores et d'insécurité, pour les usagers de la route comme pour les participants eux-mêmes.
J'exprimerai une petite réserve sur le quantum des peines. Je comprends que l'on veuille être particulièrement dissuasif, mais, je le répète, il faudra un jour que nous nous posions la question de l'échelle des peines dans le code pénal au vu de la stratification des textes répressifs à laquelle nous assistons depuis plusieurs années. En revanche, j'adhère totalement à la saisie des engins : ce n'est pas une peine privative de liberté pour une infraction qui est certes grave, mais l'est moins que d'autres.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio , rapporteur . - La saisie, il n'y a que cela !
M. François Pillet . - L'expérience le démontre : la saisie par les gendarmes d'un cyclomoteur trafiqué vaut toutes les punitions du monde.
Mme Esther Benbassa . - Je suis d'accord avec mes collègues. La confiscation est un élément très important. Toutefois, plutôt que de prévoir des peines très lourdes, ne pourrait-on pas penser à des travaux d'intérêt général, dans des centres pour handicapés, par exemple, ou à des stages de bonne conduite, etc. On ne peut pas mettre tout le monde en prison ! Le taux d'occupation de certaines prisons est de 200 %. La tendance au « tout répressif » me gêne ; cela ne règle pas les problèmes.
M. Philippe Bas , président . - Il appartient au juge de l'application des peines de convertir la peine, s'il le juge utile, en travaux d'intérêt général, lesquels peuvent s'exercer dans une institution à caractère social.
M. François Pillet . - Dès le prononcé de la peine, le juge peut décider un travail d'intérêt général, qui doit être accepté, je le rappelle, par le délinquant.
M. Philippe Bas , président . - Il n'y a pas de travaux forcés.
M. Jean-Pierre Sueur . - J'ai cosigné la proposition de loi de Vincent Delahaye après avoir mené une réflexion, notamment avec des élus : je pense aux élus de Fleury-les-Aubrais ou à ceux de Sully-sur-Loire, qui m'ont confié que la situation devenait véritablement infernale, suscitant des réactions très vives de la population et des problèmes de sécurité très importants. Les rodéos sont un problème majeur dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Certes, on peut estimer que les mesures proposées sont répressives - et elles le sont - mais, comme vous l'avez indiqué, monsieur le président et comme l'a souligné François Pillet, nous devons faire confiance aux magistrats, qui apprécieront la nature des peines. À certains moments, la réalité s'impose à nous, et nous aurions tort de ne pas adopter une mesure ferme.
Pour autant, je ne méconnais pas les difficultés d'application pour la police et la gendarmerie nationales, comme vous l'avez relevé, madame le rapporteur.
Cette proposition de loi a été précédée de plusieurs propositions de loi émanant de différents groupes et allant dans le même sens pour faire face à l'impuissance devant laquelle se trouvaient les forces de police et de gendarmerie pour faire appliquer la loi. Ce problème demeurera, car les rodéos ont très souvent lieu avec des véhicules volés, dont la plaque d'immatriculation a été changée, et il est difficile de rattraper les auteurs dans des conditions de sécurité.
Ce texte est de nature à donner des moyens plus importants avec, notamment, la confiscation des engins, qui peut être opérée à tout moment. Il serait utile de recevoir les représentants de la police et de la gendarmerie nationales pour connaître concrètement les effets de ce texte. Il ne faudrait pas que ce nouveau texte ne change pas les choses...
M. Philippe Bas , président . - Il va de soi qu'il faudra confier à Mme le rapporteur le soin d'assurer le suivi de ce texte, en laissant au Gouvernement le temps de s'organiser, mais sans le lâcher sur cette question. On a trop souvent tendance à se payer de mots avec la loi sans qu'elle change la réalité. Il faudra que les moyens de mise en application de cette loi soient mobilisés.
Avant de donner la parole à M. Grosdidier, permettez-moi de lui rendre publiquement hommage pour l'excellent rapport de la commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure - l'état moral des forces de l'ordre et la nécessité de procéder à un redressement - qu'il a commis, un travail reconnu qui honore notre institution.
M. François Grosdidier . - Merci, monsieur le président, de votre hommage, que je partage avec les membres de la commission d'enquête. Nous avons réalisé un travail sans présupposés, en toute objectivité, et dans un parfait consensus. Mon seul regret est que le Gouvernement n'ait pas l'intention, pour l'instant, d'en tenir compte.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, ayant été maire pendant dix-sept ans d'une ville comportant de nombreux quartiers dits sensibles, j'ai tout imaginé pour essayer de combattre le phénomène des rodéos, qui empoisonne la vie des quartiers : le bruit, le danger, l'insécurité, y compris pour ceux qui pratiquent ce type de sport. J'ai déploré plusieurs fois des blessés graves et même des morts. J'ai aussi pu constater toutes les difficultés auxquelles sont confrontées, avec l'arsenal juridique en vigueur, la police municipale et la police nationale pour mettre fin à ce phénomène, voire la quasi-impossibilité de le faire. À l'évidence, il faut le compléter.
Toutes les propositions formulées me semblent pertinentes, même s'il est extrêmement difficile de rattraper les contrevenants - on peut même parler de délinquants -sans prendre des risques inconsidérés pour les riverains et pour eux-mêmes. D'ailleurs, en vertu d'une circulaire du ministère de l'intérieur, la police nationale a ordre de ne pas poursuivre les contrevenants lorsque cela est susceptible d'entraîner un danger, ce qui suscite parfois l'incompréhension et une grande frustration de la population. La vidéoprotection est extrêmement efficace. Il faut adopter ce texte, qui est de nature à améliorer la réponse, si je puis dire, parce qu'il n'apporte pas la solution miracle.
Concernant le quantum des peines, celles-ci peuvent aussi sembler très élevées pour d'autres délits routiers - on peut aller en prison pour de très grands excès de vitesse, sans avoir cherché à mettre en danger la vie d'autrui -, mais il est extrêmement rare que le juge prononce la peine maximale ou une peine qui se situe dans la fourchette supérieure dès lors qu'il n'y a pas récidive ou circonstances aggravantes. En revanche, on espère que la peine maximale aura un effet dissuasif.
Mme Brigitte Lherbier . - La tension est vive dans les villes. Pour avoir été adjointe à la sécurité de la ville de Tourcoing, je puis vous assurer qu'il ne se passait pas une semaine, voire plusieurs jours, sans que l'on m'informe de situations exaspérantes.
J'approuve le fait d'avoir ciblé les organisateurs. À la frontière belge, des camions belges proposent régulièrement des motos pour l'amusement général, et nous avons dû intervenir à plusieurs reprises. J'approuve aussi la saisie des véhicules, car il était très difficile de mettre en oeuvre cette sanction. Mais le flagrant délit est-il vraiment nécessaire ? La vidéoprotection peut contribuer à identifier la personne à moto. Certains se sentent en impunité totale : ils agissent à visage découvert. J'espère et je pense très sincèrement que cette loi remédiera à cette situation. Sachez que l'adjointe à la sécurité routière de Roubaix a été renversée voilà quinze jours par une moto rodéo.
M. François Bonhomme . - Je partage les propos de mes collègues. Les rodéos sont devenus un véritable fléau social ; le renforcement de l'arsenal juridique est donc bienvenu. J'aborderai aussi la question de la promotion, par Internet, qui est partie intégrante des rodéos eu égard au caractère démonstratif ou mimétique, voire en raison du défi que ceux-ci représentent par rapport à l'autorité publique. De ce point de vue, la confiscation des véhicules sans attendre la récidive est un moyen fort pour mettre fin à certains agissements. Néanmoins, j'ai quelques doutes concernant l'augmentation des amendes. On voit les limites liées à l'insolvabilité des personnes condamnées. Ce texte est vraiment de nature à réduire ce phénomène social.
Mme Josiane Costes . - Merci, madame le rapporteur, de votre rapport complet et précis. Le phénomène des rodéos touche aussi des villages éloignés dans des campagnes profondes, où la vidéoprotection n'est pas mise en place. La confiscation du véhicule est la meilleure réponse, et elle aura un impact très positif.
M. André Reichardt . - Je voterai naturellement ce texte, même si j'émets, à titre personnel, les plus grandes réserves sur son applicabilité.
Sans reprendre ce qu'a dit François Pillet, le quantum des peines est élevé et il est évident que les peines d'emprisonnement ne seront jamais appliquées. Des peines aussi sévères pour ce type d'infraction ne présentent même pas le caractère pédagogique que certains veulent leur reconnaître. Par ailleurs, je crains que nous ne puissions pas mettre un terme aux rodéos pour les raisons qui ont été évoquées. Ce sera dramatique pour la puissance publique, qui sera désarmée face à ce phénomène. J'espère que j'aurai tort, et j'accueille avec beaucoup d'intérêt, monsieur le président, votre proposition de réaliser un suivi de ce texte. Ce texte est tellement attendu par la population qu'il serait terrible de constater sa totale inapplicabilité, comme je le pressens aujourd'hui. Regardons ce que nous pouvons faire pour redorer, si je puis dire, le blason de la puissance publique, en assurant un service après-vente de ce texte.
M. Philippe Bas , président . - Je partage votre point de vue : tout va se jouer dans la mise en oeuvre de ce texte. Rien ne serait pire que de communiquer sur un tel texte et que rien ne change !
M. Thani Mohamed Soilihi . - Mon groupe approuve l'excellent rapport de notre collègue et votera ce texte. Par ailleurs, je fais miennes les réserves émises par François Pillet, notamment sur le quantum et l'échelle des peines. En attendant que nous remettions un jour de l'ordre dans l'échelle des peines, nous pouvons heureusement faire confiance à nos juges. Je suis un peu plus optimiste que mon collègue André Reichardt. Figurent, dans notre arsenal juridique, le sursis avec mise à l'épreuve et la possibilité de sanctionner plus sévèrement les récidivistes : la peine de prison, même symbolique, s'impose à un multirécidiviste. Faisons confiance aux juges pour que, dans la pratique, ce texte nourrisse tous les espoirs que nous plaçons en lui.
M. Patrick Kanner . - Le président Sueur l'a évoqué, nous sommes d'accord pour voter ce texte. Toutefois, je voudrais qu'on le contextualise eu égard à la question de la politique de la ville. Ce sont souvent des quartiers issus de cette politique qui sont concernés par cette forme d'incivisme extrêmement violente. À cet égard, je vous invite à l'excellent colloque qui se déroulera demain matin, sur l'initiative du président Larcher et organisé par Philippe Dallier et moi-même, ainsi qu'à la lecture de notre interview croisée dans Le Parisien de ce matin : quelles que soient nos différences, nous pouvons avoir des points communs sur l'approche que nous avons de la politique de la ville. Je le dis devant Thani Mohamed Soilihi, nous sommes inquiets face à l'absence de réponse du Gouvernement : la politique de la ville n'est pas considérée comme un élément de prévention. Le secteur associatif notamment se voit fragilisé par la baisse du nombre de contrats aidés et ne peut pas intervenir pour traiter cette forme d'incivisme.
Dans la discussion générale, nous soulignerons qu'il faut bien sûr légiférer pour lutter contre les rodéos, mais qu'une loi ne règlera pas, à elle seule, les problèmes d'incivisme des jeunes dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il importe d'évoquer le contexte. Nous soutiendrons ce texte avec l'espoir que la politique de la ville ne passe pas par pertes et profits, alors qu'elle a été portée ici par les uns et les autres de manière continue depuis quarante ans.
Mme Catherine Troendlé . - Avec Michel Amiel, nous menons actuellement une mission d'information sur la réinsertion des mineurs enfermés. Même si les conclusions ne seront dévoilées qu'au mois de septembre, je puis néanmoins vous dire que la prévention est la meilleure des solutions. Aujourd'hui, on constate un déficit concernant le nombre d'éducateurs dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. La meilleure des sanctions est, selon moi, la confiscation des véhicules, puisque les auteurs de ces incivilités, voire, pour certains, de ces actes de délinquance, seront touchés au plus proche d'eux-mêmes.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio , rapporteur . - Même si chacun a une analyse quelque peu personnelle, un consensus se dégage sur ce texte.
Concernant le quantum des peines, il faut savoir que d'autres infractions au code de la route sont très sévèrement punies. Or nous ne pouvons pas être en deçà de ces infractions. Les peines ne seront probablement pas appliquées à leur maximum et les juges se prononceront en fonction des circonstances de l'infraction. Madame Benbassa, le travail d'intérêt général est prévu par la proposition de loi à titre de peine complémentaire. Eu égard à l'impunité qui règne dans les quartiers, certains sauront qu'avec ce texte ils risquent la prison. Cela ne représente peut-être rien pour certains, mais cela n'est pas neutre.
Il nous faudra demander au ministre quels moyens seront octroyés aux services de gendarmerie et de police pour procéder aux interpellations dans de bonnes conditions ; il conviendra peut-être de réécrire les trois notes actuellement en vigueur qui restreignent fortement la poursuite des individus en fuite. La vidéoprotection constitue effectivement, comme nombre d'entre vous l'avez rappelé, un outil très important pour interpeller le contrevenant après les délits.
L'incitation constitue aussi un délit important, car ce sont souvent des mineurs qui répondent à un appel sur les réseaux sociaux et peuvent se retrouver en danger.
Enfin, les peines complémentaires sont essentielles. La confiscation est le point majeur de ce texte ; c'est le seul moyen de protéger les habitants de ces quartiers. Aujourd'hui, les confiscations existent, mais dans un cadre légal très défini. La suspension du permis de conduire est également un outil très important.
Je partage l'avis exprimé par certains d'entre vous : il n'y aurait rien de pire que de faire une loi pour répondre à l'attente des élus et des citoyens et qu'elle soit inapplicable.
M. Philippe Bas , président . - Merci de ce complément d'information, madame le rapporteur, notamment sur le quantum des peines. Vous proposez donc d'adopter ce texte conforme.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1 er
Les amendements COM-7 et COM-8 ne sont pas adoptés.
Mme Esther Benbassa . - Je m'abstiens.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
M. Philippe Bas , président . - Je considère, mes chers collègues, que vous donnez mandat à Mme Jacqueline Eustache-Brinio de veiller à la mobilisation par le ministre de l'intérieur des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de ce texte, une fois qu'il aura été adopté.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1 er |
|||
M. RAYNAL |
7 |
Suppression du caractère obligatoire de la peine complémentaire de confiscation du véhicule. |
Rejeté |
M. RAYNAL |
8 |
Suppression de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire. |
Rejeté |