LES TRAVAUX DU SÉNAT SUR LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME AU NIVEAU EUROPÉEN
Le Sénat a travaillé, à plusieurs reprises, sur la lutte contre le terrorisme et ses différents aspects.
En premier lieu, peu après les attentats terroristes ayant touché plusieurs États membres, dont la France, avec l'assassinat de la rédaction de Charlie-Hebdo, une déclaration conjointe rappelant les principes fondamentaux et les actions prioritaires en matière de lutte contre le terrorisme au niveau européen a été adoptée, le 30 mars 2015 , au cours d'une réunion tenue au Sénat avec les représentants des assemblées de plusieurs États européens 10 ( * ) , à l'initiative du Président Gérard Larcher et de Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.
En outre, à l'initiative de sa commission des affaires européennes, le Sénat a adopté plusieurs résolutions européennes portant sur la lutte contre le terrorisme.
Parmi celles-ci, il convient en particulier de citer :
- la résolution européenne n° 88 (2014-2015) du 1 er avril 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et tendant à l'adoption d'un acte pour la sécurité intérieure de l'Union européenne ;
- la résolution européenne n° 124 (2015-2016) du 9 avril 2016 sur l'Union européenne et la lutte contre le terrorisme.
D'autres résolutions européennes portent sur des sujets connexes à la lutte contre le terrorisme, telles que la résolution n° 78 (2014-2015) du 15 mars 2015 sur la proposition de directive relative à la création d'un PNR européen ou encore la résolution n° 63 (2016-2017) du 24 janvier 2017 sur la réforme d'Europol et la coopération policière européenne.
Il faut se féliciter de ce que ces résolutions européennes ont été largement prises en compte au cours des négociations à Bruxelles , comme l'avaient relevé les deux rapports consacrés par votre commission des affaires européennes au suivi des positions européennes du Sénat.
LES SUITES DONNÉES AUX RÉSOLUTIONS
EUROPÉENNES DU SÉNAT
Rapport 2016 11 ( * ) (extraits) La résolution du Sénat relative à la lutte contre le terrorisme et tendant à l'adoption d'un acte pour la sécurité intérieure de l'Union européenne a connu une mise en oeuvre partielle. Cette situation était relativement prévisible compte tenu à la fois de l'ampleur des thèmes abordés et des sensibilités différentes, voire divergentes qui peuvent s'exprimer sur un sujet aussi sensible tant dans les États membres qu'au sein des institutions européennes. L'essentiel reste toutefois de constater que le Sénat a obtenu des avancées sur plusieurs points importants qu'il avait mis en évidence dans sa résolution. C'est le cas de sa demande de révision ciblée du code frontières Schengen de manière à autoriser de façon permanente, sur le fondement d'indicateurs de risque appliqués uniformément par les États membres, des contrôles approfondis systématiques de ressortissants des pays membres de l'espace Schengen en tant que de besoin. Un plan d'action en ce sens a été engagé en décembre 2015. Des décisions ont également été prises pour lutter contre le trafic d'armes, avec l'adoption d'un règlement sur la neutralisation des armes à feu, en novembre 2015, et contre les sources de financement du terrorisme, avec un plan d'action en février 2016 pour progresser vers l'adoption de la proposition de directive relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme qui actualise la législation existante. Sur le renforcement de la coopération policière et judiciaire, la résolution sénatoriale a aussi enregistré des progrès. La création d'un nouveau centre européen de contre-terrorisme, annoncée le 25 janvier dernier, concrétise l'accélération demandée de la mise en place, au sein d'Europol, d'une plate-forme européenne de lutte contre le terrorisme, permet de mieux exploiter les capacités d'Europol et conduit les services nationaux des États membres à fournir plus systématiquement les informations nécessaires. De même, il sera possible au centre européen de lutte contre la cybercriminalité, qui dépend d'Europol, d'inscrire dans ses priorités, au même titre que la lutte contre la diffusion d'images et de vidéos pédopornographiques, la lutte contre la diffusion de la propagande et du prosélytisme terroristes. Ce centre verra aussi ses compétences étendues pour porter des contenus terroristes ou extrémistes à la connaissance des réseaux sociaux aux fins de suppression. Par ailleurs, l'adoption, désormais prévue en avril 2016, de la proposition de directive concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et de l'information dans l'Union, a été accélérée. Enfin, la stratégie de sécurité intérieure 2015-2020 de l'Union européenne a été adoptée et comporte des dispositions relatives à la sensibilisation de l'ensemble des acteurs européens au phénomène de radicalisation. D'autres aspects de cette résolution du Sénat ont connu une mise en oeuvre partielle. On peut ainsi citer, sur la définition des infractions terroristes, la mise en place d'un cadre juridique européen facilitant la surveillance, les poursuites et les mises en cause des « combattants étrangers », et sur la révision du code Schengen et le contrôle des frontières extérieures, l'instauration de contrôles approfondis quasi systématiques de ressortissants de pays membres de l'espace Schengen lorsqu'ils entrent et sortent de cet espace et le perfectionnement de dispositifs d'identification des personnes tels que le système d'information Schengen (SIS II) et l'uniformisation de son utilisation par les États membres. En revanche, certains aspects de la résolution n'ont pas prospéré, au moins jusqu'à présent. Sur la révision du code Schengen, la définition d'une politique européenne des visas, limitée pour l'instant au court séjour et au transit, n'a pas évolué vers la prise en compte d'indicateurs de risque liés à la menace terroriste. Pour ce qui concerne le renforcement de la coopération policière et judiciaire, le souhait du Sénat d'un recours accru avec une participation effective de représentants d'Europol et d'Eurojust aux équipes communes d'enquête pour lutter contre le terrorisme, pourtant prévues par une décision-cadre de 2002, n'a pas été suivi d'effet. Il en est de même de la mise en place rapide d'un parquet européen collégial et décentralisé dont les compétences seraient étendues à la criminalité grave transfrontière - le texte reste en discussion, aucun compromis n'ayant pour le moment été trouvé. Enfin, sur le renforcement de la coopération internationale, le Sommet de La Valette des 11 et 12 novembre 2015 sur la crise migratoire a à peine mentionné la lutte contre le terrorisme international comme devant constituer une priorité de l'action extérieure de l'Union européenne et de son Service européen pour l'action extérieure, alors que le Sénat avait insisté sur la construction d'un partenariat global avec les acteurs régionaux des parties du monde les plus sensibles et d'un dialogue à même de combiner les impératifs de sécurité et de développement pour réduire la menace terroriste sur la durée. Rapport 2017 12 ( * ) (extraits) Sur la lutte contre le terrorisme, la résolution du Sénat faisait le point sur les avancées de l'action de l'Union européenne en la matière, en cherchant, en particulier, à répondre aux attentes exprimées par sa résolution de l'année précédente qui avait insisté sur le renforcement de l'espace Schengen, la création d'un PNR européen, l'institution d'un parquet européen susceptible d'être utilisé dans la lutte contre le terrorisme, le renforcement de la coopération policière européenne, notamment à travers Europol, et enfin la lutte contre la propagande terroriste sur Internet. Dans sa résolution, le Sénat relevait plus particulièrement les points suivants : - l'adoption définitive de la proposition de directive relative à l'utilisation des données des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, c'est-à-dire la directive « PNR » ; - l'adoption définitive du règlement définissant des normes minimales communes en matière de neutralisation des armes à feu, la mise en discussion de la proposition de directive modifiant la directive de 1991 relative au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes, le plan d'action annoncé par la Commission le 18 novembre 2015 afin d'améliorer la coopération opérationnelle au niveau de l'Union et avec des pays tiers en vue d'accroître l'efficacité de la lutte contre le marché noir des armes et des explosifs ; - le plan d'action annoncé par la Commission, le 12 février 2016, visant notamment, en ce qui concerne la lutte contre les sources de financement du terrorisme, à contrôler les plateformes de change de monnaie virtuelle sur Internet, à mettre fin à l'anonymat pour les cartes prépayées et à mettre en place une coopération plus efficace entre les cellules de renseignement financier ; la mise en discussion de deux propositions législatives annoncées par le plan précité visant, d'une part, à harmoniser la définition des infractions en matière de blanchiment et, d'autre part, à mieux surveiller les mouvements d'espèces ; - l'adoption définitive, au mois de mai 2016, pour une entrée en application au printemps 2017, du règlement renforçant le mandat d'Europol en facilitant, notamment, la création d'unités spécialisées permettant de réagir sans délai aux menaces émergentes dans le domaine du terrorisme tout en augmentant les garanties en matière de protection des données et du contrôle parlementaire ; - la création, le 25 janvier 2016, d'un nouveau centre européen de contre-terrorisme permettant d'améliorer le partage de renseignements pour mieux traquer les financements terroristes, mais également mieux surveiller les activités de l'État islamique et d'autres groupes terroristes sur Internet et sur les réseaux sociaux ; - enfin, s'agissant de la lutte contre la radicalisation, l'adoption, le 7 juin 2016, par le Conseil, d'une stratégie renouvelée de sécurité intérieure pour l'Union européenne sur la période 2015-2020. Sur un sujet aussi sensible et vaste que la lutte contre le terrorisme, ce bilan est donc globalement positif. M. Harlem Désir, au cours de son audition, a indiqué que « le Conseil européen de décembre a fixé sur ces dossiers des objectifs clairs. Un accord est attendu d'ici juin 2017 sur le système d'entrée et de sortie et, d'ici la fin de l'année 2017, sur le système ETIAS. Outre le contrôle des frontières, vous insistiez sur la nécessité pour l'Union européenne de renforcer la coopération policière et judiciaire et la coopération en matière de renseignement, notamment par le biais d'Europol et d'Eurojust. Sur ce plan également des progrès ont été faits. En décembre 2016, le Conseil et le Parlement sont parvenus à un accord sur la proposition de directive visant à renforcer le cadre juridique de l'Union pour la prévention des actes terroristes. Il s'agit notamment d'ériger en infraction certains actes comme l'entraînement au terrorisme ou l'organisation et la participation à des voyages à des fins de terrorisme. Le droit français traite ces cas, mais dans d'autres pays cela reste à organiser. C'est indispensable, afin que les personnes revenant des zones de combat soient traitées sur le plan judiciaire. [...] La stratégie renouvelée de sécurité intérieure pour l'Union pour la période 2015-2020, que vous souteniez dans votre résolution, permet de tirer un bilan régulier des actions menées en matière de lutte contre le terrorisme et de sécurité intérieure ». Cependant, comme l'a indiqué le secrétaire d'État lui-même, « beaucoup reste à faire. En juin prochain, la Commission devrait ainsi formuler des propositions pour renforcer nos systèmes d'information afin de lutter plus efficacement contre le terrorisme sur Internet ». Sur la définition des combattants étrangers, M. Harlem Désir a expliqué qu' « il s'agit d'incriminer les voyages en lien avec des activités terroristes. Les personnes visées sont celles qui se rendent sur les lieux de conflit, sont enrôlées dans les rangs de l'État islamique ou d'autres groupes terroristes et reviennent ensuite en Europe pour agir à des fins criminelles. Nous discutons avec nos partenaires pour élaborer une définition commune. Les points de vue sont pour le moment un peu divergents ; nous souhaitons inclure les activités de recrutement, l'incitation publique et l'apologie du terrorisme, c'est-à-dire établir des critères larges, tout en veillant au respect de toutes les garanties de droit - nous sommes un État de droit, et tout doit se faire sous le contrôle des juges. Le terrorisme est intrinsèquement difficile à définir. Il existe un accord international et des plans d'action de lutte contre le terrorisme, mais jamais l'ONU, par exemple, n'a donné de définition du terrorisme. Qui entre dans cette catégorie ? En Europe, nous disposons, via les listes d'organisations terroristes, de définitions harmonisées. L'inscription d'une organisation sur une de ces listes entraîne un certain nombre de conséquences : nous n'entretenons aucune relation avec elle, nous participons à la combattre, nous saisissons ses avoirs, nous pourchassons ses membres identifiés. Mais définir le terrorisme, en droit, est extrêmement compliqué. Le Parlement français a eu à travailler sur ces sujets à plusieurs reprises ; il est a fortiori difficile de mener un tel travail à 28, mais nous sommes déterminés et confiants sur notre capacité à y parvenir ». |
Enfin, le Sénat, à travers ses commissions permanentes et ses structures temporaires, a conduit des travaux sur plusieurs aspects touchant au phénomène terroriste. Il est ainsi possible de mentionner, outre le rapport précité de la commission d'enquête sur les réseaux djihadistes, celui de la commission d'enquête sur Schengen 13 ( * ) ou celui de la commission des lois sur le désendoctrinement, le désembrigadement et la réinsertion des djihadistes 14 ( * ) .
* 10 Allemagne, Espagne, France, Lettonie et Danemark.
* 11 Rapport intitulé Comment le Sénat influe sur l'élaboration des textes européens (n° 441 ; 2015-2016), du 4 mars 2016, établi par M. Jean Bizet.
* 12 Rapport intitulé Négociations européennes : le Sénat vigilant et écouté (n° 365 ; 2016-2017), du 2 février 2017, établi par M. Jean Bizet.
* 13 Rapport (n° 484 ; 2016-2017), intitulé Circuler en sécurité en Europe : renforcer Schengen , établi par M. François-Noël Buffet, au nom de la commission d'enquête sur les frontières européennes, le contrôle des flux des personnes et des marchandises en Europe et l'avenir de l'espace Schengen.
* 14 Rapport (n° 633 ; 2016-2017), intitulé Les politiques de « déradicalisation » en France : changer de paradigme , établi par Mmes Esther Benbassa et Catherine Troendlé, au nom de la commission des lois.