J. LA RÉFORME DE LA MÉDECINE DU TRAVAIL
Dans le prolongement de la loi du 17 août 2015 29 ( * ) , le projet de loi fait profondément évoluer les dispositions qui régissent la médecine du travail, en reprenant l'essentiel des recommandations formulées par le groupe de travail « Aptitude et médecine du travail » qui visent à adapter la surveillance de l'état de santé des travailleurs au contexte de pénurie de médecins du travail 30 ( * ) .
Au 1 er janvier 2015, le nombre de médecins du travail en activité s'élevait à 5 605 pour environ 16,6 millions de travailleurs.
Cette pénurie est d'autant plus préoccupante que le déclin des effectifs de médecins du travail est loin d'être enrayé : ceux-ci ont connu une baisse de parfois 10 % certaines années au cours de la période récente, selon le conseil national de l'ordre des médecins.
L'âge moyen des médecins du travail s'établit à 55 ans, contre 51,3 ans pour l'ensemble des autres médecins en activité. La part des médecins âgés de plus de 60 ans s'élève à 40 %. La proportion de femmes est de 70 %, contre 43 % en moyenne chez l'ensemble des médecins.
La couverture du territoire en médecins du travail se caractérise en outre par de grandes disparités.
Dans ce contexte, l'article 44 du projet de loi procède à un large assouplissement du régime de l'inaptitude et des règles relatives au suivi médical des travailleurs. Il prévoit en effet :
- le remplacement de la visite d'aptitude à l'embauche effectuée par le médecin du travail par une visite d'information et de prévention réalisée après l'embauche par tout professionnel de santé membre de l'équipe pluridisciplinaire ;
- le maintien d'un suivi médical renforcé pour tout travailleur affecté à un poste présentant des risques particuliers, qui comprend un examen médical d'aptitude réalisé avant l'embauche et renouvelé périodiquement ;
- une adaptation de la fréquence et des modalités du suivi périodique au profil du travailleur et de son environnement de travail ;
- une réforme des règles de constatation de l'inaptitude, avec la suppression de la double visite médicale et la nécessité pour le médecin du travail d'avoir effectué une étude de poste et échangé avec les parties prenantes, avant de constater qu'un changement de poste s'impose ;
- une nouvelle procédure de contestation de l'avis d'aptitude ou d'inaptitude avec un recours porté devant la juridiction prud'homale et non plus devant l'inspecteur du travail ;
- une réforme de l'obligation de reclassement du salarié inapte avec l'extension à l'inaptitude d'origine non professionnelle des dispositions applicables à l'inaptitude d'origine professionnelle et un assouplissement des conditions de rupture du contrat de travail après constatation de l'inaptitude. L'employeur est ainsi exonéré de son obligation de reclassement lorsque l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise.
L' article 44 bis , issu d'un amendement de notre collègue député Joël Giraud et retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, confie au pouvoir réglementaire plutôt qu'aux exploitants ferroviaires le soin de fixer les conditions dans lesquelles l'aptitude des personnels exerçant certaines tâches nécessaires à la sécurité ferroviaire à l'exclusion des conducteurs de train sont définies ; il rapproche ainsi ces règles de celles en vigueur pour les conducteurs de train.
Issu d'un amendement de notre collègue député Jean-Louis Touraine, retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, l' article 44 ter prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les moyens de renforcer l'attractivité de la carrière de médecin du travail.
* 29 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi.
* 30 Rapport de l'inspection générale des affaires sociales, établi par Michel Issindou, Christian Ploton, Sophie Quinton-Fantoni, Anne-Carole Bensadon et Hervé Gosselin, mai 2015.