Section 2
L'organisation du
contentieux de l'aide sociale
Article 55 A (art. L. 132-8, L. 232-19, L. 245-7 et L. 344-5 du code de l'action sociale) - Récupération des prestations d'aide sociale auprès de bénéficiaires de contrats d'assurance-vie
Objet : Cet article vise à permettre à l'État ou aux départements d'exercer un recours en récupération d'aides sociales contre le bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie.
I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
• Cet article avait été adopté par le Sénat, au cours de la première lecture en séance publique, à l'initiative du groupe Les Républicains
Il complétait l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles afin d'étendre les possibilités, pour l'État ou le département, de récupération des aides sociales (allocations, aides non contributives...) à l'encontre des bénéficiaires d'un contrat d'assurance-vie.
Dans sa rédaction initiale, cet article prévoyait la récupération « lorsque le contrat d'assurance-vie est intervenu postérieurement à la demande d'aide sociale ou dans les dix années qui ont précédé cette demande » .
• À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a finalement repris, après l'avoir supprimé en commission, cet article en modifiant toutefois le dispositif
L'amendement du Gouvernement réécrit totalement le 4° de l'article L. 132-8 créé par le Sénat. La récupération des aides ayant un caractère d'avance remboursable serait possible :
« 4° À titre subsidiaire, contre le bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie souscrit par le bénéficiaire de l'aide sociale, à concurrence de la fraction des primes versées après l'âge de soixante-dix ans qui excède 30 500 €. Lorsque plusieurs contrats ont été conclus par le bénéficiaire de l'aide sociale, il est tenu compte de l'ensemble des primes versées après son soixante-dixième anniversaire pour l'appréciation de la limite de 30 500 €. Quand la récupération concerne plusieurs bénéficiaires, celle-ci s'effectue au prorata des sommes versées à chacun de ceux-ci. »
Si le Gouvernement se rallie à la volonté sénatoriale de sécuriser les pouvoirs publics pour la récupération des prestations d'aide sociale à l'encontre des bénéficiaires d'un contrat d'assurance-vie, il en limite toutefois considérablement la portée.
Le nouveau dispositif permet un recours uniquement sur le versement des primes effectué par le souscripteur du contrat après son soixante-dixième anniversaire et sur la fraction des primes versées après l'âge de 70 ans qui excède 30 500 euros. Le périmètre des somme concernées correspond à celui prévu par l'article 757 B du code général des impôts qui soumet les primes d'assurance-vie importantes (supérieure à 30 500 euros) versées tardivement (après 70 ans) aux droits de mutation à titre gratuit.
À l'instar de l'article 757 B, le dispositif prévoit de tenir compte d'une éventuelle multiplication des contrats aux fins de contourner le seuil.
Enfin, l'article 55 A complète les articles L. 239-19 (concernant l'allocation personnalisée d'autonomie), L. 247-7 (prestation de compensation du handicap) et L. 344-5 (frais d'hébergement et d'entretien des personnes handicapées), afin que les prestations qui y sont visées ne puissent pas être récupérées sur les bénéficiaires de contrat d'assurance-vie au même titre que sur les successions, les légations ou les donations.
II - La position de la commission
À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement ( COM-120 ) visant à supprimer le seuil de 30 500 euros, en dessous duquel la récupération des prestations d'aide sociale est impossible. Elle a en effet considéré que les conditions prévues par le texte issu de l'Assemblée nationale rendaient inopérant le dispositif prévu par le Sénat.
La suppression de ce seuil repose sur une question de principe : il n'apparait pas normal qu'un bénéficiaire d'une prestation d'aide sociale, qui correspond à une situation de mauvaise fortune, puisse dans le même temps verser des primes sur un contrat d'assurance-vie.
De plus, comme le notait la rapporteure du texte à l'Assemblée nationale, dans certains cas, la jurisprudence de la commission centrale d'aide sociale et du Conseil d'État, lorsqu'une intention libérale de la part du souscripteur est établie, requalifie le contrat d'assurance-vie en donation, ce qui permet au département d'exercer un recours pour récupérer le montant de l'aide versée auprès du bénéficiaire de l'assurance-vie.
Cet article vise donc à sécuriser les départements dans les procédures contentieuses de récupération. Les seuils actuellement fixés, qui correspondent à une logique fiscale de limiter l'imposition sur les contrats d'assurance-vie, ne peuvent donc pas être transposés dans le cas de la récupération des prestations sociales.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 55 [supprimé] - Demande d'habilitation pour réformer le contentieux de l'aide sociale
Objet : Cet article avait pour objet d'habiliter le Gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à réformer par ordonnance le contentieux de l'aide sociale.
I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
Suivant la position de la commission des lois du Sénat, saisie pour avis, votre commission avait considéré qu'il n'était pas nécessaire d'envisager une réforme globale de l'organisation du contentieux de l'aide sociale pour pallier les conséquences des deux décisions du Conseil constitutionnel rendues à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité. Dès lors, elle avait adopté l'amendement proposé par Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois, restreignant la portée de l'habilitation à la fixation des règles de composition des commissions départementales d'aide sociale (CDAS) et de la commission centrale d'aide sociale (CCAS), renvoyant au projet de loi sur la « justice du 21 ème siècle » la réforme globale de ce contentieux.
• La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a maintenu les modifications apportées par le Sénat et a également adopté un amendement de M. Denys Robillard visant à préciser que l'ordonnance permette la participation de représentants d'usagers au sein des CDAS et de la CCAS.
Prenant acte de la volonté des parlementaires de restreindre la portée de l'habilitation à réformer le contentieux de l'aide sociale par voie d'ordonnance, le Gouvernement a déposé, en séance publique, un amendement de suppression de l'article 55 en renvoyant le débat sur la réforme des juridictions sociales à la discussion du projet de loi pour « la justice du 21 e siècle ».
II - La position de la commission
Votre commission a pris acte de la volonté du Gouvernement de ne pas utiliser ce véhicule législatif pour réformer le contentieux de l'aide sociale. Elle sera attentive aux travaux qui pourront être menés sur la question dans le cadre de l'examen du projet de loi « pour la justice du 21 e siècle ».
Votre commission a maintenu la suppression de cet article.