LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Lors de la réunion de la commission des affaires européennes du 12 avril dernier, votre rapporteur a déjà eu l'occasion d'exprimer son accord avec les positions de la commission des affaires européennes.
C'est ainsi qu'il soutient le fait de ne pas prévoir d'outil réglementaire nouveau : la mise en oeuvre rapide et efficace du cadre actuel et à venir serait déjà une étape capitale vers la meilleure protection des consommateurs sur notre continent. Au demeurant, ajouter des contraintes supplémentaires ferait courir le risque de créer des rentes de situation au bénéfice des entreprises déjà fortement présentes sur le marché de l'internet des objets, au détriment d'entreprises innovantes qui ne l'ont pas encore pénétré.
Il soutient également le fait d'appeler à étudier de façon approfondie l'opportunité d'introduire une obligation de localisation des données sur le territoire de l'Union européenne . En effet, cette question n'a pas encore fait l'objet d'une véritable tentative d'objectivation au niveau européen, qui prendrait en compte à la fois l'exigence de protection des données à caractère personnel et celle du développement d'une industrie numérique européenne. À ce sujet, un rapport d'inspection 46 ( * ) rendu en 2016 faisait état de ce que l'Union « dispose d'une capacité de stockage suffisante sur son territoire pour assurer l'hébergement et le traitement des données à caractère personnel des citoyens européens circulant actuellement à destination des États-Unis » et que, « si les conséquences macroéconomiques d'une localisation des données restent difficiles à appréhender », « l'impact d'une localisation se concentrerait principalement sur les fournisseurs de service de cloud public 47 ( * ) », quand « les acteurs français et européens de l'hébergement voient dans la localisation une opportunité de se différencier de l'offre dominante américaine », alors que « les start-up du numérique (...) ne s'estiment pas menacées par une éventuelle relocalisation de certains traitements ». Seules « les entreprises consommatrices de ces services numériques apparaissent opposées à la localisation des données aux motifs qu'elle engendrerait des contraintes techniques et financières ». L'enjeu industriel de cette question ne doit pas être négligé : a priori, on peut estimer qu'en obligeant à les localiser en Europe, non seulement les données des Européens seront mieux protégées, mais surtout, cela pourrait favoriser l'essor d'acteurs européens du stockage, du traitement et de l'analyse des données, là où ces domaines sont actuellement dominés par les acteurs américains en Europe 48 ( * ) . Il convient néanmoins de souligner que cela ne serait en rien suffisant, seuls les investissements dans ces secteurs par les acteurs économiques européens avec le soutien des États pouvant permettre à l'Europe de pallier son retard, tant sur le volet relatif aux infrastructures (supercalculateurs, solutions d'intelligence artificielle...) que s'agissant de nos capacités humaines en la matière.
S'agissant de la politique commerciale , l'ajustement effectué par la commission des affaires européennes apparaissait nécessaire afin de clarifier les propos de la résolution.
Quant aux recommandations en matière de normalisation , celles-ci apparaissent pleinement en accord avec la position émise par votre commission lors de l'adoption du rapport d'Élisabeth Lamure sur ce sujet . Dès 2015, France Stratégie alertait : « l'absence d'entreprises européennes d'envergure fait peser le risque de se voir imposer des normes ne respectant pas les standards européens » 49 ( * ) . La normalisation est en effet un sujet stratégique et il convient de le considérer comme tel. Il s'agit d'enclencher un cercle vertueux : plus les Européens seront proactifs pour se lancer sur ces marchés, plus ils parviendront à imposer leurs normes, plus ils seront en position concurrentielle favorable.
Enfin, votre rapporteur considère opportun, en vue d'assurer une plus grande cohérence entre les considérants et les demandes de la résolution, d'ajouter un alinéa demandant à l'Union européenne d'adopter une stratégie industrielle globale et à long terme incluant l'internet des objets. On rappellera en effet que la France a défini, dès 2013, un plan industriel « objets connectés », dans le cadre des plans de la démarche « Nouvelle France Industrielle ». Dans ce cadre, la première réalisation concrète a été la création de la « Cité de l'objet connecté » à Angers, le 12 juin 2015. La même année, suite à une rationalisation des 34 projets de la « Nouvelle France Industrielle », le plan « objets connectés » s'est mué en plan « objets intelligents » 50 ( * ) .
Depuis la publication, en septembre 2017, de la communication de la Commission européenne intitulée « une stratégie revisitée pour la politique industrielle de l'Union européenne », le Conseil de l'Union demande régulièrement à la Commission de définir une stratégie industrielle globale et à long terme 51 ( * ) . À l'image du dispositif retenu en France, et alors que la Chine a intégré l'Internet des objets à son plan quinquennal dès 2011, cette stratégie pourrait utilement définir un volet relatif à l'internet des objets.
Réunie le 16 mai 2018 sous la présidence de Mme Sophie PRIMAS, la commission a adopté la proposition de résolution européenne dans la rédaction reproduite ci-après . |
* 46 Inspection générale des finances et Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies, Accord plurilatéral sur le commerce des services et partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement : enjeux numériques des négociations, avril 2016.
* 47 Cloud dont l'utilisation n'est pas réservée à un acteur unique.
* 48 Dans une interview publiée dans le journal Le Figaro le 7 avril dernier, le président-directeur général d'Atos, Thierry Breton, déclare : « la réglementation européenne sur la protection des données personnelles va dans le bon sens, mais il faut aller plus loin et exiger que les données européennes soient stockées, processées et traitées en Europe ». Il s'agirait de « rétablir une territorialité des données en entrant dans une logique de partenariat avec les Gafa qui le voudront selon des règles qui sont les nôtres ».
* 49 France Stratégie, Note d'analyse, Demain, l'internet des objets, 2015
* 50 Selon un document publié par le Gouvernement en 2016, 60 projets auraient reçu un soutien public depuis 2012 en matière d'objets connectés ( https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/dp-indus-futur-2016.pdf ).
* 51 Voir, par exemple, les conclusions du Conseil « compétitivité » qui s'est tenu le 12 mars dernier.