PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution ;
Vu les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;
Vu l'article 8 du règlement (CE) n° 1/2003 du 16 décembre 2002 du Conseil relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité ;
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 6 mai 2015, intitulée « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe » (COM (2015) 192) ;
Vu les conclusions du Conseil européen des 22 et 23 juin 2017 ;
Vu l'article L 464-1 du code de commerce ;
Vu la résolution européenne adoptée par le Sénat le 30 juin 2015 pour une stratégie européenne du numérique globale, offensive et ambitieuse ;
Vu le rapport d'information sénatorial « L'Europe au secours de l'Internet : démocratiser la gouvernance de l'Internet en s'appuyant sur une ambition politique et industrielle européenne », (n° 696 tome I, 2013-2014) - 8 juillet 2014 - de Mme Catherine MORIN-DESAILLY, fait au nom de la mission commune d'information sur la gouvernance mondiale de l'Internet ;
Considérant que la souveraineté numérique est un enjeu politique majeur pour l'Union européenne ;
Considérant que cette souveraineté ne peut être exercée que par le biais d'un tissu économique et entrepreneurial dynamique qui doit être protégé des abus de position dominante ou des situations monopolistiques suscitées par les grands groupes étrangers ;
Considérant que le droit européen de la concurrence doit être l'outil privilégié pour garantir la croissance des entreprises et des acteurs européens du numérique vers une taille critique permettant à l'Union de parachever sa souveraineté technologique ;
Considérant que la longueur des procédures contentieuses engagées par la Commission européenne au nom du respect de la concurrence fait obstacle à la préservation d'un objectif affiché et ambitieux de développement des technologies européennes ;
Considérant que la législation européenne actuelle relative au déclenchement de mesures conservatoires est trop restrictive pour avoir un effet significatif sur la préservation de l'équilibre du marché européen de l'industrie du numérique ;
Considérant de surcroît que la procédure de l'article 8 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité n'a pas été déclenchée depuis l'entrée en vigueur du règlement en 2004 en dépit de la concentration toujours plus forte des entreprises du numérique autour de grands groupes étrangers ;
Considérant qu'en droit français, l'article L. 464-1 du code de commerce permet de façon plus opérationnelle à l'Autorité de la concurrence d'imposer, en cas d'urgence, des mesures conservatoires aux entreprises dont le comportement anticoncurrentiel porte une atteinte grave et immédiate à l'économie en général, à celle du secteur concerné, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante ;
Demande, en conséquence, que l'article 8 du règlement CE n° 1/2003 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues par les articles 81 et 82 du traité, soit modifié afin de revoir, dans l'esprit de l'article L. 464-1 du code de commerce, les conditions de mise en oeuvre des mesures provisoires que la Commission européenne peut prendre en cas de comportement susceptible de porter atteinte à la concurrence et alléger l'exigence de qualification dudit comportement ;
Fait valoir que ces modifications conduiraient à :
- assouplir les critères de définition du risque d'atteinte à la concurrence résultant de la pratique en cause (« préjudice grave et irréparable ») pour prévoir « le constat d'une atteinte grave et immédiate » ;
- alléger l'obligation pour la Commission d'établir un « constat prima facie d'infraction » en lui substituant celle du constat que la pratique relevée porte une telle atteinte ;
- élargir le champ des intérêts protégés justifiant des mesures provisoires en ne visant plus seulement l'atteinte « aux règles de concurrence » mais également « à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante » ;
Demande à la Commission d'utiliser effectivement l'instrument des mesures provisoires lorsque l'urgence le justifie et dès lors que les conditions permettant sa mise en oeuvre sont réunies ;
Invite le Gouvernement à défendre et faire valoir ces orientations auprès des institutions européennes.