B. LES MESURES D'ÉQUITÉ ET DE SOLIDARITÉ
Le titre II du projet de loi comporte cinq chapitres qui regroupent les mesures d'équité et de solidarité.
1. Assurer une meilleure prise en compte de la pénibilité dans le cadre de la retraite
Les articles 5 à 10 du projet de loi instaurent un nouveau dispositif de prise en compte de la pénibilité au travail dont le « compte personnel de prévention de la pénibilité » (article 6) constitue le socle.
L' article 5 modifie le régime de la fiche individuelle de prévention des expositions aux facteurs de risques professionnels qui sont à l'origine de la pénibilité en prévoyant sa réalisation obligatoire en cas d'exposition au-delà de seuils objectifs qui seront définis par décret.
L' article 5 bis demande au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2020, un rapport sur l'évolution des conditions de pénibilité auxquelles les salariés sont exposés. Il conditionne également toute modification du décret relatif à la définition des facteurs de risques professionnels à une concertation préalable avec les partenaires sociaux.
L' article 5 ter concerne un rapport que le Gouvernement devra réaliser sur la reconversion des salariés déclarés inaptes.
L' article 6 crée, à destination des salariés du secteur privé exposés aux facteurs de pénibilité, un compte personnel de prévention de la pénibilité. Selon son abondement, celui-ci permettra à son titulaire de bénéficier d'une formation de reconversion, de compenser la différence de rémunération en cas de passage à temps partiel ou d'acquérir des trimestres de durée d'assurance vieillesse. Il sera géré par la Cnav et financé par deux cotisations acquittées par les employeurs.
L' article 6 bis est un article de coordination juridique pour tenir compte de l'attribution aux tribunaux des affaires de sécurité sociale du contentieux lié au compte personnel de prévention de la pénibilité.
L' article 7 assure l'articulation entre le compte personnel de formation et le compte personnel de prévention de la pénibilité.
L' article 8 modifie le régime des accords en faveur de la prévention de la pénibilité, institués en 2010 dans les entreprises d'au moins cinquante salariés exposant au moins 50 % de leur effectif à l'un des facteurs de risques professionnels, en rendant obligatoire un procès-verbal de désaccord avant que l'employeur puisse élaborer un plan d'action unilatéral et en transférant ces dispositions dans le code du travail.
L' article 9 précise les effets de la majoration de durée d'assurance vieillesse attribuée au titulaire d'un compte de prévention de la pénibilité sur ses droits en matière de retraite.
L' article 9 bis change la dénomination d'un chapitre de la loi portant réforme des retraites de 2010 afin de la mettre en adéquation avec les mesures qu'il contient.
L' article 10 abroge deux dispositions de la réforme de 2010 qui n'ont jamais été mises en oeuvre et fixe au 1 er janvier 2015 la date d'entrée en vigueur du compte personnel de prévention de la pénibilité.
L' article 10 bis vise à obtenir du Gouvernement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur la situation de personnes exclues du bénéfice de l'allocation transitoire de solidarité (ATS) bien qu'elles en remplissent les critères d'âge et de chômage.
2. L'équité en matière de transition entre emploi et retraite
Les articles 11 à 12 ter du projet de loi prévoient des mesures visant à accroître l'équité dans le domaine de l'emploi des seniors et de la transition entre l'emploi et la retraite.
L' article 11 procède à un assouplissement de la condition d'âge pour bénéficier du dispositif de retraite progressive qui autorise le cumul d'une activité à temps partiel avec une fraction de la pension et permet donc de poursuivre l'acquisition de droits à retraite pour majorer la pension qui sera liquidée à terme. Il entend accroître l'attractivité de ce dispositif qui demeure très peu utilisé (environ 2 400 bénéficiaires fin 2012).
L' article 12 entend simplifier le dispositif du cumul emploi-retraite en prévoyant, dans un objectif d'harmonisation, qu'à compter du 1 er janvier 2015, la liquidation d'une pension, quel que soit le régime légalement obligatoire dont relève l'assuré, supposera de mettre un terme à l'ensemble de ses activités professionnelles. Il généralise en conséquence le principe de cotisations non génératrices de nouveaux droits à retraite.
L'étude d'impact annexée au projet de loi indique par ailleurs l'intention du Gouvernement d'ouvrir par décret un droit au cumul entre l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et des revenus d'activité. Une proposition de loi en ce sens avait été adoptée en première lecture au Sénat à l'initiative de notre collègue Isabelle Debré.
L' article 12 bis prévoit qu' en cas de dépassement du plafond annuel prévu dans le cadre du dispositif du CER plafonné, les pensions servies ne sont plus suspendues. Au lieu de cette règle qui emporte des conséquences fâcheuses tant pour les assurés que pour les caisses, même pour un dépassement très faible, les montants de pension seront réduits à due concurrence du dépassement.
Enfin, par équité, l' article 12 ter supprime, pour les bénéficiaires d'un âge dérogatoire d'ouverture des droits à pension, la possibilité de cumuler pension de vieillesse et allocation chômage jusqu'à l'âge légal de départ en retraite.
3. Les mesures en faveur des femmes, des jeunes et des assurés ayant des carrières heurtées
Le chapitre III regroupe diverses mesures réparties en faveur des femmes, des jeunes actifs et des assurés ayant connu des carrières professionnelles heurtées.
a) Les femmes
L' article 13 prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement, dans les six mois suivant l'entrée en vigueur du texte, un rapport formulant des propositions pour la refonte des majorations de pension pour enfants de manière à ce qu'elles bénéficient davantage aux femmes qu'en l'état actuel du droit.
L' article 13 bis concerne la remise, dans l'année suivant la promulgation de la loi, d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'évolution des règles relatives aux pensions de réversion.
L' article 13 bis A prévoit de renvoyer à un Conseil d'Etat la définition du mécanisme de coordination entre régimes rendu nécessaire par l'adaptation des règles de partage de la majoration de durée d'assurance dans le cadre de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
L' article 14 permet d'assouplir les règles de validation de trimestres d'assurance vieillesse au titre d'une année dans le régime général et les régimes alignés (salariés agricoles, artisans et commerçants) pour mieux prendre en compte les carrières à temps très partiel ou à faible rémunération. Il sera possible, à compter de 2014, de valider un trimestre sur la base de 150 heures rémunérées au Smic (au lieu de 200).
Cet article ouvre en outre la possibilité de reporter des cotisations non utilisées pour la validation d'un trimestre sur l'année suivante ou sur la précédente lorsque les années en question comptent moins de quatre trimestres validés.
Afin d'éviter qu'un assuré fortement rémunéré ne puisse valider quatre trimestres en quelques semaines d'activité, cet article prévoit la fixation d'un plafond spécifique pour le calcul de la durée d'assurance.
L' article 15 assouplit le dispositif de retraite anticipée pour carrières longues (RACL) en prévoyant l'élargissement possible du champ des trimestres pouvant être réputés cotisés à l'ensemble des « périodes assimilés ». Seront ajoutés aux trimestres aujourd'hui réputés cotisés deux trimestres de chômage et deux trimestres d'invalidité supplémentaires ainsi que tous les trimestres de maternité.
b) Les jeunes
L' article 16 permet d'introduire un tarif préférentiel de rachat de trimestres d'études supérieures pour les rachats effectués dans un délai de dix ans suivant la fin des études et dans la limite de quatre trimestres.
L' article 16 bis ouvre la possibilité de valider des trimestres d'assurance au titre des stages conventionnés et donnant lieu à gratification, dans la limite de deux trimestres.
L' article 16 ter prévoit la remise, avant le 15 juillet 2015, d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les modalités d'une ouverture de droits à retraite au titre des études supérieures.
L' article 17 vise à améliorer la situation des apprentis qui cotisent aujourd'hui sur une assiette forfaitaire trop faible pour leur permettre de valider une durée d'assurance égale à celle de leur contrat. La mesure prévue est double : d'une part, le passage à la prise en compte de l'assiette réelle pour les cotisations vieillesse dues pour les apprentis, d'autre part, l'introduction d'un système de validation complémentaire de droits à retraite de base pour les apprentis qui ne valideraient toujours pas autant de trimestres de retraite que de trimestres d'apprentissage sur une année civile.
c) Les carrières heurtées
L' article 18 permet d'inclure dans les périodes assimilées d'assurance vieillesse l'ensemble des périodes de stages de formation professionnelle continue donnant lieu à cotisation. Cette mesure s'appliquera aux périodes de stage postérieures au 31 décembre 2014. Cet article corrige ainsi une injustice touchant les stagiaires de la formation professionnelle par rapport aux chômeurs, les premiers ne validant au mieux qu'un seul trimestre de retraite par année au titre de leur période de stage tandis que les seconds peuvent se voir valider jusqu'à quatre trimestres au titre de la période de chômage. Il vise également à encourager la formation professionnelle des chômeurs.
L' article 19 permet aux conjoints collaborateurs des indépendants (artisans et commerçants, exploitants agricoles, professions libérales et avocats) de s'affilier à l'assurance volontaire vieillesse en cas de divorce, de décès ou de départ à la retraite du chef d'entreprise ou du professionnel libéral de manière à continuer d'acquérir des droits à retraite.
d) Les mesures en faveur des retraites agricoles
Le chapitre IV comporte trois articles visant à améliorer les pensions agricoles. L'ensemble de ces mesures fait l'objet d'un financement spécifique dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014.
L' article 20 supprime la condition de durée minimale d'assurance pour bénéficier de la pension majorée de référence (PMR) dont l'objet est de garantir un niveau de pension minimal pour les non-salariés agricoles. La PMR ne sera soumise, à compter du 1 er janvier 2014, qu'à deux conditions cumulatives : l'éligibilité à une retraite à taux plein dans le régime des non-salariés agricoles et la liquidation intégrale des droits à retraite dans les régimes de base et complémentaires obligatoires.
L' article 21 prévoit une triple mesure destinée à améliorer la retraite complémentaire obligatoire (RCO) des conjoints collaborateurs et des aides familiaux :
- attribution de points de retraite gratuits aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux au titre des années antérieures à leur affiliation au RCO (intervenue le 1 er janvier 2011) ;
- extension de la pension de réversion du RCO aux conjoints d'assurés décédés en activité ;
- extension du dispositif des droits combinés du régime de base au RCO (qui permet au conjoint survivant d'un chef d'exploitation décédé avant d'avoir demandé la liquidation de sa pension de cumuler les droits du défunt et les siens pour le calcul du montant de retraite s'il reprend l'exploitation).
L' article 22 instaure un complément différentiel de retraite complémentaire dont l'objectif est de porter en trois ans le montant de la retraite des chefs d'exploitation ayant effectué une carrière complète à 75 % du Smic. Il s'applique à l'ensemble des retraités du régime indépendamment de la date de liquidation de leur pension.
e) Les mesures en faveur des assurés handicapés et leurs aidants familiaux
Le chapitre V comprend trois articles ouvrant de nouveaux droits aux assurés handicapés et aux aidants familiaux de personnes handicapées.
L' article 23 redéfinit le critère principal d'éligibilité à la retraite anticipée des travailleurs handicapés pour le rendre plus adapté et moins restrictif. Il substitue en effet progressivement au critère de la RQTH celui du taux d'incapacité permanente de 50 %. Cette mesure s'applique aux pensions prenant effet à compter du 1 er janvier 2014.
L' article 24 permet d'ouvrir par décret la possibilité, pour les personnes handicapées justifiant d'un taux d'incapacité permanente de 50 %, de liquider leur retraite à taux plein dès l'âge d'ouverture des droits (contre 65 ans aujourd'hui) et sans autre condition. Leur régime se voit ainsi aligné sur celui des assurés percevant l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou reconnus inaptes au travail. Cette mesure s'applique aux pensions prenant effet à compter du 1 er janvier 2014. Son coût annuel pour le régime général est évalué à environ 30 millions d'euros.
L' article 25 supprime la condition de ressources à laquelle sont soumis les aidants familiaux pour bénéficier de l'affiliation à l'allocation vieillesse des parents au foyer. L'ensemble des personnes qui réduisent ou interrompent leur activité pour prendre soin d'une personne handicapée ou en perte d'autonomie se verront ainsi garantir la continuité des droits à retraite attachée à cette affiliation.
Cet article crée en outre une majoration de durée d'assurance pour les aidants familiaux en charge d'un adulte lourdement handicapé fonctionnant selon des modalités identiques au dispositif de majoration de durée d'assurance pour enfant handicapé.
L' article 26 bis améliore, pour réduire le faible taux de recours à l'Aspa, le dispositif d'information destinée aux assurés qui y seraient potentiellement éligibles.
L' article 27 bis réduit à deux ans la durée des services effectifs nécessaire pour obtenir une pension militaire. Cette « clause de stage » se voit ainsi alignée sur celle qui s'applique aux fonctionnaires civils.
Tableau n° 13 : Impact financier des mesures d'équité prévues par le projet de loi
(en milliards d'euros constant 2011) |
2014 |
2020 |
2030 |
2040 |
Coût total des mesures d'équité
avant
prise en compte de la cotisation à la charge des
entreprises (pénibilité) et autofinancement des mesures
d'agricoles,
|
-0,2 |
-0,7 |
-2,7 |
-4,1 |
§ mesures de prise en compte de la pénibilité |
0,0 |
-0,5 |
-2,0 |
-2,5 |
§ Mesures en faveur des jeunes, des femmes, des carrières heurtées et des petites pensions |
0,0 |
0,0 |
-0,4 |
-1,3 |
§ Mesures en faveur des retraites agricoles |
-0,2 |
-0,2 |
-0,3 |
-0,3 |
Total des mesures d'équité après
prise en compte de la cotisation à la charge des entreprises
(pénibilité) et autofinancement des mesures
d'agricoles,
|
0,0 |
0,0 |
-2,4 |
-2,7 |
§ Cotisation à la charge des entreprises exposant à la pénibilité |
+0,5 |
+0,5 |
+0,8 |
|
§ Autofinancement des mesures en faveur des retraites agricoles |
+0,2 |
+0,2 |
+0,3 |
+0,3 |
Source : Etude d'impact
Tableau n° 14 : Impact net des mesures d'équité et des mesures de financement
(en milliards d'euros constant 2011) |
2014 |
2020 |
2030 |
2040 |
Impact des mesures de redressement |
4,1 |
8,1 |
15,0 |
21,6 |
Impact des mesures d'équité |
0,0 |
0,0 |
-2,4 |
-2,7 |
Impact net des mesures |
4,1 |
8,1 |
13,1 |
18,6 |
Source : Etude d'impact