CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉGAL ACCÈS DES FEMMES ET DES HOMMES AUX RESPONSABILITÉS PROFESSIONNELLES ET SPORTIVES

Article 19 (art. L. 131-8 du code du sport) - Parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives

L'article L. 131-8 du code du sport définit les conditions dans lesquelles les fédérations sportives peuvent bénéficier de l'agrément du ministre chargé des sports. Celles-ci concernent les statuts de ces fédérations, qui doivent répondre à un ensemble de critères définis en particulier par le décret n° 2004-22 du 7 janvier 2004 relatif à l'agrément des fédérations sportives, aux dispositions obligatoires des statuts des fédérations sportives agréées et à leur règlement disciplinaire type, pris après avis du Comité national olympique et sportif français.

Les fédérations sportives sont constituées sur la forme associative et ont pour objet d'organiser une ou plusieurs disciplines sportives. Elles gèrent la pratique de ces disciplines, aussi bien en tant qu'activité de loisir que sport de haut niveau. On compte aujourd'hui 92 fédérations unisport (31 olympiques et 61 non olympiques), auxquelles il convient d'ajouter 25 fédérations multisports. Les instances dirigeantes de celles-ci sont organisées sur un modèle généralement identique, avec un conseil fédéral et un bureau, renouvelés après chaque olympiade.

Le présent article a pour objet de compléter les dispositions concernant l'agrément des fédérations sportives, en introduisant l'objectif de la parité dans les instances dirigeantes de celles-ci. Les fédérations doivent dans l'état actuel du droit favoriser l'accès des femmes aux fonctions dirigeantes, puisque le décret précité prévoit que « la représentation des femmes est garantie au sein de la ou des instances dirigeantes en leur attribuant un nombre de sièges en proportion du nombre de licenciées éligibles » . La représentation des femmes dépend donc actuellement, en théorie, de la proportion de femmes qui pratiquent la discipline sportive que gère la fédération.

Or, les données retranscrites par l'étude d'impact soulignent qu'en 2012, seulement 35 % des fédérations assuraient la représentativité des femmes au sein de leurs deux niveaux d'instances dirigeantes.

Si ce chiffre était en progression par rapport à 2009 (23 %), il n'en reste pas moins insuffisant quant à l'objectif global de parité que défend le projet de loi.

Le code du sport prévoirait donc, en application du présent article, une stricte parité dans les instances dirigeantes, puisque l'écart entre les membres de chaque sexe ne pourrait pas être supérieur à un.

La réalité sociologique des différentes fédérations est cependant prise en compte, puisque, ainsi que l'a rappelé Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, lors de son audition au Sénat, cette obligation ne s'appliquerait qu'aux fédérations qui comptent au moins 25 % de licenciés de chaque sexe. Pour les autres, l'objectif de représentation des deux sexes est ramené à 25 % au sein de chacune des instances dirigeantes.

De plus, afin d'accompagner les fédérations dans cette évolution majeure, des dérogations pourraient être accordées lors du prochain renouvellement des instances des fédérations en 2016, au lendemain des prochaines olympiades. Un décret en Conseil d'État devrait fixer les conditions de cette étape transitoire, après concertation avec le Comité national olympique et sportif français. Cette marche vers la parité dans les fédérations sportives pour le renouvellement de 2020 devrait en tout état de cause se faire en lien avec les plans de féminisation que chacune des fédérations a l'obligation de présenter, conformément à la décision du comité interministériel aux droits des femmes du 30 novembre 2012.

Votre rapporteur a toutefois entendu les inquiétudes des représentants des fédérations sportives qu'elle a rencontrés lors de ses auditions. Ceux-ci s'interrogeaient sur la nature des dérogations et sur les fédérations qui seront concernées par le décret. Pour cette raison, votre commission invite le Gouvernement à renouveler son engagement de ne pas pénaliser les instances sportives qui ont déjà entamé leur marche vers la parité, mais qui peuvent avoir besoin de l'étape intermédiaire du prochain renouvellement pour atteindre l'objectif final de parité en 2020.

Votre commission a adopté l'article 19 sans modification .

Article 20 (art. 4 et 6-2 [nouveau] de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public) - Représentation équilibrée entre les hommes et les femmes dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises publiques

Le présent article vise à ce que l'ensemble des établissements publics à caractère industriel ou commercial de l'État soient couverts par un dispositif de représentation équilibrée entre les hommes et les hommes d'au moins 40 % au sein du conseil d'administration ou de surveillance ou de l'organe équivalent, en encadrant les nominations des personnalités qualifiées en fonction du sexe.

Lors de l'examen parlementaire de la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle, dite « loi Copé-Zimmermann », pour des motifs d'effectivité juridique de la loi, votre commission avait ajusté le dispositif prévoyant une obligation de représentation équilibrée des sexes au sein des entreprises et établissements publics 61 ( * ) .

. Le droit en vigueur pour les entreprises publiques

Concernant les entreprises publiques, qui relèvent de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, mais qui peuvent avoir le statut de société anonyme au sens du code de commerce, votre commission avait retenu un dispositif de représentation équilibrée des sexes pour chaque autorité de nomination et non globalement, de façon à éviter qu'une autorité de nomination impose ses choix à une autre en termes de parité. Selon ce dispositif, dans les établissements publics industriels et commerciaux de l'État dont le personnel est soumis au droit privé ainsi que dans les entreprises et sociétés dans lesquelles l'État détient plus de la moitié du capital, la nomination des représentants de l'État ainsi que celle des personnalités choisies en raison de leur compétence ou de leur qualité doit, chacune, respecter le seuil de 40 % ou, lorsque sont nommées au plus huit personnes, l'écart entre les deux sexes ne peut être supérieur à deux. Par ailleurs, dans toutes les entreprises publiques, les autres membres des conseils, nommés dans les conditions du droit commun des sociétés anonymes par l'assemblée générale des actionnaires, doivent également respecter le seuil de 40 %. Les nominations ne respectant par cette obligation de parité et ne visant pas à y remédier sont nulles, sans entraîner la nullité des délibérations auxquelles les membres irrégulièrement nommés ont participé.

. Le droit en vigueur pour les établissements publics

S'agissant des établissements publics à caractère industriel et commercial de l'État autres que ceux relevant de la loi du 26 juillet 1983 ainsi que des établissements publics administratifs de l'État, votre commission avait supprimé la disposition générale selon laquelle la proportion d'administrateurs de chaque sexe dans les conseils d'administration ne pouvait être inférieure à 40 %, imposant en outre la modification des décrets constitutifs de ces établissements, au bénéfice d'un rapport au Parlement sur ce sujet. En effet, la portée juridique réelle de cette disposition était douteuse, compte tenu de la grande hétérogénéité des statuts des établissements publics ciblés 62 ( * ) . Son périmètre d'application était incertain, du fait même de son caractère très général. En outre, la distinction entre établissements publics industriels et commerciaux et établissements publics administratifs n'était pas suffisante pour rendre compte avec précision et sans ambiguïté du champ réel des établissements publics concernés 63 ( * ) .

Tirant de fait les conséquences des critiques formulées par votre commission, lors de l'examen par l'Assemblée nationale de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, le Gouvernement a introduit par amendement une disposition plus opérationnelle concernant la représentation équilibrée des sexes dans tous les établissements publics de l'État n'ayant pas le caractère d'entreprise publique relevant de la loi du 26 juillet 1983 précitée, en retenant la catégorie des personnalités qualifiées nommées par l'État. En effet, il est plus simple de prévoir une telle obligation sur une catégorie de membres des conseils relevant d'une seule autorité de nomination, qui peut arbitrer de manière effective dans ses choix de nomination.

Ainsi, l'article 52 de la loi du 12 mars 2012, non codifié, dispose que la proportion de personnalités qualifiées de chaque sexe nommées en raison de leurs compétences, expériences ou connaissances, dans les conseils d'administration, les conseils de surveillance ou les organes équivalents des établissements publics non mentionnés à l' article 1 er de la loi du 26 juillet 1983 ne peut être inférieure à 40 %. Cette obligation est applicable à compter du deuxième renouvellement de l'instance après la promulgation de la loi 64 ( * ) . A l'instar de ce qui est prévu dans le code de commerce pour les sociétés commerciales, lorsque le conseil comprend au plus huit membres et que le seuil de 40 % est par conséquent complexe à appliquer, il est prévu que l'écart entre les représentants de chaque sexe au sein de l'instance ne peut être supérieur à deux. Comme pour les sociétés commerciales également, les nominations intervenues en violation de cette obligation sont nulles, sans entraîner la nullité des délibérations auxquelles la personne irrégulièrement nommée a participé.

. Le projet de loi : la généralisation à toutes les entreprises publiques non couvertes du dispositif retenu pour les établissements publics

Le présent article propose de mettre en place un dispositif similaire au sein de la loi du 26 juillet 1983 précitée, limité à la nomination des personnalités qualifiées, dans les entreprises publiques qui ne sont pas couvertes par la règle instituée par la loi du 27 janvier 2011 précitée. Il crée pour ce faire un nouvel article 6-2 au sein de la loi du 26 juillet 1983, en vertu duquel la proportion de personnalités qualifiées de chaque sexe nommées, en raison de leurs compétences, expériences ou connaissances, dans les conseils d'administration, les conseils de surveillance ou les organes équivalents de ces entreprises ne peut être inférieure à 40 %. Conformément au droit existant en la matière, lorsque l'instance est composée de huit membres au plus, il est prévu que l'écart entre les deux sexes ne peut être supérieur à deux. En outre, les nominations intervenues en violation de cette obligation sont nulles, sauf à améliorer la représentation du sexe sous-représenté, sans pour autant entraîner la nullité des délibérations auxquelles la personne irrégulièrement nommée a participé.

Seraient ainsi désormais concernés les établissements publics industriels et commerciaux de l'État dont le personnel est soumis au droit privé ainsi que les entreprises et sociétés dans lesquelles l'État détient directement plus de la moitié du capital, lorsque le nombre des salariés est inférieur à 200 et qu'il n'existe aucune filiale. Seraient également concernés les établissements et les entreprises mentionnés à l'annexe III de la loi du 26 juillet 1983, rappelée dans l'encadré ci-après. Ne seraient pas couvertes en revanche les autres sociétés anonymes dans lesquelles l'État détient, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital : en tout état de cause ces sociétés sont couvertes par les dispositions du code de commerce prévoyant une obligation de représentation équilibrée entre les sexes au sein du conseil d'administration ou de surveillance.

Annexe III de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public

Agence nationale pour les chèques-vacances ;

Banque de France ;

Caisse centrale de coopération économique ;

Comédie-Française ;

Économat des armées ;

Entreprise de recherche et d'activité pétrolières ;

Établissements publics d'aménagement définis à l'article L. 321-14 du code de l'urbanisme ;

Établissement public de Paris-Saclay ;

Institut d'émission d'outre-mer ;

Institut d'émission des départements d'outre-mer ;

Institution de gestion sociale des armées ;

Matra et ses filiales ;

Théâtre national de Chaillot ;

Théâtre national de l'Odéon ;

Théâtre national de l'Est parisien ;

Théâtre national de Strasbourg ;

Les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'ouvrages routiers à péage, lorsque plus de la moitié de leur capital est détenu, directement ou indirectement, par l'État ou un de ses établissements publics ;

Sociétés concessionnaires des grands aéroports régionaux créées en application de l'article 7 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports ;

Société du Grand Paris ;

L'Agence de l'innovation industrielle ;

Les établissements publics fonciers définis à l'article L. 321-1 du code de l'urbanisme ;

L'Agence foncière et technique de la région parisienne.

Au regard de ses travaux antérieurs sur ce sujet, votre commission a jugé ce nouveau dispositif satisfaisant et juridiquement opérationnel.

Par ailleurs, dans la mesure où le présent projet de loi, en dehors de ses dispositions pénales, est la juxtaposition de diverses mesures ponctuelles, il a semblé préférable à votre commission, dans un souci de lisibilité, d'intégrer les éventuelles dispositions particulières d'entrée en vigueur qui concernent certaines d'entre elles au sein même des articles qui les instituent. Ainsi, sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement afin de « rapatrier » au sein de l'article 20 les dispositions figurant à l'article 24 qui sont relatives à ses modalités d'entrée en vigueur, sans les modifier sur le fond.

Ainsi, ces nouvelles obligations de représentation équilibrée des sexes dans les nominations des personnalités qualifiées au sein des instances des établissements publics industriels et commerciaux de l'État entreraient en vigueur à compter du deuxième renouvellement de ces instances suivant la publication de la présente loi. Un seuil intermédiaire de 20 % est toutefois prévu, comme dans les établissements publics visés par la loi du 12 mars 2012 précitée, mais aussi dans les sociétés privées cotées par la loi du 27 janvier 2011 précitée. Ce seuil intermédiaire serait applicable dès le premier renouvellement des conseils. Afin de renouveler de façon harmonieuse et non brutale les personnalités qualifiées désignées par l'État dans ces établissements publics, votre rapporteur considère qu'il faut effectivement un peu de temps.

Votre commission a adopté l'article 20 ainsi modifié .

Article 20 bis [nouveau] (art. 5 de la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle) - Conditions d'entrée en vigueur de l'obligation de représentation équilibrée entre les hommes et les femmes au sein des conseils d'administration ou de surveillance des sociétés anonymes non cotées

Introduit par votre commission sous forme d'un amendement présenté par son rapporteur, le présent article vise à remédier à une incertitude dans l'interprétation du calendrier d'entrée en vigueur des obligations de la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle. En effet, des interprétations apparemment divergentes sont susceptibles de faire échec à la volonté du législateur, qui a souhaité un calendrier progressif de mise en oeuvre.

La loi du 27 janvier 2011 s'applique aux sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ainsi qu'aux sociétés qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen d'au moins cinq cents salariés permanents et présentent un montant net de chiffre d'affaires ou un total de bilan d'au moins 50 millions d'euros. Elle impose l'obligation de comporter au sein du conseil d'administration ou de surveillance au moins 40 % de membres de chaque sexe. Ces dispositions modifiant le code de commerce entrent en vigueur à compter du 1 er janvier 2017, en application du I de l'article 5 de la loi du 27 janvier 2011.

Ainsi, concernant les sociétés cotées, l'obligation s'applique directement à compter du 1 er janvier 2017. Elle s'apprécie à l'issue de la première assemblée générale ordinaire qui suit cette date. Concernant les sociétés de plus de 500 salariés et plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires ou de total de bilan lors de trois exercices consécutifs, le I de l'article 5 de la loi précitée indique que le troisième exercice consécutif s'entend à compter du 1 er janvier 2017, c'est-à-dire que l'obligation s'applique à compter du 1 er janvier 2020. Elle s'apprécie aussi à l'issue de la première assemblée générale ordinaire qui suit cette date.

Cette précision concernant l'entrée en vigueur de l'obligation concernant les sociétés non cotées résulte d'un amendement adopté en séance publique à l'initiative de notre collègue Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur du texte au nom de votre commission, afin de clarifier le point de départ du décompte des trois exercices au cours desquels a lieu le franchissement du seuil de 500 salariés et 50 millions d'euros de chiffre d'affaires ou de total de bilan pour que les sociétés concernées soient soumises à l'obligation de représentation équilibrée.

Or, cette disposition semble receler une ambiguïté d'interprétation. En effet, certains estiment que le troisième exercice de franchissement des seuils, qui déclenche l'application de l'obligation pour les sociétés concernées, est celui qui s'ouvre au 1 er janvier 2017. En d'autres termes, les trois exercices à considérer ne seraient pas 2017, 2018 et 2019, mais 2017 serait le dernier des trois, de sorte que les sociétés non cotées seraient soumises à l'obligation dès le 1 er janvier 2018 si elles ont franchi les seuils les trois années précédentes, et non le 1 er janvier 2020.

La volonté de votre commission, à l'origine de ce dispositif d'entrée en vigueur décalée pour les sociétés non cotées, et donc la volonté du législateur est de donner à ces sociétés - qui peuvent être, dès lors qu'elles ne sont pas cotées, des sociétés à caractère familial dans lesquelles la composition des conseils est plus difficile à faire évoluer - trois ans de plus que les sociétés cotées pour se préparer à l'obligation de représentation équilibrée.

Dans ces conditions, votre commission a jugé nécessaire de clarifier les conditions d'entrée en vigueur de l'obligation pour les sociétés non cotées, afin qu'elle s'applique de façon certaine à compter du 1 er janvier 2020 seulement. Une telle disposition trouve pleinement sa place dans le présent projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 20 bis ainsi rédigé .

Article 21 (art. L. 713-16 du code de commerce) - Représentation équilibrée entre les hommes et les femmes dans les chambres de commerce et d'industrie

Le présent article vise à renforcer la présence des femmes au sein des chambres de commerce et d'industrie (CCI). Il complète l'article L. 713-16 du code de commerce pour prévoir que les membres élus d'une CCI de région et leurs suppléants sont de sexe différent, étant entendu que les membres élus à la CCI de région et leurs suppléants sont également membres de la CCI territoriale de leur circonscription d'élection.

Le mode de scrutin des CCI est largement réglementaire. Toutefois, dès lors que le second alinéa de l'article 1 er de la Constitution, tel qu'il résulte de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, confie à la loi le soin de favoriser « l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales » 65 ( * ) , il appartient au législateur de prendre les dispositions nécessaires pour conduire à un meilleur équilibre entre les hommes et les femmes au sein des instances dirigeantes des milieux économiques, à l'instar de ce qui a été fait par la loi du 27 janvier 2011 précitée au sein des conseils d'administration et de surveillance des sociétés. La qualité de membre d'une CCI constitue bien une responsabilité professionnelle ou sociale au sens de l'article 1 er de la Constitution.

Le Gouvernement a fait le choix de ne pas modifier le mode de scrutin des CCI, par exemple en introduisant un scrutin proportionnel de liste, en vue d'accélérer leur féminisation. En effet, les CCI ont fait l'objet récemment d'une importante réforme, par la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, au cours de laquelle le changement de mode de scrutin a été écarté, car elles ne souhaitent pas perdre la souplesse de leur mode actuel de scrutin plurinominal majoritaire à un tour 66 ( * ) , qui permet les candidatures isolées ou sous forme de liste ainsi que le panachage, à l'instar du mode de scrutin en vigueur dans les petites communes.

Votre commission partage cette approche pragmatique de l'équilibre entre les hommes et les femmes dans l'accès aux responsabilités économiques et professionnelles, permettant de tenir compte les réalités objectives des secteurs économiques concernés. Entendue par votre rapporteur, CCI France (Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie) a fait part de sa satisfaction à l'égard du dispositif proposé. On peut en effet relever que ce dispositif, compte tenu du nombre des ressortissants des CCI, est peu contraignant.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, compte tenu des modalités d'organisation des chambres territoriales et régionales, ce dispositif devrait mécaniquement conduire à ce qu'au moins 24 % de femmes siègent dans l'ensemble du réseau des CCI. L'étude d'impact fournit à cet égard des chiffres précis pour chaque chambre régionale et territoriale.

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle, de façon à prévoir plus précisément et explicitement, au sein de l'article L. 713-16 du code de commerce, que les candidats à l'élection des membres des CCI régionales et leurs suppléants sont de sexe différent, plutôt que d'énoncer que les membres des CCI régionales et leurs suppléants sont de sexe différent, sans en faire une règle de candidature.

Par ailleurs, le présent article prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement, dans les six mois suivant le renouvellement des CCI postérieur à l'entrée en vigueur de la présente loi, c'est-à-dire après les élections prochaines de 2015, afin de dresser un bilan de la présence des femmes dans les chambres et de proposer des évolutions pour la renforcer encore. En effet, au-delà de l'approche pragmatique, l'objectif de long terme doit demeurer la recherche d'un plus grand équilibre entre les hommes et les femmes, voire la parité.

Habituellement réticente à la multiplication des rapports au Parlement, votre commission en a admis l'opportunité dans le cas présent, en souhaitant toutefois en élargir le champ à l'ensemble des chambres consulaires. Aussi, afin de prévoir un tel rapport d'ensemble dans un article spécifique (article 22 ter ), votre commission a-t-elle adopté un amendement présenté par son rapporteur destiné à supprimer ce rapport spécifique aux CCI.

Votre commission a adopté l'article 21 ainsi modifié .

Article 22 (art. L. 511-7 du code rural et de la pêche maritime) - Représentation équilibrée entre les hommes et les femmes dans les chambres d'agriculture

Le présent article vise à introduire une obligation de représentation équilibrée entre les hommes et les femmes sur les listes de candidats aux élections des chambres d'agriculture. Il complète pour ce faire l'article L. 511-7 du code rural et de la pêche maritime, qui dispose actuellement que les membres des chambres d'agriculture sont élus pour six ans et sont rééligibles, pour prévoir que la proportion des candidats de chaque sexe ne peut être inférieure à un tiers, sauf impossibilité tenant au nombre de sièges à pourvoir, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.

En dehors de ces seules dispositions actuelles de l'article L. 511-7 et des articles L. 511-8 et L. 511-9 relatifs au contentieux électoral, le mode de scrutin des chambres d'agriculture est très largement réglementaire. Or, comme cela a déjà été indiqué concernant les chambres de commerce et d'industrie, il appartient au seul législateur de prévoir des dispositions de nature à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles.

Dans la perspective des élections de janvier 2013, un décret n° 2012-838 du 29 juin 2012 a toiletté les dispositions réglementaires du code rural et de la pêche maritime relatives à l'élection des chambres d'agriculture. Il a également prévu que chaque liste de candidats, pour chaque collège électoral de la chambre, devait comporter au moins un candidat de chaque sexe par groupe de trois, de sorte qu'en pratique il devait y avoir au moins un tiers de femmes candidates.

L'article R. 511-6 du code rural et de la pêche maritime, qui figure dans l'encadré ci-après, dispose que les chambres d'agriculture sont composées de nombreux collèges, le principal d'entre eux étant celui des chefs d'exploitation, ce qui suppose de nombreuses élections distinctes, collège par collège. Certains comportent un nombre très limité de sièges.

Article R. 511-6 du code rural et de la pêche maritime

Les chambres départementales d'agriculture sont composées :

1. De vingt et un membres élus au scrutin de liste départemental par les chefs d'exploitation et assimilés mentionnés au 1° de l'article R. 511-8 ;

2. De deux membres élus au scrutin de liste départemental, par les propriétaires et usufruitiers mentionnés au 2° de l'article R. 511-8 ;

3. De membres élus au scrutin de liste départemental, par les salariés mentionnés au 3° de l'article R. 511-8. Ces membres sont élus par deux collèges distincts :

a) Celui des salariés de la production agricole ;

b) Celui des salariés des groupements professionnels agricoles, chaque collège élisant quatre représentants ;

4. De deux membres élus au scrutin de liste départemental, par les anciens exploitants et assimilés mentionnés au 4° de l'article R. 511-8 ;

5. De membres élus au scrutin de liste départemental, par les groupements professionnels agricoles, répartis entre les cinq collèges suivants :

a) Les sociétés coopératives agricoles, ainsi que leurs unions et fédérations dont l'objet principal, déterminé par leurs statuts, est directement relatif à la production agricole ou à la mise en oeuvre des moyens de production agricole, à raison d'un représentant ;

b) Les autres sociétés coopératives agricoles, leurs unions et fédérations, ainsi que les sociétés d'intérêt collectif agricole reconnues comme groupements de producteurs à condition qu'elles aient leur siège social dans le département, à raison de quatre représentants ;

c) Les caisses de crédit agricole, à raison de deux représentants ;

d) Les caisses d'assurances mutuelles agricoles et les caisses de mutualité sociale agricole, à raison de deux représentants ;

e) Les organisations syndicales à vocation générale d'exploitants agricoles ou de jeunes agriculteurs, ainsi que leurs unions et fédérations cantonales, intercantonales ou départementales, à raison de deux représentants ;

6. Du ou des conseillers des centres régionaux de la propriété forestière, élus par le collège des propriétaires forestiers mentionnés à l'article L. 321-7 du code forestier.

Or, deux organisations syndicales susceptibles de présenter des listes de candidats dans le collège des salariés agricoles 67 ( * ) ont formé un recours devant le Conseil d'État pour contester l'obligation de représenter chaque sexe, au motif notamment d'une impossibilité matérielle parfois de trouver des femmes dans certains départements pour se porter candidates. Dans son arrêt du 7 mai 2013, rendu postérieurement aux élections de janvier 2013, le Conseil d'État a annulé la disposition contestée, pour des raisons de forme, considérant qu'en vertu de l'article 1 er de la Constitution « le législateur est seul compétent, tant dans les matières définies notamment par l'article 34 de la Constitution que dans celles relevant du pouvoir réglementaire en application de l'article 37, pour adopter les règles destinées à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats, fonctions et responsabilités mentionnés à l'article 1 er précité » 68 ( * ) .

Ainsi, même lorsqu'un dispositif électoral relève pleinement du pouvoir réglementaire - il en est ainsi pour les chambres consulaires, car l'article 34 ne mentionne que le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France -, il n'appartient qu'au législateur de prévoir des dispositions relatives à la parité, au besoin en « habilitant le Gouvernement à édicter des mesures destinées à rendre effectif un accès plus équilibré des femmes et des hommes ».

Dans ces conditions, le présent article tire les conséquences de l'arrêt du Conseil d'État du 7 mai 2013.

Il dispose ainsi, en vue des prochaines élections qui doivent avoir lieu en 2019, qu'un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application de l'article L. 511-7 du code, afin notamment de garantir, pour chaque collège, que la proportion des candidats de chaque sexe n'est pas inférieure à un tiers, sauf impossibilité tenant soit au nombre de sièges à pourvoir soit, pour les élections aux chambres régionales, à la condition qui serait imposée à certains candidats d'être élus dans une chambre départementale. L'objectif d'égal accès des femmes et des hommes aux chambres d'agriculture étant ainsi posé, votre rapporteur juge pertinent de renvoyer pour ses modalités de mise en oeuvre à un décret en Conseil d'État. À l'initiative de son rapporteur, votre commission a toutefois adopté un amendement de clarification rédactionnelle de ces dispositions.

En outre, le présent article prévoit, en vue des élections ultérieures qui doivent avoir lieu en 2025 et sous les mêmes réserves, que l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un, c'est-à-dire qu'il exige une stricte parité dans les listes de candidats, exigence à laquelle ne sont pas soumises, à titre de comparaison, les candidats aux chambres de commerce et d'industrie compte tenu de leur mode de scrutin propre.

Au vu de la composition sociologique actuelle des professions agricoles et de la faiblesse de leurs effectifs dans certains collèges, votre commission a jugé plus raisonnable de s'en tenir, à ce stade, à l'obligation de représenter chaque sexe par au moins au tiers des candidats. En effet, entendue par votre rapporteur, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) a fait état du risque d'impossibilité de présenter des candidats dans certains départements en cas de stricte obligation paritaire, tout en acceptant l'obligation de présentation au tiers, bien qu'elle ait donné lieu aux difficultés à l'origine du recours devant le Conseil d'État. Aussi votre commission a-t-elle adopté à l'initiative de son rapporteur un amendement supprimant l'obligation de parité sur les listes en 2025.

Estimant cependant que l'obligation de représenter chaque sexe par au moins un tiers des candidats ne pouvait constituer qu'une obligation temporaire dans la perspective d'une représentation à terme plus équilibrée, en fonction de la féminisation en cours des professions agricoles, votre commission a prévu, au sein de l'article 22 ter , la remise d'un rapport au Parlement sur cette question, concernant l'ensemble des chambres consulaires.

Votre commission a adopté l'article 22 ainsi modifié .

Article 22 bis [nouveau] (art. L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales) - Obligation de parité dans les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux

Introduit par votre commission sous forme d'un amendement présenté par notre collègue Catherine Tasca, le présent article vise à instaurer la règle selon laquelle les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) comportent autant de femmes que d'hommes, dans la continuité des instructions données par le ministère de l'intérieur aux préfets de région en 2013 en vue d'atteindre au moins 40 % de femmes dans ces conseils.

Sans ignorer les difficultés tant juridiques que pratiques que soulève une telle disposition en l'état, votre commission a considéré utile, dès l'établissement de son texte, de la faire figurer dans la loi, au moins dans son principe, mandatant son rapporteur pour proposer en vue de la séance les ajustements nécessaires.

En effet, l'obligation de stricte parité soulève plusieurs difficultés au regard des règles de composition et de nomination des CESER, qui sont d'ordre réglementaire 69 ( * ) .

D'une part, près de la moitié des CESER comporte actuellement un nombre impair de membres, résultant de l'addition des membres de leurs quatre collèges : collège des entreprises et activités professionnelles non salariées, collège des syndicats de salariés, collège des associations ainsi que des associations environnementales et des personnalités qualifiées en matière d'environnement, enfin collège des personnalités qualifiées. Certes, dès lors que le nombre de membres par collège est fixé par voie réglementaire, il est possible de la modifier pour obtenir un nombre pair. La composition des CESER répond toutefois à des équilibres parfois complexes parmi les acteurs économiques, sociaux et environnementaux de la région.

D'autre part, et surtout, la difficulté réside dans le fait que les membres des CESER relèvent de plusieurs autorités de nomination : chambres consulaires, organisations patronales, syndicats de salariés représentatifs dans la région, associations diverses... Comment assurer une stricte parité dans un organe en cas de pluralité des autorités de nomination dans cet organe ? Au vue de la répartition par collège, telle qu'elle fixée par décret pour chaque région, le préfet de région fixe par arrêté la liste des organismes habilités à désigner des membres au ainsi du CESER, leur nombre de représentants et, le cas échéant, leurs modalités particulières de désignation. C'est donc au niveau de chaque organisme habilité qu'il faudrait prévoir des règles de parité.

Enfin, cette disposition ne prend pas en compte la situation des CESER d'outre-mer, qui relèvent d'une organisation particulière et, dans certains cas, double, avec un conseil économique et social régional (CESR) et un conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement (CCEE).

Dans ces conditions, votre rapporteur considère qu'il faut prévoir dans le code général des collectivités territoriales un fondement législatif solide, mais opérant, pour assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des CESER par voie réglementaire, dans le cadre du processus actuel de désignation des différentes catégories de membres, plutôt qu'une obligation de stricte parité qui semble difficilement applicable en l'état.

Votre commission a adopté l'article 22 bis ainsi rédigé .

Article 22 ter [nouveau] (art. 8 [nouveau] du code de l'artisanat) - Représentation équilibrée entre les hommes et les femmes dans les chambres de métiers et de l'artisanat

Introduit par votre commission sous forme d'un amendement présenté par son rapporteur, le présent article vise à introduire une obligation de représentation équilibrée entre les hommes et les femmes sur les listes de candidats aux élections des chambres de métiers et de l'artisanat. Il crée à cette fin un nouvel article 8 au sein du code de l'artisanat.

Comme pour les chambres de commerce et d'industrie et les chambres d'agriculture, le mode de scrutin des chambres de métiers et de l'artisanat est très largement réglementaire. L'article 7 du code de l'artisanat, de valeur législative, se borne à prévoir que « les modalités d'organisation et de fonctionnement des établissements publics constituant le réseau des chambres de métiers et de l'artisanat (...) sont fixées par décret en Conseil d'État », sans même évoquer le principe selon lequel les membres des chambres sont élus.

Actuellement, comme c'était d'ailleurs le cas avant l'arrêt du Conseil d'État du 7 mai 2013 précité pour les chambres d'agriculture, une telle obligation existe au niveau réglementaire. Pour les mêmes raisons, il convient de lui donner un fondement législatif. Votre rapporteur s'étonne de ce que le Gouvernement n'ait pas profité du présent projet de loi pour y procéder sans délai, alors qu'il comporte déjà des dispositions relatives aux deux autres réseaux consulaires.

Aussi votre commission a-t-elle jugé nécessaire et opportun, à l'occasion du présent projet de loi, d'introduire des dispositions relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes aux élections des chambres de métiers et de l'artisanat. Les prochaines élections devraient avoir lieu en 2015.

En application du décret n° 99-433 du 27 mai 1999, les membres des chambres de métiers sont élus au scrutin de liste sans collège, modalité qui simplifie la constitution des listes et l'application d'une obligation de représenter les deux sexes. L'article 3 du décret du 27 mai 1999, tel qu'il a été modifié par le décret n° 2010-651 du 11 juin 2010, dispose que chaque liste de candidats doit être composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. Toutefois, à titre transitoire et dérogatoire, l'article 33 du décret du 11 juin 2010 dispose, pour les élections intervenant en 2010, que chaque liste doit comporter au moins un candidat de chaque sexe par groupe de quatre candidats. Entendue par votre rapporteur, l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) a fait connaître qu'elle souhaitait la pérennisation de cette dérogation.

Alors que les chambres d'agriculture, élues elles aussi au scrutin de liste, seraient soumises à l'obligation de présenter au moins un candidat de chaque sexe pour trois candidats, il serait curieux que les chambres de métiers demeurent tenues à une obligation moindre. Aussi, votre commission a jugé nécessaire de prévoir une obligation similaire à celle concernant les chambres d'agriculture, dans la mesure où la sociologie des professions concernées est comparable. Pour instituer une telle obligation, il est nécessaire de prévoir dans la loi que les membres des chambres sont élus et qu'ils le sont au scrutin de liste, ce qui revient à intégrer dans la loi des dispositions qui sont aujourd'hui réglementaires. Votre commission n'a toutefois pas souhaité faire figurer dans la loi la durée du mandat, à l'inverse de ce qui est prévu par le code rural et de la pêche maritime pour les chambres d'agriculture, comme cela a été indiqué plus haut : une telle disposition s'écarterait nettement de l'objet du présent projet de loi et ne relèverait pas de la compétence de votre commission.

Dans la perspective d'éventuelles évolutions législatives futures, votre commission a également souhaité que le rapport au Parlement sur la présence des femmes dans les chambres consulaires, figurant à l'article 22 ter , englobe les chambres de métiers et de l'artisanat.

Votre commission a adopté l'article 22 ter ainsi rédigé .

Article 22 quater [nouveau] - Rapport au Parlement sur la représentation équilibrée entre les hommes et les femmes dans les chambres consulaires

Introduit par votre commission sous forme d'un amendement présenté son rapporteur, le présent article prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur la présence des femmes dans les chambres consulaires, à l'issue de leur prochain renouvellement, qu'il s'agisse des chambres de commerce et d'industrie (CCI), des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) ou des chambres d'agriculture, reprenant ainsi et généralisant ce qui était prévu par l'article 21 du projet de loi pour les seules CCI. Ce rapport devra en outre proposer au législateur des mesures permettant de progresser vers la parité, tout en tenant compte des réalités sociologiques des professions concernées et de leur évolution dans les prochaines années.

Dans la mesure où le prochain renouvellement des CCI et des CMA devrait avoir lieu en 2015, un unique rapport pourrait être établi pour ces deux réseaux, au plus tard au 30 juin 2016. En revanche, les chambres d'agriculture devant être renouvelées en janvier 2019, un rapport spécifique devrait leur être consacré, au plus tard le 31 décembre 2019.

Ce rapport permettrait donc de réévaluer et, si le législateur en décide ainsi, de renforcer les dispositions législatives relatives à l'équilibre entre les femmes et les hommes pour l'élection des chambres consulaires.

Habituellement réticente à la multiplication des rapports au Parlement, votre commission a jugé, de façon pragmatique, qu'un tel rapport était nécessaire afin de ne pas légiférer de façon abrupte et de tenir compte de l'évolution de la place des femmes dans les professions concernées.

Votre commission a adopté l'article 22 quater ainsi rédigé .

Article 23 - Habilitations du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relevant de la loi

Cet article prévoit deux habilitations différentes.

La première autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, des mesures relevant normalement du domaine de la loi, pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes au sein d'autorités administratives indépendantes, de commissions et instances consultatives ou délibératives et au sein de certains conseils et conseils d'administrations.

La seconde autorise le Gouvernement à prendre dans les mêmes conditions des mesures prévoyant une obligation de formation sur les violences faites aux femmes et leurs conséquences dans la formation initiale et continue des professionnels impliqués dans la prévention et la détection de ces violences.

Ces ordonnances devront être prises dans un délai de douze mois à compter de la publication de ce texte, puis, pour chacune d'elles, un projet de loi portant ratification devra être déposé dans les trois mois suivant leur publication.


• Les mesures favorisant l'égal accès des femmes et des hommes à certains organismes

L'article premier de la Constitution dispose que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ».

L'application de l'article 1 er de la Constitution par le Conseil d'État

Le Conseil d'État, dans un arrêt du 7 mai 2013 70 ( * ) , a affirmé clairement que « le législateur est seul compétent , tant dans les matières définies notamment par l'article 34 de la Constitution que dans celles relevant du pouvoir réglementaire en application de l'article 37, pour adopter les règles destinées à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats, fonctions et responsabilités mentionnés à l'article 1 er précité ; qu'il appartient seulement au Premier ministre en vertu de l'article 21 de la Constitution[...], de prendre les dispositions d'application de ces mesures législatives ».

Il a alors censuré les dispositions du décret du 29 juin 2012 71 ( * ) qui prévoyaient, pour les élections des chambres d'agriculture, « au moins un candidat de chaque sexe par tranche de trois candidats », estimant que « le Premier ministre, en l'absence de disposition législative habilitant le Gouvernement à édicter des mesures destinées à rendre effectif un accès plus équilibré des femmes et des hommes aux organes dirigeants des chambres d'agriculture, a méconnu l'étendue de sa compétence ».

Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État du 7 mai 2013 (voir encadré), toute disposition tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes dans les domaines prévus par l'article 1 er de la Constitution, y compris au sein de structures dont le fondement est réglementaire, doivent passer par une loi.

Dès lors, à l'article 23, le Gouvernement demande au Parlement de lui accorder l'habilitation nécessaire pour mettre en oeuvre des mesures favorisant l'égal accès des femmes et des hommes à certains organismes relevant du champ des « responsabilités professionnelles et sociales », au sens de l'article 1 er de la Constitution.

Votre rapporteur s'interroge néanmoins sur ce que recouvrent les termes de « responsabilités professionnelles et sociales ».

Il ressort des travaux préparatoires de la révision constitutionnelle de 2008, que l'introduction de cette disposition avait principalement vocation à favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans le milieu professionnel, en levant les obstacles identifiés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 mars 2006 72 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel n'a pas depuis précisé ce que recouvrait précisément cette notion.

A l'occasion d'une décision rendue le 13 décembre 2012 73 ( * ) , il a fait application de l'article 1 er de la Constitution pour considérer que « sur ce fondement, il était loisible au législateur d'adopter des dispositions ayant pour objet de favoriser la parité au sein du Haut Conseil des finances publiques ».

Dans cette décision, citant in extenso l'article 1 er , le Conseil constitutionnel ne précise pas si les dispositions sont validées car elles s'inscrivent dans le champ des « responsabilité professionnelles et sociales ». Cette interprétation se déduit a contrario de la décision de 2006 précitée, selon laquelle « les mandats électoraux et fonctions électives », font référence à des « élections à des mandats et fonctions politiques », ce qui n'était pas le cas des dispositions en cause à propos du Haut conseil des finances publiques.

L'arrêt du 7 mai 2013 du Conseil d'État précité, n'apporte pas plus de précisions, car il cite également l'article 1 er dans son intégralité. Il est donc difficile de savoir si les dispositions relatives aux chambres d'agriculture censurées relevaient des mandats électoraux et fonctions électives, ou bien des responsabilités professionnelles et sociales.

Cette question se pose ici avec une acuité particulière car la demande d'habilitation formulée par le Gouvernement couvre un nombre important de structures. Or, l'intervention du législateur pour favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes doit se limiter aux dispositions en rapport avec les mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'avec les responsabilités professionnelles et sociales. La question est donc de savoir si tous les organismes concernés par la demande d'habilitation entrent bien dans ce champ.

Cette difficulté ne concerne pas les autorités administratives indépendantes, puisque ces structures trouvent, pour la grande majorité d'entre-elles, leur fondement dans la loi. Donc, dans l'hypothèse où elles n'entreraient pas dans le champ de la compétence que le législateur tient de l'article 1 er de la Constitution, et sauf à considérer que les dispositions instaurant la parité en leur sein ne sont que des dispositions d'application de la loi relevant du domaine réglementaire, la compétence du législateur ne peut être mise en doute. La demande d'habilitation est donc juridiquement nécessaire au Gouvernement pour prendre des dispositions les concernant.

Quant aux conseils et conseils d'administration des caisses de sécurité sociale, également concernés par la demande d'habilitation, ils entrent sans hésitations dans le champ des responsabilités sociales de l'article 1 er de la Constitution.

Les autorités administratives indépendantes et les conseils et conseils d'administration concernés par l'habilitation

La demande d'habilitation concerne en premier lieu les autorités administratives indépendantes (AAI).

En mai 2013, 41 AAI 74 ( * ) ont été recensées, parmi lesquelles l'Autorité de la concurrence, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, la Commission d'accès aux documents administratifs... Certaines de ces AAI sont dotées de la personnalité morale (la Haute autorité de santé ou l'Autorité des marchés financiers), et sont qualifiées d' « autorités publiques indépendantes » 75 ( * ) .

Peu d'AAI prévoient des dispositions mettant en place une organisation paritaire ou au moins équilibrée entre les hommes et les femmes. C'est toutefois le cas, par exemple, du Conseil supérieur de l'audiovisuel. L'habilitation demandée concerne l'ensemble des AAI dont la composition est collégiale.

La demande d'habilitation concerne également les « conseils et conseils d'administration prévus aux articles L. 221-3, L. 221-5, L. 222-5, L. 223-3 et L. 225-3 du code de la sécurité sociale ». Sont ici visés les conseils et conseils d'administration des caisses nationales du régime général et de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale 76 ( * ) .

Ces conseils sont constitués à parité de représentants des organisations syndicales nationales de salariés et d'organisations professionnelles nationales d'employeurs représentatives. Ils comprennent également des représentants d'autres institutions qui diffèrent en fonction des conseils : la fédération nationale de la mutualité française (FNMF) ainsi que des institutions intervenant dans le domaine de l'assurance maladie pour la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), ou l'union nationale des associations familiales (UNAF) pour la caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Ils comprennent enfin des personnalités qualifiées choisies par l'État. Les membres de ces différentes instances sont nommés pour cinq ans.

À l'heure actuelle, la présence des femmes au sein de ces différentes instances est relativement modeste : elles sont 35 % au conseil de la CNAMTS ainsi qu'au conseil d'administration de la CNAF, 43 % à celui de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et 23 % au conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Aucune présidence et vice-présidence n'est occupée par une femme.

La situation est plus délicate s'agissant des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres ou de la Banque de France.

Cette catégorie disparate comprend pas moins de 668 entités, dont une part importante relève du domaine réglementaire. Ces structures sont celles mentionnées à l'article 112 de la loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995 de finances pour 1996. Cet article prévoit que « le Gouvernement présente chaque année au Parlement, en annexe du projet de loi de finances, la liste de toutes les commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres ou de la Banque de France prévues par les textes législatifs et réglementaires ». L'annexe au projet de loi de finances pour 2013 en a dressé la liste (668 pour 2012) 77 ( * ) . La demande d'habilitation ne concerne que les structures collégiales.

Pour entrer dans le champ de l'habilitation, ces structures sont donc supposées relever toutes des « responsabilités professionnelles et sociales » au sens de l'article 1 er de la Constitution, ce que considère le Gouvernement.

L'étude d'impact précise 78 ( * ) néanmoins que le Gouvernement n'épuisera pas nécessairement toute l'habilitation, notamment pour tenir compte des renouvellements d'AAI ou des suppressions de commissions engagées dans le cadre de la modernisation de l'action publique.

En tout état de cause, votre rapporteur attire l'attention du législateur sur le fait que la plupart de ces commissions relèvent du domaine réglementaire. L'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions relatives à leur organisation paritaire ne saurait entraîner une « légalisation » de ces structures. Seules les mesures favorisant l'égal accès des femmes et des hommes à ces organismes devront figurer dans une loi.

À ce sujet, l'étude d'impact annexée au projet de loi précise 79 ( * ) que « lorsque les commissions seront de niveau réglementaire, les ordonnances prévoiront [seulement] le principe de parité ainsi que la liste des instances concernées ; il appartiendra au pouvoir réglementaire de tirer les conséquences . »


• Les mesures organisant la formation des acteurs de la lutte contre les violences faites aux femmes

Bien consciente de la nécessité de prévoir la mise en place d'une formation adaptée des professionnels impliqués dans la lutte contre les violences faites aux femmes, votre commission en a posé le principe général dans la loi (cf. supra, article 15 bis , nouveau ).

En revanche, elle a estimé que les modalités d'application de cette obligation générale de formation ne relevaient pas du domaine législatif.

En effet, le contenu des programmes de formation des professionnels concernés est principalement fixé par le pouvoir réglementaire. Dès lors, elle a jugé que l'habilitation du Gouvernement à intervenir par ordonnance, prévue par cet article, était inutile.

Votre commission a donc adopté un amendement de son rapporteur supprimant la demande d'habilitation relative au domaine de la formation.

Votre commission a adopté l'article 23 ainsi modifié .


* 61 Des dispositions étaient par ailleurs prévues pour l'élection des représentants du personnel au sein des conseils.

* 62 Statut réglementaire mais aussi législatif, absence de conseil d'administration, par exemple pour les chambres consulaires...

* 63 Cas des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSCP), au premier rang desquels figurent les universités, dont les membres des conseils sont en large partie élus par les enseignants et les usagers.

* 64 Un seuil intermédiaire de 20 % est applicable à compter du premier renouvellement. En outre, si l'un des deux sexes n'est pas représenté, un représentant au moins de ce sexe doit être nommé à la plus prochaine vacance. Ces dispositions sont similaires à celles instituées pour les sociétés cotées dans le code de commerce.

* 65 Alors que l'objectif d'égal accès aux mandats électoraux et fonctions électives a été introduit dans la Constitution par la révision du 8 juillet 1999, l'ajout des responsabilités professionnelles et sociales est la conséquence directe de la décision du Conseil constitutionnel n° 2006-533 DC du 16 mars 2006 sur la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, qui a censuré des dispositions imposant une représentation minimale de chaque sexe au sein des organes dirigeants ou consultatifs de diverses personnes morales de droit public ou privé, car la dérogation au principe d'égalité fondé sur le sexe prévue par la Constitution ne concernait que les mandats politiques.

* 66 Article L. 713-16 du code de commerce.

* 67 Fédération CFTC de l'agriculture (CFTC-AGRI) et Fédération générale des travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et des services annexes - FO (FGTA-FO).

* 68 Cet arrêt est consultable à l'adresse suivante :

http ://arianeinternet.conseil-etat.fr/arianeinternet/ViewRoot.asp?View=Html&DMode=Html&PushDirectUrl=1&Item=1&fond=DCE&Page=1&querytype=advanced&NbEltPerPages=4&Pluriels=True&dated_date_lec_s=07/05/2013&datef_date_lec_s=07/05/2013

* 69 Article R. 4134-1 à R. 4134-7 du code général des collectivités territoriales.

* 70 Conseil d'État, 7 mai 2013, Fédération CFTC de l'agriculture, Fédération générale des travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et services annexes Force Ouvrière, n° 362280.

* 71 Décret n° 2012-838 du 29 juin 2012.

* 72 Dans la décision n° 2006-533 DC du 16 mars 2006 « Loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes », le Conseil constitutionnel avait déclaré contraires à la Constitution les dispositions concernant l'accès des femmes à des instances délibératives et juridictionnelles, estimant qu'elles contrevenaient au principe d'égalité devant la loi. Il avait également estimé que, selon les travaux parlementaires, les dispositions du cinquième alinéa de l'article 3 de la Constitution, aux termes duquel « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », ne s'appliquaient « qu'aux élections à des mandats et fonctions politiques ».

* 73 Décision n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012 « Loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ».

* 74 La liste des AAI est reproduite à la page 102 de l'étude d'impact annexée au projet de loi.

* 75 La catégorie des autorités publiques indépendantes (API) se fond pour partie dans celle des AAI.

* 76 Les articles L. 221-3 et L. 221-5 concernent la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, l'article L. 222-5, la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, l'article L. 223-3 concerne la caisse nationale des allocations familiales et l'article L. 225-3, le conseil d'administration de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.

* 77 http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/farandole/2013/pap/pdf/Jaune2013_liste_des_commissions.pdf

On y trouve par exemple : la Commission pour la transparence et la qualité des opérations immobilières de l'État, le Conseil d'orientation des retraites, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, la Commission consultative des polices municipales, la Commission de conciliation du télépéage, la Commission des téléphériques, Commission interministérielle de la sûreté aérienne, l'Observatoire de la laïcité, la Commission de suivi de la détention provisoire...

* 78 Étude d'impact annexée au projet de loi page 106.

* 79 Étude d'impact annexée au projet de loi page 106.

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