EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 14 FÉVRIER 2018

Mme Josiane Costes, rapporteure . - Notre pays peut s'enorgueillir de pouvoir compter sur une fonction publique de grande qualité. Nos agents publics assurent avec probité et désintéressement les missions qui leur incombent, quels que soient la catégorie, le corps et le cadre d ' emplois auxquels ils appartiennent.

La mobilité des fonctionnaires, particulièrement celle des hauts fonctionnaires, doit être encouragée, tant au sein des administrations publiques que vers le secteur privé. Elle leur permet en effet d'acquérir de nouvelles expériences et compétences qui contribuent à leur épanouissement professionnel, et elle favorise le décloisonnement, l'efficacité et l'efficience des administrations publiques. La mobilité est aussi un outil de valorisation des carrières et des compétences, au moment où la fonction publique souffre d'un manque d'attractivité.

Mais il importe, dans le même temps, de veiller à prévenir et à faire cesser les situations de conflits d'intérêts qui peuvent parfois survenir, voire entraîner des faits constitutifs d'infractions pénales. Ce risque peut se manifester tant dans l'exercice par un agent de ses fonctions au sein du secteur public - par exemple, lors de l ' attribution d'un marché public à une entreprise au sein de laquelle il détiendrait des intérêts - qu'en cas de « pantouflage », c'est-à-dire lorsqu'un fonctionnaire souhaite quitter temporairement ou définitivement ses fonctions publiques pour le secteur privé.

L'équilibre entre cette double nécessité - favoriser la mobilité des fonctionnaires et éviter les situations de conflits d'intérêts - est difficile à établir. Au cours des auditions, j'ai pu constater, avec surprise, que la question de la mobilité des hauts fonctionnaires vers le secteur privé était un phénomène réel mais difficilement quantifiable.

D'une part, la direction générale de l'administration et de la fonction publique - la DGAFP - ne dispose pas de données agrégées sur cette question. Chaque corps, chaque administration, recueille, ou non, des données sur la mobilité de ses membres mais il n'y a pas de données générales.

D'autre part, il n'existe aucune définition légale de la haute fonction publique. Selon mes interlocuteurs, selon la définition que chacun retient, leur nombre varie entre 12 000 et 34 000 personnes, exception faite des maîtres de conférences. Si on ajoute cette dernière catégorie, leur nombre serait porté à 100 000.

M. Pierre-Yves Collombat . - Ce n'est pas le problème !

Mme Josiane Costes, rapporteure . - Il est très difficile d'apprécier un phénomène quand on ne sait pas quel périmètre il recouvre et quand il n'existe aucune donnée agrégée.

L'étude de 2015 intitulée « Que sont nos énarques devenus ? », réalisée par l'École nationale d'administration (ENA) et l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) sur le devenir des anciens élèves de l'ENA, concluait que 78 % d'entre eux n'avaient jamais exercé de responsabilité en entreprise au cours de leur carrière ; 22 % avaient momentanément travaillé dans une entreprise publique ou privée, mais poursuivaient ensuite leur carrière au sein de l'administration d'État. 8 % de l'ensemble des énarques avaient durablement quitté l'administration d'État.

Selon cette étude, la mobilité dans le secteur privé varie fortement selon le corps d'origine du haut fonctionnaire. Ainsi, 75,5 % des énarques issus du corps des inspecteurs généraux des finances avaient rejoint une entreprise publique ou privée au cours de leur carrière et 34 % d'entre eux avaient passé plus de la moitié de leur carrière hors de l ' administration.

Précisons que, pour certaines administrations, comme la direction générale du trésor, les passages dans le secteur privé sont fondamentaux pour maîtriser les problématiques diverses liées à la vie des entreprises.

Mais si une mobilité de nos fonctionnaires dans le secteur privé est un outil de valorisation des compétences et des carrières, elle doit nécessairement s'articuler avec le respect des principes déontologiques pour prévenir et sanctionner tout conflit d'intérêts dans l'exercice de leurs missions au sein du secteur public.

La France s'est dotée depuis longtemps de règles destinées à prévenir et à sanctionner les conflits d'intérêts dans le secteur public. La commission de déontologie de la fonction publique constitue, aujourd'hui, le pivot de cette prévention. Ses prérogatives ont été progressivement renforcées depuis 2007 et, surtout, par l'article 8 de la loi « Déontologie des fonctionnaires » du 20 avril 2016.

Initialement, cette commission était chargée de l'examen des demandes de cumul d'activités ou des demandes de mise en disponibilité pour travailler dans le secteur privé, autrement dit le « pantouflage ». Elle émettait dans ces deux cas un avis de compatibilité, avec ou sans réserves, ou un avis d'incompatibilité sur ces projets professionnels. Seul ce dernier avis liait l'administration.

Aujourd'hui, la commission est chargée d'apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé ou de toute activité libérale, avec les fonctions exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout fonctionnaire qui cesserait, définitivement ou temporairement, ses fonctions. Depuis la réforme de 2016, la saisine de la commission est obligatoire : d'abord, par l'agent public lui-même ; à défaut, par l'autorité administrative dont il relève ; à titre subsidiaire, par le président de la commission qui dispose d'un délai de trois mois à compter de l'embauche du fonctionnaire ou de la création de l'entreprise ou de l'organisme privé.

Le contrôle de la commission comporte deux dimensions. D'une part, un aspect pénal : elle s'assure qu'un départ vers le secteur privé ne conduit pas le fonctionnaire à commettre le délit de prise illégale d'intérêts prévu à l'article 432-13 du code pénal. D'autre part, un aspect déontologique : elle veille à ce que l'activité du fonctionnaire dans le secteur privé ne porte pas atteinte à la dignité des fonctions précédemment exercées ou ne risque pas de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'impartialité ou la neutralité du service.

Malgré le renforcement de ses prérogatives, la commission de déontologie de la fonction publique continue de faire l'objet de nombreuses critiques : absence de suivi et de portée réelle de ses avis, risques de collusion entre ses membres et les agents soumis à ses avis, etc.

La récente mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale qualifie d'inabouti le renforcement de ses compétences. Elle regrette l'absence de publication de ses avis, qui priverait ces derniers de tout effet. L'obligation de saisine n'est pas encore totalement respectée par les agents et leur administration. Les moyens dont elle dispose ne lui permettent pas d ' assumer ses prérogatives de façon toujours satisfaisante, ce qui peut contribuer à affaiblir l'autorité de ses avis. Enfin, l ' articulation entre ses compétences et celles de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) fait aussi l'objet de nombreuses critiques. La première est chargée de veiller au respect des principes déontologiques de la fonction publique en cas de mobilité d'un agent public vers le secteur privé, tandis que la seconde doit s'assurer que l'exercice d'une fonction publique ne conduit pas à un enrichissement personnel. Si les missions sont en principe distinctes, elles peuvent s'exercer à l'égard des mêmes personnes à différents moments de leur vie professionnelle.

Ces avancées, notables, n'ont pas permis d'atteindre de façon satisfaisante cet équilibre entre mobilité et prévention des conflits d'intérêts. C'est ce qui explique les initiatives que nous avons prises, notamment lors des débats sur les lois « Déontologie des fonctionnaires » et « Sapin 2 » en 2016, et « Confiance dans la vie politique » en 2017. C'est ce qui explique aussi le dépôt par le président Jean-Claude Requier et plusieurs de nos collègues de la proposition de loi visant à renforcer la prévention des conflits d'intérêts liés à la mobilité des hauts fonctionnaires, qui sera examinée en séance publique le 22 février prochain. Cette proposition de loi, qui complète la loi « Déontologie des fonctionnaires » de 2016, me paraît essentielle pour aborder certaines questions qui n'ont pas encore trouvé de réponses satisfaisantes.

Elle tend à renforcer les compétences de la commission de déontologie de la fonction publique, par diverses mesures. L'article 1 er conditionne la recevabilité de la demande d'un fonctionnaire souhaitant quitter définitivement la fonction publique pour exercer une activité dans le secteur privé, d'une part, au respect de son engagement d'une durée minimale de services effectifs dans la fonction publique, d'autre part, à sa démission de la fonction publique préalablement à l'examen de sa demande par la commission.

L'article 2 tend à rendre obligatoire la saisine de la commission pour les demandes de mobilité des fonctionnaires soumis à déclaration auprès de la HATVP, et automatique l'ouverture d ' une procédure disciplinaire en cas de non-respect de l'avis d ' incompatibilité ou de compatibilité avec réserve émis par la commission.

L'article 3 prévoit de confier la présidence de la commission, non plus au conseiller d'État qui en est membre comme c'est le cas aujourd'hui, mais, alternativement tous les trois ans, à celui-ci, au conseiller maître à la Cour des comptes et au magistrat de l'ordre judiciaire qui en sont également membres.

L'article 4 tend à étendre le contrôle de la commission à la compatibilité des fonctions exercées par les fonctionnaires réintégrés dans la fonction publique après une mobilité dans le secteur privé. L'article 5 vise à étendre son contrôle au recrutement et au départ des secrétaires généraux et directeurs généraux des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ou de toute autre personne participant à l'activité de contrôle de l'autorité. L'article 6 tend à limiter la durée d'un détachement des fonctionnaires à cinq ans, mettant ainsi fin à la distinction entre détachements de courte durée et ceux de longue durée. Il semblerait toutefois que l'intention des auteurs était de viser la mise en disponibilité, et non le détachement.

Enfin, l'article 7 prévoit d'instaurer une peine complémentaire obligatoire d'interdiction d'exercice d'une fonction publique pour les fonctionnaires condamnés aux mêmes infractions que celles donnant lieu au prononcé d'une peine d'inéligibilité.

Plusieurs de ces articles soulèvent des questions juridiques ou pratiques majeures. J'y reviendrai en vous présentant mes amendements. Il y a néanmoins deux sujets qui mériteraient un débat au sein de notre commission.

D'abord, celui du remboursement de la pantoufle : en effet, il serait légitime que les fonctionnaires ne respectant pas leur engagement d'une durée minimale de service au sein de l'État doivent, s'ils quittent définitivement la fonction publique, rembourser leur pantoufle. Mais il y a une difficulté : la durée de l'engagement minimal au service de l'État est variable selon le corps d'origine et le calcul de la pantoufle également (prise en compte ou non des années de scolarité). Toutefois, une disposition générale serait peut-être nécessaire.

Se pose ensuite la question d ' une durée maximale d'une mise à disponibilité dans le secteur privé. Aujourd'hui, cette durée varie selon les cas : elle est de deux ans, non renouvelable, pour la création ou la reprise d'une entreprise, et de trois ans, renouvelables dans la limite de dix ans, pour un motif de « convenances personnelles ». Faut-il prévoir une durée de cinq ans dans la loi ?

M. Philippe Bas, président . - Je veux saluer le travail très objectif mené par Josiane Costes pour ce rapport.

M. Alain Marc . - Je salue la qualité du rapport. Les élèves qui choisissent de travailler dans le secteur privé à la sortie de l'ENA doivent-ils rembourser les frais de formation engagés par l'État ? Un préfet doit attendre un délai de trois ans avant de se porter candidat à une élection dans le département où il a exercé ses fonctions. J'estime que la durée de cette inéligibilité devrait être portée à dix ans.

M. Pierre-Yves Collombat . - L'ouvrage Les intouchables d'État , récemment paru, commence par une citation de l'inoubliable livre Révolution d'Emmanuel Macron : « Les hauts fonctionnaires se sont constitués en caste. [...] Il n'est plus acceptable qu'ils continuent à jouir de protections hors du temps ». Je constate qu'ils ont encore de beaux jours devant eux !

Vous souhaitez encourager la mobilité des fonctionnaires, mais tout dépend de la conception que vous vous faites de l'État. Pour défendre l'intérêt général, ce n'est pas utile ; en revanche, si le but est de favoriser le fonctionnement des affaires, alors il faut le faire. Si les intérêts de BNP Paribas se confondent avec ceux de la France, alors oui, il faut le faire.

Le problème ne vient pas du pantouflage, mais des allers-retours entre secteur public et secteur privé. Je ne mets pas en cause la moralité personnelle des hauts fonctionnaires. Et le déport ne règle rien. Si je prends l'exemple de la nomination de M. Villeroy de Galhau à la tête de la Banque de France, ce qui est à craindre, ce n'est pas qu'il favorise la banque dans laquelle il a auparavant travaillé, mais que les intérêts du système bancaire se confondent avec ceux de notre pays. La Banque de France, lorsqu'elle était dirigée par M. Christian Noyer, était à la manoeuvre pour saboter la réforme de la régulation bancaire.

Le problème n'est pas seulement moral, il est beaucoup plus fondamental.

Si l'on s'en tient à l'aspect purement déontologique, vous n'allez pas très loin. J'aurais pu voter la proposition de loi initiale, qui comprenait quelques éléments intéressants, mais avec vos amendements, que va-t-il rester ? Les articles disparaissent les uns après les autres...

Je ne comprends pas ; ou alors je comprends trop bien !

M. Thani Mohamed Soilihi . - Je vous remercie pour la qualité de votre rapport sur un sujet important au regard de la défiance actuelle de nos concitoyens envers ceux qui exercent une activité publique.

Je veux souligner deux points : d'une part, la loi « Déontologie des fonctionnaires » du 20 avril 2016 n'a pas encore fait l'objet d'une évaluation ; d'autre part, le groupe RDSE a présenté cette proposition de loi avant la remise du rapport de la mission de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la déontologie des fonctionnaires et l'encadrement des conflits d'intérêts. Dans un esprit de respect des travaux engagés par chacune des chambres, il eût été préférable d'attendre.

Cette proposition de loi n'arrive-t-elle pas trop tard au vu de la loi de 2016 et trop tôt au vu du rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, puisqu'il n'a pas encore donné lieu à une initiative parlementaire ?

M. Jacques Bigot . - La proposition de loi présente l'intérêt de susciter en séance publique un débat sur la haute fonction publique et la prévention des conflits d'intérêts. Néanmoins, je ne suis pas sûr que ce texte complète utilement celui de 2016 et qu'il soit nécessaire d'adopter une nouvelle loi. Nous jugerons, au cours de la discussion des amendements, de l'utilité et de la portée de chaque article.

Mme Catherine Di Folco . - Quelle est la finalité de l'article 6 qui fixe à cinq ans la durée maximale d'un détachement d'un fonctionnaire ?

Mme Maryse Carrère . - Au nom du groupe RDSE, je veux rappeler la philosophie générale de la proposition de loi. Il s'agit de renforcer la loi du 20 avril 2016, qui s'applique à tous les fonctionnaires. L'étude « Que sont nos énarques devenus ? » a montré que les énarques étaient les plus mobiles. Un rapport de la DGAFP indique que la part les fonctionnaires de catégorie A+ en situation de disponibilité était de 7,9 %, contre 2,7 % des fonctionnaires des catégories A, 2 % des fonctionnaires des catégories B et 2,9 % des fonctionnaires des catégories C.

Les anciens élèves de l'ENA sont ceux qui ont le plus d'influence sur la politique de la nation. C'est la raison pour laquelle il semble nécessaire de leur appliquer des règles spécifiques, afin de s'assurer que leur mobilité ne met pas en danger l'intérêt général. Leurs allers-retours entre secteur public et secteur privé doivent être mieux contrôlés.

Cette proposition de loi s'intègre dans une réflexion plus globale sur l'avenir de la fonction publique, à la suite des mesures annoncées par le Premier ministre. Nous souhaitons réaffirmer les valeurs de la fonction publique et réfléchir aux moyens de restaurer l'attractivité de ses carrières.

Nous proposons des mesures destinées à ouvrir le débat en vue d'élaborer une position de compromis au sein du Sénat en prévision des futures discussions avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement. Le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la déontologie des fonctionnaires et l'encadrement des conflits d'intérêts, rédigé par les députés Fabien Matras et Olivier Marleix, a été publié après le dépôt de notre proposition de loi.

Je salue la qualité du travail de notre rapporteure et sa volonté d'honorer au mieux son rôle dans la position quelque peu schizophrénique qui la conduit à rapporter le texte dont elle est l'un des auteurs.

Mme Josiane Costes, rapporteure . - Monsieur Marc, si un élève quitte l'ENA en cours de scolarité, c'est l'école qui procède au recouvrement des frais de scolarité. S'il pantoufle, c'est le corps ou l'administration dont il relève qui assure le recouvrement du remboursement de la pantoufle.

S'agissant des préfets, ils doivent effectivement respecter un délai de trois ans entre la cessation de leurs fonctions dans un département et leur présentation à une élection dans ce même territoire.

M. Alain Marc . - Si un préfet est nommé au début du mandat des futurs grands électeurs, il pourra se présenter à une élection au bout de six ans. Il faudrait, pour éviter tout conflit d'intérêts, que le délai soit porté à sept ans.

M. Philippe Bas, président . - Cela pourrait être jugé inconstitutionnel. Les préfets sont des citoyens français qui ne sont frappés que d'une inéligibilité relative. Le Conseil constitutionnel tient à préserver le droit de chaque citoyen à être candidat à une élection. Néanmoins, vous avez raison, il faut être attentif à éviter tout conflit d'intérêts. Une modification du seuil actuel est peut-être envisageable.

Mme Josiane Costes, rapporteure . - Monsieur Collombat, nous avons des conceptions philosophiques différentes sur le rôle de notre fonction publique.

Monsieur Mohamed Soilihi, aucune évaluation de la loi de 2016 n'a pour l'instant été conduite. Mais pourquoi attendre une proposition de loi de l'Assemblée nationale ? Le rapport des députés Fabien Matras et Olivier Marleix est public : il enrichira le débat du Sénat.

Madame Di Folco, il s'agit effectivement d'une erreur : l'article 6 vise en réalité les mises en disponibilité, et non les détachements.

Mme Brigitte Lherbier . - Prenons le cas d'un magistrat de tribunal administratif qui revient dans son corps d'origine après l'avoir temporairement quitté pour devenir conseiller municipal : n'y a-t-il pas conflit d'intérêts ?

M. Alain Richard . - La règle de déport s'applique.

M. Philippe Bas, président . - Si le tribunal doit connaître d'un contentieux intéressant la commune dans laquelle le magistrat a servi comme conseiller municipal, celui-ci ne pourra pas participer au jugement.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

Mme Josiane Costes, rapporteure . - L'amendement COM-4 vise à supprimer l'article 1 er , qui soulève plusieurs interrogations. En premier lieu, la cessation définitive de fonctions visée mériterait d'être mieux définie. Car celle-ci concerne soit la mise en retraite, soit la démission, soit la révocation. Or, l'article 1 er ne vise que la démission.

En deuxième lieu, il soulève une question d'articulation avec le droit existant. La présentation préalable de sa démission par un fonctionnaire serait contradictoire avec le premier alinéa du III de l'article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 selon lequel « le fonctionnaire cessant définitivement ou temporairement ses fonctions [...] saisit à titre préalable la commission afin d'apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise privée ou un organisme de droit privé, ou de toute activité libérale, avec les fonctions exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité ». En d'autres termes, l'administration ne peut prendre une décision avant que la commission de déontologie de la fonction publique ait été saisie et ait statué sur la demande de l'agent. Or l'article impose la démission avant la saisine de la commission ! Mieux vaudrait donner à la commission la possibilité de s'assurer de la démission effective de l'agent après qu'elle a rendu son avis.

L'amendement COM-4 est adopté.

Mme Nathalie Delattre. - Cet article visait à ouvrir le débat sur le manque de clarté des textes concernant les règles relatives au maintien prolongé des fonctionnaires hors de leurs fonctions dans l'administration. Celle-ci a-t-elle intérêt à ce que des agents souhaitant quitter la fonction publique se maintiennent hors de leurs fonctions durant plusieurs années par une combinaison de détachements et de mises en disponibilité ? Il arrive que certains fonctionnaires passent plus de la moitié de leur carrière hors de l'administration.

Par ailleurs, il faut évoquer le remboursement de la pantoufle. Nous regrettons la suppression de cet article.

M. Pierre-Yves Collombat . - J'aurais aimé que cet article fût maintenu. Le remboursement de la pantoufle peut sembler anecdotique mais, en réalité, il représente beaucoup plus ! Les choses sont parfaitement claires : vous ne souhaitez rien changer au système !

M. Jean Louis Masson . - Je suis favorable au remboursement de la pantoufle. Les écoles de fonctionnaires versent un salaire à leurs élèves. J'en ai bénéficié quand j'étais à Polytechnique. Il est normal de demander qu'en contrepartie, les bénéficiaires rendent un service à l'État et, s'ils ne le font pas, qu'ils remboursent leurs frais de scolarité.

M. Philippe Bas, président . - La règle du remboursement existe déjà, ce n'est pas l'objet de cet article. Il pose une règle inacceptable : le fonctionnaire devrait démissionner de la fonction publique avant d'être autorisé à exercer à titre définitif une fonction dans le secteur privé.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Si j'ai bien compris, Mme la rapporteure présente des amendements de suppression des articles de sa propre proposition de loi...

M. Philippe Bas, président . - Vous soulevez un point de méthode très intéressant. J'hésite toujours à confier à un membre du groupe auteur d'une proposition de loi le rapport sur ce texte. La fonction de rapporteur l'emporte nécessairement sur celle de signataire de la proposition de loi. Elle suppose de prendre du recul, et d'examiner le texte de la façon la plus impartiale et objective pour éclairer la commission des lois. C'est ce qu'a fait Mme Costes ; et les membres de son groupe, quelque peu déçus de la proposition de suppression de plusieurs dispositions, ont d'ailleurs rendu hommage à son objectivité.

Article 2

Mme Josiane Costes, rapporteure . - Mon amendement COM-5 et l'amendement COM-1 de M. François Patriat et des membres du groupe La République en Marche sont identiques : ils visent à supprimer l'article 2.

Les amendements identiques COM-5 et COM-1 sont adoptés.

Article 3

Mme Josiane Costes, rapporteure . - L'amendement COM-6 vise à supprimer l'article 3, qui prévoit une présidence tournante de la commission de déontologie de la fonction publique, aujourd'hui assurée de droit par le conseiller d'État qui en est membre, entre celui-ci, le conseiller maître à la Cour des comptes et le magistrat de l'ordre judiciaire. Or il importe de confier la présidence de la commission à une personne ayant une fine connaissance du fonctionnement de l'administration. En outre, la continuité dans l'exercice de cette fonction est souhaitable, étant rappelé que le président n'a pas voix prépondérante au sein de la commission.

M. Pierre-Yves Collombat . - Il s'agissait aussi avec cet article de limiter l'entre soi... La proposition était bien modeste à l'origine. Mais je constate que c'est encore trop !

M. Philippe Bas, président . - Vous appréciez tant la nature de la présidence de la HATVP que vous aimeriez étendre cette inamovibilité à tous les cas possibles, mais le travail des deux instances est de nature très différente.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je dis au contraire qu'une mobilité est nécessaire !

M. Philippe Bas, président . - Je vous avais mal compris.

Mme Maryse Carrère . - Cet article vise à introduire une alternance entre les trois principaux membres de la commission de déontologie afin de réduire l'emprise d'un corps plutôt que d'un autre sur la doctrine développée en matière de pantouflage. Le triptyque incarné par un membre du Conseil d'État, un membre de la Cour des comptes et un membre de l'autorité judiciaire s'impose dans de nombreuses instances administratives. Une réflexion pourrait être conduite sur l'opportunité d'ouvrir cette fonction à d'autres corps, comme les inspecteurs généraux de l'administration ou les administrateurs civils...

L'amendement COM-6 est adopté.

Article 4

Mme Josiane Costes, rapporteure . - L'amendement COM-7 est un amendement de précision et de clarification.

L'amendement COM-7 est adopté.

Article additionnel après l'article 4

Mme Josiane Costes, rapporteure . - L'amendement COM-8 tend à prévoir la publicité des avis rendus par la commission de déontologie de la fonction publique, dont les administrations regrettent la méconnaissance puisqu'elles n'en sont pas destinataires. Il reviendrait à la commission de fixer elle-même les modalités de publicité de ses avis.

L'amendement COM-8 est adopté.

Article 5

Mme Josiane Costes, rapporteure . - L'amendement COM-9 vise à restreindre le champ de compétence de la commission de déontologie de la fonction publique au recrutement des secrétaires généraux et des directeurs généraux des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes (API), le départ de ces agents publics relevant déjà du champ de compétences actuel de la commission de déontologie de la fonction publique.

Il tend également à préciser que le contrôle de la commission porterait sur les fonctions effectivement exercées les trois années précédant ledit recrutement.

L'amendement COM-9 est adopté. Par conséquent, l'amendement COM-2 devient sans objet.

Article 6

Mme Josiane Costes, rapporteure . - L'amendement COM-10 vise à supprimer l'article 6, qui prévoit de plafonner à cinq ans la durée d'un détachement d'un fonctionnaire. Il semblerait que les auteurs souhaitaient en réalité encadrer la mise en disponibilité.

L'amendement COM-10 est adopté.

Article 7

Mme Josiane Costes, rapporteure . - L'amendement COM-11 tend à supprimer du champ de la peine complémentaire obligatoire d'exercice d'une fonction publique les délits détachables de l'exercice d'une fonction publique et qui font l'objet de sanctions pénales spécifiques.

L'amendement COM-11 est adopté.

Mme Josiane Costes, rapporteure . - Je veux revenir sur un amendement que j'avais déposé et que j'ai retiré avant la réunion de notre commission, relatif au rattachement de la commission de déontologie de la fonction publique à la HATVP. J'aimerais que l'on débatte de l'opportunité ou non d'un tel rattachement.

Mme Maryse Carrère . - Le groupe RDSE est prudent sur la question des missions de la HATVP. Il existe des raisons objectives plaidant en faveur d'un rapprochement entre les deux instances qui poursuivent des objectifs très proches. Nous pourrions être favorables à une fusion, si elle ne se fait pas a minima . Plusieurs points méritent une attention particulière : la nature du contrôle de déontologie doit être adaptée à la sensibilité des fonctions exercées ; une cartographie des risques pourrait être établie ; la HATVP doit bénéficier de tous les moyens d'information nécessaires pour se saisir rapidement des passages des hauts fonctionnaires vers le secteur privé ; et il faudrait sans doute créer un collège spécifique au sein de la HATVP.

Mme Catherine Di Folco . - Ce sujet avait été évoqué par notre ancien collègue Alain Vasselle, rapporteur de la loi « Déontologie des fonctionnaires » de 2016. Nous avions voté un amendement prévoyant la fusion des deux instances.

M. Philippe Bas, président . - Effectivement, l'amendement avait été adopté en séance publique, à votre initiative, malgré un avis défavorable de la commission.

M. Jacques Bigot . - Mme la rapporteure a proposé de nombreuses suppressions d'articles qui, au final, vident ce texte de sa substance. Notre groupe ne voit pas très bien l'intérêt des quelques petits points restants. Nous nous abstiendrons en commission, et nous verrons si la discussion en séance publique fait évoluer notre position.

Mme Josiane Costes, rapporteure . - Certaines avancées ne sont pas négligeables : publication des avis de la commission de déontologie, extension de son contrôle au recrutement des secrétaires généraux et directeurs généraux des AAI et des API ainsi que vis-à-vis des fonctionnaires réintégrant le secteur public après un passage dans le secteur privé.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Subordination de la recevabilité d'une demande de fonctionnaire
souhaitant cesser définitivement ses fonctions
à sa démission préalable de la fonction publique avant son examen
par la commission de déontologie de la fonction publique

Mme COSTES, rapporteure

4

Suppression

Adopté

Article 2
Saisine obligatoire de la commission de déontologie de la fonction publique
pour les demandes de mobilité de fonctionnaires soumis à déclaration
auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Mme COSTES, rapporteure

5

Suppression

Adopté

M. PATRIAT

1

Suppression

Adopté

Article 3
Présidence tournante de la commission de déontologie de la fonction publique

Mme COSTES, rapporteure

6

Suppression

Adopté

Article 4
Extension du contrôle de la commission de déontologie de la fonction publique

Mme COSTES, rapporteure

7

Précision et clarification

Adopté

Article additionnel après l'article 4

Mme COSTES, rapporteure

8

Publicité des avis de la commission de déontologie de la fonction publique

Adopté

Article 5
Extension du contrôle de la commission de déontologie de la fonction publique
au recrutement des secrétaires généraux et directeurs généraux
des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes

Mme COSTES, rapporteure

9

Compétence de la commission de déontologie de la fonction publique pour le recrutement des secrétaires généraux et directeurs généraux des AAI et API

Adopté

M. PATRIAT

2

Suppression

Satisfait ou sans objet

Article 6
Limitation à cinq ans de la durée maximale d'un détachement

Mme COSTES, rapporteure

10

Suppression

Adopté

Article 7
Institution d'une peine complémentaire obligatoire d'interdiction
d'exercer une fonction publique pour les fonctionnaires coupables de crimes ou de certains délits

Mme COSTES, rapporteure

11

Restriction des délits susceptibles de faire l'objet d'une peine complémentaire obligatoire d'interdiction d'exercer une fonction publique pour un fonctionnaire

Adopté

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