EXAMEN EN COMMISSION

Réunie mercredi 21 octobre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a examiné le rapport de M. Jacques Genest, rapporteur spécial, sur le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

M. Jacques Genest , rapporteur spécial . - Je présente pour la deuxième fois le rapport budgétaire sur le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé). Ce compte, créé en 1936, visait à faire payer à ceux qui avaient l'électricité une taxe pour financer l'électrification du reste de la France. Le législateur aurait dû faire de même il y a quelques années pour le très haut débit.

Les recettes du Facé sont assises sur une contribution due par les gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité, notamment Électricité réseau distribution France (ERDF). En définitive, ce sont les consommateurs qui payent. Le montant de cette contribution s'élèvera à 377 millions d'euros, soit un montant stable depuis 2012. Le taux est recalculé régulièrement, afin de couvrir les crédits prévus sur l'exercice, et il est fixé par arrêté du ministre chargé de l'énergie. Les clients ruraux payent un peu moins que les urbains.

Les bénéficiaires des aides sont essentiellement les autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité (AODE), syndicats d'électrification mais aussi communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Le regroupement des syndicats est quasiment achevé. Ces dotations financent les travaux sur les réseaux de distribution d'électricité, avec un taux de prise en charge de 80 % hors taxe ; les dotations sont notamment réparties en fonction des départs mal alimentés (DMA) calculés par EDF.

En 2016, la répartition des crédits sera la même qu'en 2015 : 184 millions d'euros pour le renforcement des réseaux, ce qui a un impact direct sur la qualité de l'électricité distribuée ; 81 millions d'euros pour la sécurisation des réseaux, afin de prévenir les intempéries ; 55,5 millions d'euros pour l'enfouissement, pas uniquement pour des raisons esthétiques car en zone de montagne il y va aussi de la sécurité et de la fiabilité. Enfin, 47 millions d'euros sont destinés à l'extension des réseaux - ce qui est insuffisant pour répondre à la demande. Le renforcement et la sécurisation doivent demeurer prioritaires mais il faut réviser à la hausse la part des travaux d'extension et d'enfouissement, afin d'utiliser tous les crédits disponibles.

Les dysfonctionnements observés en 2014 et 2015 ne doivent plus se reproduire. De très importants retards de paiement ont mis en difficulté nombre de syndicats. Après les problèmes de paiement rencontrés en 2012 - après la réforme du Facé - la situation s'était améliorée en 2013, mais le déménagement du siège en 2014 s'est accompagné du départ de certains agents mis à disposition par ERDF. Il en est résulté de graves problèmes d'organisation. Dans l'Ardèche, la situation s'est améliorée, mais d'autres départements rencontrent encore des problèmes pour percevoir les sommes qui leur sont dues au titre de travaux achevés. Or seulement 10 % des crédits sont débloqués en début de chantier...

Il faudrait peut-être s'orienter vers une gestion en régie du Facé afin de garantir le bon fonctionnement de ce compte spécial et réduire les délais de paiement. Les chefs d'entreprise ardéchois apprécient que les syndicats d'électrification leur donnent du travail.

Je vous propose l'adoption, sans modification, des crédits pour 2016 du compte d'affectation spéciale du Facé - qui est un bel instrument de solidarité et d'aménagement des territoires, sous réserve que son fonctionnement s'améliore. Si tel n'était pas le cas, mon avis serait beaucoup plus réservé l'année prochaine.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je partage les propos qui viennent d'être tenus. Quel est le surcoût de l'enfouissement par rapport à des travaux sur les réseaux aériens ? La priorité est-elle le remplacement des fils nus par des fils torsadés ou l'enfouissement ?

M. Jacques Genest , rapporteur spécial . - Les chiffres pour 2016 sont identiques à ceux de 2015, à savoir 55,5 millions d'euros pour l'enfouissement, 39 millions d'euros pour les mises en sécurité, 42 millions d'euros pour le remplacement des fils nus etc. Pour combattre les intempéries, seuls 500 000 euros sont prévus, ce qui est peut-être insuffisant.

M. Michel Bouvard . - Après les élections municipales, les préfets ont pris des arrêtés pour reclasser certaines communes rurales en zones urbaines et inversement. La sécurisation et le renforcement des réseaux sont plus complexes à gérer dans les zones de montagne. Or, compte tenu des densités, des communes rurales de montagne vont passer dans la catégorie urbaine, sans que les caractéristiques des réseaux aient changé. Ne conviendrait-il pas de prendre en compte la loi montagne de 1985 et d'adapter les règlements à la réalité des territoires montagnards ?

M. Daniel Raoul . - La sécurité n'est pas le seul motif de l'enfouissement des lignes : la protection contre les champs magnétiques doit également être prise en compte. Je vous invite à relire mon rapport de juin 2014, sur la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques. Il traitait, en effet, de cette question.

M. Jean-Claude Requier . - Je rappelle que le Facé, excellent outil de péréquation et d'aménagement du territoire, a été créé en 1936 par Paul Ramadier, député socialiste de l'Aveyron et alors sous-secrétaire d'État aux mines, à l'électricité et aux combustibles liquides. Il a créé ce fonds car les grandes agglomérations étaient desservies par des régies alors que les campagnes ne l'étaient pas. La taxe, cinq fois supérieure dans les zones urbaines à ce qu'elle était dans le monde rural, a permis d'équiper les campagnes. Comme notre rapporteur spécial, je regrette que ce schéma n'ait pas été repris pour le numérique.

Je ne sais quelle mouche a piqué le ministère ou EDF mais en 2012, le Facé a été déstabilisé, alors qu'il fonctionnait très bien. Je regrette que l'on ne dispose plus des mêmes crédits pour le renforcement et l'extension des réseaux. À l'époque, la fongibilité des crédits nous donnait une plus grande liberté. Je me réjouis de l'accent mis sur la sécurisation des fils nus. Je voterai bien évidemment ce budget.

Mme Michèle André , présidente . - Merci de nous rappeler régulièrement des morceaux de notre histoire, qui vont de Joseph Caillaux à Paul Ramadier.

M. Michel Berson . - Nous en sommes les héritiers !

M. Jacques Genest , rapporteur spécial . - Je rappelle régulièrement que le Facé a été créé en 1936 et qu'à l'époque, la solidarité à l'égard du monde rural n'était pas un vain mot. Que nos dirigeants actuels ou futurs en prennent de la graine...

La modification des critères du Facé a pu poser des problèmes, monsieur Bouvard. Dans l'Ardèche, les choses se sont plutôt bien passées avec le préfet mais des communes rurales dont les réseaux étaient parfaits ont été transférées en zone urbaine, et nous avons récupéré des communes précédemment classées urbaines dont les réseaux étaient médiocres. Au total, 700 communes rurales sont passées à l'urbain et 200 communes urbaines sont passées en zone rurale. Certes, il faudrait prendre en compte les spécificités des zones de montagne. Dans ma petite commune où les lignes sont enfouies, nous ne rencontrons plus de problèmes.

Je précise que l'arrêté du 27 mars 2013 prévoit une formule de lissage pour atténuer les variations des droits à subvention d'une année sur l'autre. Les enveloppes des syndicats concernés ne devraient donc pas diminuer brutalement.

Enfin, j'ajoute que la réforme du Facé conduite en 2012 a eu un avantage : celui de donner au Parlement un contrôle sur l'exécution de ce fonds.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

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Réunie à nouveau jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

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