II. LE DISPOSITIF PRÉVU PAR L'ORDONNANCE PREND LE RELAIS DE L'OFFRE TRANSITOIRE EN INCITANT LES CLIENTS À AGIR ET EN FAVORISANT L'OUVERTURE DU MARCHÉ

A. L'ATTRIBUTION DES CLIENTS « DORMANTS » À DES FOURNISSEURS DÉSIGNÉS PAR LA CRE À L'ISSUE D'UN APPEL D'OFFRES

Au 1 er janvier 2016 , ont basculé en offre transitoire , à défaut d'avoir souscrit une offre de marché dans les délais impartis :

- 17 000 sites concernés par la dernière échéance de suppression des TRV de gaz (soit 16 % des 108 000 sites concernés) ;

- et environ 100 000 sites concernés par la suppression des TRV d' électricité (soit 21 % des 468 000 sites concernés, dont près de 90 % sont des sites professionnels de taille moyenne).

Trois mois avant l'expiration de l'offre transitoire, ils étaient respectivement plus de 12 000 en gaz et 62 500 en électricité et, au 29 juin  2016 18 ( * ) , environ 8 500 en gaz et un peu moins de 22 000 en électricité - soit une division par 2 en gaz et par 4,5 en électricité .

Évolution du nombre de sites en offre transitoire

Source : commission des affaires économiques du Sénat,
estimations faites à partir des données de la CRE

Les profils des clients concernés sont variés : il peut s'agir d'artisans, de commerçants, de petites et moyennes entreprises , ayant peu ou pas de temps à consacrer à une démarche de changement de fournisseur - même lorsque l'énergie représente pour eux un poste de dépenses important - voire, dans certains cas, des acheteurs publics , n'ayant pas lancé de procédure de mise en concurrence à temps pour certains, dont les contrats démarreront postérieurement au 1 er juillet pour d'autres, ou dont tous les sites n'ont pas été recensés correctement 19 ( * ) .

Craignant qu'un nombre important de clients se trouvent sans fournisseur au 1 er juillet (crainte fondée au vu du bilan des précédentes échéances de suppression des TRV de gaz et du rythme de bascule constaté jusque-là, mais en partie invalidée par la dynamique observée dans les faits sur les derniers mois), le Gouvernement a soumis à la CRE, en décembre 2015, deux versions alternatives d'un dispositif de continuité de fourniture :

• une prolongation de l'offre transitoire actuelle d'un an supplémentaire auprès de son fournisseur historique, assortie d'une majoration progressive des prix pouvant atteindre 50 %, d'une part ;

• l'affectation des clients concernés à des fournisseurs désignés par la CRE à l'issue d'une procédure de mise en concurrence , d'autre part.

En janvier 2016 20 ( * ) , la CRE s'est prononcée en faveur de la seconde option , considérant en particulier que la première serait « susceptible d'entraîner [...] des restrictions à l'ouverture des marchés » en maintenant les clients inactifs « dans le portefeuille des fournisseurs historiques [...] pour une durée potentiellement illimitée » 21 ( * ) . En outre, une telle « poursuite d'un monopole des fournisseurs historiques au-delà des durées initialement prévues dans le cadre de la fin des TRV » aurait sans doute pu déclencher l'ouverture d'un nouveau contentieux avec la Commission européenne.

Suivant l'avis de la CRE, l'ordonnance du 10 février 2016 22 ( * ) a donc prévu d' organiser l'affectation , dès le 1 er juillet 2016, des clients restés inactifs à des fournisseurs désignés par la CRE à l'issue d'une procédure de mise en concurrence .

Afin de ne pas renforcer l'attentisme des consommateurs, le prix facturé est majoré d'au plus 30 % par rapport aux offres de marché usuelles - soit davantage que les 5 % de majoration moyenne appliquée dans le cadre des offres transitoires - et les fournisseurs lauréats sont sélectionnés sur le montant unitaire reversé à la collectivité nationale pour chaque MWh vendu. Un tel mécanisme doit permettre d'éviter toute sur-rémunération des fournisseurs en limitant les marges à un niveau équivalent ou proche de celui appliqué dans leurs offres de marché habituelles 23 ( * ) .

En outre, un allotissement (géographique et par type de sites de consommation) et des plafonds (par nombre de consommateurs, de lots ou de volumes attribués) peuvent être prévus pour contribuer à l'ouverture du marché.

À l'issue de la première année, les fournisseurs pourront proposer des évolutions contractuelles auxquelles la CRE, comme le client, pourront s'opposer.

La protection des consommateurs est assurée par une information préalable obligatoire sur les conditions du contrat - que le consommateur est toujours libre de refuser - et sur leurs modifications, et par le droit de résilier le contrat à tout moment , sans indemnité.

Enfin, pour permettre aux fournisseurs alternatifs de démarcher les clients susceptibles de souscrire une offre de marché, les fournisseurs historiques doivent transmettre les données de consommation et de contact des clients en offre transitoire à tout fournisseur qui en fait la demande .


* 18 Dernières données disponibles.

* 19 Dans un avis du 27 octobre 2014, le Conseil d'État avait considéré que les acheteurs publics pouvaient bénéficier d'une offre transitoire sans méconnaître les règles de la commande publique dans deux cas : uniquement pour ceux d'entre eux concernés par l'échéance du 31 décembre 2014 (en raison notamment du délai limité dont ils disposaient pour se mettre en conformité et du caractère non reconductible de l'offre) ainsi que pour les marchés inférieurs à 15 000 euros hors taxes. En pratique, des personnes publiques concernées par l'échéance du 31 décembre 2015 ont pu basculer en offre transitoire et auraient représenté, selon la période, entre un tiers et 20 % des clients en offre transitoire.

* 20 Délibération du 13 janvier 2016 portant avis sur les deux projets d'ordonnance relatifs à un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d'électricité.

* 21 À compter du 1 er juillet 2017, le fournisseur historique pouvait proposer de nouvelles conditions contractuelles, réputées tacitement acceptées par le consommateur après information.

* 22 Voir le commentaire de l'article unique ci-après pour une présentation détaillée de son dispositif.

* 23 De plus, une sélection sur la base du meilleur prix proposé au consommateur n'aurait pas permis d'atteindre l'objectif poursuivi en n'incitant pas les clients concernés à rechercher une offre de marché ; dans une telle hypothèse, ceux-ci auraient paradoxalement pu tirer avantage de leur inaction pour bénéficier de prix proches, voire inférieurs aux offres de marché classiques.

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