EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi en première lecture du projet de loi organique n° 660 (2014-2015) relatif à l'indépendance et à l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société , déposé devant notre assemblée le 31 juillet 2015.

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée et joint à l'examen de ce texte, celui du projet de loi ordinaire n° 661 (2014-2015) portant application des mesures relatives à la justice du XXI ème siècle , rapporté par notre collègue Yves Détraigne.

Cette jonction traduit la volonté du Gouvernement de présenter sa réforme de la justice comme un tout cohérent, les deux textes se complétant pour faire évoluer ensemble le statut de la magistrature et l'organisation judiciaire.

Votre rapporteur a donc conduit ses travaux dans une étroite collaboration avec notre collègue Yves Détraigne, rapporteur du texte de loi ordinaire. Ils ont tenu ensemble plus d'une quarantaine d'heures d'auditions et reçus de nombreuses contributions adressées par des magistrats, des professionnels du droit ou de simples citoyens, via l'espace participatif créé sur le site internet du Sénat.

L'appréciation générale portée sur le projet de loi organique est favorable : le texte était attendu et de nombreux points recueillent un large accord. D'autres, en revanche, sont plus discutés, apparaissant soit inutiles, soit impropres à remplir leur objectif. La finalité gestionnaire du texte -qui n'apparaît pas dans son intitulé- a aussi été soulignée.

Surtout, les auditions réalisées conduisent à rapporter le texte à sa juste mesure : il ne s'agit pas d'instaurer une indépendance ou une impartialité dont la magistrature judiciaire serait aujourd'hui dépourvue. Notre pays dispose d'un corps judiciaire de haute qualité, qui fait honneur à sa mission. Il s'agit seulement, par quelques dispositions concrètes, d'adapter le statut de la magistrature aux exigences de notre temps.

À cet égard, votre rapporteur rappelle que l'indépendance du juge n'a de sens que parce qu'elle protège son impartialité, valeur essentielle, qui détermine la confiance que le justiciable fera à son juge et à l'institution judiciaire toute entière.

I. UN PROJET DE LOI ORGANIQUE DÉTERMINÉ PAR TROIS CONTRAINTES

L'exposé des motifs du projet de loi organique justifie le texte par le souci, d'une part, de consolider davantage l'indépendance de la justice, d'autre part, d'assurer l'impartialité des magistrats et, enfin, d'ouvrir davantage -sans plus de précision- la magistrature sur la société.

Un examen plus attentif des dispositions proposées et de l'étude d'impact jointe au projet de loi montre toutefois que ce texte est principalement motivé par le souci de répondre à trois contraintes.

A. LA CONTRAINTE BUDGÉTAIRE ET GESTIONNAIRE

Notre pays compte aujourd'hui 8 300 magistrats. En dépit des efforts de recrutement consenti et des gains de productivité engrangés, 402 postes de magistrats étaient vacants en 2014, ce qui représente un taux de vacance de 5%.

Parallèlement, les juridictions ne parviennent pas à réduire significativement les délais moyens de traitement des affaires qui leur sont confiées. Dans certains cas, sous l'effet conjugué des difficultés économiques, de l'accroissement de la complexité des affaires et, aussi, du manque de magistrats et de personnels judiciaires, ceux-ci se dégradent, comme en matière civile devant le tribunal de grande instance (TGI) : le délai moyen est passé de 9 mois en 2008 pour cette juridiction à 10,7 mois en 2014. La même année, 30 % des TGI dépassaient ce délai moyen de plus de 15 % 1 ( * ) .

Compte tenu de la situation des finances publiques, il n'est pas envisageable de remédier à cette situation par des recrutements massifs de nouveaux magistrats. Le ministère de la justice est donc conduit à privilégier d'autres types de recrutement, moins coûteux, comme celui de magistrats non professionnels, rémunérés à la vacation. Plusieurs dispositions du présent texte visent ainsi à élargir, par ce biais, le recrutement judiciaire.


* 1 Cf. le projet annuel de performance pour l'action « justice judiciaire » de la mission « justice », joint au projet de loi de finances pour 2016.

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